le vin le rouge la chine
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le vin le rouge la chine
www.levinlerougelachine.com Editorial du maire de Bordeaux Alain Juppé ancien Premier ministre « L’histoire de Bordeaux est indéfectiblement liée à celle du vin. Depuis deux mille ans, le vignoble a dessiné la cité et sculpté les paysages du Bordelais. Aujourd’hui Bordeaux est au centre du plus grand vignoble de vins fins du monde : plus de cent vingt mille hectares, environ 7400 châteaux, 300 maisons de négoce et 60 appellations d’origine contrôlée. La Chine, quant à elle, en est aux prémices de son histoire avec le vin. De plus en plus de consommateurs chinois découvrent le vin français et en tombent amoureux. La Chine vient de prendre la place de 1er marché des vins de Bordeaux à l’export. Plus de 80 propriétés bordelaises ont été acquises par des investisseurs chinois ces 3 dernières années. Au-delà de ces relations commerciales se nouent également des relations amicales. C‘est ainsi que les liens entre Bordeaux et la Chine se sont concrétisés par un jumelage avec Wuhan en 1998, portant sur des partenariats économiques, éducatifs, et surtout culturels. Le superbe livre d’entretiens « le Vin, le Rouge, la Chine » de Laurence Lemaire se veut une référence pour ce qui a trait à notre terroir incomparable, les cépages, les traditions, les métiers du vin… Car le vin de Bordeaux demande quelques égards. Il est d’abord le produit d’une rencontre miraculeuse entre des hommes, une terre et les deux fleuves qui la traversent. Mais ces éléments conjugués ne suffisaient pas à produire un vin comme celui de Bordeaux : pour cela, il a fallu la patience, la persévérance et la passion de nombreuses générations de viticulteurs, qui ont su apprivoiser ce que la nature leur offrait. Le vin de Bordeaux est le fruit d’une civilisation et d’une culture spécifique à notre région que nous sommes fiers de faire découvrir, grâce à Laurence Lemaire, aux amateurs de l’Empire du Milieu. » photo © Thomas Sanson Sommaire Editorial d’Alain Rousset, Président du Conseil Régional d’Aquitaine Editorial d’Alain Juppé, Maire de Bordeaux, ancien Premier ministre Préface, présentation et comparatifs de Bordeaux et de la Chine 02 03 04 Le vignoble en Chine L’histoire. Pourquoi planter des vignes et boire du vin ? Ses régions viticoles, ses producteurs, distributeurs et importateurs Le groupe français Pierre Castel L’OMC, la publicité et les prix chinois, la politique 10 11 14 15 Le vignoble de Bordeaux L’histoire, l’AOC, l’INAO Le vignoble bordelais, ses 60 appellations et ses cépages associés Le Mascaret ou la montée des eaux La bataille de Castillon en 1453 Une bouteille de Bordeaux en cadeau Qui est Emilion ? Les classements des vins du Médoc en 1855, des Pessac-Léognan et celui des vins de Saint-Emilion. Les ventes en Primeurs. Le French paradox Le nez, le goût, le climat Michel Rolland œnologue Qu’est-ce qu’un terroir ? Les systèmes d’irrigation L’art de la dégustation, apprendre à sentir, à boire La pollution en Chine et le goût de la baie du raisin avec Guy Boiron La tonnellerie : le goût du chêne et son influence sur le vin Le chêne français Luc Chenard œnologue : un terroir pour un cépage Le laboratoire de l’œnologie 210 cépages autorisés en France ; et en Chine ? Les porte-greffes Le vin bouchonné Gérard Colin œnologue en Chine : château Grace winyard ; château Lafite à Penglai ; ses accords mets-vins Château Lafite : succès et contrefaçons L’appellation Pauillac Trois experts internationaux s’expriment 17 18 19 21 21 22 23 25 26 26 27 28 29 30 31 33 35 36 37 39 41 41 Les effets du réchauffement climatique Les efforts actuels 42 45 Image, étiquette, protection Les étiquettes avec l’agence Exceptio de Stéphanie et Sophie Javel La forme de la bouteille Contrefaçon de marques et leur protection avec l’agence Inlex 46 50 51 Exporter mieux Le CIVB Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux : export et bars à vin La famille Ginestet L’Académie du vin de Bordeaux Xavier Carreau : faciliter le travail pour l’export Jie Yu, consultante chinoise en vins français La Chambre de Commerce Internationale Aquitaine : le Chinese desk et le Club objectif Chine avec Emmanuelle Fragnaud Investir en France Afii et Business France: Invest in France BGI Bordeaux Gironde Investissement avec Stéphane Garcia Les titres de séjour Vendre des châteaux aux Chinois France Wine : exporter les vins puis vendre des châteaux l’IFL : société spécialisée dans l'acquisition de vignobles et châteaux Safer : Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural La Chine plante ses vignobles Maxwell Storrie Baynes / Christie’s et Li Lijuan : agence immobilière Tracfin : Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers Châteaux français à la vente, Pourquoi ? Concurrence French paradox La Loi Evin avec le CIVB et Yannick Evenou La Loi pour la sécurité routière Taxes diverses, retraite, héritage, patrimoine Descriptions des 107 propriétés viticoles bordelaises achetées par des Chinois Comment ont-ils été achetés ? Pourquoi ont-ils été vendus ? Merci d’acheter le livre pour avoir la liste des châteaux. Au cours de leur chapitre, je développe. Le négoce et la Place de Bordeaux Le jardin à la française La Commanderie du Bontemps et le Ban des vendanges Le festival de Dalian La Cour des comptes de Chine accuse Cabinet d’avocats Simon & Associés Antoine Medeville œnologue Le Vin de glace L’UNESCO et les 8 communes de Saint-Émilion Les coteaux Sud de Saint-Emilion Le vin de garde Classement 2012 des Saint-Emilion La fête de la lune La grande muraille de Chine La rose des vignes Le thé de Pu’Er (Yunnan) jumelée à Libourne ; les tannins 54 56 56 57 58 59 60 62 65 66 69 70 71 74 79 86 87 87 93 102 109 110 111 111 116 116 118 119 Le cépage Malbec Jean-Claude Berrouet et Claude Bourguignon ingénieur agronome Intronisations de la Jurade de Saint-Emilion Max Linder Les Corréziens Le jumelage du canton de Fronsac avec la ville de Qingtongxia Le cépage Carménère Chaptaliser La limite d’une appellation Stéphane Toutoundji œnologue Le jardin anglais La baie de Goji La Belgique et Bordeaux Denis Dubourdieu et Valérie Lavigne-Cruege, œnologues Di Dubourdieu : relations avec les Chinois Appellation Saint-Estèphe La bouteille de 75 cl 129 129 130 131 131 137 141 150 158 159 159 162 162 164 165 2 Clins d’œil Château Marquis d’Alesme Becker : la famille Perrodo Château Malromé : Kim Huynh pour DCHL et Toulouse-Lautrec 175 176 Descriptions des 5 propriétés viticoles achetées par des Chinois Hors-Gironde Bourgogne Provence dans le Vaucluse Languedoc et Dordogne 177 178 179 Le Cognac pour les Chinois 2 Maisons de Cognac achetées par les Chinois Le Club Pernod de Bordeaux Accords mets-vins Tommy et Andy Shan, Au bonheur du palais Le rosé Yu Zhou, écrivain fin gourmet L’école de restauration ICFA en stage en Chine Le sommelier Philippe Faure-Brac, François Adamski et Hervé Bizeul Château Guiraud, Sauternes 1er Grand cru classé 1855 en agriculture biologique L’agriculture biologique AB La pourriture noble Les Sweet Bordeaux L’UGCB et les vendanges de l’aéroport de Bordeaux Art, Culture et Histoire Bernard Magrez possède 40 châteaux dans le monde et un Institut culturel Sylvie Cazes raconte la contribution des étrangers au vin de Bordeaux Roger Dion, écrivain l’UNESCO 180 181 182 185 185 186 186 188 189 191 191 192 198 200 201 Tourisme, échanges, Chinois à Bordeaux L’Office du Tourisme de Bordeaux avec Stéphan Delaux Le Manuel de savoir-vivre à l'usage du touriste chinois malpoli Le Savoir-vivre academy of Etiquette and modern manners Etudiants chinois à Bordeaux Films chinois tournés à Bordeaux Tongtong, traductrice, interprète et accompagnatrice touristique 202 203 204 205 207 208 Ecoles de vin et les sommeliers 210 213 La région Aquitaine et la Chine Les Maisons Sud-Ouest France - Chen Di Partners L’AAPrA. La Chambre d’agriculture de la Gironde Wuhan et la province de Hubei, jumelées à Bordeaux et à l’Aquitaine PSA Peugeot Citroen et Dongfeng Motor Chengdu, capitale de la province gastronomique du Sichuan 214 214 215 215 La Chine veut son AOC Internet : sites de vente de vins et les réseaux sociaux chinois Le label PEOP et ATT 217 217 217 Musées et caves Grégory Pecastaing, négociant, et son Musée du vin et du négoce Les châteaux de Pauillac et ceux de Bernard Magrez Château Maucaillou, la Winery, Domaine de la Grave, musée du vin de Cadillac 218 219 220 Festivals, manifestations du vin, en Chine et en France 222 Les + de l’auteur La cave du Dynastie et l’Association des Chinois du Sud-ouest de la France Le site malin www.neozarrivants.com Guide à Bourg en Gironde et à Blaye Le Relais & Châteaux Le Saint-James Les Sources de Caudalies Le Château de Rouillac La future Cité des Civilisations du Vin 224 225 226 Extraits Préface Le 26 janvier 1964, un bref communiqué était publié simultanément à Paris et à Pékin : « Le gouvernement de la République française du Général de Gaulle et le gouvernement de la République populaire de Chine ont décidé d'établir des relations diplomatiques. » Depuis 1979, la politique d’ouverture de Deng Xiaoping a renoué le dialogue entre les décideurs chinois et occidentaux. Quelques années plus tard, le ‘’monde des affaires’’ parle de marchés, de chiffres et de pourcentages. C’est la course à la productivité. Les Français, ceux qui ne sont pas des investisseurs, situent la Chine depuis une quinzaine d’années seulement, grâce aux articles économiques et aux reportages télévisés qui diffusent des images de sublimes paysages, de tours gigantesques, d’usines du monde, de Droits et de Devoirs…De nombreux observateurs s’accordent à penser que ce pays sera la 1ère puissance économique mondiale en 2020. La Chine est devenue un Eldorado mais elle n’est pas un Paradis. Tout le monde peut s’y installer mais à la condition d’être performant, de faire valoir de véritables atouts, et surtout d’apprendre le terrain, d’accepter ses procédures et ses lois, ses codes politiques et sociaux, et de comprendre sa différence culturelle. Le philosophe Lin Yutang a écrit dans ‘’De l’importance de vivre’’ : « De tous les peuples, ceux qui ont le plus de points communs, ce sont les Français et les Chinois : sens du raffinement, goût pour les mots, la peinture, la cuisine, une vénération pour l'éducation, goût pour l'humour, l'humour pour rien, pour se faire plaisir, pour communiquer.» Ainsi, sur 7 400 propriétés viticoles que compte le Bordelais, les Chinois ont acheté plus de 100 châteaux depuis 1996. ‘’le Vin, le Rouge, la Chine’’ est un livre sur le vin de Bordeaux et les Chinois, pour ceux qui souhaitent investir, entreprendre, déguster, apprendre… 107 châteaux bordelais achetés par un groupe ou un particulier chinois sont décrits, ainsi que 5 autres en Dordogne, Languedoc, Vaucluse et Bourgogne et 2 Maisons de Cognac. J’explique les appellations, le terroir inimitable, les cépages bordelais et chinois, les métiers du vin et l’export, les lois françaises, les raisons des ventes et des achats des châteaux, les accords mets-vins avec la cuisine chinoise, le changement climatique.... « En une génération, la politique, l’économie, la transformation des classes sociales, ont fait en Chine un autre homme de la rue, écrit Henri Michaux en 1967. On ne reconnaît plus le mien, celui que moi et bien d'autres voyageurs et résidents avions vu en 1932. Il me plaît, quant à moi, tirant les leçons de ma fâcheuse surprise, de penser que, quoi qu'il arrive, et quoiqu'elle tende à être, la Chine sera toujours différente. Elle revit. Il faut être heureux de ne plus la reconnaître, de la connaître autrement toujours, toujours inattendue, toujours extraordinaire. » Il faut plus d’un an de recherches pour trouver « le » château à acheter. En règle générale, la transaction s’opère en toute discrétion. Parmi les acquéreurs chinois de châteaux bordelais, on trouve des entreprises d’Etat, des patrons de grands groupes présents dans la métallurgie, le pétrole, l’immobilier, l’agroalimentaire, la mode, la bijouterie, les salles de jeux, le tourisme, et des représentants de la filière chinoise du vin. Il y a également un architecte et une star de cinéma. Ces financiers, ces connaisseurs et ces amateurs chevronnés développent leur réseau en Chine pour commercialiser leur production de vins français. La Chine compte environ 300 milliardaires et 1 million de millionnaires. La France produit 70 millions d’hectolitres par an ; la production de la Chine est de 10 millions d’hectolitres et va augmenter ces cinq prochaines années. Début 2014, les Chinois consomment 1 litre de vin par an, les Américains 20 litres et les Français 60 litres environ. Les investissements de la Chine se portent sur la France mais aussi sur l’Australie, l’Argentine, le Chili, la Californie, la Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud. Depuis 2011, la Chine (Hong Kong et Taiwan compris) est le 1er exportateur des vins de Bordeaux, en volume et en valeur. Zhonghua Renmin Gongheguo c’est la République populaire de la splendeur du centre. ‘’Enrichissez-vous’’ disait Deng Xiaoping : le revenu des ménages a quintuplé en un quart de siècle, les citadins sont passés de la carte du Parti à la carte de crédit. Lors du XVIIIème Congrès du Parti Communiste du 8 novembre 2012, Hu Jintao avait nommé son successeur Monsieur Xi Jinping ; il a pris ses fonctions le 14 mars 2013. Après des années d’embellie, la Chine subit les conséquences de la crise économique et financière internationale : elle doit rééquilibrer son économie en se concentrant sur la croissance extérieure et non plus seulement sur l’investissement et les exportations. Le Cinquantenaire de l’amitié France-Chine - les accords : Le 25 avril 2013, Xi Jinping, s’est entretenu avec François Hollande, qui a déclaré que l’Etat français est prêt à « lever tous les obstacles » aux investissements des Chinois, à conditions « qu’ils contribuent à la création d’emplois et à l’activité ». De juillet 2013 à mars 2014, les Autorités chinoises ont mené une enquête anti-dumping contre des vins européens exportés vers la Chine ; le volume du bordelais exporté avait reculé de 16%. Le 27 janvier 1964, la France a été le 1er pays de l'Occident à nouer des relations au rang d'ambassadeur avec la nouvelle Chine. Dans le cadre du 50ème anniversaire, le Président chinois Xi Jinping s’est rendu en Europe, et en France du 25 au 28 mars 2014 ; il était accompagné de son épouse Peng Liyuan, la populaire chanteuse et Général de l'armée chinoise, et de 200 hommes d'affaires. Les Chinois représentés par la CADA Chinese Alcohol Drinks Association, et les Européens par le CEEV (Comité Européen des Entreprises Vins) ont signé un accord le 21 mars 2014 : depuis les Européens apportent un soutien technique et financier pour l'implantation en Chine de cépages adaptés, et pour la formation de leurs viticulteurs. L’industrie chinoise appui l'organisation de dégustations de vins européens en Chine, la formation de ses consommateurs ainsi que la promotion de la culture vitivinicole européenne. Le goût pour le vin rouge des consommateurs chinois évolue et stimule la demande pour des vins de qualité. Fin janvier 2015 en Chine, Manuel Valls a proclamé : « La France accueille tous les investisseurs, Chinois en tête » « 欢迎来法国 (Huānyíng lái Făguó) ». En Chine, la ‘’bataille du lait’’ a démarrée fin octobre 2014 par la création d’une grande base productive dans un pays qui, jusqu’en 1990, n’avait ‘’jamais bu de lait’’. Un verre de lait et un verre de vin par jour seront-ils le nouveau French paradox chinois ? Le nez, le goût, le climat Michel Rolland Œnologue, flying wine maker Œnologue vient du grec oinos, vin et logos science. photo © Rolland collection Depuis 1960, Michel Rolland collabore en tant qu'œnologue-conseil avec 70 propriétés réputées dans le monde. Ses activités dans son laboratoire et comme consultant en œnologie le rendent mondialement célèbre. Trois de ses vignobles ont été vendus fin mai 2013 au groupe hongkongais Goldin Financial Holdings. Michel et Dany Rolland possèdent le château Fontenil : 10 hectares en appellation Fronsac acquis en 1986, et le fermage du château La Grande Clotte : 7 hectares en Lussac et Bordeaux blanc. Ils ont un château en Espagne, un en Afrique du Sud et trois domaines en Argentine. « C’est mon grand-père Joseph qui m’a appris la météo, l’amour de la nature, le contact de la terre, me dit Michel Rolland. Et puis il y a eu Émile Peynaud (1912 2004) surnommé ‘’le père de l'œnologie moderne’’. Il était mon professeur lorsque j’étais étudiant à la faculté d’œnologie de Bordeaux pour avoir mon D.N.O. Ce Diplôme National d’Œnologue existe depuis 1956. La première chose qu’a fait Peynaud c’est de découvrir la malolactique ; elle n’était pas considérée comme une maladie mais on ne savait pas ce que c’était. Lui, il a expliqué le phénomène et ça a été l’objet de sa thèse en 1947. Et puis, il a insisté sur le terroir, car il s’est aperçu que, dans des châteaux comme Lafite Rothschild ou Cheval Blanc, même si le travail était mal fait, leur vin était de toute façon meilleur qu’ailleurs ; Peynaud a donc apprit aux vignerons à considérer et à travailler leur vigne en fonction du terroir. » Suivant sa méthode nommée ‘’sélection au terroir’’, le foulage et la fermentation s’opérèrent en lots séparés, suivant l'âge de la vigne, la maturité des cépages, l'emplacement du vignoble, etc… « A la fac, reprend Michel Rolland, il tenait un discours sur le vin, sans emphase, sans fioritures, sans mots savants. Ses propos étaient accessibles, émaillés de mots simples et il excellait à exprimer les sensations fortes et le plaisir avec simplicité.» Si Michel Rolland sait comment améliorer les chais de ses clients, il est surtout le roi de l’assemblage. « L'objectif n'est pas de produire des 1ers Crus partout dans le monde, ni des vins identiques ; l’objectif est de permettre au vin d'avoir la meilleur expression de son terroir. » - Le climat est un des facteurs déterminant à un bon terroir. Il y a bien une ‘’petite Gironde’’ quelque part en Chine ? - Peut-être. Il faudrait survoler cet immense territoire et la trouver. Les millionnaires chinois ont déjà ce qui leur faut. Mais pourquoi pas ? Après ma première visite en Inde, j’avais dit ‘’il n’y a pas de bon terrain, il n’y a pas de bon climat’’ et pourtant on voulait faire du vin. Et on l’a fait ! On a mis du temps mais on l’a fait, à Bangalore en particulier. On peut faire des bons vins n’importe où ; on peut améliorer des vins. Mais les Grands vins dépendent d’un bon terroir. C’est avec le temps que l’on juge les grands vins, dans leur capacité à conserver leur qualité aromatique à travers les années. A Bordeaux, on sait où sont les grands terroirs, donc on sait où sont les grands vins. Mais il faut aussi regarder ailleurs : par exemple, ‘’Harlan Estate’’ en Californie a produit 20 millésimes consécutifs d’exception. » L’irrigation La question climatique est fondamentale. Pour faire du vin il faut une pluviométrie adaptée. La découverte de l'irrigation, particulièrement l'irrigation goutte à goutte, a permis aux vignobles de se développer dans les pays chauds. En Californie, il n'y aurait pas eu de viticulture sans cette irrigation, pas plus qu'il n'y en aurait eu en Argentine ou au Chili... L'irrigation a permis de repousser les problèmes climatiques. Aujourd'hui, il existe des vignes sous l'équateur, au Japon, en Chine. Mais il sera toujours nécessaire de s'adapter à l'environnement, au sol, au climat, et c’est pour ça que le terroir est inimitable. Le ‘’style Rolland’’ c’est de ramasser de bons raisins, et à bonne maturité. Il faut améliorer la qualité de la matière première. « On est toujours confronté à une matière, et il ne s’agit pas de la traiter de la même façon partout, en Argentine, en Chine ou à Bordeaux, dit-il. Il faut essayer de comprendre le terroir pour obtenir les plus jolis raisins. On a toujours de meilleurs vins avec de beaux raisins qu’avec de bons œnologues ! » - Quelle qualité faut-il pour être œnologue ? - Travailler, être vaillant. - Faut-il un bon nez ? - Je ne crois pas que nous ayons un bon nez ; je pense que le nez c’est comme le sport : ça se travaille. Sentir…Tout le monde sent mais la difficulté c’est la connexion de son nez à sa mémoire, raccrocher à son cerveau les odeurs connues et les identifier. Pour ça il faut s’entraîner. Je vous donne un exemple : on a découvert il y a 20 ans un produit qui s’appelle le ‘’trichloroanisole’’, qui sent un peu le moisi et qui donnait une déviation aux vins ; au début, on le sentait mais on ne l’identifiait pas. Pascal Chatonnet - chargé de recherche à l'Institut d'œnologie de Bordeaux - a trouvé son origine et l’explication chimique : les chais ont longtemps été désinfectés avec de l’eau et des savons simples, puis on a utilisé le chlore qui a apporté cette déviation ; elle n’existe plus aujourd’hui dans les chais respectables. A l’époque, c’était un défaut qu’il fallait éliminer et les œnologues de terrains, comme je suis, reniflaient comme un chien de chasse pour le sentir même à des faibles doses. Quand vous êtes entraîné à chercher une odeur, vous la trouvez. » Michel Rolland est l’œnologue le plus consulté et le plus médiatique de la planète. Dans son livre, Le gourou du vin, écrit avec Isabelle Bunisset, il raconte des événements marquants et communique sa passion du vin. Il affirme son admiration pour le célèbre critique américain : Robert Parker. Editions Glenat avril 2012. L’art de la dégustation La dégustation fait appel aux sens de la vue, de l’odorat et du goût. La vue observe la robe du vin, ses reflets, ses larmes, l’odorat apprécie toute la complexité de ses arômes, et le goût détermine les saveurs que le vin nous procure lors de son passage en bouche, tels que le sucré, l’acidité, l’amertume, mais également les sensations tactiles comme la chaleur laissée par l’alcool, le côté asséchant ou astringent des tanins. L’heure idéale de dégustation est 11 heures du matin ; c’est lorsque l’on a faim que nos sens sont les plus sensibles et que la dégustation est la plus pertinente. « Si notre Tchin tchin français vient d’une expression chinoise qui signifie « je vous en prie », la façon de trinquer en Chine consiste à boire cul sec et dire gān bēi ! C’est-à-dire : « videz votre verre » ; c’est l’opposé de l’art de la dégustation du vin. En revanche, les Chinois savent déguster le thé » me dit Guy Boiron, sinologue. « Aujourd’hui, ils acceptent qu’on leur transmettre notre culture du vin : pour le Chinois, le Français est cultivé, un homme un peu âgé est un ‘’sage’’ ; ainsi l’homme mur, œnologue ou sommelier est très séduisant. Du plaisir de l’ivresse, célébré par les poètes chinois, et obtenu avec n’importe quel alcool, on passe au plaisir de la dégustation. » La Chine Michel Rolland conseille Peter Kwok pour son château Haut-Brisson dans le bordelais depuis plus de 10 ans (cf son chapitre). « Parce que ce n’est pas le tout d’être bon : il faut le rester ! » Depuis août 2011, le groupe COFCO consulte Michel Rolland ; il forme ses équipes et améliore les vignes du Great Wall en Chine et du château de Viaud à Lalande-dePomerol en bordelais (cf son chapitre). Michel est également le consultant du vignoble californien Sloan Estate de Pan Sutong, qui a acheté les 3 châteaux bordelais de la famille Rolland en 2013 (cf son chapitre). Son fidèle n°2, Athanase Fakorellis, est le conseiller du château Loudenne acheté par le groupe Moutai (cf son chapitre). La Chine doit produire des vins : « Le vin, moins alcoolisé que leurs alcools améliorera la santé publique des Chinois ; c’est une volonté de l’État, m’explique Michel Rolland. Nous verrons donc, obligatoirement, la consommation de vin se développer en Chine, et c’est très sain. » J’évoque le livre de Céline Simonnet-Toussaint : Le vin sur le divan (Editions Féret 2006) ; elle explique que le Français peut évoquer son enfance avec le vin, car il finissait les verres des invités et de ses parents ; le Chinois ne peut pas avoir ce genre de souvenir car son alcool blanc est trop fort pour être partagé entre un adolescent et un ancien. La psychologue affirme : « les régions de France où l’alcoolisme fait des ravages, sont principalement celles où la vigne ne pousse pas. » Michel Rolland multiplie ses séjours en Chine pour améliorer le savoir-faire des Chinois dans leurs vignobles, et aussi pour éveiller le goût et l'intérêt de quelques 300 millions de consommateurs potentiels de vin. « L’accueil des Chinois est très sympathique parce qu’il est sincère. J’ai dû apprendre à calligraphier mon nom en chinois pour les autographes ! Je leur recommande de boire du vin pour leur plaisir, pas pour montrer qu’ils sont puissants.» Odeurs et pollution J’interroge Guy Boiron sur le terroir et les odeurs. Il est médecin à la retraite, sinologue, et il étudie le vin. Guy me raconte le nuage brun d’Asie : « Dans le Shandong, il y a le Tai Shan, une des cinq montagnes sacrées de Chine (classée au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1987). Lorsque je suis arrivé au sommet à 1545 mètres, pour voir le soleil se lever, une vague lueur a percé la brume pendant trois minutes. Sans doute est-ce le résultat du nuage brun d’Asie, ce nuage de pollution de 3000 mètres d’épaisseur, qui recouvre la Chine et le Nord de l’Inde, qui s’étale du Japon à l’Indonésie, depuis une vingtaine d’années. De décembre à avril, il persiste à cause des aérosols et suies, des composés chimiques, de combustion des déchets agricoles, fumier et bouses, carburants fossiles des véhicules, des industries et des centrales électriques, à cause des rejets de millions de fourneaux brûlant du bois...La peau du raisin est très fragile, très perméable. Si vous vendangez près d’une cuve à mazout, le vin risquera de sentir le mazout. Sans pour autant mettre un nom sur une odeur de pollution, je pense que ce nuage brun est mauvais pour les vignobles chinois. C’est en ça que je dis qu’un terroir est inimitable. » Mi-octobre 2013, la pollution atmosphérique de Harbin - ville de 10 millions d’habitants au Nord-est de la Chine, s’est élevée pendant plusieurs jours à plus de 30 fois du seuil limite fixé par l’OMS Organisation Mondiale de la Santé. Les pics de pollution à répétition qui affolaient les Parisiens en mars 2014 et 2015 n'étaient pas les 1ers. 10 mois avant la conférence sur le climat, prévue à Paris fin 2015, la Chine et les EtatsUnis sont parvenus à un accord le 12 novembre 2014 pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Les 2 premiers pollueurs représentent 45 % des émissions de CO2. 1er pays pollueur du monde, la Chine tente une baisse de sa production de charbon, et développe sa capacité de production d’électricité solaire - elle sera le leader mondial du solaire en 2015. Lire le chapitre sur le réchauffement climatique.page 66. « Au Chili, les forêts d’eucalyptus qui bordaient les vignobles ont été coupées pour empêcher le vin d’empester son odeur, me dit Michel Rolland. Les pieds de vignes proches des arbres, même de cyprès, sont agressés, c’est logique. Dans le bordelais, aucune vigne n’est plantée sous les pins. » A une plus petite échelle, lorsque les routes qui longent les vignobles bordelais sont goudronnées, les raisins des parcelles à proximité vont sentir le goudron et donner ce goût au vin. Le vigneron vendange, l’œnologue goûte le vin et perçoit un ‘’faux-goûts’’ : la cuve sera traitée. Après la tempête de 1999 qui a abattu un nombre considérable de pins en Gironde, les raisins sentaient le sel marin jusqu’à Saint-Emilion ; le goût salé apportait de l’amertume et s’est détecté facilement ; certaine cuves ont été traitées. Mais on ne peut pas enlever l’odeur de pollution du nuage brun d’Asie. Rolland Collection Tél : + 33 (0) 5 57 51 23 05 [email protected] www.rollandcollection.com Contact Oenotourisme Tél : + 33 (0) 5 57 51 52 43 Maxwell-Storrie-Baynes Agence immobilière Karin Maxwell a été négociante en Angleterre et importatrice de vins de Bordeaux pendant 17 ans. Près de Saint-Emilion, elle a créé son agence immobilière puis elle s’est associée à Doug Storrie et Michael Baynes en 2009. Ils sont spécialisés dans la transaction viticole et travaillent pour les investisseurs chinois. En 2008, la CCI Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux a invité Karin Maxwell à Hong Kong. Elle a présenté sa société immobilière devant 40 hommes d’affaires chinois, des avocats et des intermédiaires, et leur a expliqué comment acheter des propriétés viticoles en France. Elle avait déjà un solide portefeuille de châteaux à la vente car elle travaille comme agent immobilier dans la région de Bordeaux depuis 1994. « Grâce à mes connaissances en vin, je m’étais déjà orientée vers l’acquisition de domaines viticoles. Les vendeurs restaient discrets comme les transactions ; le milieu était fermé mais ils ont compris que j’ai des relations internationales, m’explique-t-elle. La plupart des vendeurs n’a plus les moyens d’investir pour une meilleure production ; ils se sont tournés vers les acheteurs étrangers et je travaille avec les Chinois, entre autres. » Agent immobilier n’est pas un métier facile : pour bien conseiller ses clients, Karin évalue la qualité de la propriété : château, chai, vignoble ; elle connaît tous les paramètres économiques, fiscaux, comptables… « J’analyse la situation. Mes dossiers sont extrêmement techniques et l’audit est réalisé par un professionnel du vin. » Cet audit informe des qualités comme des défauts : le nombre de ceps à l’hectare, la conformité du vignoble par rapport à son appellation… « Il nous faut parfois trois mois pour réunir toutes les données sur le château en vente, car nous sommes pointus sur la qualité des informations. C’est un bon dossier qui entraîne une bonne vente. » Quelques vendeurs préfèrent rester discrets par rapport à leur voisinage ; d’autres ne souhaitent pas de publicité car ils craignent que leurs clients n’achètent plus la production de leur vignoble s’il est passé aux mains chinoises. La Safer intervient pour favoriser l’acquisition par un jeune repreneur, un agriculteur ; c’est son rôle. «La Safer n’est pas un agent immobilier mais elle sait estimer la terre agricole. Nous nous complétons car je sais évaluer le prix des bâtiments, du château et de ses pierres.» Karin doit travailler avec la Safer et un notaire. Si le futur propriétaire n’est pas un professionnel du vin, il doit passer par ‘’le contrôle des structures’’, quel que soit sa nationalité et ses moyens financiers. « Le seul soucis est que la Safer publie chaque année la moyenne des prix des transactions effectuées dans la région ; ses chiffres peuvent être trompeurs : c’est une moyenne entre les parcelles de vignes mal entretenues et les beaux vignobles, sans distinctions. Elle devrait réaliser une fourchette de prix et non pas une moyenne de prix. Comme ces chiffres sont mal compris par les Chinois, ils tentent de négocier à la baisse et ratent parfois une bonne affaire. » C’est le travail de Karin de jouer et déjouer les subtilités et les paramètres imposés pour une acquisition. « Certaines personnes s’improvisent agents immobilier ou intermédiaires ; sans expériences, ils font échouer des transactions et nuisent à ma profession. Les professionnels du vin qui sont sollicités par des acheteurs potentiels se mettent, eux, en relation avec moi. » Les dossiers sont trop complexes pour être confiés à des amateurs. Les acheteurs qui pensent gagner de l’argent en se passant du service et des conseils des experts, risquent d’échouer. La Safer société d'aménagement foncier et d'établissement rural, examine la candidature de l’acquéreur ; son projet doit être en conformité avec la politique d'aménagement et de développement local. Cette entreprise d’Etat dépend des ministères du budget et de l’agriculture ; cela rassure l’acquéreur étranger. Elle s’assure que celui-ci va poursuivre l’activité viticole et préserver le patrimoine : ‘’le contrôle des structures’’ est un questionnaire de 20 pages qui lui accordera la licence pour exploiter les terres. La Safer peut refuser sa demande d’achat. Si elle lui donne l’agrément, le domaine doit rester une exploitation agricole pendant 10 ans, et une demande doit être faite pour un bâti supplémentaire. La Safer prend les risques juridiques : sa commission est mentionnée sur l’acte de vente et en cas de litige l’acheteur se retournera contre elle. « Le compromis de vente français est très précis ; les Chinois n’ont pas la culture de l’acte écrit et ils commentent chaque détail jusqu’à la signature finale, me dit Hervé Olivier, son directeur régional. « Le plus souvent, les Chinois rachètent des propriétés qui sont à vendre depuis longtemps et qui n'intéressent pas les gens du coin en raison d'un modèle économique difficilement tenable. » Lily a été intronisée par les Hospitaliers de Pomerol Depuis avril 2013, Li Lijuan (master de vin à l’INSEEC) s’occupe des clients chinois pour Maxwell-Storrie-Baynes et gère les traductions. Originaire de Chengdu la jeune chanteuse, installée à Bordeaux depuis 2008, a travaillé au château Grand Mouëys avant d’être embauchée par Karin Maxwell. Lily parle 4 langues et elle a sa carte professionnelle d’agent immobilier, gage de qualité et de crédibilité pour les investisseurs chinois. Tél : + 33 (0) 5 57 84 08 82 [email protected] Maxwell-Storrie-Baynes est une filiale de la Maison Christie’s. Depuis l’été 2013, Christie’s International Real Estate est associée à la branche qui vend des vins aux enchères ; elle a ouvert un bureau à Hong-Kong spécialisé dans l'acquisition de propriétés viticoles. Li Lijuan est son correspondant à Bordeaux. Les Français qui vendent… La génération qui a de 55 à 70 ans pense à vendre son domaine car elle a des enfants qui ne veulent pas hériter d’un vignoble en indivision, ou qui vivent loin, ou qui ont une autre profession. « Je constate aussi que les jeunes, à cause du malaise économique français, préfèrent être salariés d’une entreprise plutôt qu’être leur propre patron, dit Karin. C’est devenu très compliqué d’être à son compte en France, à cause des contraintes administratives, de la ‘’paperasse’’, des lois, des charges. Les seniors ont été à leur compte mais ne peuvent pas transmettre cette envie à leurs enfants car ils croulent sous les papiers administratifs depuis une dizaine d’années. Aujourd’hui, un vigneron passe autant de temps à son bureau que dans ses vignes. » - Mais les Chinois, eux aussi, vont passer autant de temps dans cette paperasse. « En effet. Lorsque j’organise les visites de châteaux, je fais venir un notaire et un comptable pour leur expliquer toutes les obligations relatives aux lois françaises. Je pense être le seul agent à opérer de cette manière. Je leur conseille d’embaucher une personne pour gérer cette partie administrative et je leur trouve une solution. Le repreneur a l’obligation de garder le personnel en place ; c’est une bonne chose car l’équipe est la mémoire de la propriété, elle est précieuse. » Le futur propriétaire chinois ne craint par notre législation car il ne s’en occupera pas personnellement ; déjà en Chine, il délègue ce genre de problèmes, de ‘’paperasse’’. …et ceux qui achètent. « Les Sud-africains, qui ont des vignobles en Afrique du Sud, craignent leur politique locale et achètent des petits vignobles ici en vue d’un éventuel déménagement ; leurs deux périodes de vendanges sont inversées et peuvent être effectuées par la même équipe. Nous sommes sollicités aussi par des Américains fortunés ; ils aiment les chartreuses du XVIIIème siècle typiques de la région. Les Chinois préfèrent les bâtiments hauts avec des tours.» Depuis 2012, l’agence Maxwell-Storrie-Baynes a vendu les châteaux Grand Mouëys, Milord, Quercy, Birot et Renon à des Chinois (cf leur chapitre respectif). Début 2013, Karin a vendu à la famille Mottet le château de Seguin, une propriété de 173 hectares à Lignan-de-Bordeaux (à 20 kms à l’Est de Bordeaux) ; Bruno Mottet racontait : « Pour exporter mon vin en Chine, c’est la Cave du Dynastie installée à Bordeaux qui m’a le plus aidée : la patronne Leelee Huang a aimé mes vins et m’a fait confiance. Puis, une scène du film ‘’Jiang Ai’’ a été tournée dans le parc de mon château (cf le chapitre sur le tourisme) et ça m’a aidé à vendre mon vin lors des manifestations de 2011 : en effet, j’avais été photographié entre les deux célèbres acteurs et cette photo a eu un impact conséquent. » Karin Maxwell reprend : « Il faut savoir négocier avec les Chinois, savoir ce qu’il faut dire et ne pas dire ; ils sont différents des Français et des Anglais : ils vont s’attacher à des choses que nous trouvons peu importantes et négliger un point fondamental pour nous. La plupart investit 10 millions d’euros au maximum dans un vignoble ; mais on commence à avoir des demandes avec des budgets plus importants : ils sont un deuxième, voire un troisième achat… Avec un dossier bien monté, il peut se passer seulement six mois entre la 1ère visite de l’intermédiaire d’un Chinois et son entrée au château en tant que propriétaire. Un de nos acquéreurs a été aidé par notre bureau Christie’s de Hong Kong. » Christie’s International Real Estate a des bureaux dans plus de 100 pays. Son actionnaire principal est le français François Pinault. « Notre base de données est internationale ; Christie’s a la clientèle de toutes les banques du monde entier. Notre communication est mondiale. ‘’Bringing Bordeaux to the world and the world to Bordeaux’’ dit Karin, Emmener Bordeaux vers le monde et le monde à Bordeaux est le maître-mot de l’agence » Tél : + 33 (0) 5 57 84 08 82 et www.maxwellstorriebaynes.com Quais de Bordeaux Quais de Hong Kong Contrefaçons de marques Inlex Créé en 1995 par Eric Schahl et Franck Soutoul, la société Inlex est aujourd’hui un acteur majeur de la Propriété Intellectuelle. Une équipe de 70 personnes accompagne les entreprises dans leur stratégie et gère les contrefaçons. Avec Céline Baillet, je parle de la Chine et du vin français : le dépôt des marques, l’opposition à l’enregistrement de marques identiques et les opérations de saisiecontrefaçon. Entre autres problématiques, elle accompagne les vignerons français dans la protection et la défense de leurs droits : * Défendent-ils efficacement le nom de leur château ? * Leur marque est-elle protégée en Chine ? * Leurs relations contractuelles avec leur distributeur sont-elles sécurisées ? Le négociant souhaite envoyer un vin en Chine et le propriétaire doit protéger sa marque avant le départ des bouteilles. « Pour déposer la marque, je vérifie auprès de l’Office chinois (National) que le nom est libre, me raconte Céline Baillet. Si c’est le cas je procède au dépôt et l’Office chinois enregistre la marque. Cela coûte au viticulteur environ 1000 € pour 10 ans. Malheureusement, dans 95 % des cas, je m’aperçois qu’elle est déjà enregistrée en Chine, en langue française et chinoise. » - Un Chinois dépose donc un nom de château sans même le connaitre ? « Oui, c’est un particulier ou l’importateur-distributeur si le vin a déjà été commercialisé par lui : en déposant la marque, l’importateur se protège afin que le Château soit obligé de passer par lui pour vendre son vin sous son nom. Juridiquement c’est lui qui est propriétaire de la marque et pas le viticulteur français. » - Le Français peut-il racheter sa marque ? « Oui. Mais c’est compliqué et c’est très cher. Le Chinois qui travaille dans le vin préfère faire du business à long terme, rester propriétaire de la marque et continuer de vendre le vin du Château. D’autres Chinois, qui n’ont rien à voir avec les domaines viticoles, enregistrent des marques de vins pour les revendre aux propriétaires. Pour nous, Français, ce sont des dépôts ‘’frauduleux’’ car c’est une forme de racket. Je tente donc d’informer l’Office chinois qu’un dépôt n’aurait jamais dû être accepté, mais seuls les Grands vins ont gain de cause. Il faut donc négocier avec le propriétaire de la marque. » - Le viticulteur peut changer la marque de son vin, la déposer par tes soins en Chine, puis vendre son vin avec son nouveau nom. « Si son vin avec son nom d’origine est déjà connu en Chine ce n’est pas une bonne idée. C’est pourquoi certains vignerons prennent le risque de vendre leur vin sans être propriétaire du nom de leur Château. Ils sont alors des ‘’contrefacteurs’’, ils attendent d’être contactés par le détenteur de leur marque pour négocier. En revanche, si le vin d’un viticulteur n’est pas connu en Chine, je lui conseille de changer son nom et de faire des étiquettes spécialement pour le marché chinois. » - Il faut donc faire enregistrer sa marque avant la première exportation. « Bien sûr. Un dépôt pour la Chine continentale et un dépôt pour Hong Kong.» - Les vins Français sont-ils les plus touchés par ce ‘’commerce’’ ? « Oui. Sauf les grands vins français et les grands groupes qui se sont protégés depuis leur première exportation.» - Et les étiquettes ? « Celles qui sont les plus représentatives sont déposées également, comme le galion du château Beychevelle et celles du château Mouton Rothschild par exemple. » - Les exportations ralentissent. Les prix baissent. « Les Chinois apprennent à boire du vin. Si le Français offre du champagne pour une belle occasion, le Chinois offre une bouteille de Bordeaux. » La contrefaçon, la ‘’copie du maître’’, est la rançon de la gloire (lire le chapitre de Gérard Colin et château Lafite). Le gouvernement chinois est très actif pour retirer du marché des produits illicites et condamner les contrefacteurs. En avril 2014, la Chine a lancé une procédure de reconnaissance de l'indication géographique "Bordeaux" : une protection pour les bouteilles françaises victimes de contrefaçons à l'étranger. Inlex Céline Baillet Conseil en propriété industrielle 16 rue Danjou 33000 Bordeaux [email protected] Tél : + 33 (0) 5 67 80 10 88 Fax : + 33 (0) 5 17 02 22 65 www.inlex.com Jean-Baptiste Thial de Bordenave, avocat collaborateur de Inlex, me disait que le premier indice pour constater une contrefaçon c’est le prix peu élevé d’une bouteille qui affiche pourtant l’étiquette d’un château prestigieux. Tél : + 33 (0) 5 56 52 12 46 Office chinois des marques www.chinatrademarkoffice.com Village de Saint-Emilion Extraits Œnologue français en Chine Gérard Colin Dans les années 1990 en Chine, 15 millions de quintaux de céréales étaient utilisés pour produire de l’alcool : le jiu. Pour restituer à cette céréale sa fonction première : être consommée au lieu d’être bue, le Gouvernement a relancé la culture de la vigne en 1987. 600 vignobles pour 400 000 hectares de vignes ont été plantés mais sans véritable notion de terroir ou de qualité : juste pour faire du vin, le désinhibant qui préserve le lien social. Gérard Colin, œnologue bordelais, a amélioré Grace Vinyard, le vignoble de Monsieur CK Chan, chinois de Hong Kong et de sa fille Judy Leissner qui préside l’exploitation. Susan Johanna Jakes, la correspondante du Time (célèbre hebdomadaire américain), arrive de Pékin pour interviewer Gérard. « J’aimerais créer un vin 100% chinois, avec une variété de raisins chinois, lui dit-il. Greatwall, Dynasty, Dragon seal sont des vins issus du cabernet mêlé à d’autres cépages. Moi, je préfère travailler sur des petits vignobles, comme un produit de luxe, l’artisanat d’art. Chaque œnologue fait un vin différent et on ne fait pas du vin pour soi ; on s’adapte à l’évolution des goûts.» Il est midi. Pour l'apéritif, Gérard propose du vin de noix…le fromage nous manque. « J’adore le fromage de chèvre mais avec du vin blanc, du sancerre ou du pouilly fumé, me dit Gérard Colin, du munster avec un vin d’alsace, du camembert avec du cidre, du roquefort avec un porto…Je crois très moyennement à l’association mets-vins ; c’est du snobisme. Lorsque je fais du vin, je pense à son goût à lui et pas aux nouilles ou au tofu que mangent les Chinois. Je cherche à faire du bon en priorité. La cuisine chinoise s’associe mal au vin, car avec 18 plats servis au centre de la table et picorés à tout va, les seules boissons qui s’adaptent sont l’alcool, le thé ou la bière ; le seul vin qui peut passer c’est le blanc, un muscat proche du vin jaune chinois, un vin oxydatif… acide et sucré : ils vont parfaitement avec ces mélanges de plats. Mais la couleur rouge étant le symbole de fortune et du bonheur en Chine, elle produit peu de vins blancs. Je propose des associations metsvins à certains restaurants qui servent à l’assiette. » Gérard poursuit : « Un litre de Bai Jiu c’était les 1 000 calories indispensables aux ouvriers chinois, leur carburant ; ils ne mangeaient pas de viande tous les jours mais ils étaient ivrognes. Et là où les travaux de force n’existent plus, ce vin n’a plus de raison d’être. Le Français est passé de 150 litres de consommation de vin par an, à 50 litres en l’espace de 30 ans. Aujourd’hui, le Chinois boit 33 litres de bière par an, zéro il y a 20 ans parce qu’il buvait du Bai Jiu ; le thé est délaissé au profit des soft drinks etc… Nous sommes dans des produits de mode plus que de culture ou de tradition. Pour apprécier le vin, il vaut mieux être servi à l’assiette. Et ça n’empêche pas la convivialité.» Château Lafite Rothschild en Chine extraits : Gérard Colin est un ‘’architecte paysagiste concepteur de vignobles’’. Les Domaines Barons de Rothschild cherchaient le meilleur emplacement pour développer un vignoble de qualité en Chine. En 2006, Christophe Salin, directeur général de DBR, confia cette étude à Gérard Colin : il a trouvé un vignoble de 25 hectares extensibles à 50 dans la péninsule de Penglai (province du Shandong). Pendant 7 ans, il a dirigé son élaboration en partenariat avec le groupe national chinois CITIC. Dans cette province, la viticulture est en plein essor grâce à une combinaison entre les terroirs en altitude et ceux qui sont à proximité de la mer : sa production de vin a doublé entre 2005 et 2011, et les plus grandes marques du vin en Chine y sont implantées. Dans cette zone concurrentielle et convoitée, les équipes françaises de Lafite ont déployé les grands moyens : un partenariat avec le groupe chinois d’investissement Citic et un investissement de 100 millions de yuans (environ 12,5 millions d’euros) pour faire pousser des vignes à partir de zéro, bâtir des installations techniques et un château de 1600 m2 qui réconciliera les cultures européenne et asiatique. « Penglai est une station balnéaire célèbre ; la ville est desservie par d’excellentes infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires, m’explique Gérard Colin. La péninsule offre également des atouts climatique et géologique et nous croyons fortement dans le potentiel de ce vignoble. Cependant, en choisissant Penglai, nous savions que les travaux à entreprendre seraient très importants. En effet, les équipes ont aménagé 30 hectares de collines. 40 000 tonnes de pierres ont été extraites et plus de 9 kilomètres de murs de pierres sèches ont été construits autour des parcelles. Le vignoble regroupe 30 parcelles et plus de 200 terrasses. Au mois de mai 2011, 12 hectares ont été plantés. Les cépages seront le Cabernet Sauvignon en majorité mais également la Syrah, le Cabernet Franc, le Merlot, le Petit Verdot et le Marselan. Tout en Chine est pharaonique : un vignoble chinois a généralement 200 à 1 000 hectares et comprend toutes les infrastructures comme les complexes réceptifs, touristiques, projets immobiliers… Ce ne sont pas du tout les mêmes proportions que dans le Bordelais… En comparaison à de telles dimensions, notre vignoble de Penglai est bien modeste, mais c’est une conception bordelaise appliquée à un terroir chinois. La sélection pour la qualité passe par le choix des cépages et également par une réduction des rendements. Cette recherche de l’excellence est la caractéristique première du groupe DBR. Le vin rentre progressivement dans les habitudes de consommation des Chinois mais on ne peut pas encore parler d’une culture du vin comme en France. C’est un apprentissage qui se fera au fil du temps et auquel nous espérons contribuer. » Olivier Richaud a remplacé Gérard Colin en février 2013. Gérard travaille sur un nouveau vignoble dans le Xin Jiang à Turpan, sur la route de la soie. Je rencontre Michel Négrier à Bordeaux. Il est directeur commercial international pour DBR Lafite. « Ces dernières années la Chine a surenchérie sur les Grands crus, me dit-il. Depuis 2012, un vin comme Lafite est vendu au plus proche de sa vraie valeur, et il reste toujours le plus demandé. Sous l’influence des Occidentaux, cette marque est présente depuis 25 ans à Hong Kong. Aujourd’hui, une dizaine de ville chinoise a la taille de Hong Kong, avec un petit pourcentage de connaisseurs en vins qui ont voyagé et visité des châteaux, qui connaissent les millésimes et les cépages. Pour les autres, ceux qui ont gagné de l’argent vite, le vin est un élément de style de vie, comme la belle voiture ; ils ont 35 ans, des moyens financiers et se constituent une belle cave rapidement. ‘’Rapidement ‘’ car ils disent « on ne sait pas ce qui peut se passer demain » : ils connaissent l’histoire et la révolution culturelle chinoise. Cette génération d’enfant unique n’a pas de temps à perdre. Le marché change très vite, au rythme de leurs envies, voire de leur frénésie. C’est pourquoi il est indispensable que DBR travaille avec ‘’la Place de Bordeaux’’ (courtiers et négociants cf chapitre Chine / Diva Bordeaux) et non pas en direct avec eux, car ils seraient capables de nous acheter toute la production de Lafite, là, tout de suite. » Succès et Contrefaçons L’offre des vins du Château Lafite n’est pas extensible : la production est limitée. Hormis les commandes des familles royales à travers le monde, les investisseurs s'emparent d'une grande partie de sa production. Il y a donc peu de vrais Château Lafite sur le marché chinois. Il est aisé pour les fabricants de vin frelaté de duper les consommateurs car devant une contrefaçon, ils préfèrent garder le silence pour ne pas perdre la face. La contrefaçon est un mal qui touche les marques à forte notoriété. Château Lafite est concerné car il est la marque phare en Chine. Mais DBR a mis beaucoup de moyens pour se défendre : les juges réagissent vite et le groupe gagne ses procès, ce qui fait reculer les copieurs. Leur site web en chinois communique sur ces actions. « On peut dire que la contrefaçon est la rançon du succès, me dit Michel Négrier. Ce succès est dû à plusieurs facteurs : nous avons 25 ans de présence en Chine, avant les autres ; le nom ‘’Lafite’’ est facile à prononcer pour un chinois, le son est agréable ; les sitcoms, ces feuilletons réalisés par la télévision de Hong Kong dans les années 80, mentionnaient notre vin comme un symbole de réussite, sans même que le groupe DBR soit au courant. L’étiquette est reconnaissable car elle est la même depuis longtemps. Et surtout, Château Lafite est un vin facile à boire et on en reboit ; son gout est remarquable. Notre notoriété est mondiale car la diaspora chinoise internationale distribue notre marque ; elle veut du DBR. » Face à la forte croissance de la demande, le Groupe Rothschild a acheté plusieurs vignobles ces dernières années, afin d'augmenter sa production : « Le Baron Eric de de Rothschild et Monsieur Salin ont visité au Chili des dizaines d’exploitations avant le coup de cœur pour le site de Los Vascos : quand le lieu est beau, une magie s’opère dans le vignoble. En Argentine, le Bodegas Caro est un vin élégant ; le sol de ce vignoble est aride, l’altitude bloque la maturation et donne un vin complexe », explique Michel Négrier. Fin 2012, DBR a acquis 26 hectares de vignes dans la région de Malborough en Nouvelle Zélande. Dans le Languedoc (Sud de la France) un site ancien et traditionnel a charmé le Baron en 1999 ; de nouvelles vignes ont été replantées ; 10 ans après, « parce qu’il faut être patient » château d’Aussières est un très bon vin. « En Chine dans le Shandong, il y a une colline, un lac, des cultures en terrasses… Nous associons un beau site et son sol à notre savoir-faire. Si les Chinois sont impatients et veulent avoir du vin vite, nous, le Groupe Rothschild, avons le temps, ce qui nous permet d’être sélectifs. Quel que soit le pays, les consommateurs sont toujours ravis de boire le vin local. Quand des grandes structures comme la nôtre, aident les Chinois à faire du bon vin, ça leur plait, ils sont fiers. En Chine nous ne faisons pas ‘’le Château Lafite’’ ; nous faisons un vin chinois sur un vignoble exploité par DBR. Le seul ‘’Château Lafite’’ 1 er Grand Cru classé, est produit à Pauillac dans le Médoc. Notre vin chinois sera issu des raisins du Shandong avec nos compétences. Il y a d’autres projets français, d’exploitation de vignes en Chine, un projet philippin également… Mais c’est compliqué d’avoir un partenariat chinois car vous n’êtes pas propriétaire du vignoble mais locataire pour 99 ans ; c’est pourquoi certains grands groupes hésitent à investir. » Châteaux de Bordeaux à la vente, pourquoi ? La concurrence Le vignoble bordelais s’est trop agrandi ces dernières années : de 75 000 hectares en 1970 il est passé à 117 000 puis à 112 000 hectares en 2014. Des vignes en AOC ont été plantées à la place des ‘’vins de table’’. Les charges des viticulteurs ont augmenté. Dans le monde, en 1980, on plantait à tour de bras, en particulier dans les nouveaux pays viticoles : Californie, Argentine, Chili...Leur production a doublé en 10 ans. Les consommateurs voyagent de plus en plus et découvrent de nouveaux vins. La concurrence et la mondialisation ont fait baisser les prix du vin du Bordelais. La France n'est plus le centre incontournable pour les acheteurs étrangers. En 1990, l’Angleterre s’est tournée vers les vins du ‘’nouveaux monde’’ et néo-zélandais, et la grande distribution française s’est effondrée. Les effets du French paradox Les effets bienfaiteurs du vin pour la santé ont été diffusés en 1991. En 1998, le pic de vente dans le monde des vins français, et en particulier des Bordeaux, a été atteint. 6,2 millions d’hectolitres de vins de Bordeaux ont été vendus. Les conditions économiques étaient favorables. « A cette époque, certains négociants achetaient, sans goûter parfois, le tonneau de Bordeaux à 10 000 francs (1 600 €). La hausse des prix a été trop rapide et trop élevée. Le marché n’était pas maîtrisé et ces tarifs n’ont plus jamais été atteints. A partir de l’année 2000, la crise économique a contribué à sa chute. On s’est réveillé un matin avec la gueule de bois ! » m’expliquait Xavier Carreau, un ami proche du scientifique Serge Renaud, l’inventeur du terme french paradox. Ces vers célèbres sont passés de mode : « Aimer est le grand point, qu'importe la maîtresse. Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse.» La coupe et les lèvres, écrit en 1830 par Alfred de Musset (1810-1857). La Loi Evin et la Sécurité routière La Loi Evin, votée le 10 janvier 1991, lutte contre le tabagisme : elle interdit la publicité sur le tabac et sa vente aux moins de 18 ans ; elle imposait également des lieux publics réservés aux fumeurs. Concernant l'alcool, elle déclare que « Toutes les boissons de plus de 1,2% d'alcool par volume sont considérés comme des boissons alcoolisées ». La loi interdit la publicité pour ces boissons à la télévision afin de ‘’protéger les jeunes’’. Une tranche horaire bien précisée à la radio, et la presse spécialisée peuvent faire de la publicité avec le message sanitaire obligatoire : « L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération ». En fait, tout ce qui n’est pas autorisé par son texte est interdit. C’est un casse-tête pour les publicitaires. En mars 2004, l’affiche du CIVB qui présente une femme avec le slogan ‘’Buvons moins buvons meilleur’’ est interdite car elle est trop conviviale ! Lorsque le Val-de-Loire parle de la ‘’jeunesse de ses vins’’ cela peut inciter les adolescents à boire = interdit. Interdit aussi le slogan ‘’la nuit est rose’’ pour le champagne rosé de Moët-et-Chandon : ses bulles risquent de faire apparaître quelques éléphants ! Mon livre même devrait être frappé d’interdit pour incitation à la débauche. Le slogan ‘’Bordeaux, des vins, un style’’ sur fond de table (photo de droitepage suivante) est accepté par la Loi, enfin !…L’ANPAA, Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie est la plus répressive. Le 25 juillet 2014, le CIVB a obtenu gain de cause dans le conflit qui l'opposait à l’ANPAA au sujet de sa publicité Portraits de vignerons : après 9 ans de bras de fer, elle est enfin acceptée par la loi Evin. C’est une victoire pour le CIVB mais Bernard Farges, son président, réclame toujours : « la clarification du cadre dans lequel on peut parler du vin en France ». « Nous déplorons l’absence de dialogue constructif avec les pouvoirs publics dans notre pays, en particulier avec le ministère de la Santé » disait Joël Forgeau, président de Vin & Société. Le vigneron Yannick Evenou (château Réaut) s’est lancé dans la 46ème édition de la Solitaire du Figaro, partie le 31 mai 2015 depuis Bordeaux. Il attira ainsi l'attention des médias et du gouvernement sur la Loi Evin. Son voilier, dont la marraine est Sylvie Cases, porte le nom évocateur loi et vin ; ce Bénéteau a été décoré par l’artiste bordelais Jofo. En France, la consommation de vins et d’alcool a baissé de moitié en 10 ans. Le 5 mai 2002, Jacques Chirac a été réélu Président de la République. Son ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy a fait de la ‘’sécurité routière’’ son fer de lance. Entre autres mesures, il réduit le taux d’alcool autorisé au volant. « A la télévision, un spot publicitaire contre l’alcool au volant montrait un autocollant représentant une bouteille de vin avec un château, symbole de Bordeaux. » me dit Xavier Carreau. « Ce n’était pas tolérable. » L'association Vin &Société, qu’il présidait alors, a réuni plusieurs organisations viticoles pour défendre le vin face aux attaques des pouvoirs publics. Enfin, le 25 février 2004, le 1er ministre Jean-Pierre Raffarin, indiqua clairement que « l'interdit n'est pas l'avenir du vin en France » et il accepta d'adapter la Loi Evin à la promotion collective des vins de qualité. Le sénateur girondin Gérard César disait en janvier 2014 : « Nous sommes en alerte sur les mesures relatives à la taxation du vin pour raison de santé ou fiscalité ‘’comportementale’’ et à l’augmentation des droits d’accises. Autant de mesures pénalisantes pour la filière. » Suite à sa proposition de loi déposée en 2012, un amendement reconnaissant le vin comme partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager français a été adopté le 12 avril 2014 par le Sénat, mais elle restait floue. « La France, pourtant berceau de la production mondiale et référence de qualité, a voté la loi Évin. Voilà la grande différence avec les États-Unis qui considèrent le vin comme un produit culturel. » dit Michel Rolland début mars 2015. Christophe Château du CIVB, ajoute : « La place du vin en France doit être défendue, parce que nous ne pouvons pas être forts à l’étranger si nous ne le sommes pas sur notre propre territoire. » + d’infos page 55 : le nouveau texte a été voté le 11 juin 2015. « On est dans le pays des paradoxes, dit Olivier Bernard, Président de l’Union des grands crus de Bordeaux. Nous ne pouvons pas montrer une étiquette de vin lors d’un cours de cuisine dans une émission de télévision française ; un Château n’a pas le droit de sponsoriser un voilier qui fait une régate… Bien sûr, je suis contre celui qui prend le volant en ayant bu. La prévention est importante et je suis content que les jeunes soient sensibilisés à ça. Mais le ‘’binge drinking’’ boire à l’excès, pratiqué par les jeunes, ce n’est pas avec le vin, mais avec les alcools forts.» Il est interdit de conduire avec une alcoolémie supérieure à 0,5 gramme d’alcool par litre de sang ; cela correspond à 25cl de vin. En Chine, la tolérance d’alcool au volant est de Zéro ! L’héritage Depuis 2010, la France a durci considérablement sa politique d’imposition sur les successions. Aucun grand pays d'Europe ou d'Amérique du Nord ne ponctionne aussi durement le patrimoine des personnes décédées. La législation française donne à tous les enfants des héritiers des parts égales : de nombreux vignobles ont été divisés en petites parcelles, ainsi sans intérêts de production. Des héritiers vendent les biens pour payer les droits de succession. D’autres châteaux sont vendus à cause des mésententes familiales après l’héritage. Les avantages liés aux donations ont été supprimés, à l'exception de ceux prévus en faveur des donations d'entreprise. Etre classé au Patrimoine Un château ‘’classé au Patrimoine’’ est préservé de l’abandon ou de la destruction. Il bénéficie des aides publiques du Ministère de la culture. Il se soumet à un cahier des charges strictes et entretient le lieu. Mais les aides de l’Etat français se sont réduites fin 2013. Pourtant la végétation ronge les vieilles pierres et les tempêtes continuent d’emporter les ardoises… Un artisan qualifié met une heure pour changer 5 tuiles d’ardoise de la toiture pentue d’un château vieux de 300 ans. C’est pourquoi, avant de vendre, les propriétaires tentent une restauration pour proposer des chambres d’hôtes, recevoir des séminaires et des mariages, louer le parc pour des spectacles d’été…Le vigneron passe de la vigne à l’oenotourisme ! Dans l’attente des aides de l’Etat, le châtelain cultive son potager et vend ses fraises. Tous ces facteurs favorisent l’achat des terres viticoles par des étrangers, dont les Chinois. Pourtant, les complexités administratives françaises devraient freiner leurs investissements : je pensais que certains Chinois seraient effarés par les normes françaises, ses procédures, son droit social ; les salaires ne sont pas les mêmes qu’en Chine, le code du travail français a doublé de volume ; l’inspection du travail et des fraudes se manifeste régulièrement ; les taxes et les impôts ont augmenté… Mais non. Bien entendu, le Chinois propriétaire est taxé au même titre qu’un français pour l’export du vin vers leur pays. De plus sa propriété ne lui donne pas un visa d’entrée systématique. En février 2015, environ 240 domaines viticoles bordelais appartiennent aux investisseurs étrangers : ils sont chinois (plus de 100), belges (plus de 50), allemands et britanniques, américains, sud-africains et japonais, italiens, russes, daanois, grecs, suisses, singapouriens. Extraits Quelques châteaux appartenant à la Famille Qu Lamont vins, filiale du groupe Haichang Il y a 20 ans environ, Monsieur Qu a fondé le groupe Haichang, un conglomérat présent dans le transport maritime, le pétrole, le tourisme et l'immobilier, basé à Dalian. Son directeur général, Li Hengrui, ancien capitaine de marine marchande, expose la logique du Groupe dans la diversification du vin : « Haichang veut se développer dans le haut de gamme ; c'est l'avenir pour la Chine, et de la ville de Dalian qui se veut en pointe dans le domaine de la mode et du luxe. Nous sommes à un stade où les Chinois aspirent à une plus grande satisfaction matérielle et spirituelle. Le vin, la culture française, le romantisme, cela correspond parfaitement à ce qu'ils cherchent, explique-t-il. Acquérir des châteaux français est une manière de produire des vins authentiques. » La famille Qu est aujourd’hui propriétaire d’une vingtaine de vignobles bordelais dotés de maisons prestigieuses. Avec ses acquisitions, le groupe Haichang a créé sa filiale Lamont vins. Château Branda (photos ci-dessus) et son vignoble de 36 hectares ont été vendus en 2011 par la société Leda de la famille Lesgourgues, connue pour ses Armagnacs, ses vins de Bordeaux et de Madiran. Le château médiéval de Branda fut construit à la fin du XIIIème siècle sur les vestiges d'une villa gallo-romaine. Les armées d'Edouard III d'Angleterre l'occupèrent en 1360 pendant la guerre de Cent Ans. Le temps et les ans avaient considérablement endommagé ces vestiges, transformés en bâtiments agricoles. En juin 1997 un chantier de restauration avait duré 3 ans : il est repris aujourd’hui par le groupe Haichang. Le vignoble est en appellation Puisseguin Saint-Emilion. Il est situé à 30 kms au Nord-est de la ville de Bordeaux. 13 chemin Freyche 33240 Cadillac-en-Fronsadais Les meilleurs ‘’retraités’’ au service de la famille Qu Ancien négociant pour la maison de négoce Ginestet et ancien président du CIVB (Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux), Christian Delpeuch a créé une structure de conseils. Pour représenter les nombreux vignobles bordelais de Monsieur Qu, ce professionnel reconnu m’expliquait : « Nous restructurons les propriétés pour obtenir une qualité de vin irréprochable. Nous souhaitons nous fondre dans le paysage existant, avec un comportement exemplaire de nos équipes sur le terrain. » Christian Delpeuch s’était bien entouré…. Pourquoi les propriétaires ont-ils vendus les domaines, et pourquoi Lamont vins les achète-t-il ? Les anciens propriétaires du château Bertranon ont fait un mauvais calcul financier en l’achetant sept ans auparavant, car ils n’ont pas eu les moyens de le restaurer. Christian Delpeuch me confirme : « il est dans un état lamentable même si l’ensemble parait magique, le toit s’écroule à cause des termites, et les vignes sont dans un état déplorable. Lamont vins l’achète parce qu’il est splendide et le Groupe a les moyens de le restaurer. Pour le moment, le programme du Groupe Haichang est d’investir pour restaurer, pas pour revendre. Je m’occupe des restaurations des bâtiments avec des équipes françaises mais les plus gros investissements portent sur les vignobles. » Le bureau de Christian Delpeuch domine les vignes du château Branda. Il me montre une parcelle de vignes en friche : « nous avons arraché les mauvais pieds de vignes ; nous remettons tout à niveau, les vignobles comme les chais de tous les châteaux du Groupe. » Haichang a contacté Christian pour accompagner son projet sur plusieurs années ; ce dernier a souhaité connaître les intentions de Monsieur Qu : « Il m’a expliqué qu’il voulait investir dans la pierre, remettre tous ces châteaux en bon état ; il considère que le niveau d’investissement, aux vues de la beauté des bâtiments, n’est pas énorme. En plus de ça, il est intéressé par l’appellation « Bordeaux » qu’il pourra commercialiser en Chine. Mais pour ça, il faut restaurer les vignes pour qu’elles produisent des vins de qualité. Et depuis que je travaille avec Monsieur Qu, j’investi, je restaure. » Il est évident que le retour sur investissement sera long, sur 20 ans sans doute, mais le Groupe a les moyens et le désir. Dans un premier temps, les châteaux recevront ses amis et ses financiers. Les ouvertures des domaines au public, les réhabilitations en chambres d’hôtes et l’oenotourisme interviendront plus tard. « Monsieur Qu travaille avec plusieurs agents immobiliers et choisit ses acquisitions au coup de cœur. » Sur l’ordinateur de Christian, je regarde les photos des châteaux prises par un drone (avion miniature commandé à distance et supportant un appareil photos) ; à part la bâtisse du château Millaud-Montlabert, toutes les propriétés sont sublimes. « En France, le Groupe est axé sur l’immobilier viticole de Bordeaux. Il est possible qu’il investisse en Bourgogne ces prochaines années. S’il n’est pas intéressé par la Napa valley (vignobles de Californie) c’est parce qu’il n’y a pas de bâtiments de prestige, pas d’histoire. Pour l’instant, le prestige c’est la France et c’est Bordeaux. » - Le terroir de Bordeaux est donc inimitable ? « ‘’Un’’ terroir c’est l’association du sol, du climat, des hommes et de la technique. S’il manque un de ces quatre éléments, ce n’est pas ‘’Un’’ terroir. Les Chinois boivent de plus en plus de vin, pour notre plus grand plaisir et le leur. La production locale augmente et c’est une bonne chose. Mais l’idée n’est pas de copier un terroir et les différentes parcelles d’une appellation. Chaque terroir a sa place. Chaque terroir a ses limites aussi. Le Bordelais a la chance de son terroir. Pour moi, le seul pays qui a un terroir viticole d’exception et qui n’est pas encore très exploité c’est l’Argentine, avec ses vignobles de ‘’Mendoza’’ et de ‘’Salta’’. Il manque peut-être un des quatre éléments.» La Cour des comptes de Chine Elle a délivré le mercredi 25 juin 2014 son rapport sur l’année 2013, et suspecte 314 cas de « violations majeures de la loi et de la discipline ». La campagne anti-corruption lancée par Pékin accuse la firme d’investissement Ruiyang et le Groupe Haichang d’avoir acquis des vignobles français avec des fonds publics chinois, d’avoir acheté des vignes et 14 châteaux à la place de technologies étrangères, d’avoir donc détourné quelque 32 millions d'euros alloués par l'État. Le quotidien Sud-Ouest et ses deux journalistes César Compadre et Éric Meyer, ont publié le 26 juin 2014 : « Dans le cadre d’une vaste opération anti-corruption, la Cour des comptes de Pékin révèle que le groupe Haichang a détourné des fonds publics pour payer certains de ses 23 châteaux girondins. » Le groupe Ruiyang accusé ne serait pas le propriétaire de château Les Brettes. « Des ondes négatives virevoltent au-dessus de certains des 90 châteaux bordelais acquis à la vitesse grand V, ces dernières années, par nombre d'investisseurs chinois. Salariés laissés à l'abandon, gestion ‘’sportive’’, incompréhension des règles françaises, tentation de louvoyer, doutes sur les motivations réelles des achats, voire sur l'origine des fonds…(…) Le grand nettoyage a été lancé en septembre 2013 par Xi Jinping, premier secrétaire du Parti communiste chinois. Afin de consolider son pouvoir et de remettre sur les rails un pays en train de sombrer dans les détournements, Xi a lancé ses organes de contrôle, la Cour des comptes et la Commission centrale de discipline (la police interne du PCC) dans toutes les directions (…) De façon insolite, l'État chinois va sans doute se retrouver propriétaire de ces biens sans l'avoir voulu, ni pouvoir récupérer son argent avant longtemps. » Clos des Quatre Vents, Margaux Château Tayac Plaisance, Margaux Château Bonneau, Avensan Bordeaux Z, Soussans Jing-Tong Ma, Wu Nu Shan Milan wine En Chine, il y a une société d'État pour chaque province qui gère l’Energie et investit dans les sources énergétiques : électrique, éolienne, thermique et solaire. LEC : Liaoning Energy Investment a été fondée en 1985 par le gouvernement populaire de la province de Liaoning ; elle est présidée par He Jianyong. Devenue une filiale de LEC en 2001, Wu Nu Shan possède un domaine viticole qui produit du Vin de glace. Le 20 février 2014, elle a acheté les propriétés de Luc Thienpont, soit 48 hectares avec sa forêt, et ses stocks ; ils réunissent 3 châteaux pour 5 vins. A 62 ans, le belge Luc Thienpont avait décidé «de lever le pied en douceur ». Les raisons invoquées par Luc Thienpont pour la vente de son domaine sont financières, et plus particulièrement fiscales : il est père de six enfants et n’aurait pas pu assumer la succession pérenne du vignoble dans les prochaines années. Les frais de donations et de successions en France sont trop élevés. Luc Thienpont conserve 1% des actions pendant deux ans. Il a vendu sa compagnie de négoce SARL Thienpont à une autre personne. Wunushan est un des seuls investisseurs en bordelais à être déjà viticulteur professionnel avec son Vin de glace (cf page suivante). Il n’est pas un investisseur industriel. « Investir dans un vignoble n’est pas un achat immobilier, me dit Lina Fan, la directrice des domaines ; ici, tous les ans, il faut travailler, produire, se remettre en question. Ce n’est pas un stock de richesses. Nous avons cherché longtemps un vignoble de qualité. Après cinq voyages avec les membres du groupe nous avons sélectionné les domaines de Luc Thienpont qui ont un bon potentiel. » Le Vignobles des Quatre Vents réunit 7 hectares dans la prestigieuse appellation de Margaux avec 3 vins : le Clos des Quatre vents, 1,2 hectare entre les communes de Margaux et Soussans pour une cuvée prestige ; c’est un vin appelé vin de Garage, bien noté depuis des années. La Villa des Quatre sœurs, 1,4 hectares à Soussans est son second vin. Le Château Tayac Plaisance a 3,5 hectares en 3 parcelles entre Soussans et Tayac. « Leur vigne a de 60 à 90 ans ; elle est fragile mais subtile. Nous avons revu les parcelles pied par pied, les porte-greffes et les cépages car ces vieilles vignes avaient des ceps mélangés. Il ne s’agit pas d’arracher pour replanter mais plutôt de réduire la production vers 5 à 7000 bouteilles par an. Pour faire le meilleur ! » La salle de dégustation et le salon sont ouverts ainsi que 5 chambres d’hôtes et un appartement familial face à la piscine et aux vignes. Début 2014, c’est le premier achat chinois d’un vignoble en appellation Margaux. Bordeaux Z est une parcelle de 8,5 hectares de vignes en bordure de la Gironde sur la commune de Soussans ; juste à la limite de l’appellation Margaux il est en appellation Bordeaux supérieur car son sol est argileux et non graveleux. Mais Jeremy Lurton lui impose les mêmes règles et codes qui s’appliquent aux Châteaux. En 1979, Luc Thienpont avait quitté sa Belgique natale pour prendre en charge les vignes du château Labégorce Zédé à Margaux ; il les a vendues à Hubert Perrodo (cf château Marquis d’Alesme) mais il avait gardé une parcelle qu’il a nommé Z en souvenir de son Zédé. Château Bonneau est une propriété de 26 hectares avec un vignoble de 10 hectares en appellation Haut-Médoc. Il est à 9 kms à l’Ouest du village de Margaux. Début 2016, il sera remis en état et modernisé, sa tour d’origine sera rebâtie, puis il sera ouvert au public. Son vin était classé Cru Bourgeois mais Luc Thienpont n’a pas respecté le cahier des charges de cette Alliance ; il a une histoire régionale intéressante avec des vignes de 30 ans et Lina Fan mettra les moyens nécessaires à un futur reclassement. « Ce vin s’adapte bien à notre marché ; son volume de production est bien plus rentable que notre vignoble de Margaux, petit et cher.» L’œnologue choisie par Jeremy Lurton est la jeune Céline Mesure. Lina Fan est la directrice générale des domaines de Wunushan. Elle est la veuve de Peng Wang, décédé en décembre 2013 avec le nouveau propriétaire chinois et l’ancien propriétaire français du château de La Rivière. Lina vit en France depuis 13 ans ; elle a étudié en Champagne, elle a réussi ses brevets viticoles à Tours puis celui de l’Inseec à Bordeaux. Ensuite, Lina a assisté Shou-Rui Wu qui a acheté le château de Pic en mai 2013. A Margaux, Lina gère le commercial, le marketing et la communication. Le directeur technique est Jeremy Lurton (photo) ; il est assisté du maître de chai et de 6 personnes. Depuis le millésime 2013, l’œnologue est Eric Boissenot. « Nous voulons relancer la communication sur ces vignobles et développer notre marque à l’International, ajoute Lina Fan. Je rassure les anciens clients car seulement 20% de la production sera vendu en Chine. » SCEA Vignobles des Quatre vents Route de Campion 33460 Margaux Tél : + 33 (0) 5 56 58 97 90 [email protected] La SARL Grands vins des Quatre vents est la maison de négoce créée pour la vente, en Chine et à l’international, de sa production et d’autre Grands crus. Avec Lina Fan, nous dégustons du thé de Pu’Er, délicieux. Elle m’explique le Vin de glace, un vin de couleur blanche comme le Sauternes : « Notre marque chinoise Wunushan et notre propriété se trouvent dans la province de Liaoning, à la frontière de la Corée du Nord et de la Chine. Elle produit un des meilleurs vins de glace en Chine. Le cépage puis la technique viennent du Canada. Le climat de notre région se prête bien à ce vin : nous sommes à 300 kilomètres de la mer avec un sol calcaire et argileux (très différent de la région Ouest de la Chine pourtant à la même latitude) ; il fait très froid l’hiver (- 25° en moyenne), chaud et humide l’été. Avec les pluies et la chaleur de juillet et août (+ 35°), nous devons combattre les maladies et traiter les plantes. Ce cépage canadien est résistant comme notre cépage sauvage coloré et acide. Nous sommes entourés de montagnes et nous devons travailler à la main. Nous avons 500 hectares de vignes mais la production de vin de glace reste petite : comme nous pressons le jus, il ne reste que 20%. La vendange se fait fin novembre, début décembre. Les raisins doivent impérativement être gelés sur le pied et nous vendangeons à 4 heures du matin ; puis nous avons 2 heures pour presser le raisin avant qu’il ne dégèle, avant que la température soit supérieur à - 8° : plus froid il y aura trop peu de jus, après il y aura trop d’eau. » Ce vin de qualité est cher car le coût de reviens, vous l’aurez compris, est élevé. Il s’adapte bien à la nourriture chinoise du Nord, et sur nos fromages, il est moins sucré que le Sauternes, plus acide et frais. Il est apprécié des femmes occidentales. Lina Fan a assisté Wunushan depuis le début pour trouver un vin rouge de qualité, qui complétera sa cave avec du vin rouge, pour une même clientèle. La bouteille de Vin de glace © Wunushan, le chai de ses vins à Margaux © fabienbouchereau.com L’histoire viticole des Thienpont a commencé en 1842 avec une entreprise de négoce de vins dans les Ardennes flamandes. Aujourd’hui, cette famille de viticulteurs est présente dans des dizaines de domaines, en tant que propriétaire ou gérant, et avec sa Maison de négoce. Luc Thienpont a été consul de Belgique à Bordeaux pendant 12 ans, jusqu’à la fin 2011. « Je suis fier de mes origines. Mes six enfants sont nés en France, mais ils ont tous la nationalité belge.» Château Loudenne, Saint-Yzans-de-Médoc Huaili Zhong Kwei Chow, filiale de Moutai Le Groupe Moutai est basé dans la province de Guizhou. Connue pour son alcool blanc, la société s'est diversifiée vers le marché du vin depuis juillet 2002. Kwei Chow possède plusieurs hectares de vignes à Changli ; Huaili Zhong est le président de cette filiale. « Notre vin sera aussi élégant et aussi bon que notre liqueur, dit-il. Les meilleurs vins se font uniquement avec les meilleures vignes. Nous nous orientons vers le marché international pour le faire connaître. Et nous espérons faire apprécier nos alcool.» Le groupe a acheté château Loudenne en avril 2013. Dans le Médoc, à 18 kms de Pauillac, cette magnifique chartreuse est en bordure de Gironde ; elle est appelée le ‘’château rose’’ pour la couleur de ses pierres et pour sa roseraie. Entourée de 132 hectares, ses vignes produisent des vins en appellation Médoc, classés Cru Bourgeois. Au milieu du XVIIème siècle, les Verthamond de Marcellus, aristocrates et notables bordelais, choisissent ce site exceptionnel pour édifier ce petit château aux proportions harmonieuses, destiné à la villégiature familiale et aux réceptions. Château Loudenne est ainsi crée. Walter et Alfred Gilbey achètent le château en 1875 ; ces marchands de vin de Londres ont fondé la société renommée des Gilbey’s Gins. Ils restructurent et amplifient le vignoble de Loudenne avec 50 hectares qui produisent du vin rouge. Les vents marins favorisent la maturation du raisin ; les tourelles, aux sommets des croupes graveleuses, sont des signes extérieurs de richesse et annoncent surtout ce domaine aux bateaux qui naviguent sur la Garonne. Le petit port privé permet les expéditions de tous les vins collectés dans la région, par le fleuve vers les comptoirs de distribution des frères Gilbey. Des 1876, un nouveau chai à barriques est construit dans un style victorien par l’architecte bordelais Ernest Minvielle (1835-1906). En 1880, ils plantent 8,5 hectares de blanc, le premier vignoble de vin blanc du Médoc. Le groupe Gilbey a été racheté par IDV International Distillers and Vintners en 1963, devenu ensuite Diageo, la plus importante entreprise mondiale sur le marché des alcools et spiritueux. Après 125 années de développement et d’entretien sans faille, Loudenne sera vendu en 2000 à la famille Lafragette, connue pour sa marque Alizé (un mélange de cognac et de jus de fruits exotiques). Jean-Paul Lafragette possédait deux autres châteaux dans la région des Graves., le château de l'Hôpital et le château de Rouillac. A cause de graves difficultés juridiques et financières, il a dû se séparer de ses propriétés en 2008, puis de château Loudenne. Le groupe Moutai et Huaili Zhong ont pris la mesure des nombreux travaux à réaliser pour rendre à Loudenne le lustre du passé : le défi est relevé et l’activité s’y développe de jour en jour. 30 personnes travaillent au château. Convaincu que le tourisme viticole est l’avenir de Bordeaux, le directeur français du château, Guy Durand Saint-Omer, développe l’oenotourisme. Guy me raconte : « En 1987, j’étais à Londres pour exporter les vins de Bordeaux. Pendant Vinexpo (Salon viticole international), une héritière de la famille Gilbey m’a invité à Loudenne ; j’ai adoré le charme, la délicate ambiance, l’accueil, le raffinement et son vin. C’était si beau ! Je ferai tout pour restaurer cette propriété à l’image du luxe qui m’a séduit ce soir-là. » Guy Durand Saint-Omer a géré le château Grand-Mouëys de 1994 à 2000 (cf son chapitre).Il a ensuite été l’acheteur de Diageo des vins de France pendant 10 ans. Il était installé à New-York comme exportateur des vins de Bordeaux quand Huaili Zhong lui a proposé de diriger le château Loudenne. - Quel changement ! N’est-ce pas difficile de quitter une grande ville animée pour un petit village du Médoc à une heure de Bordeaux ? « Mais non, j’adore ! Et qui parle d’aller à Bordeaux ? Bordeaux vient à moi, Bordeaux va à Loudenne, c’est une attraction suffisante. » Le référent de Guy en Chine depuis septembre 2014, est Lepeng Bao. Au château, Guy est assisté de la chinoise Yang Yajie, dite Sophie ; Natalia Monrosier gère le réceptif. François Hugueniot est le directeur technique. Athanase Fakorellis est l’œnologue du château ; fidèle Second de l’œnologue Michel Rolland, Fako opère en Grèce, son pays d’origine, en Italie, en Inde et en Chine, et pour différents vignobles français comme le château Lagrézette d’Alain-Dominique Perrin (Cahors) ou le Clos des fées d’Hervé Bizeul (Côtes-duRoussillon cf le chapitre de Tommy Shan). Les jardins du château Loudenne mêlent les styles anglais et français, ses vergers et sa célèbre roseraie de roses anciennes et rares. Ils ont été créés au milieu du XIXème siècle par la famille de Marcellus. Pour IDV, Martin Bramford a restauré les jardins de 1968 à 1982. Ils sont agrandis en 1990 par l'architecte paysagiste bordelais Georges Paradot. Les jardins sont récompensés en 1999, en 2004 et en 2010 ; la Société d'horticulture de la Gironde les a classés comme « jardins remarquables » en janvier 2014. Club Loudenne, créé en juillet 2013, gère l’oenotourisme : grandes occasions, week-ends en amoureux, mariages jusqu’à 250 personnes, séminaires jusqu’à 100 participants, repas... Les 22 chambres et 6 chalets individuels seront réaménagés pour l’été 2015 afin d’accueillir une clientèle internationale. La programmation de nombreux événements renforce l’attrait de la visite du château, comme les quatre dégustations tous les jours d’avril à octobre. A cause de la campagne anti-alcool du gouvernement chinois, le groupe a été contraint de diviser ses prix de ventes par 2 fin 2013. Loudenne est complémentaire de la production des alcools et vins de Moutai en Chine. Château Loudenne 33340 Saint-Yzans-de-Médoc Tél : + 33 (0) 5 56 73 17 80 / 88 [email protected] www.chateau-loudenne.com En Chine : Moutai group 9F, NO 2 Yanwu street, Guiyang city, Guizhou Tél : + 86 851 6820678 [email protected] www.moutaichina.com Changli winery Hebei Tél : + 86 371 63581580 www.mtwine.com En 1966, le seul vin blanc sec de l'AOC Médoc était élaboré au château Loudenne ; nommé le Medulio, il était servi à l’apérétif. C’est le cabinet d’avocat parisien Gide Loyrette Nouel qui a négocié la cession du château, ainsi que celles des châteaux Bernadotte et Viaud. Sylvie Cazes Histoire et Saveurs de Bordeaux Sylvie Cazes est conseillère municipale pour l'œnotourisme à la Mairie de Bordeaux ; elle a créé Bordeaux Saveurs, une agence de réceptif pour les groupes de touristes et elle préside le fond de dotation de la Cité des Civilisations du vin (cf son chapitre). Sylvie Cazes a présidé l’Union des Grands Crus de Bordeaux. Elle a travaillé pendant 20 ans avec son frère Jean-Michel Cazes, l'un des grands ambassadeurs du monde du vin, puis elle a dirigé les châteaux du groupe Louis Roederer dans le Médoc. Sylvie Cazes connait l’histoire de Bordeaux et des étrangers qui ont améliorés son vin. « En premier lieu, je me réjouis que les Chinois consomment du vin ; c’est proche de leur culture, ça leur convient, me dit Sylvie Cazes. Notre approche française de l’art de vivre est associée au vin. Les Chinois aiment s’amuser, ils aiment partager, ils aiment la convivialité et les joies de la vie. Ils ont une gastronomie qui est extrêmement différenciée, très riche, et qui correspond bien à la diversité de nos vins ; et ce n’est pas parce que la Chine est un vaste pays : la grande Russie n’a pas de diversité gastronomique. Les Chinois s’intéressent aux vins bordelais. Ils achètent des vignobles dans diverses appellations, majoritairement en Bordeaux et Bordeaux Supérieur ; ils leur donnent des outils plus modernes pour mieux produire, et jusqu’à présent on se félicite de leurs investissements.» Dans son histoire, le vignoble de Bordeaux a toujours connu de tels achats par des étrangers, qui ont fait sa notoriété internationale. Le XIIème siècle et les Anglais En 1152, Aliénor Duchesse d'Aquitaine, divorcée du roi de France Louis VII, épouse Henri Plantagenêt qui devint roi d'Angleterre en 1154. Dès lors, la ville de Bordeaux est rattachée à la couronne d’Angleterre ainsi que la région d’Aquitaine. Des échanges commerciaux très importants naissent : les Anglais exportent leurs aliments, textiles et métaux, et importent le vin de Bordeaux par l’estuaire de la Gironde. Ils le nomment Claret en raison de sa couleur claire. Le vignoble bordelais s’étend entre la Garonne et la Dordogne. « Il faut se rappeler l’histoire de Bordeaux, reprend Sylvie Cazes. Les vagues d’immigrants : les Anglais, les Irlandais, les Hollandais, l’Europe du Nord puis les Américains…Ils ont toujours apportées des idées neuves et une amélioration à la culture de ses vins. Aujourd’hui ce sont les Chinois, capables d’investir, de prendre des risques ; ils ont une énorme force de distribution et c’est un atout pour notre vin. » - Ce ne sont pas les propos des Bourguignons. « Si ça pose un problème à la région de Bourgogne, c’est parce qu’elle n’a pas cette tradition d’immigration. L’histoire de Bordeaux a été faite par des immigrants, d’abord par Aliénor d’Aquitaine qui a exportés ses vins en Angleterre, puis par ces vagues d’étrangers qui ont dynamisé les terroirs. Plus récemment, les Espagnols et les Portugais viticulteurs sont venus travailler en Gironde, et ont apporté du sang neuf et de nouvelles idées ; lorsque des Japonais ont acheté des propriétés bordelaises il y a eu des inquiétudes infondées ; ça ne gêne plus personne aujourd’hui. Tant que les Chinois achètent des vignobles pour augmenter leur qualité c’est très bien. » Le XVIIème siècle et les Hollandais Les Hollandais achetaient du vin qu'ils distillaient dans leurs entrepôts pour faire de l’eaude-vie. En plus des traditionnels Clarets, les Bordelais leur fournissaient des vins blancs secs et doux destinés à leur distillation. En 1599, le roi de France Henri IV fit venir des techniciens des Pays-Bas pour drainer les zones marécageuses du royaume, afin d'accroitre la surface agricole. Ce travail fut réalisé dans le marais de la région des Charentes (au Nord de la Gironde), et dans le Médoc jusqu’aux zones humides qui entouraient Bordeaux. Le financement de ces grands travaux n'étant pas finalisé, les Néerlandais achetèrent des terrains à bas prix ; ils ont planté un vin plus à leur goût, comme des vins noirs (le vin rouge d’aujourd'hui) dans le Bordelais, mais aussi à Cahors et au Portugal. Les Hollandais apportèrent de nombreuses innovations comme le méchage, appelé aussi l’allumette hollandaise : pour les voyages en bateaux vers leurs colonies lointaines, une mèche trempée dans du soufre est mise à brûler dans les barriques vides pour aseptiser l'intérieur et éviter une altération bactérienne ; ce procédé permet de conserver les vins dans les fûts ; ainsi, les Hollandais ont transformé un vin à boire rapidement en vin de garde : ils ont découvert les bienfaits du vieillissement du vin. Au XVIIIème siècle, Bordeaux exporte ses vins vers ses colonies, les Iles d’Amérique, Saint-Domingue et les Petites-Antilles. Lors de son passage à Bordeaux en 1787, Thomas Jefferson futur président des Etats-Unis, approuva le premier classement des vins, établi par les courtiers et les négociants ; lors de son premier mandat, il dépensa 7597 dollars en vins. Au milieu du XIXème siècle, le vignoble girondin entre dans une ère de prospérité dont témoigne le fameux classement de 1855, recensant une partie de ses crus de la Gironde (cf le chapitre sur le vin de Bordeaux). La hausse de sa production permet une augmentation des exportations vers l'Allemagne, la Scandinavie, la Belgique, les Pays-Bas et l'Angleterre. Mais de 1875 à 1892, la maladie du phylloxéra ruina tout le vignoble ; il sera sauvé par le greffage des cépages bordelais à des pieds américains de leur côte Est, résistants à la maladie ; aujourd’hui encore les plants américains sont utilisés comme porte-greffes. Plus tard, une autre maladie, le mildiou d’origine américaine, fut traitée avec une préparation à base de cuivre appelée la bouillie bordelaise, qui est toujours utilisée dans le monde entier. Les Irlandais du XVIIIème siècle En 1723, le ressortissant irlandais naturalisé Pierre Mitchell, propriétaire du château du Tertre, a ouvert la 1ère verrerie à Eysines (banlieue de Bordeaux) ; la bouteille devient le nouveau mode de conditionnement du vin. Dès la fin du XVIème siècle, les persécutions exercées sur les catholiques irlandais les poussèrent à s’exiler. Bon nombre d’entre eux créèrent des domaines viticoles dans le Médoc. Les familles Barton, Lynch, Mac Carthy, Walsh, O’Byrne…ont contribué à révéler aux locaux la valeur et le potentiel de leur terroir. Roger Dion, écrivain Dans son livre : Une histoire de la vigne et du vin en France (édité en 1959), Roger Dion (1896 -1981) explique que la qualité des vins de France ne tient pas seulement à son terroir ; elle dépend aussi des marchés, des goûts et des attentes des clients. Ainsi, les Crus classés de Bordeaux doivent leur renommée au désir des Anglais d’acheter ces produits de qualité pour un marché de Princes. Les grandes appellations de Bourgogne sont nées grâce aux exigences de la cour des ducs de Bourgogne à Dijon. L’originalité du Côtes-du-Rhône, dominée par de subtiles notes épicées, a été connue car elle était appréciée de la bourgeoisie lyonnaise. Le succès du Champagne résulte de son estime dans la haute société britannique et française. « Les vins de Bordeaux étaient vendus en Angleterre et les vins de Bourgogne à Paris, dit Sylvie Cazes. Ces deux terroirs ont progressé en qualité et se sont développés grâce à l’apport financier de leurs acheteurs. » Roger Dion remarque que le vin du Languedoc a connu des difficultés à l’export car ses péniches qui remontaient le Canal du Midi étaient bloquées par les boues de la Garonne avant Bordeaux. D’où l’importance des voies navigables : les vignobles proches du Golfe de Gascogne ont profité de leur avantage maritime pour développer des vins d’exportation vers les ports de l’Aquitaine et les ports flamands ; les Hollandais amateurs de vin blanc ont remonté la Loire pour apprécier et acheter les crus de Vouvray… Bien que le marketing et les facilités d’accès aux vignobles soient indispensables, nous savons que le terroir est inimitable. « A la base, le potentiel est dans le sol. » Les Américains et les autres Napa valley est le cœur du vin californien depuis 1966. Robert Mondavi apporta les traditions viticoles européennes, les cépages français, améliora les techniques et le marketing. Christophe Château, directeur de la communication du CIVB, raconte : « en 1985, un certain nombre d’anglais achetaient et s’installaient en Dordogne. Les locaux s’affolaient, criaient à l’envahisseur. Pourtant, ces anglais restauraient les toitures, embellissaient les bâtiments et redonnaient vie au village. Lorsqu’ils sont partis à cause de la crise économique, ces mêmes locaux qui râlaient de leurs arrivées, pestaient contre leurs départs. J’aime raconter cette anecdote de ma vie. Je veux rappeler que le terroir n’est pas dé localisable, et que les Chinois du XXIème siècle sont les bienvenus. » Le vin chinois devient très bon. Est-ce un danger pour le bordelais ? « Dans les années 1970, le marché américain s’est ouvert. Le vin de Californie s’est développé et plus il s’améliorait, plus les Américains achetaient des vins de Bordeaux. Je ne pense pas que la qualité grandissante des vins chinois freine leur consommation de vin de Bordeaux. Je ne suis pas inquiète ; le marché va se réguler, devenir mature et mieux structuré, avec des acteurs sérieux qui feront un travail régulier. Les riches Chinois qui ne boivent pas encore de vin vont s’y mettre, pour l’art de vivre. La consommation chinoise se développe plus vite que leur production locale. Nos vins et même nos petits vins continueront à s’exporter là-bas. Il y a de la place pour tout le monde.» Certains propriétaires chinois envoient la totalité de leur production en Chine. « Il y a plus de 7000 exploitations à Bordeaux, on a encore de quoi boire ! Connaissiez-vous ces châteaux avant de vous pencher sur les acquisitions chinoises ? Nous devons renforcer nos ouvertures à l’export. Nous avons un volume de consommation qui s’est considérablement réduit ces dernières années. Les Français ont un gout éclectique, ils boivent du vin étranger par curiosité. Aujourd’hui, ici, on produit trop et on ne boit pas assez. Nos Grands Crus partent pour 80% à l’export. Mais l’essentiel c’est que la consommation de vin dans le monde augmente, et c’est le cas. » Pour les groupes et les particuliers, Bordeaux Saveurs compose un séjour sur mesure (un jour, un week end ou plus). L’agence ouvre les portes des plus grands châteaux, initie à la dégustation, dévoile la cuisine inspirée des meilleurs chefs de la région. 2 rue Michel de Montaigne 33000 Bordeaux Tél : + 33 (0) 5 56 90 91 92 [email protected] www.bordeauxsaveurs.com Copropriétaire du château Lynch-Bages (5ème Grand Cru classé 1855, à Pauillac), Sylvie Cazes a acheté, en mai 2014, le château Chauvin, Grand Cru classé de Saint-Emilion. L’UNESCO - Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture, a été créée le 16 novembre 1945. Fin 2013, 981 Biens de 160 Etats, culturels et naturels, exceptionnels et de valeur universelle, étaient inscrits au Patrimoine de l’Humanité par l’UNESCO. Depuis le 28 juin 2007, la zone classée de la ville de Bordeaux correspond à l’intérieur des boulevards jusqu’à la Garonne incluse : c’est à dire 1 810 hectares, soit un petit tiers de la superficie de la ville de 4 455 hectares. Tous les 5 ans, l’UNESCO revoit les valeurs du Bien, afin de le garder ou de le rayer de la liste. L’inscription au Patrimoine mondial a un effet bénéfique sur la fréquentation touristique. C’est un atout majeur pour l’attractivité culturelle et économique de la ville. En 1967 André Malraux avait déjà délimité un secteur à sauvegarder, soit 147 hectares de la « vieille ville ». La juridiction de Saint-Emilion est inscrite au Patrimoine mondial depuis 1999 (cf le chapitre du château Côte de la Mouleyre). Musées et caves Grégory Pecastaing Négociant et Musée du Vin et du Négoce Grégory Pecastaing voyage régulièrement dans différentes régions chinoises pour comparer les vins rouges et les thés. Nous avons appris ce matin du lundi 27 août 2012, que le domaine de Gevrey-Chambertin, propriété viticole de la région de Bourgogne, a été acheté au prix fort par un Chinois. Je l’interroge : « Si on aime son pays, si on aime son patrimoine, on ne peut pas se réjouir de l’achat d’un vignoble français par des fonds de pensions américains ou anglais, des investisseurs particuliers chinois ou Russes, me dit Grégory Pecastaing. Ce contexte économique est épouvantable mais comment résister à de l’argent frais, quel que soit sa provenance ? Un Russe a proposé une somme exorbitante pour la maison de mon oncle, alors qu’elle n’est pas en vente ! Avant, les Chinois achetaient notre vin aux négociants ou en direct aux châteaux ; maintenant propriétaires, ils vont vendre toute leur production en Chine. J’espère juste qu’ils garderont l’équipe en place : ces employés ont subi le désastre financier de l’ancien propriétaire ; ils ont commencé à chercher du travail ailleurs ; comme ils pensent que le château sera ‘’sauvé’’ par ce repreneur étranger, ils vont faire de leur mieux pour garder leur travail. Mais certains Chinois changent d’œnologue - une année ce sera Michel Rolland, l’autre année Stéphane Derenoncourt, aussi connus en Chine que le critique viticole Robert Parker ; ils remplacent le maître de chai. Ils mettent la pression. Ce n’est pas parce qu’il y a une jolie boutique à l’accueil d’un beau château que son équipe est heureuse d’y travailler. A force de leur expliquer comment faire du bon vin en Chine, les Chinois arrêteront d’acheter le nôtre dans peu de temps, je suppose. C’est l’argent qui est le maître du jeu. Si château Lafite-Rothschild arrive à produire un vin Grand cru dans leur vignoble de Chine (cf le chapitre de Gérard Colin), il sera bu par les Chinois et vendu en Chine. Que gagne la France dans cette histoire ? On a du souci à se faire, et tout de suite, pas dans dix ans ; ils vont vite, dix fois plus vite que nous. En 2007, j’accompagnais des Chinois en France pour un voyage viticole ; ils souhaitaient des prix bas, des petits vins de pays ; aujourd’hui, les mêmes acheteurs veulent des vins haut de gamme. Lorsque leurs vins chinois seront de belle qualité, ils oublieront les vins français. Dans la culture chinoise, lorsqu’une affaire marche, elle doit profiter à tous les Chinois de leur réseau. C’est pour ça qu’ils achètent soudainement et beaucoup dans le bordelais. Ils n’investissent pas dans l’Art, pas encore, mais bientôt : les Chinois riches font des cadeaux aux hommes de Pouvoir, et pourquoi pas un beau meuble français du XVIIIème siècle ? Voilà ; je suis désolé de voir le patrimoine français dans les mains des étrangers et bientôt dans les mains des Indiens. Mais c’est au Gouvernement français d’aider son peuple ; c’est lui qui doit protéger nos biens. J’ai 37 ans et ma mère me raconte ses belles années sans crise économique. Moi, je n’ai jamais connu ça. » Le bâtiment du Musée du Vin et du Négoce a été construit pour le négociant irlandais Francis Burke vers 1720. Trois caves voûtées accueillent les visiteurs depuis 2008, grâce à l’initiative de Grégory Pecastaing et de son association Bordeaux Historia Vini. Objets historiques uniques, maquettes, photos, vidéos et documents d'archives retracent le parcours des grandes familles de négociants ainsi que le savoir-faire ancestral des ouvriers ; le musée raconte le courtage, le négoce, la révolution du souffre ; il explique les classements des vins de Bordeaux, ses exportations. Dans l’ancienne tonnellerie de cette maison de négoce, la boutique vend du vin (avec des dégustations), des livres et autres produits liés au commerce viticole. Le 14 octobre 2013, le musée a reçu le prix du Best of wine tourism. Le musée expose une copie du tableau ‘’Chartrons et Bacalan ou la vue d’une partie du Port de la Lune et de ses quais’’ peint par Pierre Lacour en 1804 (photo ci-dessous © Cédric Lavigne). Les déplacements de la camera adaptées à l’œuvre donnent aux personnages une importance exceptionnelle ; le son traduit l’ambiance des quais. L’original est exposé au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux. Musée du Vin et du Négoce 41 rue Borie 33300 Bordeaux Tel : + 33 (0) 5 56 90 19 13 [email protected] www.museeduvinbordeaux.com Il est ouvert tous les jours de 10h à 18h, gratuit pour les - de 18 ans. Sur réservation, la directrice Pauline Delmarle propose trois dégustations de 45 minutes : les 3 terroirs - Médoc, Saint-Emilion et Pessac-Léognan ; les 4 couleurs - blanc sec, blanc liquoreux, rosé et rouge ; l’éveil des sens apprend aux enfants les différentes arômes avec des sirops. Autres musées du vin et caves Un grand nombre de châteaux expose sa collection et les outils traditionnels de la vigne. Il faut parfois réserver pour les visiter. Château Mouton-Rothschild, 1er Cru classé de Pauillac, présente une collection de tapisseries, carafes, verres et orfèvreries, ses étiquettes créées par Picasso et Cocteau entre autres. 33250 Pauillac Tél : +33 (0) 5 56 73 21 29 www.bpdr.com/default_fr.asp Voyez les collections du château Lynch Bages 33250 Pauillac Tél : +33 (0) 5 56 73 19 30 et le Village reconstitué de Bages : café-brasserie, boulangerie traditionnelle, boutiques du vin et des arts de la table, boucherie-charcuterie, écoles du vin et de cuisine, ateliers artisanaux et aire de jeux pour enfants. Place Desquet Bages 33250 Pauillac Tél : +33 (0) 5 56 59 88 08 www.villagedebages.com Le château Pichon-Longueville-Comtesse-de-Lalande expose son extraordinaire collection de verres et coupes. 33250 Pauillac Tél. +33 (0) 5 56 59 19 40 [email protected] www.pichon-lalande.com Quatre châteaux de Bernard Magrez exposent des œuvres d’art (cf son chapitre). Le château Maucaillou : le nom de Maucaillou signifiait mauvais cailloux pour les agriculteurs du moyen âge, car cette terre graveleuse était impropre à toute culture céréalière, principale source de survie à l’époque. Par la suite, on s’est rendu compte que ces croupes de graves constituent un terroir de prédilection pour des vignobles de haute expression. Le château et ses 63 hectares classés Cru Bourgeois appartiennent depuis 6 générations à la famille Dourthe. Je suis reçue par Caroline, la fille de Philippe Dourthe. « Le château est ouvert tous les jours aux touristes, et nos publicités sont traduites en mandarin. Nous avons la possibilité de faire survoler les vignobles et châteaux du Médoc par hélicoptère. Au retour, ils visitent le musée des arts et métiers, les deux chais et déguste nos vins. Un œnologue propose des stages de deux journées avec des visites de châteaux et un parcours de golf. Nous avons cinq chambres d’hôtes. » Je suis séduite par l’ambiance de ce musée : créé en 1987 sur 2500 m2, il est un inventaire complet, allant du cep de vigne jusqu’à la dégustation des vins. Dans cette vaste tonnellerie, des scènes avec des mannequins à tailles humaines décrivent les fabrications du vieux tonneau cerclé et de la barrique, les tailles du liège mâle et femelle et le calibrage des bouchons, les moules et le soufflage du verre, la collection de bouteilles. On voit les étiquettes de vins prestigieux et tous les objets viticoles jusqu’au chapeau du cheval qui tirait la charrette des vendangeurs. Un tableau olfactif permet de reconnaître les arômes des vins. Une maquette représente le travail depuis la vigne jusqu’au chai tout au long de l’année. Vous verrez un pressoir du moyen-âge sauvé des flammes. Un film est diffusé en plusieurs langues dont le chinois, coréen et japonais. Ce musée est une merveille pour les grands et les petits. Après, vous irez visiter le cuvier, ses équipements modernes et le chai. Entre les villages de Margaux et Saint-Julien, le vignoble est situé devant la gare de Moulis pour l’acheminement de ses vins vers la gare de Bordeaux et le monde entier. Il est ouvert tous les jours. 33480 Moulis-en-Médoc Tél : + 33 (0) 5 56 58 01 23 www.maucaillou.com Une salle à manger privée reçoit jusqu'à 24 personnes. La salle des Notables peut recevoir 280 personnes debout ou 220 personnes assises. La Winery est une cave qui propose des vins du monde entier, coûtant de 5€ à 1000 €. Le bar propose 20 vins au verre. Alors attachée de presse en 2013, Sylvie Lepinay m’expliquait : « Concernant la clientèle chinoise, nous avons reçu quelques groupes de très grands consommateurs de vin. Ils achètent beaucoup et des vins très chers, de 300 à 1000 €, du vin français essentiellement de Bordeaux. » La Winery est dépositaire d’un concept inédit : le signe Œnologique ; à l’issue d’une dégustation de 8 vins au style différent, un logiciel détermine la tendance des participants (gourmand, explorateur, tendance, éternel, sensuel, musclé, esthète, insoumis). « La cave propose des vins classés par signes ; ainsi, le visiteur achète une bouteille correspondant à son goût. Au diable l’étiquette et vive le plaisir ! » Vigneron passionné d’Art contemporain, créateur de cette Winery en 2007, Philippe Raoux l’a vendu le 1er juillet 2014 à Geci Cavavin, leader français des cavistes en franchise avec 145 points de vente, en activité depuis 27 ans et dirigée par Michel Bourel. Rond-Point des Vendangeurs 33460 Arsac Tél : + 33 (0) 5 56 39 04 90 www.winery.fr www.cavavin.fr Pour financer la création de la Winery, Philippe Raoux avait vendu un de ses domaines, le château de Viaud, au groupe chinois COFCO début 2011 (cf son chapitre). A côté de Planète Bordeaux, j’ai visité le musée du Domaine de La Grave. C’est un superbe travail familial dans cette demeure du XVIIIème siècle, avec les nombreux outils utilisés par les 5 générations qui se sont succédé sur ce vignoble. Les 130 ans d’histoire de la tonnellerie sont commentés par le père et sa belle-fille. MarieLaure et David Roche vendent également les produits de la ferme des propriétés de l’association Bienvenue à la ferme. Les vins des 35 hectares en appellation Bordeaux supérieur sont exportés en Chine par un Chinois installé à Paris. David Roche m’explique les contraintes des appellations des vins de Gironde : « Mon vin est en appellation Bordeaux Supérieur. Je mets beaucoup de Sémillon (cépage) car mes clients aiment ce goût moelleux, mais je n’ai pas le droit de mentionner ‘’liquoreux’’ sur l’étiquette, car je ne suis pas dans la zone géographique des Sauternes, la zone de production de liquoreux ! C’est agaçant. » Monsieur Roche déplie la carte du département : « Tout vin produit dans le département de la Gironde est en appellation Bordeaux si la vigne est plantée avec les cépages imposés. Les zones inondables ne peuvent pas avoir d’appellation : si vous plantez de la vigne dans votre jardin hors du cadastre viticole, elle n’aura pas d’appellation même si votre vin est bon. Pour passer de l’appellation Bordeaux à l’appellation Bordeaux Supérieur, vous devez faire vieillir votre vin un an au moins. Il poursuit : « Les zones d’appellations sont parfois délimitées par un chemin de terre, là où passaient les charrettes : par exemple, à gauche c’est l’appellation ‘’Pauillac’’ et à droite le ‘’Haut-Médoc’’, avec des prix de vente bien différents pour des terres presque semblables. C’est un casse-tête difficile à admettre. » 11 rue de Perriche 33750 Beychac-et-Caillau Tél : + 33 (0) 5 56 72 41 28 [email protected] www.vignoble-roche.com Le musée est ouvert de mai à octobre mais la vente de vin en direct c’est tous les jours : vin rouge à partir de 6 €, blanc, rosé et jus de raisin : le rapport qualité/prix est excellent. La Closière est une chartreuse du XVIIIème siècle, achetée en mai 2012 par 300 vignerons de l'appellation Cadillac Côtes de Bordeaux ; elle abrite le musée du vin de Cadillac : mur digital, piano olfactif, expos, dégustations et ventes (dont les vins de château de Pic). En bord de la départementale 10, à la sortie de Cadillac en direction de Langon Tél : + 33 (0) 5 57 98 19 version numérique 8 € version papier 20 € Laurence Lemaire 0680161657 [email protected] en vente sur www.levinlerougelachine.com le Mag / Hebdo relate l’actualité du vin et de la Chine http://hebdo.levinlerougelachine.com