Le récit de voyage Guide de rédaction Première étape : la prise de

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Le récit de voyage Guide de rédaction Première étape : la prise de
Le récit de voyage
Guide de rédaction
Première étape : la prise de notes
Avant de songer à écrire ton récit de voyage, il faut noter les grandes lignes du voyage
que tu as effectué. Bien souvent, l’écrivain-voyageur traîne un carnet avec lui. Tout au
long de son voyage, il y transcrit ce qu’il voit, des réflexions, des détails pratiques, etc.
Si tu as déjà fait plusieurs voyages, il te faudra en choisir un en particulier. Si tu as de la
difficulté à faire un choix, opte pour le voyage qui t’a le plus marqué ou celui qui était le
plus éloigné de ton quotidien. Il y a de fortes chances que les lecteurs soient touchés que
tu leur permettes de saisir ta transformation intérieure ou apprécient autant que toi le
dépaysement.
Évidemment, il se peut que tu considères n’avoir jamais «voyagé»… Ce serait étonnant!
En fait, on voyage souvent sans en avoir conscience. Tu as fait un voyage de pêche? Tu es
allé(e) magasiner dans une ville différente? Il suffit de changer ton regard sur ces
excursions qui t’ont peut-être parues anodines. Si tu es vraiment en panne d’idées, utilise
ma liste de suggestions de «je-ne-pensais-pas-que-c’était-un-voyage» (en annexe). Ça
pourrait t’aider !
1.1 Ce que tu dois noter
Ne te préoccupe pas, pour l’instant, de la formulation, des fautes ou de l’ordre. Essaie
simplement de te rappeler ton voyage en mots. Ferme les yeux pour t’y replonger, si ça
t’aide. Voici des pistes (tu n’es pas obligé de faire des phrases complètes à cette étape) :
Où es-tu allé(e)?
Combien de temps a duré ton voyage?
Qui en avait eu l’idée?
Quel en était le but?
Avec qui as-tu voyagé?
C’était à quelle saison?
Avec quels moyens de transport as-tu voyagé?
Quelle était ton idée de ce voyage ou de ce lieu avant d’y aller?
Comment ta vision de cet endroit a-t-elle changée?
Qu’est-ce qui t’a le plus plu ? Pourquoi?
Qu’as-tu as découvert ou appris?
Qu’as-tu as vu?
Qu’as-tu ressenti ?
Qu’est-ce qui t’a le plus dépaysé(e) ? (la culture, les gens, la nature, etc.)
Qu’as-tu appris sur toi-même?
Comment ce voyage t’a-t-il changé(e)?
1.2 Complète tes notes
Note tout ce dont tu te souviens et qui pourra te servir lors de la rédaction. Voici des
exemples :
la nourriture que tu as mangée (particulièrement ce qui diffère de ton quotidien);
les paysages que tu as vus;
les gens que tu as rencontrés et qui t’ont paru différents ou qui t’ont appris
quelque chose;
des expressions ou des mots que tu ne connaissais pas;
les coutumes ou façons de faire différentes des tiennes;
la musique ou le son ambiant;
les relations entre les gens;
l’atmosphère générale des endroits visités;
les odeurs;
la météo;
les couleurs des endroits visités.
1.3 Approfondis ton sujet
Même si tu dois t’en tenir à ce que tu as vu et ressenti, il n’est pas interdit de faire de la
recherche sur des éléments qui t’ont interpellé. Par exemple, tu peux faire des
recherches sur la faune, la flore, l’histoire d’un lieu afin de préciser des éléments de ton
récit. Il s’agira d’insérer ces éléments dans ton texte comme si tu les avais appris lors de
ton voyage ! Tu peux aussi te référer aux photos que tu as prises ou à des photos fiables
trouvées sur le Web.
Il est bon d’identifier à l’avance les champs lexicaux que tu vas utiliser dans ton récit. Je te
suggère de vérifier les champs lexicaux des moyens de transport utilisés au cours de ton
voyage (automobile, train, avion, motoneige, etc.), des paysages rencontrés (montagne,
forêt, lac, plaines, etc.), de la météo (qui est toujours intimement liée au voyage), pour ne
nommer que ces éléments.
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Deuxième étape : l’écriture
Il te faut maintenant organiser tes idées afin de ne pas pondre un simple récit linéaire qui
ressemble à une description ennuyeuse tirée d’une encyclopédie!
Il n’y a pas de recette secrète pour écrire un récit de voyage. Tous les chemins mènent à
Rome, comme le dit l’expression. Je te suggère toutefois une façon de procéder, un
processus d’écriture qui permet d’en arriver à un résultat digne de mention. Si tu choisis
de prendre une autre route, mon seul conseil est de bien avoir en tête les
caractéristiques de ce genre de récit. Cela devrait te permettre de garder le cap.
Je peux quand même te faire part d’un ingrédient secret : TOI! Oui! C’est ton voyage, ton
regard et ta perception qui comptent. Imagine que nous partons en groupe et marchons
de Sault-Sainte-Marie à Thunder Bay, en Ontario. Même si nous avons tous parcouru la
même route, nous n’avons pas tous vécu le trajet de la même façon. Nous n’avons pas le
même bagage de vie et le même bagage émotionnel. Nous n’avons pas les mêmes
intérêts. Ton récit doit non seulement refléter le chemin suivi, mais aussi qui tu es. Tu es
l’ingrédient secret.
Voici des éléments auxquels tu devras penser avant même d’écrire le premier jet de ton
récit.
2.1 Les personnages
Le personnage principal, c’est toi! Facile! Tu es l’auteur-narrateur-voyageur. En général,
cependant, il devrait y avoir quelques autres «personnages» dans ton récit. Il s’agit alors
de gens réels que tu as rencontrés ou de gens avec qui tu as fait le voyage.
Il est important que tu limites le nombre de personnes dans ton récit. Si tu as rencontré
dix personnes au cours d’une journée, retiens seulement celle qui t’a le plus appris ou
impressionné(e). Si tu as fait un voyage en famille, par exemple, tu pourrais décider de
parler de temps en temps de ton petit frère qui te pose constamment des questions
énervantes, mais pas forcément de tes trois autres frères. Parle seulement des gens qui
vont faire une différence dans ton voyage.
Dans certains contextes, tu peux aussi faire intervenir des «personnages» qui ne sont pas
humains. Je m’explique… Par exemple, un chien qui t’accompagne, ta mauvaise humeur,
l’automobile qui tombe toujours en panne, peuvent devenir des sujets intéressants et
alimenter ton récit. Certains peuvent être des adjuvants (le chien), d’autres des opposants
(l’ours, la mauvaise humeur, l’automobile). Ils peuvent ajouter une certaine tension
dramatique à ton texte. Tu ne dois les conserver que s’ils te permettent d’apprendre
quelque chose. Mais attention : tu ne peux bonifier ton récit comme le ferait un conteur,
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sinon, tu brises le pacte que tu fais avec ton lecteur. (Saute au paragraphe 2.6.1, si tu
veux savoir ce que je veux dire.) Tu dois rester dans le réel.
2.2 Le point de vue de la narration
Là encore, c’est facile : c’est toi qui parle! Tu écriras donc ton texte à la première
personne. Il n’est pas interdit de l’écrire à la troisième personne, mais cela pourrait créer
une distance entre toi et ton lecteur.
2.3 Le temps des verbes
Deux options s’offrent à toi : le passé ou le présent.
Le passé : Si tu écris ton récit au passé, tu utiliseras surtout le passé simple et l’imparfait.
L’écriture au passé donne au lecteur l’impression que le voyage est terminé ou qu’il est
écrit antérieurement aux faits racontés. Le lecteur a moins l’impression d’être dans
l’action.
Au présent : Si tu écris ton récit au présent, tu utiliseras surtout le présent et le passé
simple. L’écriture au présent donne au lecteur l’impression de vivre le voyage en même
temps que l’auteur-narrateur-voyageur. Cela ajoute au dynamisme du texte et à
l’attachement du lecteur pour le personnage principal (toi!).
2.4 Le trio gagnant : la narration, la description et le commentaire
Le récit de voyage est un mélange de trois éléments : la narration, la description et le
commentaire. Pour qu’un récit soit agréable à lire, il faut que ces éléments soient
savamment intercalés et à petite dose chaque fois. Ils ne doivent surtout pas être
abordés l’un à la suite de l’autre dans l’ordre mentionné ci-dessus.
2.4.1 La narration
Le récit de voyage n’est pas en théorie basé sur un schéma narratif rigide, tel qu’on le
voit dans les romans. Puisque l’histoire n’est pas inventée, mais réelle, elle doit surtout se
plier à la contrainte de correspondre à la réalité. Toutefois, tu peux, par désir de rendre
ton récit plus enlevant, retenir les éléments de ton voyage qui te permettent de
conserver une certaine tension dramatique.
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Étapes
Éléments qui composent chaque étape
1. Les préparatifs
(Qui? Où? Quand? Quoi?)
Le voyageur se prépare à partir. Ces éléments
doivent faire partie des préparatifs : description très
générale* du voyageur, du lieu, du temps.
Le voyageur se met en route. C’est la mise en
déséquilibre.
Il s’agit des péripéties rencontrées durant la route ou
de l’absence de péripéties. Durant sa route, le
personnage se trouve en constant déséquilibre.
Le moment où le voyageur atteint son but. Il
retrouve habituellement un nouvel équilibre.
2. Le départ
(Quand? Comment?)
3 La route
(Où? Combien de temps?
Que se passe-t-il ? Qui?)
4. L’arrivée
(Où? Quand?)
*Puisque l’auteur parle de lui-même dans le récit, il est vraiment rare qu’il fasse sa
description physique. Ce n’est pas interdit, mais pas nécessaire non plus. Spécifier son
âge peut-être pertinent, à toi de juger.
2.4.2 La description
Tout comme pour la narration, le récit de voyage n’est pas basé sur un schéma descriptif
précis. Et pourtant! La description est bien l’un des éléments clefs de ce genre de texte.
Il faut en effet décrire tout ce qui interpelle les sens (vue, odorat, toucher, goût, ouïe) en
cours de voyage, afin de permettre au lecteur de vivre le voyage. Comment bien décrire?
Je dis toujours qu’avant d’être communicateurs, les auteurs doivent être observateurs.
Observateurs de ce qui les entoure, des paysages, des édifices, des gens, même des
plantes. L’observation est le sens le plus important que tu devras apprendre à maîtriser.
Attarde-toi aux détails. Prends le temps de regarder autour de toi. Si tu as déjà fait ton
voyage, replonge dans tes souvenirs ou dans tes photos. Si tu es un bon observateur, tu
seras un bon communicateur. Il ne te reste par la suite qu’à mettre en mots ce dont tu as
été témoin.
La description va suivre une certaine chronologie ou ligne géographique établie dans la
narration. Il faut, tout au long du récit, permettre au lecteur de voir les lieux visités,
comme s’il y était.
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2.4.3 Les commentaires
Le récit décrit une réalité vécue, celle d’un voyage. Mais cette réalité est toujours teintée
par la subjectivité de l’observateur, ce qu’il ressent, son passé… Le récit est donc à la fois
objectif et subjectif. C’est ce qui le rend intéressant. Il prend en compte l’expérience
vécue par le voyageur.
Tes commentaires doivent venir parsemer le récit. Il faut décrire tes impressions et tes
émotions. Un voyage nous change toujours un peu, nous apprend toujours quelque
chose sur les autres ou sur nous-même. Au fur et à mesure que le récit progresse, il est
important que le lecteur suive bien l’auteur-narrateur-voyageur. Le lecteur devient
témoin de sa transformation ou de son apprentissage. Ce faisant, le lecteur se transforme
et apprend aussi.
Finalement, du point de vue des commentaires, il est pertinent de mentionner les raisons
qui t’ont poussé(e) à faire ce voyage ou les enjeux qui y étaient liés. Par exemple, de
nombreuses motivations peuvent sous-tendre un voyage : raisons professionnelles,
nécessité (exode, fuite, guerre), goût de l’aventure, dépassement de soi, tourisme,
curiosité personnelle ou spirituelle, exploration photographique, obligation familiale,
exploit sportif…
2.5 Le nombre de mots
En théorie, un récit de voyage commence au début du voyage et se termine à l’arrivée.
Dans les faits, dans le cadre du concours «Mordus des mots», tu dois considérer la
contrainte importante du nombre de mots : 1 500 mots. Mille cinq cent mots, ça passe
vite! Je te suggère donc de bien sélectionner l’intervalle de temps dont tu parleras. Par
exemple, si ton voyage a duré trois semaines et que quelque chose de vraiment
intéressant a eu lieu au début de la deuxième semaine, tu pourrais choisir de raconter la
première semaine en un seul premier paragraphe, afin d’entrer tout de suite dans le vif
du sujet.
2.6 Le lecteur
2.6.1 Le pacte entre l’auteur et le lecteur
Le récit de voyage est un genre apparenté à l’autobiographie.
Une autobiographie relate l’histoire de la vie d’une personne, de sa naissance à un
moment précis; un récit de voyage relate l’histoire d’un moment de la vie d’une personne
alors qu’elle vit un dépaysement ou un déplacement.
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Or, il existe un principe important lors de l’écriture d’une autobiographie : le respect du
pacte avec le lecteur. Le récit de voyage est soumis à cette même règle.
Dans ce pacte, l’auteur prend un engagement de sincérité et, en retour, attend du lecteur
qu’il le croie sur parole. L’auteur doit ainsi raconter la vérité, en se montrant tel qu’il est,
quitte à se ridiculiser ou à exposer ses défauts. Il est donc important que tu restes
toujours sincère afin de ne pas briser le pacte qui te lie à ton lecteur.
2.6.2 Interpeller le lecteur
Il est toujours possible, lorsque tu écris un récit de voyage, d’interpeller directement le
lecteur dans le texte. Tu peux, par l’exemple, l’inviter à te suivre ou lui donner des
conseils. Ceci n’est absolument pas obligatoire, et il ne faut pas en abuser, mais si cela se
prête à ton style d’écriture, sache que c’est une possibilité.
2.6.3 Qui est le lecteur ?
Sans «écrire pour un lecteur», il faut toujours le garder en tête. Ce qu’il est bon de retenir
ici, c’est que le lecteur de récit de voyage est souvent habité par la passion du voyage. Ce
genre de lecture comble un désir chez lui. Il souhaite voyager par procuration. Il
imaginera ce voyage en pensée au fur et à mesure qu’avance sa lecture. C’est génial,
non? Tu détiens le pouvoir de le faire voyager par le biais de tes mots!
Mets-toi en route!
Viens le temps où il faut arrêter de vérifier son sac à dos, de replier sa carte, de rattacher
ses lacets, afin de se mettre en route. C’est ce que tu dois faire maintenant en écrivant le
premier jet de ton récit.
Troisième étape : la révision
Comme tu peux le constater, il est relativement aisé d’écrire un récit de voyage. Ce qui
est plus difficile, c’est d’écrire un bon récit de voyage! Il faut bien doser les éléments
narratifs, descriptifs et les commentaires. Il faut peaufiner ton style. Il faut retenir ce qui
rend ton voyage intéressant. C’est ce que tu vas faire à l’étape de la révision de ton texte.
Il n’est pas rare qu’un auteur révise son texte, le réécrive, le retravaille cinq, même six
fois! Ne te contente surtout pas d’une seule révision suite à ton premier jet. Prends du
recul, laisse ton récit mûrir, lis-le à voix haute, offre-le en lecture à des gens en qui tu as
confiance, apprends à être autocritique et prends la critique pour t’améliorer. Ce n’est
pas toujours facile, mais c’est toujours formateur.
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Je te suggère d’utiliser la grille de vérification que tu trouveras en annexe afin de te
guider dans le processus de révision.
Quatrième étape : L’arrivée
Ton récit est terminé? Tu es donc arrivé à destination. Félicitations! Tu as probablement
douté, pesté, maugréé, râlé, souri à certains souvenirs aussi. Comme lors de tous les
voyages, je suis certaine que tu as vécu des embûches et dû revoir ton trajet de temps en
temps. C’est ce qui est formidable en voyage! Si on sait quand on part et avec qui, on ne
sait jamais quand, où, dans quel état et avec qui on va franchir la ligne d’arrivée.
Maintenant, il ne te reste qu’à soumettre ton récit de voyage à ton enseignante ou à ton
enseignant, mais… je veux te dire autre chose avant de terminer.
Que ton texte soit retenu ou pas pour le concours « Mordus des mots », il mérite surtout
d’être lu. Je te suggère donc de l’offrir en cadeau. Eh oui! Imprime-le et offre-le à des
gens de ton entourage ou des gens avec qui tu as fait le voyage. Il y a fort à parier que
cela les touchera.
Bonne rédaction !
Katia Canciani
Auteure-conseil
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