le vin le rouge la chine

Transcription

le vin le rouge la chine
www.levinlerougelachine.com
Editorial du maire de Bordeaux
Alain Juppé
ancien Premier ministre
« L’histoire de Bordeaux est indéfectiblement liée à celle du vin.
Depuis deux mille ans, le vignoble a dessiné la cité et sculpté les
paysages du Bordelais. Aujourd’hui Bordeaux est au centre du
plus grand vignoble de vins fins du monde : plus de cent vingt
mille hectares, environ 7400 châteaux, 300 maisons de négoce et
60 appellations d’origine contrôlée.
La Chine, quant à elle, en est aux prémices de son histoire avec le vin. De plus en plus de
consommateurs chinois découvrent le vin français et en tombent amoureux.
La Chine vient de prendre la place de 1er marché des vins de Bordeaux à l’export.
Plus de 80 propriétés bordelaises ont été acquises par des investisseurs chinois ces 3
dernières années.
Au-delà de ces relations commerciales se nouent également des relations amicales. C‘est
ainsi que les liens entre Bordeaux et la Chine se sont concrétisés par un jumelage avec
Wuhan en 1998, portant sur des partenariats économiques, éducatifs, et surtout culturels.
Le superbe livre d’entretiens « le Vin, le Rouge, la Chine » de Laurence Lemaire se veut une
référence pour ce qui a trait à notre terroir incomparable, les cépages, les traditions, les
métiers du vin…
Car le vin de Bordeaux demande quelques égards. Il est d’abord le produit d’une rencontre
miraculeuse entre des hommes, une terre et les deux fleuves qui la traversent. Mais ces
éléments conjugués ne suffisaient pas à produire un vin comme celui de Bordeaux : pour
cela, il a fallu la patience, la persévérance et la passion de nombreuses générations de
viticulteurs, qui ont su apprivoiser ce que la nature leur offrait.
Le vin de Bordeaux est le fruit d’une civilisation et d’une culture spécifique à notre région
que nous sommes fiers de faire découvrir, grâce à Laurence Lemaire, aux amateurs de
l’Empire du Milieu. »
photo © Thomas Sanson
Sommaire
Editorial d’Alain Rousset, Président du Conseil Régional d’Aquitaine
Editorial d’Alain Juppé, Maire de Bordeaux, ancien Premier ministre
Préface, présentation et comparatifs de Bordeaux et de la Chine
02
03
04
Le vignoble en Chine
L’histoire. Pourquoi planter des vignes et boire du vin ?
Ses régions viticoles, ses producteurs, distributeurs et importateurs
Le groupe français Pierre Castel
L’OMC, la publicité et les prix chinois, la politique
10
11
14
15
Le vignoble de Bordeaux
L’histoire, l’AOC, l’INAO
Le vignoble bordelais, ses 60 appellations et ses cépages associés
Le Mascaret ou la montée des eaux
La bataille de Castillon en 1453
Une bouteille de Bordeaux en cadeau
Qui est Emilion ?
Les classements des vins du Médoc en 1855, des Pessac-Léognan
et celui des vins de Saint-Emilion.
Les ventes en Primeurs. Le French paradox
Le nez, le goût, le climat
Michel Rolland œnologue
Qu’est-ce qu’un terroir ?
Les systèmes d’irrigation
L’art de la dégustation, apprendre à sentir, à boire
La pollution en Chine et le goût de la baie du raisin avec Guy Boiron
La tonnellerie : le goût du chêne et son influence sur le vin
Le chêne français
Luc Chenard œnologue : un terroir pour un cépage
Le laboratoire de l’œnologie
210 cépages autorisés en France ; et en Chine ? Les porte-greffes
Le vin bouchonné
Gérard Colin œnologue en Chine : château Grace winyard ; château Lafite à
Penglai ; ses accords mets-vins
Château Lafite : succès et contrefaçons
L’appellation Pauillac
Trois experts internationaux s’expriment
17
18
19
21
21
22
23
25
26
26
27
28
29
30
31
33
35
36
37
39
41
41
Les effets du réchauffement climatique
Les efforts actuels
42
45
Image, étiquette, protection
Les étiquettes avec l’agence Exceptio de Stéphanie et Sophie Javel
La forme de la bouteille
Contrefaçon de marques et leur protection avec l’agence Inlex
46
50
51
Exporter mieux
Le CIVB Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux : export et bars à vin
La famille Ginestet
L’Académie du vin de Bordeaux
Xavier Carreau : faciliter le travail pour l’export
Jie Yu, consultante chinoise en vins français
La Chambre de Commerce Internationale Aquitaine : le Chinese desk
et le Club objectif Chine avec Emmanuelle Fragnaud
Investir en France
Afii et Business France: Invest in France
BGI Bordeaux Gironde Investissement avec Stéphane Garcia
Les titres de séjour
Vendre des châteaux aux Chinois
France Wine : exporter les vins puis vendre des châteaux
l’IFL : société spécialisée dans l'acquisition de vignobles et châteaux
Safer : Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural
La Chine plante ses vignobles
Maxwell Storrie Baynes / Christie’s et Li Lijuan : agence immobilière
Tracfin : Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers
Châteaux français à la vente, Pourquoi ?
Concurrence
French paradox
La Loi Evin avec le CIVB et Yannick Evenou
La Loi pour la sécurité routière
Taxes diverses, retraite, héritage, patrimoine
Descriptions des 107 propriétés viticoles bordelaises achetées par des Chinois
Comment ont-ils été achetés ? Pourquoi ont-ils été vendus ?
Merci d’acheter le livre pour avoir la liste des châteaux.
Au cours de leur chapitre, je développe.
Le négoce et la Place de Bordeaux
Le jardin à la française
La Commanderie du Bontemps et le Ban des vendanges
Le festival de Dalian
La Cour des comptes de Chine accuse
Cabinet d’avocats Simon & Associés
Antoine Medeville œnologue
Le Vin de glace
L’UNESCO et les 8 communes de Saint-Émilion
Les coteaux Sud de Saint-Emilion
Le vin de garde
Classement 2012 des Saint-Emilion
La fête de la lune
La grande muraille de Chine
La rose des vignes
Le thé de Pu’Er (Yunnan) jumelée à Libourne ; les tannins
54
56
56
57
58
59
60
62
65
66
69
70
71
74
79
86
87
87
93
102
109
110
111
111
116
116
118
119
Le cépage Malbec
Jean-Claude Berrouet et Claude Bourguignon ingénieur agronome
Intronisations de la Jurade de Saint-Emilion
Max Linder
Les Corréziens
Le jumelage du canton de Fronsac avec la ville de Qingtongxia
Le cépage Carménère
Chaptaliser
La limite d’une appellation
Stéphane Toutoundji œnologue
Le jardin anglais
La baie de Goji
La Belgique et Bordeaux
Denis Dubourdieu et Valérie Lavigne-Cruege, œnologues
Di Dubourdieu : relations avec les Chinois
Appellation Saint-Estèphe
La bouteille de 75 cl
129
129
130
131
131
137
141
150
158
159
159
162
162
164
165
2 Clins d’œil
Château Marquis d’Alesme Becker : la famille Perrodo
Château Malromé : Kim Huynh pour DCHL et Toulouse-Lautrec
175
176
Descriptions des 5 propriétés viticoles achetées par des Chinois Hors-Gironde
Bourgogne
Provence dans le Vaucluse
Languedoc et Dordogne
177
178
179
Le Cognac pour les Chinois
2 Maisons de Cognac achetées par les Chinois
Le Club Pernod de Bordeaux
Accords mets-vins
Tommy et Andy Shan, Au bonheur du palais
Le rosé
Yu Zhou, écrivain fin gourmet
L’école de restauration ICFA en stage en Chine
Le sommelier Philippe Faure-Brac, François Adamski et Hervé Bizeul
Château Guiraud, Sauternes 1er Grand cru classé 1855 en agriculture biologique
L’agriculture biologique AB
La pourriture noble
Les Sweet Bordeaux
L’UGCB et les vendanges de l’aéroport de Bordeaux
Art, Culture et Histoire
Bernard Magrez possède 40 châteaux dans le monde et un Institut culturel
Sylvie Cazes raconte la contribution des étrangers au vin de Bordeaux
Roger Dion, écrivain
l’UNESCO
180
181
182
185
185
186
186
188
189
191
191
192
198
200
201
Tourisme, échanges, Chinois à Bordeaux
L’Office du Tourisme de Bordeaux avec Stéphan Delaux
Le Manuel de savoir-vivre à l'usage du touriste chinois malpoli
Le Savoir-vivre academy of Etiquette and modern manners
Etudiants chinois à Bordeaux
Films chinois tournés à Bordeaux
Tongtong, traductrice, interprète et accompagnatrice touristique
202
203
204
205
207
208
Ecoles de vin
et les sommeliers
210
213
La région Aquitaine et la Chine
Les Maisons Sud-Ouest France - Chen Di Partners
L’AAPrA. La Chambre d’agriculture de la Gironde
Wuhan et la province de Hubei, jumelées à Bordeaux et à l’Aquitaine
PSA Peugeot Citroen et Dongfeng Motor
Chengdu, capitale de la province gastronomique du Sichuan
214
214
215
215
La Chine veut son AOC
Internet : sites de vente de vins et les réseaux sociaux chinois
Le label PEOP et ATT
217
217
217
Musées et caves
Grégory Pecastaing, négociant, et son Musée du vin et du négoce
Les châteaux de Pauillac et ceux de Bernard Magrez
Château Maucaillou, la Winery, Domaine de la Grave, musée du vin de Cadillac
218
219
220
Festivals, manifestations
du vin, en Chine et en France
222
Les + de l’auteur
La cave du Dynastie et l’Association des Chinois du Sud-ouest de la France
Le site malin www.neozarrivants.com
Guide à Bourg en Gironde et à Blaye
Le Relais & Châteaux Le Saint-James
Les Sources de Caudalies
Le Château de Rouillac
La future Cité des Civilisations du Vin
224
225
226
Extraits
Préface
Le 26 janvier 1964, un bref communiqué était publié simultanément à Paris et à Pékin : « Le
gouvernement de la République française du Général de Gaulle et le gouvernement de la
République populaire de Chine ont décidé d'établir des relations diplomatiques. » Depuis
1979, la politique d’ouverture de Deng Xiaoping a renoué le dialogue entre les décideurs
chinois et occidentaux. Quelques années plus tard, le ‘’monde des affaires’’ parle de
marchés, de chiffres et de pourcentages. C’est la course à la productivité.
Les Français, ceux qui ne sont pas des investisseurs, situent la Chine depuis une quinzaine
d’années seulement, grâce aux articles économiques et aux reportages télévisés qui diffusent
des images de sublimes paysages, de tours gigantesques, d’usines du monde, de Droits et de
Devoirs…De nombreux observateurs s’accordent à penser que ce pays sera la 1ère
puissance économique mondiale en 2020. La Chine est devenue un Eldorado mais elle n’est
pas un Paradis. Tout le monde peut s’y installer mais à la condition d’être performant, de
faire valoir de véritables atouts, et surtout d’apprendre le terrain, d’accepter ses procédures
et ses lois, ses codes politiques et sociaux, et de comprendre sa différence culturelle.
Le philosophe Lin Yutang a écrit dans ‘’De l’importance de vivre’’ : « De tous les peuples,
ceux qui ont le plus de points communs, ce sont les Français et les Chinois : sens du
raffinement, goût pour les mots, la peinture, la cuisine, une vénération pour l'éducation,
goût pour l'humour, l'humour pour rien, pour se faire plaisir, pour communiquer.»
Ainsi, sur 7 400 propriétés viticoles que compte le Bordelais, les Chinois ont acheté plus de
100 châteaux depuis 1996.
‘’le Vin, le Rouge, la Chine’’ est un livre sur le vin de Bordeaux et les Chinois, pour
ceux qui souhaitent investir, entreprendre, déguster, apprendre… 107 châteaux
bordelais achetés par un groupe ou un particulier chinois sont décrits, ainsi que 5
autres en Dordogne, Languedoc, Vaucluse et Bourgogne et 2 Maisons de Cognac.
J’explique les appellations, le terroir inimitable, les cépages bordelais et chinois, les
métiers du vin et l’export, les lois françaises, les raisons des ventes et des achats des
châteaux, les accords mets-vins avec la cuisine chinoise, le changement climatique....
« En une génération, la politique, l’économie, la transformation des classes sociales, ont
fait en Chine un autre homme de la rue, écrit Henri Michaux en 1967. On ne reconnaît plus
le mien, celui que moi et bien d'autres voyageurs et résidents avions vu en 1932. Il me plaît,
quant à moi, tirant les leçons de ma fâcheuse surprise, de penser que, quoi qu'il arrive, et
quoiqu'elle tende à être, la Chine sera toujours différente. Elle revit. Il faut être heureux de
ne plus la reconnaître, de la connaître autrement toujours, toujours inattendue, toujours
extraordinaire. »
Il faut plus d’un an de recherches pour trouver « le » château à acheter. En règle générale, la
transaction s’opère en toute discrétion. Parmi les acquéreurs chinois de châteaux bordelais,
on trouve des entreprises d’Etat, des patrons de grands groupes présents dans la métallurgie,
le pétrole, l’immobilier, l’agroalimentaire, la mode, la bijouterie, les salles de jeux, le
tourisme, et des représentants de la filière chinoise du vin. Il y a également un architecte et
une star de cinéma. Ces financiers, ces connaisseurs et ces amateurs chevronnés
développent leur réseau en Chine pour commercialiser leur production de vins français.
La Chine compte environ 300 milliardaires et 1 million de millionnaires.
La France produit 70 millions d’hectolitres par an ; la production de la Chine est de 10
millions d’hectolitres et va augmenter ces cinq prochaines années.
Début 2014, les Chinois consomment 1 litre de vin par an, les Américains 20 litres et les
Français 60 litres environ.
Les investissements de la Chine se portent sur la France mais aussi sur l’Australie,
l’Argentine, le Chili, la Californie, la Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud. Depuis 2011, la
Chine (Hong Kong et Taiwan compris) est le 1er exportateur des vins de Bordeaux, en
volume et en valeur.
Zhonghua Renmin Gongheguo
c’est la République populaire de la splendeur du centre.
‘’Enrichissez-vous’’ disait Deng Xiaoping : le revenu des ménages a quintuplé en un quart
de siècle, les citadins sont passés de la carte du Parti à la carte de crédit. Lors du XVIIIème
Congrès du Parti Communiste du 8 novembre 2012, Hu Jintao avait nommé son successeur
Monsieur Xi Jinping ; il a pris ses fonctions le 14 mars 2013.
Après des années d’embellie, la Chine subit les conséquences de la crise économique et
financière internationale : elle doit rééquilibrer son économie en se concentrant sur la
croissance extérieure et non plus seulement sur l’investissement et les exportations.
Le Cinquantenaire de l’amitié France-Chine - les accords :
Le 25 avril 2013, Xi Jinping, s’est entretenu avec François Hollande, qui a déclaré que l’Etat
français est prêt à « lever tous les obstacles » aux investissements des Chinois, à conditions
« qu’ils contribuent à la création d’emplois et à l’activité ». De juillet 2013 à mars 2014, les
Autorités chinoises ont mené une enquête anti-dumping contre des vins européens exportés
vers la Chine ; le volume du bordelais exporté avait reculé de 16%.
Le 27 janvier 1964, la France a été le 1er pays de l'Occident à nouer des relations au rang
d'ambassadeur avec la nouvelle Chine. Dans le cadre du 50ème anniversaire, le Président
chinois Xi Jinping s’est rendu en Europe, et en France du 25 au 28 mars 2014 ; il était
accompagné de son épouse Peng Liyuan, la populaire chanteuse et Général de l'armée
chinoise, et de 200 hommes d'affaires. Les Chinois représentés par la CADA Chinese
Alcohol Drinks Association, et les Européens par le CEEV (Comité Européen des
Entreprises Vins) ont signé un accord le 21 mars 2014 : depuis les Européens apportent un
soutien technique et financier pour l'implantation en Chine de cépages adaptés, et pour la
formation de leurs viticulteurs. L’industrie chinoise appui l'organisation de dégustations de
vins européens en Chine, la formation de ses consommateurs ainsi que la promotion de la
culture vitivinicole européenne. Le goût pour le vin rouge des consommateurs chinois
évolue et stimule la demande pour des vins de qualité.
Fin janvier 2015 en Chine, Manuel Valls a proclamé : « La France accueille tous les
investisseurs, Chinois en tête » « 欢迎来法国 (Huānyíng lái Făguó) ».
En Chine, la ‘’bataille du lait’’ a démarrée fin octobre 2014 par la création d’une grande
base productive dans un pays qui, jusqu’en 1990, n’avait ‘’jamais bu de lait’’. Un verre de
lait et un verre de vin par jour seront-ils le nouveau French paradox chinois ?
Le nez, le goût, le climat
Michel Rolland
Œnologue, flying wine maker
Œnologue vient du grec oinos, vin et logos science.
photo © Rolland collection
Depuis 1960, Michel Rolland collabore
en tant qu'œnologue-conseil avec 70
propriétés réputées dans le monde. Ses
activités dans son laboratoire et comme
consultant en œnologie le rendent
mondialement célèbre.
Trois de ses vignobles ont été vendus fin
mai 2013 au groupe hongkongais Goldin
Financial Holdings.
Michel et Dany Rolland possèdent le
château Fontenil : 10 hectares en
appellation Fronsac acquis en 1986, et le
fermage du château La Grande Clotte : 7
hectares en Lussac et Bordeaux blanc. Ils
ont un château en Espagne, un en Afrique
du Sud et trois domaines en Argentine.
« C’est mon grand-père Joseph qui m’a
appris la météo, l’amour de la nature, le
contact de la terre, me dit Michel Rolland.
Et puis il y a eu Émile Peynaud (1912 2004) surnommé ‘’le père de l'œnologie
moderne’’. Il était mon professeur lorsque
j’étais étudiant à la faculté d’œnologie de
Bordeaux pour avoir mon D.N.O.
Ce Diplôme National d’Œnologue existe depuis 1956. La première chose qu’a fait Peynaud
c’est de découvrir la malolactique ; elle n’était pas considérée comme une maladie mais on
ne savait pas ce que c’était. Lui, il a expliqué le phénomène et ça a été l’objet de sa thèse en
1947. Et puis, il a insisté sur le terroir, car il s’est aperçu que, dans des châteaux comme
Lafite Rothschild ou Cheval Blanc, même si le travail était mal fait, leur vin était de toute
façon meilleur qu’ailleurs ; Peynaud a donc apprit aux vignerons à considérer et à
travailler leur vigne en fonction du terroir. » Suivant sa méthode nommée ‘’sélection au
terroir’’, le foulage et la fermentation s’opérèrent en lots séparés, suivant l'âge de la vigne, la
maturité des cépages, l'emplacement du vignoble, etc… « A la fac, reprend Michel Rolland,
il tenait un discours sur le vin, sans emphase, sans fioritures, sans mots savants. Ses propos
étaient accessibles, émaillés de mots simples et il excellait à exprimer les sensations fortes
et le plaisir avec simplicité.»
Si Michel Rolland sait comment améliorer les chais de ses clients, il est surtout le roi de
l’assemblage. « L'objectif n'est pas de produire des 1ers Crus partout dans le monde, ni des
vins identiques ; l’objectif est de permettre au vin d'avoir la meilleur expression de son
terroir. »
- Le climat est un des facteurs déterminant à un bon terroir. Il y a bien une ‘’petite Gironde’’
quelque part en Chine ?
- Peut-être. Il faudrait survoler cet immense territoire et la trouver. Les millionnaires
chinois ont déjà ce qui leur faut. Mais pourquoi pas ? Après ma première visite en Inde,
j’avais dit ‘’il n’y a pas de bon terrain, il n’y a pas de bon climat’’ et pourtant on voulait
faire du vin. Et on l’a fait ! On a mis du temps mais on l’a fait, à Bangalore en
particulier. On peut faire des bons vins n’importe où ; on peut améliorer des vins. Mais les
Grands vins dépendent d’un bon terroir. C’est avec le temps que l’on juge les grands vins,
dans leur capacité à conserver leur qualité aromatique à travers les années. A Bordeaux, on
sait où sont les grands terroirs, donc on sait où sont les grands vins. Mais il faut aussi
regarder ailleurs : par exemple, ‘’Harlan Estate’’ en Californie a produit 20 millésimes
consécutifs d’exception. »
L’irrigation
La question climatique est fondamentale. Pour faire du vin il faut une pluviométrie adaptée.
La découverte de l'irrigation, particulièrement l'irrigation goutte à goutte, a permis aux
vignobles de se développer dans les pays chauds. En Californie, il n'y aurait pas eu de
viticulture sans cette irrigation, pas plus qu'il n'y en aurait eu en Argentine ou au Chili...
L'irrigation a permis de repousser les problèmes climatiques. Aujourd'hui, il existe des
vignes sous l'équateur, au Japon, en Chine. Mais il sera toujours nécessaire de s'adapter à
l'environnement, au sol, au climat, et c’est pour ça que le terroir est inimitable.
Le ‘’style Rolland’’ c’est de ramasser de bons raisins, et à bonne maturité. Il faut améliorer
la qualité de la matière première. « On est toujours confronté à une matière, et il ne s’agit
pas de la traiter de la même façon partout, en Argentine, en Chine ou à Bordeaux, dit-il. Il
faut essayer de comprendre le terroir pour obtenir les plus jolis raisins. On a toujours de
meilleurs vins avec de beaux raisins qu’avec de bons œnologues ! »
- Quelle qualité faut-il pour être œnologue ?
- Travailler, être vaillant.
- Faut-il un bon nez ?
- Je ne crois pas que nous ayons un bon nez ; je pense que le nez c’est comme le sport : ça
se travaille. Sentir…Tout le monde sent mais la difficulté c’est la connexion de son nez à sa
mémoire, raccrocher à son cerveau les odeurs connues et les identifier. Pour ça il faut
s’entraîner. Je vous donne un exemple : on a découvert il y a 20 ans un produit qui s’appelle
le ‘’trichloroanisole’’, qui sent un peu le moisi et qui donnait une déviation aux vins ; au
début, on le sentait mais on ne l’identifiait pas. Pascal Chatonnet - chargé de recherche à
l'Institut d'œnologie de Bordeaux - a trouvé son origine et l’explication chimique : les chais
ont longtemps été désinfectés avec de l’eau et des savons simples, puis on a utilisé le chlore
qui a apporté cette déviation ; elle n’existe plus aujourd’hui dans les chais respectables. A
l’époque, c’était un défaut qu’il fallait éliminer et les œnologues de terrains, comme je suis,
reniflaient comme un chien de chasse pour le sentir même à des faibles doses. Quand vous
êtes entraîné à chercher une odeur, vous la trouvez. »
Michel Rolland est l’œnologue le plus consulté et le plus médiatique de la planète. Dans son
livre, Le gourou du vin, écrit avec Isabelle Bunisset, il raconte des événements marquants et
communique sa passion du vin. Il affirme son admiration pour le célèbre critique américain :
Robert Parker. Editions Glenat avril 2012.
L’art de la dégustation
La dégustation fait appel aux sens de la vue, de l’odorat et du goût. La vue observe la robe
du vin, ses reflets, ses larmes, l’odorat apprécie toute la complexité de ses arômes, et le goût
détermine les saveurs que le vin nous procure lors de son passage en bouche, tels que le
sucré, l’acidité, l’amertume, mais également les sensations tactiles comme la chaleur laissée
par l’alcool, le côté asséchant ou astringent des tanins. L’heure idéale de dégustation est 11
heures du matin ; c’est lorsque l’on a faim que nos sens sont les plus sensibles et que la
dégustation est la plus pertinente. « Si notre Tchin tchin français vient d’une expression
chinoise qui signifie « je vous en prie », la façon de trinquer en Chine consiste à boire cul
sec et dire gān bēi ! C’est-à-dire : « videz votre verre » ; c’est l’opposé de l’art de la
dégustation du vin. En revanche, les Chinois savent déguster le thé » me dit Guy Boiron,
sinologue. « Aujourd’hui, ils acceptent qu’on leur transmettre notre culture du vin : pour le
Chinois, le Français est cultivé, un homme un peu âgé est un ‘’sage’’ ; ainsi l’homme mur,
œnologue ou sommelier est très séduisant. Du plaisir de l’ivresse, célébré par les poètes
chinois, et obtenu avec n’importe quel alcool, on passe au plaisir de la dégustation. »
La Chine
Michel Rolland conseille Peter Kwok pour son château Haut-Brisson dans le bordelais
depuis plus de 10 ans (cf son chapitre). « Parce que ce n’est pas le tout d’être bon : il faut le
rester ! » Depuis août 2011, le groupe COFCO consulte Michel Rolland ; il forme ses
équipes et améliore les vignes du Great Wall en Chine et du château de Viaud à Lalande-dePomerol en bordelais (cf son chapitre). Michel est également le consultant du vignoble
californien Sloan Estate de Pan Sutong, qui a acheté les 3 châteaux bordelais de la famille
Rolland en 2013 (cf son chapitre). Son fidèle n°2, Athanase Fakorellis, est le conseiller du
château Loudenne acheté par le groupe Moutai (cf son chapitre).
La Chine doit produire des vins : « Le vin, moins alcoolisé que
leurs alcools améliorera la santé publique des Chinois ; c’est
une volonté de l’État, m’explique Michel Rolland. Nous
verrons donc, obligatoirement, la consommation de vin se
développer en Chine, et c’est très sain. »
J’évoque le livre de Céline Simonnet-Toussaint : Le vin sur le
divan (Editions Féret 2006) ; elle explique que le Français peut
évoquer son enfance avec le vin, car il finissait les verres des
invités et de ses parents ; le Chinois ne peut pas avoir ce genre
de souvenir car son alcool blanc est trop fort pour être partagé
entre un adolescent et un ancien. La psychologue affirme : «
les régions de France où l’alcoolisme fait des ravages, sont
principalement celles où la vigne ne pousse pas. »
Michel Rolland multiplie ses séjours en Chine pour améliorer le savoir-faire des Chinois
dans leurs vignobles, et aussi pour éveiller le goût et l'intérêt de quelques 300 millions de
consommateurs potentiels de vin. « L’accueil des Chinois est très sympathique parce qu’il
est sincère. J’ai dû apprendre à calligraphier mon nom en chinois pour les autographes ! Je
leur recommande de boire du vin pour leur plaisir, pas pour montrer qu’ils sont puissants.»
Odeurs et pollution
J’interroge Guy Boiron sur le terroir et les odeurs. Il est médecin à la retraite, sinologue, et il
étudie le vin. Guy me raconte le nuage brun d’Asie : « Dans le Shandong, il y a le Tai
Shan, une des cinq montagnes sacrées de Chine (classée au patrimoine mondial de
l'UNESCO en 1987). Lorsque je suis arrivé au sommet à 1545 mètres, pour voir le soleil se
lever, une vague lueur a percé la brume pendant trois minutes. Sans doute est-ce le résultat
du nuage brun d’Asie, ce nuage de pollution de 3000 mètres d’épaisseur, qui recouvre la
Chine et le Nord de l’Inde, qui s’étale du Japon à l’Indonésie, depuis une vingtaine
d’années. De décembre à avril, il persiste à cause des aérosols et suies, des composés
chimiques, de combustion des déchets agricoles, fumier et bouses, carburants fossiles des
véhicules, des industries et des centrales électriques, à cause des rejets de millions de
fourneaux brûlant du bois...La peau du raisin est très fragile, très perméable. Si vous
vendangez près d’une cuve à mazout, le vin risquera de sentir le mazout. Sans pour autant
mettre un nom sur une odeur de pollution, je pense que ce nuage brun est mauvais pour les
vignobles chinois. C’est en ça que je dis qu’un terroir est inimitable. »
Mi-octobre 2013, la pollution atmosphérique de Harbin - ville de 10 millions d’habitants au
Nord-est de la Chine, s’est élevée pendant plusieurs jours à plus de 30 fois du seuil limite
fixé par l’OMS Organisation Mondiale de la Santé.
Les pics de pollution à répétition qui affolaient les Parisiens en mars 2014 et 2015 n'étaient
pas les 1ers.
10 mois avant la conférence sur le climat, prévue à Paris fin 2015, la Chine et les EtatsUnis sont parvenus à un accord le 12 novembre 2014 pour réduire leurs émissions de gaz à
effet de serre. Les 2 premiers pollueurs représentent 45 % des émissions de CO2. 1er pays
pollueur du monde, la Chine tente une baisse de sa production de charbon, et développe sa
capacité de production d’électricité solaire - elle sera le leader mondial du solaire en 2015.
Lire le chapitre sur le réchauffement climatique.page 66.
« Au Chili, les forêts d’eucalyptus qui bordaient les vignobles ont été coupées pour
empêcher le vin d’empester son odeur, me dit Michel Rolland. Les pieds de vignes proches
des arbres, même de cyprès, sont agressés, c’est logique. Dans le bordelais, aucune vigne
n’est plantée sous les pins. »
A une plus petite échelle, lorsque les routes qui longent les vignobles bordelais sont
goudronnées, les raisins des parcelles à proximité vont sentir le goudron et donner ce goût
au vin. Le vigneron vendange, l’œnologue goûte le vin et perçoit un ‘’faux-goûts’’ : la cuve
sera traitée. Après la tempête de 1999 qui a abattu un nombre considérable de pins en
Gironde, les raisins sentaient le sel marin jusqu’à Saint-Emilion ; le goût salé apportait de
l’amertume et s’est détecté facilement ; certaine cuves ont été traitées. Mais on ne peut pas
enlever l’odeur de pollution du nuage brun d’Asie.
Rolland Collection
Tél : + 33 (0) 5 57 51 23 05
[email protected]
www.rollandcollection.com
Contact Oenotourisme Tél : + 33 (0) 5 57 51 52 43
Maxwell-Storrie-Baynes
Agence immobilière
Karin Maxwell a été négociante en
Angleterre et importatrice de vins de
Bordeaux pendant 17 ans. Près de
Saint-Emilion, elle a créé son agence
immobilière puis elle s’est associée à
Doug Storrie et Michael Baynes en
2009. Ils sont spécialisés dans la
transaction viticole et travaillent pour
les investisseurs chinois.
En 2008, la CCI Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux a invité Karin Maxwell
à Hong Kong. Elle a présenté sa société immobilière devant 40 hommes d’affaires chinois,
des avocats et des intermédiaires, et leur a expliqué comment acheter des propriétés viticoles
en France. Elle avait déjà un solide portefeuille de châteaux à la vente car elle travaille
comme agent immobilier dans la région de Bordeaux depuis 1994. « Grâce à mes
connaissances en vin, je m’étais déjà orientée vers l’acquisition de domaines viticoles. Les
vendeurs restaient discrets comme les transactions ; le milieu était fermé mais ils ont
compris que j’ai des relations internationales, m’explique-t-elle. La plupart des vendeurs
n’a plus les moyens d’investir pour une meilleure production ; ils se sont tournés vers les
acheteurs étrangers et je travaille avec les Chinois, entre autres. » Agent immobilier n’est
pas un métier facile : pour bien conseiller ses clients, Karin évalue la qualité de la propriété :
château, chai, vignoble ; elle connaît tous les paramètres économiques, fiscaux,
comptables… « J’analyse la situation. Mes dossiers sont extrêmement techniques et l’audit
est réalisé par un professionnel du vin. » Cet audit informe des qualités comme des défauts :
le nombre de ceps à l’hectare, la conformité du vignoble par rapport à son appellation… « Il
nous faut parfois trois mois pour réunir toutes les données sur le château en vente, car nous
sommes pointus sur la qualité des informations. C’est un bon dossier qui entraîne une bonne
vente. » Quelques vendeurs préfèrent rester discrets par rapport à leur voisinage ; d’autres ne
souhaitent pas de publicité car ils craignent que leurs clients n’achètent plus la production de
leur vignoble s’il est passé aux mains chinoises.
La Safer intervient pour favoriser l’acquisition par un jeune repreneur, un agriculteur ; c’est
son rôle. «La Safer n’est pas un agent immobilier mais elle sait estimer la terre agricole.
Nous nous complétons car je sais évaluer le prix des bâtiments, du château et de ses
pierres.» Karin doit travailler avec la Safer et un notaire. Si le futur propriétaire n’est pas un
professionnel du vin, il doit passer par ‘’le contrôle des structures’’, quel que soit sa
nationalité et ses moyens financiers. « Le seul soucis est que la Safer publie chaque année la
moyenne des prix des transactions effectuées dans la région ; ses chiffres peuvent être
trompeurs : c’est une moyenne entre les parcelles de vignes mal entretenues et les beaux
vignobles, sans distinctions. Elle devrait réaliser une fourchette de prix et non pas une
moyenne de prix. Comme ces chiffres sont mal compris par les Chinois, ils tentent de
négocier à la baisse et ratent parfois une bonne affaire. » C’est le travail de Karin de jouer
et déjouer les subtilités et les paramètres imposés pour une acquisition. « Certaines
personnes s’improvisent agents immobilier ou intermédiaires ; sans expériences, ils font
échouer des transactions et nuisent à ma profession. Les professionnels du vin qui sont
sollicités par des acheteurs potentiels se mettent, eux, en relation avec moi. » Les dossiers
sont trop complexes pour être confiés à des amateurs. Les acheteurs qui pensent gagner de
l’argent en se passant du service et des conseils des experts, risquent d’échouer.
La Safer société d'aménagement foncier et d'établissement rural, examine la candidature de
l’acquéreur ; son projet doit être en conformité avec la politique d'aménagement et de
développement local. Cette entreprise d’Etat dépend des ministères du budget et de
l’agriculture ; cela rassure l’acquéreur étranger. Elle s’assure que celui-ci va poursuivre
l’activité viticole et préserver le patrimoine : ‘’le contrôle des structures’’ est un
questionnaire de 20 pages qui lui accordera la licence pour exploiter les terres. La Safer peut
refuser sa demande d’achat. Si elle lui donne l’agrément, le domaine doit rester une
exploitation agricole pendant 10 ans, et une demande doit être faite pour un bâti
supplémentaire. La Safer prend les risques juridiques : sa commission est mentionnée sur
l’acte de vente et en cas de litige l’acheteur se retournera contre elle. « Le compromis de
vente français est très précis ; les Chinois n’ont pas la culture de l’acte écrit et ils
commentent chaque détail jusqu’à la signature finale, me dit Hervé Olivier, son directeur
régional. « Le plus souvent, les Chinois rachètent des propriétés qui sont à vendre depuis
longtemps et qui n'intéressent pas les gens du coin en raison d'un modèle économique
difficilement tenable. »
Lily a été intronisée par les Hospitaliers de Pomerol
Depuis avril 2013, Li Lijuan (master de vin à l’INSEEC) s’occupe des clients chinois pour
Maxwell-Storrie-Baynes et gère les traductions. Originaire de Chengdu la jeune chanteuse,
installée à Bordeaux depuis 2008, a travaillé au château Grand Mouëys avant d’être
embauchée par Karin Maxwell. Lily parle 4 langues et elle a sa carte professionnelle d’agent
immobilier, gage de qualité et de crédibilité pour les investisseurs chinois.
Tél : + 33 (0) 5 57 84 08 82 [email protected]
Maxwell-Storrie-Baynes est une filiale de la Maison Christie’s. Depuis l’été 2013,
Christie’s International Real Estate est associée à la branche qui vend des vins aux
enchères ; elle a ouvert un bureau à Hong-Kong spécialisé dans l'acquisition de propriétés
viticoles. Li Lijuan est son correspondant à Bordeaux.
Les Français qui vendent…
La génération qui a de 55 à 70 ans pense à vendre son domaine car elle a des enfants qui ne
veulent pas hériter d’un vignoble en indivision, ou qui vivent loin, ou qui ont une autre
profession. « Je constate aussi que les jeunes, à cause du malaise économique français,
préfèrent être salariés d’une entreprise plutôt qu’être leur propre patron, dit Karin. C’est
devenu très compliqué d’être à son compte en France, à cause des contraintes
administratives, de la ‘’paperasse’’, des lois, des charges. Les seniors ont été à leur compte
mais ne peuvent pas transmettre cette envie à leurs enfants car ils croulent sous les papiers
administratifs depuis une dizaine d’années. Aujourd’hui, un vigneron passe autant de temps
à son bureau que dans ses vignes. »
- Mais les Chinois, eux aussi, vont passer autant de temps dans cette paperasse.
« En effet. Lorsque j’organise les visites de châteaux, je fais venir un notaire et un
comptable pour leur expliquer toutes les obligations relatives aux lois françaises. Je pense
être le seul agent à opérer de cette manière. Je leur conseille d’embaucher une personne
pour gérer cette partie administrative et je leur trouve une solution. Le repreneur a
l’obligation de garder le personnel en place ; c’est une bonne chose car l’équipe est la
mémoire de la propriété, elle est précieuse. » Le futur propriétaire chinois ne craint par
notre législation car il ne s’en occupera pas personnellement ; déjà en Chine, il délègue ce
genre de problèmes, de ‘’paperasse’’.
…et ceux qui achètent.
« Les Sud-africains, qui ont des vignobles en Afrique du Sud, craignent leur politique locale
et achètent des petits vignobles ici en vue d’un éventuel déménagement ; leurs deux périodes
de vendanges sont inversées et peuvent être effectuées par la même équipe. Nous sommes
sollicités aussi par des Américains fortunés ; ils aiment les chartreuses du XVIIIème siècle
typiques de la région. Les Chinois préfèrent les bâtiments hauts avec des tours.»
Depuis 2012, l’agence Maxwell-Storrie-Baynes a vendu les châteaux Grand Mouëys,
Milord, Quercy, Birot et Renon à des Chinois (cf leur chapitre respectif).
Début 2013, Karin a vendu à la famille Mottet le château de Seguin, une propriété de 173
hectares à Lignan-de-Bordeaux (à 20 kms à l’Est de Bordeaux) ; Bruno Mottet racontait :
« Pour exporter mon vin en Chine, c’est la Cave du Dynastie installée à Bordeaux qui m’a
le plus aidée : la patronne Leelee Huang a aimé mes vins et m’a fait confiance. Puis, une
scène du film ‘’Jiang Ai’’ a été tournée dans le parc de mon château (cf le chapitre sur le
tourisme) et ça m’a aidé à vendre mon vin lors des manifestations de 2011 : en effet, j’avais
été photographié entre les deux célèbres acteurs et cette photo a eu un impact conséquent. »
Karin Maxwell reprend : « Il faut savoir négocier avec les Chinois, savoir ce qu’il faut dire
et ne pas dire ; ils sont différents des Français et des Anglais : ils vont s’attacher à des
choses que nous trouvons peu importantes et négliger un point fondamental pour nous. La
plupart investit 10 millions d’euros au maximum dans un vignoble ; mais on commence à
avoir des demandes avec des budgets plus importants : ils sont un deuxième, voire un
troisième achat… Avec un dossier bien monté, il peut se passer seulement six mois entre la
1ère visite de l’intermédiaire d’un Chinois et son entrée au château en tant que propriétaire.
Un de nos acquéreurs a été aidé par notre bureau Christie’s de Hong Kong. »
Christie’s International Real Estate a des bureaux dans plus de 100 pays. Son actionnaire
principal est le français François Pinault. « Notre base de données est internationale ;
Christie’s a la clientèle de toutes les banques du monde entier. Notre communication est
mondiale. ‘’Bringing Bordeaux to the world and the world to Bordeaux’’ dit Karin,
Emmener Bordeaux vers le monde et le monde à Bordeaux est le maître-mot de l’agence »
Tél : + 33 (0) 5 57 84 08 82 et www.maxwellstorriebaynes.com
Quais de Bordeaux
Quais de Hong Kong
Contrefaçons de marques
Inlex
Créé en 1995 par Eric Schahl et Franck Soutoul, la société Inlex est aujourd’hui un acteur
majeur de la Propriété Intellectuelle. Une équipe de 70 personnes accompagne les
entreprises dans leur stratégie et gère les contrefaçons.
Avec Céline Baillet, je parle de la Chine et du vin français : le dépôt des marques,
l’opposition à l’enregistrement de marques identiques et les opérations de saisiecontrefaçon. Entre autres problématiques, elle accompagne les vignerons français dans
la protection et la défense de leurs droits :
* Défendent-ils efficacement le nom de leur château ?
* Leur marque est-elle protégée en Chine ?
* Leurs relations contractuelles avec leur distributeur sont-elles sécurisées ?
Le négociant souhaite envoyer un vin en Chine et le propriétaire doit protéger sa marque
avant le départ des bouteilles.
« Pour déposer la marque, je vérifie auprès de l’Office chinois (National) que le nom est
libre, me raconte Céline Baillet. Si c’est le cas je procède au dépôt et l’Office chinois
enregistre la marque. Cela coûte au viticulteur environ 1000 € pour 10 ans.
Malheureusement, dans 95 % des cas, je m’aperçois qu’elle est déjà enregistrée en Chine,
en langue française et chinoise. »
- Un Chinois dépose donc un nom de château sans même le connaitre ?
« Oui, c’est un particulier ou l’importateur-distributeur si le vin a déjà été commercialisé
par lui : en déposant la marque, l’importateur se protège afin que le Château soit obligé de
passer par lui pour vendre son vin sous son nom. Juridiquement c’est lui qui est
propriétaire de la marque et pas le viticulteur français. »
- Le Français peut-il racheter sa marque ?
« Oui. Mais c’est compliqué et c’est très cher. Le Chinois qui travaille dans le vin préfère
faire du business à long terme, rester propriétaire de la marque et continuer de vendre le
vin du Château. D’autres Chinois, qui n’ont rien à voir avec les domaines viticoles,
enregistrent des marques de vins pour les revendre aux propriétaires. Pour nous, Français,
ce sont des dépôts ‘’frauduleux’’ car c’est une forme de racket. Je tente donc d’informer
l’Office chinois qu’un dépôt n’aurait jamais dû être accepté, mais seuls les Grands vins ont
gain de cause. Il faut donc négocier avec le propriétaire de la marque. »
- Le viticulteur peut changer la marque de son vin, la déposer par tes soins en Chine, puis
vendre son vin avec son nouveau nom.
« Si son vin avec son nom d’origine est déjà connu en Chine ce n’est pas une bonne idée.
C’est pourquoi certains vignerons prennent le risque de vendre leur vin sans être
propriétaire du nom de leur Château. Ils sont alors des ‘’contrefacteurs’’, ils attendent
d’être contactés par le détenteur de leur marque pour négocier. En revanche, si le vin d’un
viticulteur n’est pas connu en Chine, je lui conseille de changer son nom et de faire des
étiquettes spécialement pour le marché chinois. »
- Il faut donc faire enregistrer sa marque avant la première exportation.
« Bien sûr. Un dépôt pour la Chine continentale et un dépôt pour Hong Kong.»
- Les vins Français sont-ils les plus touchés par ce ‘’commerce’’ ?
« Oui. Sauf les grands vins français et les grands groupes qui se sont protégés depuis leur
première exportation.»
- Et les étiquettes ?
« Celles qui sont les plus représentatives sont déposées également, comme le galion du
château Beychevelle et celles du château Mouton Rothschild par exemple. »
- Les exportations ralentissent. Les prix baissent.
« Les Chinois apprennent à boire du vin. Si le Français offre du champagne pour une belle
occasion, le Chinois offre une bouteille de Bordeaux. »
La contrefaçon, la ‘’copie du maître’’, est la rançon de la gloire (lire le chapitre de Gérard
Colin et château Lafite).
Le gouvernement chinois est très actif pour retirer du marché des produits illicites et
condamner les contrefacteurs. En avril 2014, la Chine a lancé une procédure de
reconnaissance de l'indication géographique "Bordeaux" : une protection pour les bouteilles
françaises victimes de contrefaçons à l'étranger.
Inlex Céline Baillet Conseil en propriété industrielle
16 rue Danjou 33000 Bordeaux [email protected]
Tél : + 33 (0) 5 67 80 10 88 Fax : + 33 (0) 5 17 02 22 65 www.inlex.com
Jean-Baptiste Thial de Bordenave, avocat collaborateur de Inlex, me disait que le premier
indice pour constater une contrefaçon c’est le prix peu élevé d’une bouteille qui affiche
pourtant l’étiquette d’un château prestigieux. Tél : + 33 (0) 5 56 52 12 46
Office chinois des marques www.chinatrademarkoffice.com
Village de Saint-Emilion
Extraits
Œnologue français en Chine
Gérard Colin
Dans les années 1990 en Chine, 15 millions de quintaux de céréales étaient utilisés pour
produire de l’alcool : le jiu. Pour restituer à cette céréale sa fonction première : être
consommée au lieu d’être bue, le Gouvernement a relancé la culture de la vigne en
1987. 600 vignobles pour 400 000 hectares de vignes ont été plantés mais sans véritable
notion de terroir ou de qualité : juste pour faire du vin, le désinhibant qui préserve le
lien social.
Gérard Colin, œnologue bordelais, a amélioré Grace Vinyard, le vignoble de Monsieur
CK Chan, chinois de Hong Kong et de sa fille Judy Leissner qui préside l’exploitation.
Susan Johanna Jakes, la correspondante du Time (célèbre hebdomadaire américain), arrive
de Pékin pour interviewer Gérard. « J’aimerais créer un vin 100% chinois, avec une variété
de raisins chinois, lui dit-il. Greatwall, Dynasty, Dragon seal sont des vins issus du
cabernet mêlé à d’autres cépages. Moi, je préfère travailler sur des petits vignobles, comme
un produit de luxe, l’artisanat d’art. Chaque œnologue fait un vin différent et on ne fait pas
du vin pour soi ; on s’adapte à l’évolution des goûts.»
Il est midi. Pour l'apéritif, Gérard propose du vin de noix…le fromage nous manque.
« J’adore le fromage de chèvre mais avec du vin blanc, du sancerre ou du pouilly fumé, me
dit Gérard Colin, du munster avec un vin d’alsace, du camembert avec du cidre, du
roquefort avec un porto…Je crois très moyennement à l’association mets-vins ; c’est du
snobisme. Lorsque je fais du vin, je pense à son goût à lui et pas aux nouilles ou au tofu que
mangent les Chinois. Je cherche à faire du bon en priorité. La cuisine chinoise s’associe
mal au vin, car avec 18 plats servis au centre de la table et picorés à tout va, les seules
boissons qui s’adaptent sont l’alcool, le thé ou la bière ; le seul vin qui peut passer c’est le
blanc, un muscat proche du vin jaune chinois, un vin oxydatif… acide et sucré : ils vont
parfaitement avec ces mélanges de plats. Mais la couleur rouge étant le symbole de fortune
et du bonheur en Chine, elle produit peu de vins blancs. Je propose des associations metsvins à certains restaurants qui servent à l’assiette. »
Gérard poursuit : « Un litre de Bai Jiu c’était les 1 000 calories indispensables aux ouvriers
chinois, leur carburant ; ils ne mangeaient pas de viande tous les jours mais ils étaient
ivrognes. Et là où les travaux de force n’existent plus, ce vin n’a plus de raison d’être. Le
Français est passé de 150 litres de consommation de vin par an, à 50 litres en l’espace de
30 ans. Aujourd’hui, le Chinois boit 33 litres de bière par an, zéro il y a 20 ans parce qu’il
buvait du Bai Jiu ; le thé est délaissé au profit des soft drinks etc… Nous sommes dans des
produits de mode plus que de culture ou de tradition. Pour apprécier le vin, il vaut mieux
être servi à l’assiette. Et ça n’empêche pas la convivialité.»
Château Lafite Rothschild en Chine extraits :
Gérard Colin est un ‘’architecte paysagiste concepteur de vignobles’’. Les Domaines Barons
de Rothschild cherchaient le meilleur emplacement pour développer un vignoble de qualité
en Chine. En 2006, Christophe Salin, directeur général de DBR, confia cette étude à Gérard
Colin : il a trouvé un vignoble de 25 hectares extensibles à 50 dans la péninsule de Penglai
(province du Shandong). Pendant 7 ans, il a dirigé son élaboration en partenariat avec le
groupe national chinois CITIC.
Dans cette province, la viticulture est en plein essor grâce à une combinaison entre les
terroirs en altitude et ceux qui sont à proximité de la mer : sa production de vin a doublé
entre 2005 et 2011, et les plus grandes marques du vin en Chine y sont implantées.
Dans cette zone concurrentielle et convoitée, les équipes françaises de Lafite ont déployé les
grands moyens : un partenariat avec le groupe chinois d’investissement Citic et un
investissement de 100 millions de yuans (environ 12,5 millions d’euros) pour faire pousser
des vignes à partir de zéro, bâtir des installations techniques et un château de 1600 m2 qui
réconciliera les cultures européenne et asiatique.
« Penglai est une station balnéaire célèbre ; la ville est desservie par d’excellentes
infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires, m’explique Gérard Colin. La
péninsule offre également des atouts climatique et géologique et nous croyons fortement
dans le potentiel de ce vignoble. Cependant, en choisissant Penglai, nous savions que les
travaux à entreprendre seraient très importants. En effet, les équipes ont aménagé 30
hectares de collines. 40 000 tonnes de pierres ont été extraites et plus de 9 kilomètres de
murs de pierres sèches ont été construits autour des parcelles. Le vignoble regroupe 30
parcelles et plus de 200 terrasses. Au mois de mai 2011, 12 hectares ont été plantés. Les
cépages seront le Cabernet Sauvignon en majorité mais également la Syrah, le Cabernet
Franc, le Merlot, le Petit Verdot et le Marselan. Tout en Chine est pharaonique : un
vignoble chinois a généralement 200 à 1 000 hectares et comprend toutes les
infrastructures comme les complexes réceptifs, touristiques, projets immobiliers… Ce ne
sont pas du tout les mêmes proportions que dans le Bordelais… En comparaison à de telles
dimensions, notre vignoble de Penglai est bien modeste, mais c’est une conception
bordelaise appliquée à un terroir chinois. La sélection pour la qualité passe par le choix des
cépages et également par une réduction des rendements. Cette recherche de l’excellence est
la caractéristique première du groupe DBR. Le vin rentre progressivement dans les
habitudes de consommation des Chinois mais on ne peut pas encore parler d’une culture du
vin comme en France. C’est un apprentissage qui se fera au fil du temps et auquel nous
espérons contribuer. »
Olivier Richaud a remplacé Gérard Colin en février 2013.
Gérard travaille sur un nouveau vignoble dans le Xin Jiang à Turpan, sur la route de la soie.
Je rencontre Michel Négrier à Bordeaux. Il est directeur commercial international pour DBR
Lafite. « Ces dernières années la Chine a surenchérie sur les Grands crus, me dit-il. Depuis
2012, un vin comme Lafite est vendu au plus proche de sa vraie valeur, et il reste toujours le
plus demandé. Sous l’influence des Occidentaux, cette marque est présente depuis 25 ans à
Hong Kong. Aujourd’hui, une dizaine de ville chinoise a la taille de Hong Kong, avec un
petit pourcentage de connaisseurs en vins qui ont voyagé et visité des châteaux, qui
connaissent les millésimes et les cépages. Pour les autres, ceux qui ont gagné de l’argent
vite, le vin est un élément de style de vie, comme la belle voiture ; ils ont 35 ans, des moyens
financiers et se constituent une belle cave rapidement. ‘’Rapidement ‘’ car ils disent « on
ne sait pas ce qui peut se passer demain » : ils connaissent l’histoire et la révolution
culturelle chinoise. Cette génération d’enfant unique n’a pas de temps à perdre. Le marché
change très vite, au rythme de leurs envies, voire de leur frénésie. C’est pourquoi il est
indispensable que DBR travaille avec ‘’la Place de Bordeaux’’ (courtiers et négociants cf
chapitre Chine / Diva Bordeaux) et non pas en direct avec eux, car ils seraient capables de
nous acheter toute la production de Lafite, là, tout de suite. »
Succès et Contrefaçons
L’offre des vins du Château Lafite n’est pas extensible : la production est limitée. Hormis
les commandes des familles royales à travers le monde, les investisseurs s'emparent d'une
grande partie de sa production. Il y a donc peu de vrais Château Lafite sur le marché chinois.
Il est aisé pour les fabricants de vin frelaté de duper les consommateurs car devant une
contrefaçon, ils préfèrent garder le silence pour ne pas perdre la face. La contrefaçon est un
mal qui touche les marques à forte notoriété. Château Lafite est concerné car il est la marque
phare en Chine. Mais DBR a mis beaucoup de moyens pour se défendre : les juges réagissent
vite et le groupe gagne ses procès, ce qui fait reculer les copieurs. Leur site web en chinois
communique sur ces actions. « On peut dire que la contrefaçon est la rançon du succès, me
dit Michel Négrier. Ce succès est dû à plusieurs facteurs : nous avons 25 ans de présence en
Chine, avant les autres ; le nom ‘’Lafite’’ est facile à prononcer pour un chinois, le son est
agréable ; les sitcoms, ces feuilletons réalisés par la télévision de Hong Kong dans les
années 80, mentionnaient notre vin comme un symbole de réussite, sans même que le groupe
DBR soit au courant. L’étiquette est reconnaissable car elle est la même depuis longtemps.
Et surtout, Château Lafite est un vin facile à boire et on en reboit ; son gout est
remarquable. Notre notoriété est mondiale car la diaspora chinoise internationale distribue
notre marque ; elle veut du DBR. »
Face à la forte croissance de la demande, le Groupe Rothschild a acheté plusieurs
vignobles ces dernières années, afin d'augmenter sa production :
« Le Baron Eric de de Rothschild et Monsieur Salin ont visité au Chili des dizaines
d’exploitations avant le coup de cœur pour le site de Los Vascos : quand le lieu est beau,
une magie s’opère dans le vignoble. En Argentine, le Bodegas Caro est un vin élégant ; le
sol de ce vignoble est aride, l’altitude bloque la maturation et donne un vin complexe »,
explique Michel Négrier. Fin 2012, DBR a acquis 26 hectares de vignes dans la région de
Malborough en Nouvelle Zélande. Dans le Languedoc (Sud de la France) un site ancien et
traditionnel a charmé le Baron en 1999 ; de nouvelles vignes ont été replantées ; 10 ans
après, « parce qu’il faut être patient » château d’Aussières est un très bon vin.
« En Chine dans le Shandong, il y a une colline, un lac, des cultures en terrasses… Nous
associons un beau site et son sol à notre savoir-faire. Si les Chinois sont impatients et
veulent avoir du vin vite, nous, le Groupe Rothschild, avons le temps, ce qui nous permet
d’être sélectifs. Quel que soit le pays, les consommateurs sont toujours ravis de boire le vin
local. Quand des grandes structures comme la nôtre, aident les Chinois à faire du bon vin,
ça leur plait, ils sont fiers. En Chine nous ne faisons pas ‘’le Château Lafite’’ ; nous faisons
un vin chinois sur un vignoble exploité par DBR. Le seul ‘’Château Lafite’’ 1 er Grand Cru
classé, est produit à Pauillac dans le Médoc. Notre vin chinois sera issu des raisins du
Shandong avec nos compétences. Il y a d’autres projets français, d’exploitation de vignes
en Chine, un projet philippin également… Mais c’est compliqué d’avoir un partenariat
chinois car vous n’êtes pas propriétaire du vignoble mais locataire pour 99 ans ; c’est
pourquoi certains grands groupes hésitent à investir. »
Châteaux de Bordeaux à la vente, pourquoi ?
La concurrence
Le vignoble bordelais s’est trop agrandi ces dernières années : de 75 000 hectares en 1970 il
est passé à 117 000 puis à 112 000 hectares en 2014. Des vignes en AOC ont été plantées à
la place des ‘’vins de table’’. Les charges des viticulteurs ont augmenté.
Dans le monde, en 1980, on plantait à tour de bras, en particulier dans les nouveaux pays
viticoles : Californie, Argentine, Chili...Leur production a doublé en 10 ans. Les
consommateurs voyagent de plus en plus et découvrent de nouveaux vins. La concurrence et
la mondialisation ont fait baisser les prix du vin du Bordelais. La France n'est plus le centre
incontournable pour les acheteurs étrangers. En 1990, l’Angleterre s’est tournée vers les vins
du ‘’nouveaux monde’’ et néo-zélandais, et la grande distribution française s’est effondrée.
Les effets du French paradox
Les effets bienfaiteurs du vin pour la santé ont été diffusés en 1991. En 1998, le pic de vente
dans le monde des vins français, et en particulier des Bordeaux, a été atteint. 6,2 millions
d’hectolitres de vins de Bordeaux ont été vendus. Les conditions économiques étaient
favorables. « A cette époque, certains négociants achetaient, sans goûter parfois, le tonneau
de Bordeaux à 10 000 francs (1 600 €). La hausse des prix a été trop rapide et trop élevée.
Le marché n’était pas maîtrisé et ces tarifs n’ont plus jamais été atteints. A partir de l’année
2000, la crise économique a contribué à sa chute. On s’est réveillé un matin avec la gueule
de bois ! » m’expliquait Xavier Carreau, un ami proche du scientifique Serge Renaud,
l’inventeur du terme french paradox.
Ces vers célèbres sont passés de mode : « Aimer est le grand point, qu'importe la maîtresse.
Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse.» La coupe et les lèvres, écrit en 1830 par
Alfred de Musset (1810-1857).
La Loi Evin et la Sécurité routière
La Loi Evin, votée le 10 janvier 1991, lutte contre le tabagisme : elle interdit la publicité sur
le tabac et sa vente aux moins de 18 ans ; elle imposait également des lieux publics réservés
aux fumeurs.
Concernant l'alcool, elle déclare que « Toutes les boissons de plus de 1,2% d'alcool par
volume sont considérés comme des boissons alcoolisées ». La loi interdit la publicité pour
ces boissons à la télévision afin de ‘’protéger les jeunes’’. Une tranche horaire bien précisée
à la radio, et la presse spécialisée peuvent faire de la publicité avec le message sanitaire
obligatoire : « L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération ».
En fait, tout ce qui n’est pas autorisé par son texte est interdit.
C’est un casse-tête pour les publicitaires. En mars 2004, l’affiche du CIVB qui présente
une femme avec le slogan ‘’Buvons moins buvons meilleur’’ est interdite car elle est trop
conviviale ! Lorsque le Val-de-Loire parle de la ‘’jeunesse de ses vins’’ cela peut inciter les
adolescents à boire = interdit. Interdit aussi le slogan ‘’la nuit est rose’’ pour le champagne
rosé de Moët-et-Chandon : ses bulles risquent de faire apparaître quelques éléphants ! Mon
livre même devrait être frappé d’interdit pour incitation à la débauche. Le slogan
‘’Bordeaux, des vins, un style’’ sur fond de table (photo de droitepage suivante) est accepté par
la Loi, enfin !…L’ANPAA, Association Nationale de Prévention en Alcoologie et
Addictologie est la plus répressive.
Le 25 juillet 2014, le CIVB a obtenu gain de cause dans le conflit qui l'opposait à l’ANPAA
au sujet de sa publicité Portraits de vignerons : après 9 ans de bras de fer, elle est enfin
acceptée par la loi Evin. C’est une victoire pour le CIVB mais Bernard Farges, son président,
réclame toujours : « la clarification du cadre dans lequel on peut parler du vin en France ».
« Nous déplorons l’absence de dialogue constructif avec les pouvoirs publics dans notre
pays, en particulier avec le ministère de la Santé » disait Joël Forgeau, président de Vin &
Société.
Le vigneron Yannick Evenou (château Réaut) s’est lancé dans la 46ème édition de la
Solitaire du Figaro, partie le 31 mai 2015 depuis Bordeaux. Il attira ainsi l'attention des
médias et du gouvernement sur la Loi Evin. Son voilier, dont la marraine est Sylvie Cases,
porte le nom évocateur loi et vin ; ce Bénéteau a été décoré par l’artiste bordelais Jofo.
En France, la consommation de vins et d’alcool a baissé de moitié en 10 ans.
Le 5 mai 2002, Jacques Chirac a été réélu Président de la République. Son ministre de
l’Intérieur Nicolas Sarkozy a fait de la ‘’sécurité routière’’ son fer de lance. Entre autres
mesures, il réduit le taux d’alcool autorisé au volant. « A la télévision, un spot publicitaire
contre l’alcool au volant montrait un autocollant représentant une bouteille de vin avec un
château, symbole de Bordeaux. » me dit Xavier Carreau. « Ce n’était pas tolérable. »
L'association Vin &Société, qu’il présidait alors, a réuni plusieurs organisations viticoles
pour défendre le vin face aux attaques des pouvoirs publics. Enfin, le 25 février 2004, le 1er
ministre Jean-Pierre Raffarin, indiqua clairement que « l'interdit n'est pas l'avenir du vin en
France » et il accepta d'adapter la Loi Evin à la promotion collective des vins de qualité.
Le sénateur girondin Gérard César disait en janvier 2014 : « Nous sommes en alerte sur les
mesures relatives à la taxation du vin pour raison de santé ou fiscalité ‘’comportementale’’
et à l’augmentation des droits d’accises. Autant de mesures pénalisantes pour la filière. »
Suite à sa proposition de loi déposée en 2012, un amendement reconnaissant le vin comme
partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager français a été adopté le 12 avril
2014 par le Sénat, mais elle restait floue. « La France, pourtant berceau de la production
mondiale et référence de qualité, a voté la loi Évin. Voilà la grande différence avec les
États-Unis qui considèrent le vin comme un produit culturel. » dit Michel Rolland début
mars 2015. Christophe Château du CIVB, ajoute : « La place du vin en France doit être
défendue, parce que nous ne pouvons pas être forts à l’étranger si nous ne le sommes pas
sur notre propre territoire. » + d’infos page 55 : le nouveau texte a été voté le 11 juin 2015.
« On est dans le pays des paradoxes, dit Olivier Bernard, Président de l’Union des grands
crus de Bordeaux. Nous ne pouvons pas montrer une étiquette de vin lors d’un cours de
cuisine dans une émission de télévision française ; un Château n’a pas le droit de
sponsoriser un voilier qui fait une régate… Bien sûr, je suis contre celui qui prend le volant
en ayant bu. La prévention est importante et je suis content que les jeunes soient sensibilisés
à ça. Mais le ‘’binge drinking’’ boire à l’excès, pratiqué par les jeunes, ce n’est pas avec le
vin, mais avec les alcools forts.»
Il est interdit de conduire avec une alcoolémie supérieure à 0,5 gramme d’alcool par litre de
sang ; cela correspond à 25cl de vin. En Chine, la tolérance d’alcool au volant est de Zéro !
L’héritage
Depuis 2010, la France a durci considérablement sa politique d’imposition sur les
successions. Aucun grand pays d'Europe ou d'Amérique du Nord ne ponctionne aussi
durement le patrimoine des personnes décédées. La législation française donne à tous les
enfants des héritiers des parts égales : de nombreux vignobles ont été divisés en petites
parcelles, ainsi sans intérêts de production. Des héritiers vendent les biens pour payer les
droits de succession. D’autres châteaux sont vendus à cause des mésententes familiales
après l’héritage. Les avantages liés aux donations ont été supprimés, à l'exception de ceux
prévus en faveur des donations d'entreprise.
Etre classé au Patrimoine
Un château ‘’classé au Patrimoine’’ est préservé de l’abandon ou de la destruction. Il
bénéficie des aides publiques du Ministère de la culture. Il se soumet à un cahier des charges
strictes et entretient le lieu. Mais les aides de l’Etat français se sont réduites fin 2013.
Pourtant la végétation ronge les vieilles pierres et les tempêtes continuent d’emporter les
ardoises… Un artisan qualifié met une heure pour changer 5 tuiles d’ardoise de la toiture
pentue d’un château vieux de 300 ans.
C’est pourquoi, avant de vendre, les propriétaires tentent une restauration pour proposer des
chambres d’hôtes, recevoir des séminaires et des mariages, louer le parc pour des spectacles
d’été…Le vigneron passe de la vigne à l’oenotourisme ! Dans l’attente des aides de l’Etat, le
châtelain cultive son potager et vend ses fraises.
Tous ces facteurs favorisent l’achat des terres viticoles par des étrangers, dont les
Chinois. Pourtant, les complexités administratives françaises devraient freiner leurs
investissements : je pensais que certains Chinois seraient effarés par les normes françaises,
ses procédures, son droit social ; les salaires ne sont pas les mêmes qu’en Chine, le code du
travail français a doublé de volume ; l’inspection du travail et des fraudes se manifeste
régulièrement ; les taxes et les impôts ont augmenté… Mais non.
Bien entendu, le Chinois propriétaire est taxé au même titre qu’un français pour l’export du
vin vers leur pays. De plus sa propriété ne lui donne pas un visa d’entrée systématique.
En février 2015, environ 240 domaines viticoles bordelais appartiennent aux
investisseurs étrangers : ils sont chinois (plus de 100), belges (plus de 50), allemands et
britanniques, américains, sud-africains et japonais, italiens, russes, daanois, grecs, suisses,
singapouriens.
Extraits
Quelques châteaux appartenant à la
Famille Qu
Lamont vins, filiale du groupe Haichang
Il y a 20 ans environ, Monsieur Qu a fondé le groupe Haichang, un conglomérat présent
dans le transport maritime, le pétrole, le tourisme et l'immobilier, basé à Dalian. Son
directeur général, Li Hengrui, ancien capitaine de marine marchande, expose la logique du
Groupe dans la diversification du vin : « Haichang veut se développer dans le haut de
gamme ; c'est l'avenir pour la Chine, et de la ville de Dalian qui se veut en pointe dans le
domaine de la mode et du luxe. Nous sommes à un stade où les Chinois aspirent à une plus
grande satisfaction matérielle et spirituelle. Le vin, la culture française, le romantisme, cela
correspond parfaitement à ce qu'ils cherchent, explique-t-il. Acquérir des châteaux français
est une manière de produire des vins authentiques. » La famille Qu est aujourd’hui
propriétaire d’une vingtaine de vignobles bordelais dotés de maisons prestigieuses.
Avec ses acquisitions, le groupe Haichang a créé sa filiale Lamont vins.
Château Branda (photos ci-dessus) et son vignoble de 36 hectares ont été vendus en 2011
par la société Leda de la famille Lesgourgues, connue pour ses Armagnacs, ses vins de
Bordeaux et de Madiran. Le château médiéval de Branda fut construit à la fin du XIIIème
siècle sur les vestiges d'une villa gallo-romaine. Les armées d'Edouard III d'Angleterre
l'occupèrent en 1360 pendant la guerre de Cent Ans. Le temps et les ans avaient
considérablement endommagé ces vestiges, transformés en bâtiments agricoles. En juin
1997 un chantier de restauration avait duré 3 ans : il est repris aujourd’hui par le groupe
Haichang. Le vignoble est en appellation Puisseguin Saint-Emilion. Il est situé à 30 kms au
Nord-est de la ville de Bordeaux. 13 chemin Freyche 33240 Cadillac-en-Fronsadais
Les meilleurs ‘’retraités’’ au service de la famille Qu
Ancien négociant pour la maison de négoce Ginestet et ancien président du CIVB (Conseil
Interprofessionnel des Vins de Bordeaux), Christian Delpeuch a créé une structure de
conseils. Pour représenter les nombreux vignobles bordelais de Monsieur Qu, ce
professionnel reconnu m’expliquait : « Nous restructurons les propriétés pour obtenir une
qualité de vin irréprochable. Nous souhaitons nous fondre dans le paysage existant, avec un
comportement exemplaire de nos équipes sur le terrain. »
Christian Delpeuch s’était bien entouré….
Pourquoi les propriétaires ont-ils vendus les domaines, et pourquoi Lamont vins les
achète-t-il ?
Les anciens propriétaires du château Bertranon ont fait un mauvais calcul financier en
l’achetant sept ans auparavant, car ils n’ont pas eu les moyens de le restaurer. Christian
Delpeuch me confirme : « il est dans un état lamentable même si l’ensemble parait magique,
le toit s’écroule à cause des termites, et les vignes sont dans un état déplorable. Lamont vins
l’achète parce qu’il est splendide et le Groupe a les moyens de le restaurer. Pour le
moment, le programme du Groupe Haichang est d’investir pour restaurer, pas pour
revendre. Je m’occupe des restaurations des bâtiments avec des équipes françaises mais les
plus gros investissements portent sur les vignobles. » Le bureau de Christian Delpeuch
domine les vignes du château Branda. Il me montre une parcelle de vignes en friche : « nous
avons arraché les mauvais pieds de vignes ; nous remettons tout à niveau, les vignobles
comme les chais de tous les châteaux du Groupe. » Haichang a contacté Christian pour
accompagner son projet sur plusieurs années ; ce dernier a souhaité connaître les intentions
de Monsieur Qu : « Il m’a expliqué qu’il voulait investir dans la pierre, remettre tous ces
châteaux en bon état ; il considère que le niveau d’investissement, aux vues de la beauté des
bâtiments, n’est pas énorme. En plus de ça, il est intéressé par l’appellation « Bordeaux »
qu’il pourra commercialiser en Chine. Mais pour ça, il faut restaurer les vignes pour
qu’elles produisent des vins de qualité. Et depuis que je travaille avec Monsieur Qu,
j’investi, je restaure. » Il est évident que le retour sur investissement sera long, sur 20 ans
sans doute, mais le Groupe a les moyens et le désir. Dans un premier temps, les châteaux
recevront ses amis et ses financiers. Les ouvertures des domaines au public, les
réhabilitations en chambres d’hôtes et l’oenotourisme interviendront plus tard. « Monsieur
Qu travaille avec plusieurs agents immobiliers et choisit ses acquisitions au coup de cœur. »
Sur l’ordinateur de Christian, je regarde les photos des châteaux prises par un drone (avion
miniature commandé à distance et supportant un appareil photos) ; à part la bâtisse du
château Millaud-Montlabert, toutes les propriétés sont sublimes. « En France, le Groupe est
axé sur l’immobilier viticole de Bordeaux. Il est possible qu’il investisse en Bourgogne ces
prochaines années. S’il n’est pas intéressé par la Napa valley (vignobles de Californie) c’est
parce qu’il n’y a pas de bâtiments de prestige, pas d’histoire. Pour l’instant, le prestige
c’est la France et c’est Bordeaux. »
- Le terroir de Bordeaux est donc inimitable ?
« ‘’Un’’ terroir c’est l’association du sol, du climat, des hommes et de la technique. S’il
manque un de ces quatre éléments, ce n’est pas ‘’Un’’ terroir. Les Chinois boivent de plus
en plus de vin, pour notre plus grand plaisir et le leur. La production locale augmente et
c’est une bonne chose. Mais l’idée n’est pas de copier un terroir et les différentes parcelles
d’une appellation. Chaque terroir a sa place. Chaque terroir a ses limites aussi. Le
Bordelais a la chance de son terroir. Pour moi, le seul pays qui a un terroir viticole
d’exception et qui n’est pas encore très exploité c’est l’Argentine, avec ses vignobles de
‘’Mendoza’’ et de ‘’Salta’’. Il manque peut-être un des quatre éléments.»
La Cour des comptes de Chine
Elle a délivré le mercredi 25 juin 2014 son rapport sur l’année 2013, et suspecte 314 cas de
« violations majeures de la loi et de la discipline ».
La campagne anti-corruption lancée par Pékin accuse la firme d’investissement Ruiyang et
le Groupe Haichang d’avoir acquis des vignobles français avec des fonds publics chinois,
d’avoir acheté des vignes et 14 châteaux à la place de technologies étrangères, d’avoir donc
détourné quelque 32 millions d'euros alloués par l'État.
Le quotidien Sud-Ouest et ses deux journalistes César Compadre et Éric Meyer, ont publié
le 26 juin 2014 : « Dans le cadre d’une vaste opération anti-corruption, la Cour des
comptes de Pékin révèle que le groupe Haichang a détourné des fonds publics pour payer
certains de ses 23 châteaux girondins. » Le groupe Ruiyang accusé ne serait pas le
propriétaire de château Les Brettes. « Des ondes négatives virevoltent au-dessus de certains
des 90 châteaux bordelais acquis à la vitesse grand V, ces dernières années, par nombre
d'investisseurs chinois. Salariés laissés à l'abandon, gestion ‘’sportive’’, incompréhension
des règles françaises, tentation de louvoyer, doutes sur les motivations réelles des achats,
voire sur l'origine des fonds…(…) Le grand nettoyage a été lancé en septembre 2013 par Xi
Jinping, premier secrétaire du Parti communiste chinois. Afin de consolider son pouvoir et
de remettre sur les rails un pays en train de sombrer dans les détournements, Xi a lancé ses
organes de contrôle, la Cour des comptes et la Commission centrale de discipline (la police
interne du PCC) dans toutes les directions (…) De façon insolite, l'État chinois va sans
doute se retrouver propriétaire de ces biens sans l'avoir voulu, ni pouvoir récupérer son
argent avant longtemps. »
Clos des Quatre Vents, Margaux
Château Tayac Plaisance, Margaux
Château Bonneau, Avensan
Bordeaux Z, Soussans
Jing-Tong Ma, Wu Nu Shan Milan wine
En Chine, il y a une société d'État pour chaque province qui gère l’Energie et investit dans
les sources énergétiques : électrique, éolienne, thermique et solaire. LEC : Liaoning Energy
Investment a été fondée en 1985 par le gouvernement populaire de la province de Liaoning ;
elle est présidée par He Jianyong.
Devenue une filiale de LEC en 2001, Wu Nu Shan possède un domaine viticole qui
produit du Vin de glace. Le 20 février 2014, elle a acheté les propriétés de Luc
Thienpont, soit 48 hectares avec sa forêt, et ses stocks ; ils réunissent 3 châteaux pour 5
vins. A 62 ans, le belge Luc Thienpont avait décidé «de lever le pied en douceur ».
Les raisons invoquées par Luc Thienpont pour la vente de son domaine sont financières, et
plus particulièrement fiscales : il est père de six enfants et n’aurait pas pu assumer la
succession pérenne du vignoble dans les prochaines années. Les frais de donations et de
successions en France sont trop élevés. Luc Thienpont conserve 1% des actions pendant
deux ans. Il a vendu sa compagnie de négoce SARL Thienpont à une autre personne.
Wunushan est un des seuls investisseurs en bordelais à être déjà viticulteur professionnel
avec son Vin de glace (cf page suivante). Il n’est pas un investisseur industriel. « Investir
dans un vignoble n’est pas un achat immobilier, me dit Lina Fan, la directrice des
domaines ; ici, tous les ans, il faut travailler, produire, se remettre en question. Ce n’est pas
un stock de richesses. Nous avons cherché longtemps un vignoble de qualité. Après cinq
voyages avec les membres du groupe nous avons sélectionné les domaines de Luc Thienpont
qui ont un bon potentiel. »
Le Vignobles des Quatre Vents réunit 7 hectares dans la prestigieuse appellation de
Margaux avec 3 vins : le Clos des Quatre vents, 1,2 hectare entre les communes de
Margaux et Soussans pour une cuvée prestige ; c’est un vin appelé vin de Garage, bien noté
depuis des années. La Villa des Quatre sœurs, 1,4 hectares à Soussans est son second vin.
Le Château Tayac Plaisance a 3,5 hectares en 3 parcelles entre Soussans et Tayac.
« Leur vigne a de 60 à 90 ans ; elle est fragile mais subtile. Nous avons revu les parcelles
pied par pied, les porte-greffes et les cépages car ces vieilles vignes avaient des ceps
mélangés. Il ne s’agit pas d’arracher pour replanter mais plutôt de réduire la
production vers 5 à 7000 bouteilles par an. Pour faire le meilleur ! »
La salle de dégustation et le salon sont ouverts ainsi que 5 chambres d’hôtes et un
appartement familial face à la piscine et aux vignes.
Début 2014, c’est le premier achat chinois d’un vignoble en appellation Margaux.
Bordeaux Z est une parcelle de 8,5 hectares de vignes en bordure de la Gironde sur la
commune de Soussans ; juste à la limite de l’appellation Margaux il est en appellation
Bordeaux supérieur car son sol est argileux et non graveleux. Mais Jeremy Lurton lui
impose les mêmes règles et codes qui s’appliquent aux Châteaux.
En 1979, Luc Thienpont avait quitté sa Belgique natale pour prendre en charge les vignes du
château Labégorce Zédé à Margaux ; il les a vendues à Hubert Perrodo (cf château Marquis
d’Alesme) mais il avait gardé une parcelle qu’il a nommé Z en souvenir de son Zédé.
Château Bonneau est une propriété de 26 hectares avec
un vignoble de 10 hectares en appellation Haut-Médoc.
Il est à 9 kms à l’Ouest du village de Margaux. Début
2016, il sera remis en état et modernisé, sa tour d’origine
sera rebâtie, puis il sera ouvert au public. Son vin était
classé Cru Bourgeois mais Luc Thienpont n’a pas
respecté le cahier des charges de cette Alliance ; il a une
histoire régionale intéressante avec des vignes de 30 ans
et Lina Fan mettra les moyens nécessaires à un futur reclassement. « Ce vin s’adapte bien à
notre marché ; son volume de production est bien plus rentable que notre vignoble de
Margaux, petit et cher.» L’œnologue choisie par Jeremy Lurton est la jeune Céline Mesure.
Lina Fan est la directrice générale des domaines de Wunushan. Elle est la veuve de Peng
Wang, décédé en décembre 2013 avec le nouveau propriétaire chinois et l’ancien
propriétaire français du château de La Rivière. Lina vit en France depuis 13 ans ; elle a
étudié en Champagne, elle a réussi ses brevets viticoles à Tours puis celui de l’Inseec à
Bordeaux. Ensuite, Lina a assisté Shou-Rui Wu qui a acheté le château de Pic en mai 2013.
A Margaux, Lina gère le commercial, le marketing et la communication. Le directeur
technique est Jeremy Lurton (photo) ; il est assisté du maître de chai et de 6 personnes.
Depuis le millésime 2013, l’œnologue est Eric Boissenot.
« Nous voulons relancer la communication sur ces vignobles et développer notre marque à
l’International, ajoute Lina Fan. Je rassure les anciens clients car seulement 20% de la
production sera vendu en Chine. »
SCEA Vignobles des Quatre vents Route de Campion 33460 Margaux
Tél : + 33 (0) 5 56 58 97 90 [email protected]
La SARL Grands vins des Quatre vents est la maison de négoce créée pour la vente, en
Chine et à l’international, de sa production et d’autre Grands crus.
Avec Lina Fan, nous dégustons du thé de Pu’Er, délicieux. Elle
m’explique le Vin de glace, un vin de couleur blanche comme le
Sauternes : « Notre marque chinoise Wunushan et notre propriété se
trouvent dans la province de Liaoning, à la frontière de la Corée du
Nord et de la Chine. Elle produit un des meilleurs vins de glace en
Chine. Le cépage puis la technique viennent du Canada. Le climat
de notre région se prête bien à ce vin : nous sommes à 300
kilomètres de la mer avec un sol calcaire et argileux (très différent
de la région Ouest de la Chine pourtant à la même latitude) ; il fait
très froid l’hiver (- 25° en moyenne), chaud et humide l’été. Avec les
pluies et la chaleur de juillet et août (+ 35°), nous devons combattre
les maladies et traiter les plantes. Ce cépage canadien est résistant
comme notre cépage sauvage coloré et acide. Nous sommes
entourés de montagnes et nous devons travailler à la main. Nous
avons 500 hectares de vignes mais la production de vin de glace
reste petite : comme nous pressons le jus, il ne reste que 20%. La vendange se fait fin
novembre, début décembre. Les raisins doivent impérativement être gelés sur le pied et
nous vendangeons à 4 heures du matin ; puis nous avons 2 heures pour presser le raisin
avant qu’il ne dégèle, avant que la température soit supérieur à - 8° : plus froid il y aura
trop peu de jus, après il y aura trop d’eau. » Ce vin de qualité est cher car le coût de
reviens, vous l’aurez compris, est élevé. Il s’adapte bien à la nourriture chinoise du Nord, et
sur nos fromages, il est moins sucré que le Sauternes, plus acide et frais. Il est apprécié des
femmes occidentales.
Lina Fan a assisté Wunushan depuis le début pour trouver un vin rouge de qualité, qui
complétera sa cave avec du vin rouge, pour une même clientèle.
La bouteille de Vin de glace © Wunushan, le chai de ses vins à Margaux © fabienbouchereau.com
L’histoire viticole des Thienpont a commencé en 1842 avec une entreprise de négoce de
vins dans les Ardennes flamandes. Aujourd’hui, cette famille de viticulteurs est présente
dans des dizaines de domaines, en tant que propriétaire ou gérant, et avec sa Maison de
négoce. Luc Thienpont a été consul de Belgique à Bordeaux pendant 12 ans, jusqu’à la fin
2011. « Je suis fier de mes origines. Mes six enfants sont nés en France, mais ils ont tous la
nationalité belge.»
Château Loudenne, Saint-Yzans-de-Médoc
Huaili Zhong
Kwei Chow, filiale de Moutai
Le Groupe Moutai est basé dans la province de Guizhou. Connue pour son alcool blanc, la
société s'est diversifiée vers le marché du vin depuis juillet 2002.
Kwei Chow possède plusieurs hectares de vignes à Changli ; Huaili Zhong est le président
de cette filiale.
« Notre vin sera aussi élégant et aussi bon que notre liqueur, dit-il. Les meilleurs vins se
font uniquement avec les meilleures vignes. Nous nous orientons vers le marché
international pour le faire connaître. Et nous espérons faire apprécier nos alcool.»
Le groupe a acheté château Loudenne en avril 2013.
Dans le Médoc, à 18 kms de Pauillac, cette magnifique
chartreuse est en bordure de Gironde ; elle est appelée
le ‘’château rose’’ pour la couleur de ses pierres et
pour sa roseraie. Entourée de 132 hectares, ses vignes
produisent des vins en appellation Médoc, classés Cru
Bourgeois.
Au milieu du XVIIème siècle, les Verthamond de
Marcellus, aristocrates et notables bordelais,
choisissent ce site exceptionnel pour édifier ce petit
château aux proportions harmonieuses, destiné à la
villégiature familiale et aux réceptions. Château
Loudenne est ainsi crée. Walter et Alfred Gilbey
achètent le château en 1875 ; ces marchands de vin de
Londres ont fondé la société renommée des Gilbey’s
Gins. Ils restructurent et amplifient le vignoble de
Loudenne avec 50 hectares qui produisent du vin
rouge. Les vents marins favorisent la maturation du
raisin ; les tourelles, aux sommets des croupes
graveleuses, sont des signes extérieurs de richesse et
annoncent surtout ce domaine aux bateaux qui naviguent sur la Garonne. Le petit port privé
permet les expéditions de tous les vins collectés dans la région, par le fleuve vers les
comptoirs de distribution des frères Gilbey. Des 1876, un nouveau chai à barriques est
construit dans un style victorien par l’architecte bordelais Ernest Minvielle (1835-1906). En
1880, ils plantent 8,5 hectares de blanc, le premier vignoble de vin blanc du Médoc.
Le groupe Gilbey a été racheté par IDV International Distillers and Vintners en 1963,
devenu ensuite Diageo, la plus importante entreprise mondiale sur le marché des alcools et
spiritueux. Après 125 années de développement et d’entretien sans faille, Loudenne sera
vendu en 2000 à la famille Lafragette, connue pour sa marque Alizé (un mélange de cognac
et de jus de fruits exotiques).
Jean-Paul Lafragette possédait deux autres châteaux dans la région des Graves., le château
de l'Hôpital et le château de Rouillac. A cause de graves difficultés juridiques et financières,
il a dû se séparer de ses propriétés en 2008, puis de château Loudenne. Le groupe Moutai et
Huaili Zhong ont pris la mesure des nombreux travaux à réaliser pour rendre à Loudenne le
lustre du passé : le défi est relevé et l’activité s’y développe de jour en jour.
30 personnes travaillent au château.
Convaincu que le tourisme viticole est l’avenir de Bordeaux, le directeur français du
château, Guy Durand Saint-Omer, développe l’oenotourisme. Guy me raconte : « En 1987,
j’étais à Londres pour exporter les vins de Bordeaux. Pendant Vinexpo (Salon viticole
international), une héritière de la famille Gilbey m’a invité à Loudenne ; j’ai adoré le
charme, la délicate ambiance, l’accueil, le raffinement et son vin. C’était si beau ! Je ferai
tout pour restaurer cette propriété à l’image du luxe qui m’a séduit ce soir-là. »
Guy Durand Saint-Omer a géré le château Grand-Mouëys de 1994 à 2000 (cf son
chapitre).Il a ensuite été l’acheteur de Diageo des vins de France pendant 10 ans. Il était
installé à New-York comme exportateur des vins de Bordeaux quand Huaili Zhong lui a
proposé de diriger le château Loudenne.
- Quel changement ! N’est-ce pas difficile de quitter une grande ville animée pour un petit
village du Médoc à une heure de Bordeaux ?
« Mais non, j’adore ! Et qui parle d’aller à Bordeaux ? Bordeaux vient à moi, Bordeaux va
à Loudenne, c’est une attraction suffisante. »
Le référent de Guy en Chine depuis septembre 2014, est Lepeng Bao. Au château, Guy est
assisté de la chinoise Yang Yajie, dite Sophie ; Natalia Monrosier gère le réceptif. François
Hugueniot est le directeur technique. Athanase Fakorellis est l’œnologue du château ; fidèle
Second de l’œnologue Michel Rolland, Fako opère en Grèce, son pays d’origine, en Italie,
en Inde et en Chine, et pour différents vignobles français comme le château Lagrézette
d’Alain-Dominique Perrin (Cahors) ou le Clos des fées d’Hervé Bizeul (Côtes-duRoussillon cf le chapitre de Tommy Shan).
Les jardins du château Loudenne mêlent les styles anglais et français, ses vergers et sa
célèbre roseraie de roses anciennes et rares. Ils ont été créés au milieu du XIXème siècle par
la famille de Marcellus. Pour IDV, Martin Bramford a restauré les jardins de 1968 à 1982.
Ils sont agrandis en 1990 par l'architecte paysagiste bordelais Georges Paradot. Les jardins
sont récompensés en 1999, en 2004 et en 2010 ; la Société d'horticulture de la Gironde les a
classés comme « jardins remarquables » en janvier 2014.
Club Loudenne, créé en juillet 2013, gère l’oenotourisme : grandes occasions, week-ends en
amoureux, mariages jusqu’à 250 personnes, séminaires jusqu’à 100 participants, repas...
Les 22 chambres et 6 chalets individuels seront réaménagés pour l’été 2015 afin d’accueillir
une clientèle internationale. La programmation de nombreux événements renforce l’attrait
de la visite du château, comme les quatre dégustations tous les jours d’avril à octobre.
A cause de la campagne anti-alcool du gouvernement chinois, le groupe a été contraint de
diviser ses prix de ventes par 2 fin 2013. Loudenne est complémentaire de la production des
alcools et vins de Moutai en Chine.
Château Loudenne 33340 Saint-Yzans-de-Médoc
Tél : + 33 (0) 5 56 73 17 80 / 88
[email protected] www.chateau-loudenne.com
En Chine : Moutai group 9F, NO 2 Yanwu street, Guiyang city, Guizhou
Tél : + 86 851 6820678 [email protected] www.moutaichina.com
Changli winery Hebei Tél : + 86 371 63581580 www.mtwine.com
En 1966, le seul vin blanc sec de l'AOC Médoc était élaboré au château Loudenne ; nommé
le Medulio, il était servi à l’apérétif.
C’est le cabinet d’avocat parisien Gide Loyrette Nouel qui a négocié la cession du château,
ainsi que celles des châteaux Bernadotte et Viaud.
Sylvie Cazes
Histoire et Saveurs de Bordeaux
Sylvie Cazes est conseillère municipale pour l'œnotourisme à la Mairie de Bordeaux ;
elle a créé Bordeaux Saveurs, une agence de réceptif pour les groupes de touristes et
elle préside le fond de dotation de la Cité des Civilisations du vin (cf son chapitre).
Sylvie Cazes a présidé l’Union des Grands Crus de Bordeaux. Elle a travaillé pendant
20 ans avec son frère Jean-Michel Cazes, l'un des grands ambassadeurs du monde du
vin, puis elle a dirigé les châteaux du groupe Louis Roederer dans le Médoc. Sylvie
Cazes connait l’histoire de Bordeaux et des étrangers qui ont améliorés son vin.
« En premier lieu, je me réjouis que les Chinois consomment du vin ; c’est proche de leur
culture, ça leur convient, me dit Sylvie Cazes. Notre approche française de l’art de vivre est
associée au vin. Les Chinois aiment s’amuser, ils aiment partager, ils aiment la convivialité
et les joies de la vie. Ils ont une gastronomie qui est extrêmement différenciée, très riche, et
qui correspond bien à la diversité de nos vins ; et ce n’est pas parce que la Chine est un
vaste pays : la grande Russie n’a pas de diversité gastronomique. Les Chinois s’intéressent
aux vins bordelais. Ils achètent des vignobles dans diverses appellations, majoritairement
en Bordeaux et Bordeaux Supérieur ; ils leur donnent des outils plus modernes pour mieux
produire, et jusqu’à présent on se félicite de leurs investissements.»
Dans son histoire, le vignoble de Bordeaux a toujours connu de tels achats par des étrangers,
qui ont fait sa notoriété internationale.
Le XIIème siècle et les Anglais
En 1152, Aliénor Duchesse d'Aquitaine, divorcée du roi de France Louis VII, épouse Henri
Plantagenêt qui devint roi d'Angleterre en 1154. Dès lors, la ville de Bordeaux est rattachée
à la couronne d’Angleterre ainsi que la région d’Aquitaine. Des échanges commerciaux très
importants naissent : les Anglais exportent leurs aliments, textiles et métaux, et importent le
vin de Bordeaux par l’estuaire de la Gironde. Ils le nomment Claret en raison de sa couleur
claire. Le vignoble bordelais s’étend entre la Garonne et la Dordogne.
« Il faut se rappeler l’histoire de Bordeaux, reprend Sylvie Cazes. Les vagues
d’immigrants : les Anglais, les Irlandais, les Hollandais, l’Europe du Nord puis les
Américains…Ils ont toujours apportées des idées neuves et une amélioration à la culture de
ses vins. Aujourd’hui ce sont les Chinois, capables d’investir, de prendre des risques ; ils
ont une énorme force de distribution et c’est un atout pour notre vin. »
- Ce ne sont pas les propos des Bourguignons.
« Si ça pose un problème à la région de Bourgogne, c’est parce qu’elle n’a pas cette
tradition d’immigration. L’histoire de Bordeaux a été faite par des immigrants, d’abord par
Aliénor d’Aquitaine qui a exportés ses vins en Angleterre, puis par ces vagues d’étrangers
qui ont dynamisé les terroirs. Plus récemment, les Espagnols et les Portugais viticulteurs
sont venus travailler en Gironde, et ont apporté du sang neuf et de nouvelles idées ; lorsque
des Japonais ont acheté des propriétés bordelaises il y a eu des inquiétudes infondées ; ça
ne gêne plus personne aujourd’hui. Tant que les Chinois achètent des vignobles pour
augmenter leur qualité c’est très bien. »
Le XVIIème siècle et les Hollandais
Les Hollandais achetaient du vin qu'ils distillaient dans leurs entrepôts pour faire de l’eaude-vie. En plus des traditionnels Clarets, les Bordelais leur fournissaient des vins blancs
secs et doux destinés à leur distillation.
En 1599, le roi de France Henri IV fit venir des techniciens des Pays-Bas pour drainer les
zones marécageuses du royaume, afin d'accroitre la surface agricole. Ce travail fut réalisé
dans le marais de la région des Charentes (au Nord de la Gironde), et dans le Médoc
jusqu’aux zones humides qui entouraient Bordeaux. Le financement de ces grands travaux
n'étant pas finalisé, les Néerlandais achetèrent des terrains à bas prix ; ils ont planté un vin
plus à leur goût, comme des vins noirs (le vin rouge d’aujourd'hui) dans le Bordelais, mais
aussi à Cahors et au Portugal.
Les Hollandais apportèrent de nombreuses innovations comme le méchage, appelé aussi
l’allumette hollandaise : pour les voyages en bateaux vers leurs colonies lointaines, une
mèche trempée dans du soufre est mise à brûler dans les barriques vides pour aseptiser
l'intérieur et éviter une altération bactérienne ; ce procédé permet de conserver les vins dans
les fûts ; ainsi, les Hollandais ont transformé un vin à boire rapidement en vin de garde : ils
ont découvert les bienfaits du vieillissement du vin.
Au XVIIIème siècle, Bordeaux exporte ses vins vers ses colonies, les Iles d’Amérique,
Saint-Domingue et les Petites-Antilles. Lors de son passage à Bordeaux en 1787, Thomas
Jefferson futur président des Etats-Unis, approuva le premier classement des vins, établi par
les courtiers et les négociants ; lors de son premier mandat, il dépensa 7597 dollars en vins.
Au milieu du XIXème siècle, le vignoble girondin entre dans une ère de prospérité dont
témoigne le fameux classement de 1855, recensant une partie de ses crus de la Gironde (cf le
chapitre sur le vin de Bordeaux). La hausse de sa production permet une augmentation des
exportations vers l'Allemagne, la Scandinavie, la Belgique, les Pays-Bas et l'Angleterre.
Mais de 1875 à 1892, la maladie du phylloxéra ruina tout le vignoble ; il sera sauvé par le
greffage des cépages bordelais à des pieds américains de leur côte Est, résistants à la
maladie ; aujourd’hui encore les plants américains sont utilisés comme porte-greffes. Plus
tard, une autre maladie, le mildiou d’origine américaine, fut traitée avec une préparation à
base de cuivre appelée la bouillie bordelaise, qui est toujours utilisée dans le monde entier.
Les Irlandais du XVIIIème siècle
En 1723, le ressortissant irlandais naturalisé Pierre Mitchell, propriétaire du château du
Tertre, a ouvert la 1ère verrerie à Eysines (banlieue de Bordeaux) ; la bouteille devient le
nouveau mode de conditionnement du vin. Dès la fin du XVIème siècle, les persécutions
exercées sur les catholiques irlandais les poussèrent à s’exiler. Bon nombre d’entre eux
créèrent des domaines viticoles dans le Médoc. Les familles Barton, Lynch, Mac Carthy,
Walsh, O’Byrne…ont contribué à révéler aux locaux la valeur et le potentiel de leur terroir.
Roger Dion, écrivain
Dans son livre : Une histoire de la vigne et du vin en France (édité en 1959), Roger Dion
(1896 -1981) explique que la qualité des vins de France ne tient pas seulement à son terroir ;
elle dépend aussi des marchés, des goûts et des attentes des clients. Ainsi, les Crus classés
de Bordeaux doivent leur renommée au désir des Anglais d’acheter ces produits de qualité
pour un marché de Princes. Les grandes appellations de Bourgogne sont nées grâce aux
exigences de la cour des ducs de Bourgogne à Dijon. L’originalité du Côtes-du-Rhône,
dominée par de subtiles notes épicées, a été connue car elle était appréciée de la bourgeoisie
lyonnaise. Le succès du Champagne résulte de son estime dans la haute société britannique
et française. « Les vins de Bordeaux étaient vendus en Angleterre et les vins de Bourgogne à
Paris, dit Sylvie Cazes. Ces deux terroirs ont progressé en qualité et se sont développés
grâce à l’apport financier de leurs acheteurs. »
Roger Dion remarque que le vin du Languedoc a connu des difficultés à l’export car ses
péniches qui remontaient le Canal du Midi étaient bloquées par les boues de la Garonne
avant Bordeaux. D’où l’importance des voies navigables : les vignobles proches du Golfe de
Gascogne ont profité de leur avantage maritime pour développer des vins d’exportation vers
les ports de l’Aquitaine et les ports flamands ; les Hollandais amateurs de vin blanc ont
remonté la Loire pour apprécier et acheter les crus de Vouvray…
Bien que le marketing et les facilités d’accès aux vignobles soient indispensables, nous
savons que le terroir est inimitable. « A la base, le potentiel est dans le sol. »
Les Américains et les autres
Napa valley est le cœur du vin californien depuis 1966. Robert Mondavi apporta les
traditions viticoles européennes, les cépages français, améliora les techniques et le
marketing.
Christophe Château, directeur de la communication du CIVB, raconte : « en 1985, un certain
nombre d’anglais achetaient et s’installaient en Dordogne. Les locaux s’affolaient, criaient
à l’envahisseur. Pourtant, ces anglais restauraient les toitures, embellissaient les bâtiments
et redonnaient vie au village. Lorsqu’ils sont partis à cause de la crise économique, ces
mêmes locaux qui râlaient de leurs arrivées, pestaient contre leurs départs. J’aime raconter
cette anecdote de ma vie. Je veux rappeler que le terroir n’est pas dé localisable, et que les
Chinois du XXIème siècle sont les bienvenus. »
Le vin chinois devient très bon. Est-ce un danger pour le bordelais ?
« Dans les années 1970, le marché américain s’est ouvert. Le vin de Californie s’est
développé et plus il s’améliorait, plus les Américains achetaient des vins de Bordeaux. Je ne
pense pas que la qualité grandissante des vins chinois freine leur consommation de vin de
Bordeaux. Je ne suis pas inquiète ; le marché va se réguler, devenir mature et mieux
structuré, avec des acteurs sérieux qui feront un travail régulier. Les riches Chinois qui ne
boivent pas encore de vin vont s’y mettre, pour l’art de vivre. La consommation chinoise se
développe plus vite que leur production locale. Nos vins et même nos petits vins
continueront à s’exporter là-bas. Il y a de la place pour tout le monde.»
Certains propriétaires chinois envoient la totalité de leur production en Chine.
« Il y a plus de 7000 exploitations à Bordeaux, on a encore de quoi boire ! Connaissiez-vous
ces châteaux avant de vous pencher sur les acquisitions chinoises ? Nous devons renforcer
nos ouvertures à l’export. Nous avons un volume de consommation qui s’est
considérablement réduit ces dernières années. Les Français ont un gout éclectique, ils
boivent du vin étranger par curiosité. Aujourd’hui, ici, on produit trop et on ne boit pas
assez. Nos Grands Crus partent pour 80% à l’export. Mais l’essentiel c’est que la
consommation de vin dans le monde augmente, et c’est le cas. »
Pour les groupes et les particuliers, Bordeaux Saveurs compose
un séjour sur mesure (un jour, un week end ou plus). L’agence
ouvre les portes des plus grands châteaux, initie à la dégustation,
dévoile la cuisine inspirée des meilleurs chefs de la région.
2 rue Michel de Montaigne 33000 Bordeaux Tél : + 33 (0) 5 56 90 91 92
[email protected] www.bordeauxsaveurs.com
Copropriétaire du château Lynch-Bages (5ème Grand Cru classé 1855, à Pauillac), Sylvie
Cazes a acheté, en mai 2014, le château Chauvin, Grand Cru classé de Saint-Emilion.
L’UNESCO - Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture, a
été créée le 16 novembre 1945.
Fin 2013, 981 Biens de 160 Etats, culturels et naturels, exceptionnels et de valeur
universelle, étaient inscrits au Patrimoine de l’Humanité par l’UNESCO.
Depuis le 28 juin 2007, la zone classée de la ville de Bordeaux correspond à l’intérieur des
boulevards jusqu’à la Garonne incluse : c’est à dire 1 810 hectares, soit un petit tiers de la
superficie de la ville de 4 455 hectares. Tous les 5 ans, l’UNESCO revoit les valeurs du
Bien, afin de le garder ou de le rayer de la liste.
L’inscription au Patrimoine mondial a un effet bénéfique sur la fréquentation touristique.
C’est un atout majeur pour l’attractivité culturelle et économique de la ville.
En 1967 André Malraux avait déjà délimité un secteur à sauvegarder, soit 147 hectares de la
« vieille ville ».
La juridiction de Saint-Emilion est
inscrite au Patrimoine mondial
depuis 1999 (cf le chapitre du
château Côte de la Mouleyre).
Musées et caves
Grégory Pecastaing
Négociant et Musée du Vin et du Négoce
Grégory Pecastaing voyage régulièrement dans différentes régions
chinoises pour comparer les vins rouges et les thés.
Nous avons appris ce matin du lundi 27 août 2012, que le domaine de
Gevrey-Chambertin, propriété viticole de la région de Bourgogne, a été acheté au prix fort
par un Chinois. Je l’interroge : « Si on aime son pays, si on aime son patrimoine, on ne peut
pas se réjouir de l’achat d’un vignoble français par des fonds de pensions américains ou
anglais, des investisseurs particuliers chinois ou Russes, me dit Grégory Pecastaing. Ce
contexte économique est épouvantable mais comment résister à de l’argent frais, quel que
soit sa provenance ? Un Russe a proposé une somme exorbitante pour la maison de mon
oncle, alors qu’elle n’est pas en vente !
Avant, les Chinois achetaient notre vin aux négociants ou en direct aux châteaux ;
maintenant propriétaires, ils vont vendre toute leur production en Chine. J’espère juste
qu’ils garderont l’équipe en place : ces employés ont subi le désastre financier de l’ancien
propriétaire ; ils ont commencé à chercher du travail ailleurs ; comme ils pensent que le
château sera ‘’sauvé’’ par ce repreneur étranger, ils vont faire de leur mieux pour garder
leur travail. Mais certains Chinois changent d’œnologue - une année ce sera Michel
Rolland, l’autre année Stéphane Derenoncourt, aussi connus en Chine que le critique
viticole Robert Parker ; ils remplacent le maître de chai. Ils mettent la pression. Ce n’est
pas parce qu’il y a une jolie boutique à l’accueil d’un beau château que son équipe est
heureuse d’y travailler.
A force de leur expliquer comment faire du bon vin en Chine, les Chinois arrêteront
d’acheter le nôtre dans peu de temps, je suppose. C’est l’argent qui est le maître du jeu. Si
château Lafite-Rothschild arrive à produire un vin Grand cru dans leur vignoble de Chine
(cf le chapitre de Gérard Colin), il sera bu par les Chinois et vendu en Chine. Que gagne la
France dans cette histoire ? On a du souci à se faire, et tout de suite, pas dans dix ans ; ils
vont vite, dix fois plus vite que nous. En 2007, j’accompagnais des Chinois en France pour
un voyage viticole ; ils souhaitaient des prix bas, des petits vins de pays ; aujourd’hui, les
mêmes acheteurs veulent des vins haut de gamme. Lorsque leurs vins chinois seront de belle
qualité, ils oublieront les vins français.
Dans la culture chinoise, lorsqu’une affaire marche, elle doit profiter à tous les Chinois de
leur réseau. C’est pour ça qu’ils achètent soudainement et beaucoup dans le bordelais. Ils
n’investissent pas dans l’Art, pas encore, mais bientôt : les Chinois riches font des cadeaux
aux hommes de Pouvoir, et pourquoi pas un beau meuble français du XVIIIème siècle ?
Voilà ; je suis désolé de voir le patrimoine français dans les mains des étrangers et bientôt
dans les mains des Indiens. Mais c’est au Gouvernement français d’aider son peuple ; c’est
lui qui doit protéger nos biens. J’ai 37 ans et ma mère me raconte ses belles années sans
crise économique. Moi, je n’ai jamais connu ça. »
Le bâtiment du Musée du Vin et du Négoce a été construit pour
le négociant irlandais Francis Burke vers 1720. Trois caves
voûtées accueillent les visiteurs depuis 2008, grâce à l’initiative
de Grégory Pecastaing et de son association Bordeaux Historia
Vini. Objets historiques uniques, maquettes, photos, vidéos et
documents d'archives retracent le parcours des grandes familles de négociants ainsi que le
savoir-faire ancestral des ouvriers ; le musée raconte le courtage, le négoce, la révolution du
souffre ; il explique les classements des vins de Bordeaux, ses exportations. Dans l’ancienne
tonnellerie de cette maison de négoce, la boutique vend du vin (avec des dégustations), des
livres et autres produits liés au commerce viticole.
Le 14 octobre 2013, le musée a reçu le prix du Best of wine tourism.
Le musée expose une copie du tableau ‘’Chartrons et Bacalan ou la vue d’une partie du
Port de la Lune et de ses quais’’ peint par Pierre Lacour en 1804 (photo ci-dessous © Cédric
Lavigne). Les déplacements de la camera adaptées à l’œuvre donnent aux personnages une
importance exceptionnelle ; le son traduit l’ambiance des quais. L’original est exposé au
Musée des Beaux-Arts de Bordeaux.
Musée du Vin et du Négoce 41 rue Borie 33300 Bordeaux Tel : + 33 (0) 5 56 90 19 13
[email protected] www.museeduvinbordeaux.com
Il est ouvert tous les jours de 10h à 18h, gratuit pour les - de 18 ans.
Sur réservation, la directrice Pauline Delmarle propose trois dégustations de 45 minutes : les
3 terroirs - Médoc, Saint-Emilion et Pessac-Léognan ; les 4 couleurs - blanc sec, blanc
liquoreux, rosé et rouge ; l’éveil des sens apprend aux enfants les différentes arômes avec
des sirops.
Autres musées du vin et caves
Un grand nombre de châteaux expose sa collection et les outils traditionnels de la vigne. Il
faut parfois réserver pour les visiter.
Château Mouton-Rothschild, 1er Cru classé de Pauillac, présente une collection de
tapisseries, carafes, verres et orfèvreries, ses étiquettes créées par Picasso et Cocteau entre
autres. 33250 Pauillac Tél : +33 (0) 5 56 73 21 29 www.bpdr.com/default_fr.asp
Voyez les collections du château Lynch Bages 33250 Pauillac Tél : +33 (0) 5 56 73 19 30 et
le Village reconstitué de Bages : café-brasserie, boulangerie traditionnelle, boutiques du vin
et des arts de la table, boucherie-charcuterie, écoles du vin et de cuisine, ateliers artisanaux
et aire de jeux pour enfants. Place Desquet Bages 33250 Pauillac Tél : +33 (0) 5 56 59 88 08
www.villagedebages.com
Le château Pichon-Longueville-Comtesse-de-Lalande expose son extraordinaire collection
de verres et coupes. 33250 Pauillac Tél. +33 (0) 5 56 59 19 40
[email protected] www.pichon-lalande.com
Quatre châteaux de Bernard Magrez exposent des œuvres d’art (cf son chapitre).
Le château Maucaillou : le nom de Maucaillou signifiait mauvais cailloux pour les
agriculteurs du moyen âge, car cette terre graveleuse était impropre à toute culture
céréalière, principale source de survie à l’époque. Par la suite, on s’est rendu compte que
ces croupes de graves constituent un terroir de prédilection pour des vignobles de haute
expression. Le château et ses 63 hectares classés Cru Bourgeois appartiennent depuis 6
générations à la famille Dourthe. Je suis reçue par Caroline, la fille de Philippe Dourthe.
« Le château est ouvert tous les jours aux touristes, et nos publicités sont traduites en
mandarin. Nous avons la possibilité de faire survoler les vignobles et châteaux du Médoc
par hélicoptère. Au retour, ils visitent le musée des arts et métiers, les deux chais et déguste
nos vins. Un œnologue propose des stages de deux journées avec des visites de châteaux et
un parcours de golf. Nous avons cinq chambres d’hôtes. »
Je suis séduite par l’ambiance de ce musée : créé en 1987 sur 2500 m2, il est un inventaire
complet, allant du cep de vigne jusqu’à la dégustation des vins. Dans cette vaste tonnellerie,
des scènes avec des mannequins à tailles humaines décrivent les fabrications du vieux
tonneau cerclé et de la barrique, les tailles du liège mâle et femelle et le calibrage des
bouchons, les moules et le soufflage du verre, la collection de bouteilles.
On voit les étiquettes de vins prestigieux et tous les
objets viticoles jusqu’au chapeau du cheval qui tirait
la charrette des vendangeurs. Un tableau olfactif
permet de reconnaître les arômes des vins. Une
maquette représente le travail depuis la vigne
jusqu’au chai tout au long de l’année. Vous verrez
un pressoir du moyen-âge sauvé des flammes. Un
film est diffusé en plusieurs langues dont le chinois,
coréen et japonais.
Ce musée est une merveille pour les grands et les petits. Après, vous irez visiter le cuvier,
ses équipements modernes et le chai. Entre les villages de Margaux et Saint-Julien, le
vignoble est situé devant la gare de Moulis pour l’acheminement de ses vins vers la gare de
Bordeaux et le monde entier. Il est ouvert tous les jours.
33480 Moulis-en-Médoc Tél : + 33 (0) 5 56 58 01 23 www.maucaillou.com
Une salle à manger privée reçoit jusqu'à 24 personnes. La salle des Notables peut recevoir
280 personnes debout ou 220 personnes assises.
La Winery est une cave qui propose des vins du monde entier, coûtant de 5€ à 1000 €. Le
bar propose 20 vins au verre. Alors attachée de presse en 2013, Sylvie Lepinay
m’expliquait : « Concernant la clientèle chinoise, nous avons reçu quelques groupes de très
grands consommateurs de vin. Ils achètent beaucoup et des vins très chers, de 300 à 1000 €,
du vin français essentiellement de Bordeaux. » La Winery est dépositaire d’un concept
inédit : le signe Œnologique ; à l’issue d’une dégustation de 8 vins au style différent, un
logiciel détermine la tendance des participants (gourmand, explorateur, tendance, éternel,
sensuel, musclé, esthète, insoumis). « La cave propose des vins classés par signes ; ainsi, le
visiteur achète une bouteille correspondant à son goût. Au diable l’étiquette et vive le
plaisir ! » Vigneron passionné d’Art contemporain, créateur de cette Winery en 2007,
Philippe Raoux l’a vendu le 1er juillet 2014 à Geci Cavavin, leader français des cavistes en
franchise avec 145 points de vente, en activité depuis 27 ans et dirigée par Michel Bourel.
Rond-Point des Vendangeurs 33460 Arsac Tél : + 33 (0) 5 56 39 04 90
www.winery.fr www.cavavin.fr
Pour financer la création de la Winery, Philippe Raoux avait vendu un de ses domaines, le
château de Viaud, au groupe chinois COFCO début 2011 (cf son chapitre).
A côté de Planète Bordeaux, j’ai visité le musée
du Domaine de La Grave. C’est un superbe
travail familial dans cette demeure du XVIIIème
siècle, avec les nombreux outils utilisés par les 5
générations qui se sont succédé sur ce vignoble.
Les 130 ans d’histoire de la tonnellerie sont
commentés par le père et sa belle-fille. MarieLaure et David Roche vendent également les
produits de la ferme des propriétés de
l’association Bienvenue à la ferme. Les vins des 35
hectares en appellation Bordeaux supérieur sont
exportés en Chine par un Chinois installé à Paris.
David Roche m’explique les contraintes des appellations des vins de Gironde : « Mon vin
est en appellation Bordeaux Supérieur. Je mets beaucoup de Sémillon (cépage) car mes
clients aiment ce goût moelleux, mais je n’ai pas le droit de mentionner ‘’liquoreux’’ sur
l’étiquette, car je ne suis pas dans la zone géographique des Sauternes, la zone de
production de liquoreux ! C’est agaçant. » Monsieur Roche déplie la carte du département :
« Tout vin produit dans le département de la Gironde est en appellation Bordeaux si la
vigne est plantée avec les cépages imposés. Les zones inondables ne peuvent pas avoir
d’appellation : si vous plantez de la vigne dans votre jardin hors du cadastre viticole, elle
n’aura pas d’appellation même si votre vin est bon. Pour passer de l’appellation Bordeaux
à l’appellation Bordeaux Supérieur, vous devez faire vieillir votre vin un an au moins. Il
poursuit : « Les zones d’appellations sont parfois délimitées par un chemin de terre, là où
passaient les charrettes : par exemple, à gauche c’est l’appellation ‘’Pauillac’’ et à droite
le ‘’Haut-Médoc’’, avec des prix de vente bien différents pour des terres presque
semblables. C’est un casse-tête difficile à admettre. »
11 rue de Perriche 33750 Beychac-et-Caillau Tél : + 33 (0) 5 56 72 41 28
[email protected] www.vignoble-roche.com
Le musée est ouvert de mai à octobre mais la vente de vin en direct c’est tous les jours : vin
rouge à partir de 6 €, blanc, rosé et jus de raisin : le rapport qualité/prix est excellent.
La Closière est une chartreuse du XVIIIème siècle, achetée en mai 2012 par 300 vignerons
de l'appellation Cadillac Côtes de Bordeaux ; elle abrite le musée du vin de Cadillac : mur
digital, piano olfactif, expos, dégustations et ventes (dont les vins de château de Pic).
En bord de la départementale 10, à la sortie de Cadillac en direction de Langon
Tél : + 33 (0) 5 57 98 19
version numérique 8 €
version papier 20 €
Laurence Lemaire
0680161657
[email protected]
en vente sur
www.levinlerougelachine.com
le Mag / Hebdo relate l’actualité du vin et de la Chine
http://hebdo.levinlerougelachine.com