Le costume de danse
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Le costume de danse
JD20_MAG 4/11/08 20:08 Page 30 Une danse dans l’histoire Costume, LA SECONDE PEAU DU DANSEUR Qu'ils soient classiques ou contemporains, les danseurs sont presque toujours vêtus sur scène. Ainsi, le costume est un élément à part entière du spectacle chorégraphique et le fruit d'un travail de création en accord avec le spectacle lui-même et le propos défendu. L'évolution du costume suit l'Histoire, mais aussi la mode, avec laquelle elle flirte souvent, s'en inspirant ou la nourrissant, et le développement des techniques et fabrication textile. Juste Debout vous invite à découvrir l'univers fascinant d'un vêtement pas tout à fait comme les autres, en direct du Centre National du Costume de Scène à Moulins. PAR GAËLLE PITON/PHOTOS : PHOTOS : PASCAL FRANÇOIS, JEAN-MARC TESSONNIER - SERVICE COMMUNICATION - VILLE DE MOULINS QUELQUES REPÈRES : Le tutu reste dans l'imaginaire collectif le plus célèbre des costumes de danse. Pour beaucoup d'entre nous, c'est l'archétype même de la danseuse et il règne encore aujourd'hui en maître des compagnies classiques. Sans pouvoir prétendre dresser de manière exhaustive l'histoire du costume de danse, on peut tout de même donner quelques repères. Notre histoire débu30•JUSTE DEBOUT MAGAZINE te en 1669, au moment où Louis XIV crée l'Académie Royale de Musique, ou Opéra. Sous son règne, la danse est un art de première importance. Les spectacles sont très visuels et une place de première importance est accordée aux costumes. Jean Bérain père (1640-1711) confectionne les costumes pour les pièces représentées à la cour. Les costumes sont riches, lourds et somptueux, à l'image de la grandeur du JD20_MAG 4/11/08 20:08 Page 31 Monarque. Pas facile de se mouvoir dans des tenues aussi encombrantes ! Sous le règne de Louis XV, les tissus seront allégés, plus vaporeux, plus transparents aussi. Après 1789, telle une réponse aux troubles engendrés par la Révolution française, la tendance est au blanc, aux costumes moulants, aux corps quasidévoilés qui manifestent l'envie d'un retour au plaisir après la tyrannie. Cela n'est pas pour plaire à Sosthène de La Rochefoucauld, administrateur de l'Opéra sous le règne de Louis XVIII, qui décide d'allonger les tenues et de remonter les corsages des danseuses. De 1831 à 1835, Louis Véron prend la tête de l'Opéra de Paris. Pendant son mandat, en 1832, est créée la « Sylphide » incarnée par la célèbre ballerine romantique : Marie Taglioni. Son costume est ce qu'on peut identifier comme le premier tutu. LE TUTU, LA STAR DES COSTUMES : Par « tutu », on entend trois éléments : la trousse, le jupon et le bustier. La trousse est une sorte de culotte courte, le jupon une jupe qui se porte sous la robe, et le bustier un dessous qui enserre la taille et le ventre. Dans sa première apparition pour la Sylphide, le tutu est une jupe de crêpe blanc montée sur un jupon de mousseline. On parlera même à l'époque de mode « sylphide ». Giselle, en 1841, imposera la blancheur spectrale grâce aux tutus longs blanc immaculé. Dès 1840, le « tutu » (qu'on ne nomme pas encore ainsi, le INFOS + Centre National du Costume de Scène et de la Scénographie (CNCS) à Moulins s/Allier Présidé par Christian Lacroix, le CNCS, inauguré le 1er juillet 2006, a pour mission la conservation et la valorisation de ce patrimoine précieux que constitue les costumes et toiles de scène. Formidable lieu de ressources pour les professionnels du spectacle, la recherche et le grand public, c'est aussi un bel exemple de décentralisation culturelle et d'aménagement du territoire. Le centre occupe 4 des 10 bâtiments du Quartier Villars construit à la fin du XVIIIe siècle pour abriter un régiment de cavalerie, classé monument historique. Un cadre qui en impose. Les collections sont déposées par les 3 institutions fondatrices : la Bibliothèque Nationale de France, la Comédie-Française, l'Opéra national de Paris. Soit plus de 7000 costumes de scène et pièces, accessoires de costumes datant de la seconde moitié du 19e siècle jusqu'à nos jours. Martine Kahane, directrice du centre, conservateur général des bibliothèques et son bras droit, Delphine Pinansa, forment un binôme de choc, une référence en matière de costumes de scène. Prochaine exposition : « Au fil des fleurs, scènes de jardins » du 6 décembre 2008 au 19 avril 2009, une invitation à découvrir les différentes techniques de création et de réalisation du décor végétal sur textile, mis au service du costume de scène, à travers une centaine de costumes. CNCS, Quartier Villars, Route de Montilly, 03000 Moulins, www.cncs.fr JUSTE DEBOUT MAGAZINE•31 JD20_MAG 4/11/08 20:08 Page 32 Une danse dans l’histoire mot apparaît à la fin du XIXe siècle), devient aussi la tenue de travail réglementaire pour les élèves des cours de danse. Au fil du temps, il sera abandonné au profit de la simple tunique. Sur scène, le tutu suit la même tendance d'allègement et se raccourcit. La matière même du tutu évolue au gré de l'apparition de nouveaux textiles plus commodes pour la fabrication, le coût et l'entretien : la tarlatane, textile à tissage très lâche des Indes, disparaît après la guerre, et le coton, la soie et surtout le nylon sont utilisés. Après la révolution esthétique des Ballets Russes, Jacques Rouché, directeur de l'Opéra de Paris de 1914 à 1944, entend bien faire coïncider les décors et costumes au style du ballet présenté. Chaque production a son équipe propre. Chorégraphe, décorateur et costumier doivent être en harmonie. Exit le monopole d'un seul costumier, autant d'imaginaires que d'individus. QUAND LA DANSE CÔTOIE LA MODE : On ne peut évoquer le costume de danse sans faire référence aux célèbres collaborations entre célébrités de la mode et de la danse, qui commencent dès les années 1970-1980. Les plus grands couturiers semblent fascinés par la danse. Dans son magnifique ouvrage, richement illustré, Couturiers de la danse, Philippe Noisette retrace la complicité entre créateurs de mode et chorégraphes. Des duos devenus désormais célèbres. Ainsi, en 1924, Gabrielle Chanel, plus connue sous le nom de « Coco Chanel », fréquente les 32•JUSTE DEBOUT MAGAZINE Ballets russes de Serge de Diaghilev installés à Paris et crée les costumes du ballet Le Train Bleu de Bronislava Nijinska : baigneurs en maillots à rayures stylisés, joueurs de tennis, de golf alliant élégance et libération du corps. Yves Saint-Laurent, quant à lui, se retrouve aux côtés de Roland Petit pour Cyrano de Bergerac, habille Zizi Jeanmaire dans son Carmen, collabore à Notre Dame de Paris en 1965 et Shéhérazade en 1973. Une belle aventure artistique JD20_MAG 4/11/08 20:08 Page 33 unira les deux hommes. Est-t-il encore besoin de mentionner le duo de choc Jean-Paul Gaultier/ Régine Chopinot ? Ces deux-là se rencontrent autour de la création Délices en 1983. Coup de foudre artistique ! …et le début d'une collaboration qui durera 10 ans. Costumes loufoques, art de la démesure, jeux sur les proportions, créativité débordante, autant de points communs entre le couturier et la chorégraphe. Christian Lacroix, quant à lui, collabore régulière- ment avec les grands noms de la danse : Mikhail Baryshnikov pour sa Gaieté parisienne, Blanca Li pour sa chorégraphie de Shéhérazade, de Georges Balanchine pour le ballet en triptyque Joyaux dans lequel Lacroix se plait à décliner les pierres précieuses. On peut encore citer le couple Versace/Béjart qui collabore pour une dizaine de ballets où les toges antiques côtoient les tenues rock'n'roll, baskets et perfectos. La liste est encore longue. JUSTE DEBOUT MAGAZINE•33