4. Compte rendu de de mission du comité de pilotage NéoPal dans
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4. Compte rendu de de mission du comité de pilotage NéoPal dans
Base de données NEOPAL – Travaux des experts 2009 4. Compte rendu de de mission du comité de pilotage NéoPal dans le fossé rhénan supérieur 18 et 19 juin 2009 Rédacteurs : O. Bellier, S. Baize, Ch. Durouchoux et M. Sébrier 4.1. CONTEXTE Le graben supérieur du Rhin (Upper Rhine Graben – URG ; Figure 1) appartient au système de rift Ouest-européen et fait partie des grands Rifts intracontinentaux au monde (i.e. Baikal, rift Est-Africain, Rio Grande …). Celui-ci s’étend sur plus de quinze cents kilomètres de la Mer du Nord à la Méditerranée. Au cours de son évolution cénozoïque, il a connu de forts taux d’extension essentiellement pendant le Paléogène et une activité volcanique non négligeable (Auvergne, domaine rhénan). Le graben supérieur du Rhin proprement dit correspond à un fossé d’environ 40 km de large et de 300 km de long qui est limité au Nord par le Massif Rhénan et l’appareil volcanique du Vogelsberg et au Sud par le front septentrional du Jura. L’altitude moyenne du plancher du rift est modérée (environ 200 m). Il est bordé par des épaulements pouvant atteindre dans sa partie supérieure des altitudes de 1000 à 1500 m (Vosges et Forêt Noire). Le graben est bordé à l’E comme à l’W par une zone de failles listriques à pendages forts près de la surface (70 à 80°), orientée NNE-SSW. On observe des rejets verticaux de l’ordre de 500 m sur les failles affectant les dépôts de remplissage tertiaires et un remplissage total de 1000 à 3500 m. Bien que la période majeure du rifting du graben supérieur du Rhin soit paléogène, cette région se caractérise par une activité sismique notable, de type faible à modérée (Figure 2). La répartition des sismicités instrumentale et historique montre que la moitié sud du fossé rhénan se caractérise par une sismicité significativement plus importante que celle de sa partie nord, à la fois dans le fossé lui même et sur ses bordures. Cette sismicité et caractérisée par plusieurs séismes historiques de magnitudes supérieures à 5. 4.2. EVOLUTION TECTONO-SEDIMENTAIRE DU FOSSE RHENAN SUPERIEUR L’histoire tectono-sédimentaire cénozoïque à actuelle du fossé supérieur du Rhin est relativement complexe. L’extension majeure d’âge éocène supérieur et oligocène, qui est responsable du rifting, succède à un régime décrochant à l’Eocène moyen (≈40-48 Ma) qui semble contemporain de l’épisode compressif pyrénéen. Ce raccourcissement méridien affecte toute la croûte de l’Europe occidentale. BRGM/RP-57831-FR – Rapport final 31 Base de données NEOPAL 2009 Figure 1 – A/ Le système de rift cénozoïque européen d’après Ziegler (19925) avec le Graben supérieur du Rhin (URG). LRG = Graben du Rhin inférieur, HG = Rift Hessian, BG = Graben de Bresse, LG = Graben de Limagne, RG = Graben du Rhône. B/ carte géologique de l’URG modifiée d’après Lahner et Toloczyki (2004)6. C/ Carte montrant l’extension des domaines varisques. Dans Peters (2007)7 5 Ziegler P.A. (1992), European Cenozoic rift system. Tectonophysics, 208: 91-111. 6 Lahner L. and Toloczyki M. (2004) – Geowissenschaftliche Karte der Bundesrepublik Deutschland 1:2000000 – Geologie und Verkehr, GK2000. Bundesanstalt für Geowissenschaften und Rohstoffe, Hannover. 7 Active tectonics in the Upper Rhine Graben. Integration of paleoseismology, geomorphology and geomechanical modelling. 32 BRGM/RP-56981-FR – Rapport final Base de données NEOPAL – Travaux des experts 2009 Figure 2 – Distribution des séismes de magnitude ML > 2 enregistrés dans la zone de l’URG entre 858 et 2002 (Peters, 2007)8 Le maximum d’extension s’étend de L’Eocène supérieur à l’Oligocène inférieur (Sissingh, 199819) et résulte d’une extension E-W qui affecte l’Ouest de l’Europe, L’initiation du rifting passif (stade « tectonique » du rifting) se produit à l’Eocène supérieur (≈37 Ma). En effet, la subsidence est très forte (≈0,4-0,5 mm/a) entre 37 et 31 Ma et permet l’envahissement du centre du fossé par la mer qui est responsable du dépôt de couches salifères marines (Figure 3). A partir de 27 Ma, le retrait de la mer s’initie et les dépôts deviennent alors continentaux (lacustres) jusqu’à la fin de l’Oligocène. Au Mio-Pliocène, la cinématique du domaine de rift est dominée par un régime décrochant transtensif, caractérisé par un axe d’extension NE-SW. L’inversion des mécanismes au foyer des séismes montre qu’actuellement l’extension domine, l’axe de tension étant orienté NE- 8 Peters (2007) - Active tectonics in the Upper Rhine Graben. Integration of paleoseismology, geomorphology and geomechanical modelling. 9 SIssingh W. (1998), Comparative Tertiary stratigraphy of the Rhine Graben, Bresse Graben and Molase Basin : corrélation of Alpine foreland évents, Tectonophysics 300, 249-284. BRGM/RP-57831-FR – Rapport final 33 Base de données NEOPAL 2009 SW implique une cinématique oblique, senestre normale, sur la plupart des failles majeures du fossé supéreur du Rhin. En terme de tectonique régionale, le Nord et le Sud du graben ont des caractéristiques différentes : le domaine septentrional du graben est marqué par une subsidence et une sédimentation continentale quasi continue alors que le Sud est caractérisé par un soulèvement régional qui s’accompagne d’une phase d’érosion au Miocène ; ainsi les dépôts plio-quaternaires (maximum 250 m dans la région de Freiburg im Breisgau) sont discordants sur les séries oligocènes. 4.3. STRUCTURE DU FOSSE DU RHIN Les profils de sismique réflexion (ECORS-DEKORP) montrent clairement une structure d’ensemble asymétrique, mais cette asymétrie est inversée entre le nord et le sud du graben. Au Sud, la faille majeure borde le bassin à l’Ouest. Elle est listrique avec des pendages d’environ 55° dans la croûte supérieure et diminue progressivement vers la croûte inférieure. La majorité des interprétations semblent montrer un déplacement vertical d’environ 2 km de l’interface croûte-manteau (i.e., du Moho). Cette dissymétrie implique que le dépôt-centre du fossé est décalé vers l’Ouest. Au Nord du graben on observe une même géométrie d’ensemble comparable ; cependant la faille majeure est localisée à l’Est du bassin ce qui a permis la localisation d’un dépôt-centre localisé vers la bordure orientale du bassin. Parallèlement, à cette variation longitudinale de la géométrie on peut noter que le remplissage total varie du Sud vers le Nord avec 1000 m de dépôts au Sud pour 3500 m, au Nord (Figure 4), cette différence résulte probablement du soulèvement continu de l’avant pays jurassien (Sundgau) depuis le Miocène. La sismique réfraction ainsi que les campagnes de sismologie (programme lithoscope, enregistrement de la vitesse de propagation des ondes P) ont mis en évidence : 1-un amincissement crustal (24 km de croûte / 30 km pour croûte normale), ainsi qu’un amincissement lithosphérique ; 2- l’existence d’un manteau anormal sous le fossé ; 3- une lithosphère supérieure (sous crustale) anormalement chaude jusqu’à 60 km de profondeur (Vp très atténuées). 4.4. SISMICITE ET TECTONIQUE ACTIVE La sismicité instrumentale du fossé rhénan reste modérée, toutefois de fortes secousses ont ébranlées la région ; la plus importante correspond au séisme de Bâle de 1356 qui produisit plusieurs centaines de mort. La ville de Bâle fut très largement détruite en partie à cause de l’incendie qui suivit le tremblement de terre. L’intensité épicentrale (macrosismique) du séisme de Bâle est de IX (Sisfrance), et correspondrait à des magnitudes estimées comprises entre 6,2 (Lambert et al., 2005) et 6,9 (projet PEGASOS). Par ailleurs, une sismicité régulière de magnitude estimée de l’ordre de 5 caractérise le Fossé rhénan supérieur (i.e., séismes du Kaiserstuhl en 1926, de Rastatt, 1933, de Seltz en 1952, de Sierentz en 1980 ou de Waldkirch en 2004). 34 BRGM/RP-56981-FR – Rapport final Base de données NEOPAL – Travaux des experts 2009 Figure 3 – Lithostratigraphy du graben supérieur du Rhin (d’après Sissingh, 1998) BRGM/RP-57831-FR – Rapport final 35 Base de données NEOPAL 2009 Figure 4 –A/ isobath de la base des dépôts tertiaires (relativement à la surface) d’après Doebl & Olbrecht (1974)10. B/ isobath de la base des dépôts quaternaires, d’après Bartz (1974)11 et Haimberger et al. (2005)12 10 Doebl F. and Olbrecht W. (1974) – An isobath of the Tertiary Base in the Rhinegraben. In: K. Fuchs and J.H. Illies (Editors), Approaches to Taphogenesis, Stuttgart, pp. 71-72. 11 Bartz J. (1974) – Die Mächtigkeit des Quartärs im Oberrheingraben. In: K. Fuchs and J.H. Illies (Editors), Approaches to Taphrogenesis. E. Schweitzerbart’sche Verlagsbuchhandlung, Stuttgart, pp. 78-87. 12 Haimberger R., Hoppe A. and Schëfer A. (2005) – High-resolution seismic survey on the Rhine River in the norther Upper Rhine Graben. Int. J. Earth Sci. (Geol Rundsch.), 94(4): 657-668. 36 BRGM/RP-56981-FR – Rapport final Base de données NEOPAL – Travaux des experts 2009 Les études paléosismiques entreprises le long des failles de ce graben suggèrent des possibilités de réactivations récentes, c’est-à-dire au cours du Pléistocène voire de l’Holocène, de ces accidents. Les vitesses de déplacement vertical quaternaire sont en général nettement inférieures à 0,1 mm/an, ce qui correspond à l’ordre de grandeur des vitesses de faille qui caractérisent les failles actives du territoire métropolitain. Les vitesses de subsidence relative du plancher de graben par rapport aux épaulements (Forêt Noire) déduites des mesures GPS sont elles de l’ordre de 0.1-0.2 mm/an et cohérentes avec les vitesses de subsidences déduites de l’accumulation des sédiments plio-quaternaires. 4.5. LE SITE D’OSTHOFEN AU NORD DE L’URG Le site d’Osthofen (49,7213°N ; 8,3154°E ; vers 100 m d’altitude) est situé à 10,5 km au NNW du centre ville de Worms et à 2 km au NNW du bourg d’Osthofen (Figure 5). Ce site est localisé sur la limite W de la plaine alluviale wurmienne du Rhin, celle-ci coïncide approximativement à cet endroit avec la trace en surface de la faille bordière occidentale (Western Border Fault - WBF) de la partie Nord du graben du Rhin. Dans cette partie Nord du graben supérieur du Rhin, la WBF sépare le bassin de Mayence (une dépendance paléogène du graben du Rhin), à l’Ouest, du fossé du Rhin proprement dit, à l’Est. La WBF, orientée NNE, est une faille normale à pendage E qui est antithétique de la faille majeure à pendage W qui borde à l’Est le fossé du Rhin entre Frankfort et Heidelberg. Le long de la partie septentrionale de la WBF, l’épaisseur totale du remplissage du fossé rhénan est de 3200 m près de Worms dont environ 40 m de Quaternaire à proximité du site d’Osthofen. Figure 5 – Localisation de la faille bordière occidentale (WBF), la faille de Worms (WF) et la faille de Oppenheim-GrPunstadt (OGF) au nord de l’URG. (Peters, 2007)13 13 Peters (2007) - Active tectonics in the Upper Rhine Graben. Integration of paleoseismology, geomorphology and geomechanical modelling. BRGM/RP-57831-FR – Rapport final 37 Base de données NEOPAL 2009 L’étude paléosismologique du site d’Osthofen (Peters et al. 2005 et 200714) a été effectuée sur la partie sud, la plus rectiligne, du segment de la WBF qui s’étend approximativement sur 18 km entre Oppenheim et Osthofen (Figure 6). D’Osthofen vers le sud, ce segment est relayé par la faille de Worms. D’après les profils sismiques, la trace de la WBF est approximativement localisée au niveau d’un dénivelé topographique d‘environ 30 m, entre un plateau lœssique situé à l’Ouest vers 120 m et la terrasse wurmienne du Rhin située à l’Est vers 90 m. Dans le détail (Figure 7), l’escarpement qui correspond à ce dénivelé est affecté par deux ruptures de pente : un petit talus (<1 m) en haut de l’escarpement vers 112 m et un talus plus marqué (≈5 m) vers le bas de l’escarpement, entre 95 et 105 m. Ces talus sont en partie façonné par l’exploitation viticole, néanmoins le talus inférieur, le plus élevé, a très vraisemblablement une origine naturelle. L’étude conduite à ce site avait donc pour but de déterminer si l’escarpement topographique résultait en partie d’une réactivation quaternaire de la WBF. Elle repose sur la mise en œuvre de plusieurs profils géophysiques de proche surface (électrique, sismique, GPR), de carottages, suivi par le creusement de quatre tranchées. Les résultats de ces explorations montrent une zone de sédiments perturbés localisés au niveau de l’escarpement topographique. Les observations de tranchées ont montré la présence au pied de cet escarpement d’une faille normale (« main fault ») avec un pendage de 60°E et un déplacement de 50-60 cm de dépôts contenant des âges TL compris entre 19 et 37 ka détail (Figure 8). Un déplacement similaire a été observé dans la partie haute de cet escarpement mais avec un style de fracturation beaucoup plus distribué (Figure 9). D’autre part, ces tranchées on permis d’observer de nombreuses évidences d’instabilités gravitaires montrant des glissements de sédiments superficiels vers l’Est ou des dépôts de pente vers la même direction, c’est-à-dire vers la plaine alluviale du Rhin. En conclusions, cette étude montre clairement que ces failles coexistent avec des glissements des sédiments superficiels vers l’Est. Ces instabilités devraient être associées à la dynamique fluviale de la plaine alluviale du Rhin. En conséquence deux interprétations sont possibles : soit la totalité des observations peut s’expliquer par la seule dynamique fluviale et l’escarpement topographique n’est que le bord de la plaine alluviale du Rhin, soit cet escarpement résulte de l’interaction de l’érosion fluviale et de l’activité sismique. Cette dernière alternative est privilégiée par les auteurs de l’étude qui pensent que le déplacement d’un demi mètre résulte d’un séisme de Mw=6.5 qui s’est produit entre 8 et 19 ka. Le taux de déplacement sur la faille étant probablement de l’ordre de 0,04 mm/a. Cependant, les observations décrites pourraient tout aussi bien correspondre à la dynamique de la concavité d’un méandre sans qu’il y ait d’activité de faille. Il convient de souligner que la majorité des indices paléosismologiques qui ont été décrits dans le graben supérieur du Rhin sont dans des configurations similaires au site d’Osthofen. Ainsi on ne possède pas de données indiscutables qui puisse étayer qu’une rupture de surface se serait produite au cours du Pléistocène ou de l’Holocène lors d’un séisme sur une des failles majeures du fossé supérieur du Rhin. 14 Peters, G., T. Buchmann, P. Connolly, R. van Balen, F. Wenzel & S. Cloetingh (2005), Interplay between tectonic, fluvial and erosional processes along the Western Border Fault of the northern Upper Rhine Graben, Germany, Tectonophysics 406, 39-66. Peters G. (2007), Active tectonics in the Upper Rhine Graben : Integration of paleoseismology, geomorphology, and Geomechanical modeling, Thèse Vrije Universiteit Amsterdam, 298p. 38 BRGM/RP-56981-FR – Rapport final Base de données NEOPAL – Travaux des experts 2009 Figure 6 – MNT des 20 km étudiés de l’escarpement. La trace en surface de la WBF (ligne tiretée) est cartée à l’aide de la morphologie (Steuer, 191115 ; Frank, 200116). Au sud de Oppenheim, deux failles E-W transverses à la WBF (lignes continues, d’après Steuer, 1911) limitent un glissement de terrain. Dans Peters (2007)17 15 Steuer A. (1911) – Geologisch Karte des Grossherzogtums Hessen im Masstabe 1 :25000, Erläuterungen, Blatt Oppenheim Hessisches Landesamt für Bodenforschung, Wiesbaden. 16 Frank W.R. (2001) – Geologische Karte von Rheinland-Pfalz 1 :25000, Erläuterungen, Blatt 6215 GauOderheim. Geologisches Landesamt Rheinland-Pfalz, Mainz. 17 Peters (2007) - Active tectonics in the Upper Rhine Graben. Integration of paleoseismology, geomorphology and geomechanical modelling. BRGM/RP-57831-FR – Rapport final 39 Base de données NEOPAL 2009 Figure 7 – Carte topographique détaillée du site de la tranchée montrant la localisation des tranchées et des coupes.(Peters, 2007) 40 BRGM/RP-56981-FR – Rapport final Base de données NEOPAL – Travaux des experts 2009 Figure 8 – Coupe de la tranchée TR1 du mur sud montrant les unités stratigraphiques, les failles, les décollements et les datations en âge absolu (Peters, 2007)18. 18 Peters (2007) - Active tectonics in the Upper Rhine Graben. Integration of paleoseismology, geomorphology and geomechanical modelling. BRGM/RP-57831-FR – Rapport final 41 Base de données NEOPAL 2009 Figure 9 – Coupes de la tranchée TR3. Le zoom sur la zone de la faille (C) met en lumière le déplacement vertical de 0.7m et le déplacement de 0.4m du sommet de l’unité 1B. L’unité 2B montre un décallage d’un minimum de 0.5m. Peters (2007) 4.6. LES INDICES NEOTECTONIQUES DU CENTRE DE L’URG (UPPER RHINE GRABBEN) Au cours de l’excursion de juin 2009, le comité de pilotage a visité les 3 sites suivants dans la région centrale du Fossé rhénan supérieur. Ces 3 indices sont qualifiés « d’indices néotectoniques possibles » dans la base NEOPAL. 42 BRGM/RP-56981-FR – Rapport final Base de données NEOPAL – Travaux des experts 2009 4.6.1. Riedseltz Il s’agit d’une carrière exploitant des sables fluviatiles pliocènes. L’observation néotectonique d’origine (Monninger, 198519) était une faille normale mettant en contact près de la surface une couche de loess sableux « würmiens » avec les sables pliocènes, à quelques kilomètres à l’est de la bordure ouest du fossé rhénan. La faille normale quaternaire, de direction N170°E et pendage 75°E, présentait un décalage de plusieurs mètres des sables pliocènes. Cette faille semblait également responsable d’un ressaut morphologique d’une dizaine de mètres pouvant être suivi sur plusieurs kilomètres. La visite n’a pas permis de retrouver cette faille malgré les bonnes conditions d’affleurement (la sablière est encore en exploitation). La partie de l’exploitation où la faille était visible encore en 1997 (Projet PALEOSIS, Baize et al., 200220) a été partiellement décapée ou est recouverte de végétation. Dans les sables pliocènes, la seule observation encore possible d’une déformation tectonique est le basculement de ces sables de quelques degrés vers l’est. 4.6.2. Achenheim Il s’agit d’une ancienne carrière aujourd’hui abandonnée et en cours de remblaiement par des déchets industriels. Dans cette carrière des failles normales récentes étaient encore observables jusqu’en 2000. Malheureusement, compte tenu de la revégétalisation rapide, du recouvrement anthropique et de l’altération des fronts de taille restants, aucune observation néotectonique du comité de pilotage NEOPAL n’a été possible en 2009. L’observation originelle (Wernert, 195721) et le nettoyage de la coupe effectuée dans le cadre du projet Européen PALEOSIS (Lemeille et al., 199922) permettait d’observer que la série lœssique et alluviale datée du « Riss » est, dans cette partie centrale du fossé rhénan supérieur, déformée par des failles normales NE-SW à regard Est. La faille majeure présente des rejets pluri-métriques. Cette morphologie remarquable au sein du graben se suit sur plusieurs kilomètres dans la morphologie, jusqu’à Hangenbieten et plus au nord, vers Mundolsheim (10 km au NW de Strasbourg). Il limite à l’ouest la plaine alluviale actuelle. Aucune relation claire de la morphologie et des failles observées en surface avec un accident enraciné n’a pu être démontrée. (voir la fiche NEOPAL dédiée) 4.6.3. Saverne Cette ancienne sablière est aujourd’hui complètement comblée par des déchets industriels et aucune observation néotectonique n’a pu être faite en 2009. 19 Monninger (1985). Neotektonische bewegungsmechanismen im mittleren Oberrheingraben. Dipl. Geol. Doktors der Naturwissenhaften, Univ. Karlsruhe. 20 Baize S., Cushing E. M., Lemeille F., Granier T., Grellet B., Carbon D., Combes P. & Hibsch C. (2002). Inventaire des indices de rupture affectant le Quaternaire en relation avec les grandes structures connues, en France métropolitaine et dans les régions limitrophes. Mémoire H. S., n° 175, 142 pages, 1 pl. H. T. 21 Wernert P. (1957). Stratigraphie paléontologique et préhistorique des sédiments quaternaires d'Alsace. Mém. Serv. Carte Géol. Als. Lor., 14, 259 pages. 22 Lemeille F., Cushing M. E., Cotton F., Grellet B., Ménillet F., Audru J.-C., Renardy F. & Fléhoc C. (1999a). Traces d'activité pléistocène de failles dans le Nord du fossé du Rhin supérieur (plaine d'Alsace, France). C. R. Acad. Sci., 328, 839-846. BRGM/RP-57831-FR – Rapport final 43 Base de données NEOPAL 2009 Les premières observations (Tricart, 195923) et celles effectuées en 1992 et 1997 (Projet PAlEOSIS, Baize et al., 2002) montraient que, près de la bordure actuelle du Fossé rhénan, les séries grossières du cône alluvial (Mindel) de la Zorn sont affectées de failles normales de même direction que la faille vosgienne. Les déformations s’amortissent dans les premiers niveaux de loess. Des failles inverses N80E déforment également les sables et graviers alluviaux et affectent les niveaux les plus récents du Riss-Würm. L’origine néotectonique est possible pour les failles inverses, mais une origine gravitationnelle et sédimentaire est plus probable pour les failles normales. La relation avec une structure tectonique enracinée n’a pas pu être démontrée. 4.7. INDICE NEOTECTONIQUE DE LA REGION DE FREIBURG L’indice est décrit dans Nivière et al (2008)24, à partir d’observations de terrain et de travaux antérieurement publiés (par exemple Behrmann et al 200325). Il est constitué par un faisceau d’indices amenant les auteurs à conclure à l’activité récente (quaternaire) de plusieurs failles dans la région de Freiburg. Ces failles limiteraient des blocs formant la transition entre la forêt noire et le graben du Rhin. Parmi ces failles, les auteurs identifient une faille d’orientation N25°E environ, située à quelques kilomètres à l’est du Rhin, dans la région de Freibourg (faille du Rhin). Au nord de son intersection avec la faille de Weinstetten, la faille du Rhin prendrait une orientation N170°E environ. Le Comité NéoPal s’est rendu sur deux sites : l’un est situé entre les villages de Tünsel et Eschbach (partie sud de la faille du Rhin), l’autre est constitué par l’ensemble des collines qui forment le Tüniberg, a proximité du village de Niederrimsingen. Site Tüniberg Site TunselEschbach figure de Nivière et al. 2008 23 Tricart J. (1959). Tectonique quaternaire dans la région de Saverne. Bulletin du service de la carte géologique d'Alsace et de Lorraine, 9, 85-93. 24 Nivière et al. (2008). Active tectonics of the southeastern Upper Rhine Graben, Freiburg area (Germany). Quaternary Science Review, 27, 541-555. 25 Behrmann, J., Hermann, O., Horstmann, M., Tanner, D., Bertrand, G., 2003. Anatomy and kinematics of continental oblique rifting revealed: a 3D case study of the SE Upper Rhine Graben (Germany). AAPG Bulletin 7, 1105–1121. 44 BRGM/RP-56981-FR – Rapport final Base de données NEOPAL – Travaux des experts 2009 4.7.1. Site de Tunsel (lat 47°53’53" N, long 7°39’28" E) A cet endroit, la faille cartographiée (Cartes 8111 Mülheim et 8011 Hartheim26) passe plus ou moins au niveau de la route Tunsel-Eschbach, elle-même située au pied d’un escarpement d’une hauteur de 10 à 15 m longé par la route. W scarplet E Escarpement route MNT SRTM4 L’escarpement limite deux terrasses différentes : vers l’Est une terrasse alluviale « haute » indiquée gA sur la carte géologique tandis qu’à l’Ouest, la plaine située en contre-bas est composée de cailloutis Würmiens. Ces cailloutis sont partiellement recouverts par des terrasses de crues, issues du Rhin et des torrents provenant des coteaux situés à l’Est. A environ 300 m à l’Ouest de la route, un léger dénivelé (2 m) est visible sur les MNT, et est perceptible sur le terrain. Sa rectitude n’est pas très claire, mais il a été considéré comme pouvant éventuellement correspondre à un escarpement tectonique associé à la faille du Rhin (partie sud). La visite du Comité a permis de visualiser les lieux décrits par Nivière et al. Les arguments utilisés par les auteurs ont été débattus, sans qu’une conclusion définitive n’ait pu être apportée. Un complément d’étude de l’indice serait nécessaire, notamment des investigations permettant de préciser la nature, l’âge, et la position relative des différentes formations quaternaires. La question de fond est de savoir si le dispositif qui est observé résulte seulement d’un emboitement de deux terrasses alluviales d’âges différents ou si le rejeu récent d’une faille (Faille du Rhin ?) contribue à augmenter la différence d’altitude entre ces deux terrasses. 4.7.2. Site Niederrimsingen-Tüniberg (lat 47°58’54" N, long 7°40’38" E) A environ 9 km au nord du site précédent, le Tüniberg forme un relief d’environ 80 m par rapport à la plaine du Rhin. Il est constitué d’affleurements de Jurassique moyen. La face ouest de ce relief constitue un escarpement quasi-rectiligne, orienté N170°E, sur 3.5 km de longueur. Il est cartographié comme étant la prolongation de la faille du Rhin au nord de la faille de Weinstetten. La position structurale du Tüniberg atteste du mouvement total du bloc de Tuniberg par rapport au bloc qui constitue la plaine du Rhin actuel. 26 Landesamt für Geologie, Rohstoffe und Bergbau Baden-Württemberg, cartes géologiques au 1/25.000 n° 8111 (Mülheim) et n° 8011 (Hartheim) BRGM/RP-57831-FR – Rapport final 45 Base de données NEOPAL 2009 L’escarpement ouest peut correspondre soit à l’escarpement de faille rafraîchi au quaternaire, soit à un recul de l’escarpement de faille, soit encore à une action érosive le long de la faille du Rhin (partie Nord). Le comité NéoPal a profité du point de vue offert par ce promontoire pour rechercher dans le paysage les éléments morphologiques et structuraux associés à la faille du Rhin, la faille de Weinstetten, et la « Main Border Fault ». Le caractère néotectonique éventuel de ces structures n’est pas identifiable directement sur le terrain, mais passe par l’analyse croisée d’un certain nombre de données. 4.8. BALE LA BIRS Le séisme historique majeur de la zone est le séisme de Bâle du 18 octobre 1356, d’intensité épicentrale IX (MSK). Il s’agit de la plus forte secousse ressentie dans le Nord-Ouest de l’Europe durant le dernier millénaire et l’un des plus importants séismes intraplaques connu en Europe. Il est à l’origine d’une violente crise sismique qui débuta en octobre 1356 et se poursuivra jusqu’en 1357. Il se caractérise par l’occurrence de deux chocs principaux et d’une douzaine de répliques dans les deux jours suivant la première secousse. Au cours des dernières années, des travaux significatifs de compilation de données et de révision de nos connaissances sur cet événement historique ont été conduits. Les résultats de ces recherches ont abouti à un consensus sur certains paramètres caractéristiques du séisme de Bâle, et à des divergences d’interprétations sur d’autres. Les conclusions de ces travaux s’accordent raisonnablement bien sur une valeur d’intensité épicentrale (I0 = IX MSK) pour ce séisme et sur sa localisation à une dizaine de kilomètres au Sud de la ville de Bâle. Par contre, autant l’estimation d’une magnitude représentative de cet événement historique et des dégâts associés, que l’identification de la faille sismogène sont sujettes à controverse. Des révisions de chroniques historiques (Lambert et al., 200527) ont proposé une aire de distribution des dommages plus concentrée autour de la ville de Bâle que dans les études antérieures (Mayer-Rosa et Cadiot, 197928). Avec une intensité épicentrale de IX, la magnitude macrosismique associée à ce séisme a été maintenue à 6,2, alors que la profondeur du foyer a dû en conséquence être réduite de quelques kilomètres ; elle passerait ainsi de 15 km à 11 km. Un projet interdisciplinaire (Fäh et al., 200929) a re-analysé de nombreuses données et exploré des techniques de natures différentes. D’après cette étude, la gamme de magnitude de moment la plus probable pour ce séisme est entre 6,7 et 7,1. Malgré des efforts conséquents de la part des différentes équipes scientifiques travaillant sur le sujet, il reste aujourd’hui difficile de se prononcer sur la structure sismogène à l’origine de ce tremblement de terre. Selon Meyer et al. (1993)30, le séisme de Bâle serait dû à la 27 Lambert J., Winter T., Dewez T.J.B., Sabourault P. (2005) – New hypotheses on the maximum damage area of the 1356 Basel earthquake (Switzerland). Quaternary Science Reviews, 24, p. 383-401. 28 29 Fäh D., Gisler M., Jaggi B., Kästli P., Lutz T., Masciadri V., Matt C., Mayer-Rosa D., Rippmann D., SchwarzZanetti G., Tauber J., Wenk T. (2009) – The 1356 Basel earthquake: an interdisciplinary revision. Geophys. J. Int., 178, p. 351-374. 30 Meyer B., Lacassin R., Brulhet J., Mouroux B. (1993) – The Basel 1356 earthquake: which fault produced it ? Terra Nova, 6, p. 54-63. 46 BRGM/RP-56981-FR – Rapport final Base de données NEOPAL – Travaux des experts 2009 réactivation d’une faille de socle E-W, à jeu inverse ou décrochant, masquée par la couverture chevauchante du Jura. Les failles visibles aujourd’hui dans la couverture, qu’elles soient d’orientation E-W ou N-S, n’ont pas une taille suffisante pour expliquer l’énergie libérée par un tel séisme. Selon Blès et al. (1994)31, deux systèmes structuraux ont dû jouer simultanément pour expliquer ce fort séisme : un mouvement de remontée du socle nordjurassien en direction du Nord-Ouest, et l’opposition des failles NNE-SSW du compartiment occidental. Selon Meghraoui et al. (2001)32, qui ont mené des investigations de paléosismicité dans le prolongement Sud du système de failles bordières majeures du Fossé Rhénan, une rupture sur la faille normale de Rheinach pourrait avoir produit le séisme de Bâle. Selon Ustaszewski et al. (2005)33, l’extrémité Sud du Fossé Rhénan est marqué par l’interaction entre les deux familles de failles en présence : le système de failles bordières synsédimentaires d’orientation N-S et la réactivation d’un graben permo-carbonifère d’orientation E-W sous les plissements du Jura. 31 Blès J.L., Bour M., Dominique P., Godefroy P., Martin C., Terrier M. (1998) - Zonage sismique de la France métropolitaine pour l'application des règles parasismiques aux installations classées. Document BRGM, n° 279, 56 p. 32 Meghraoui M., Delouis B., Ferry M., Giardini D., Huggenberger P., Spottke I., Granet M. (2001) – Active normal faulting in the Upper Rhine Graben and paleoseismic identification of the 1356 Basel earthquake. Science, 293, p. 2070-2073. 33 Ustaszewski K., Schumacher M.E., Schmid S.M. (2005) – Simultaneous normal faulting and extensional flexuring during rifting: an example from the southernmost Upper Rhine Graben. International Journal of Earth Sciences, 94, p. 680-696. BRGM/RP-57831-FR – Rapport final 47