le front polisario
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EUROPEAN STRATEGIC INTELLIGENCE AND SECURITY CENTER (ESISC) LE FRONT POLISARIO PARTENAIRE CRÉDIBLE DE NÉGOCIATIONS OU SÉQUELLE DE LA GUERRE FROIDE ET OBSTACLE À UNE SOLUTION POLITIQUE AU SAHARA OCCIDENTAL ? Sousl adi rect i ondeCl audeMONI QUET,Prési dentdel ’ ESI SC Novembre 2005 OBSERVATIONS MÉTHODOLOGIQUES Fondée nmai2002,l ’ ESISC (European Strategic Intelligence and Security Center) a r e pr i sà s on c ompt e ,dè ss ac r é at i on,l et r avai ld’ obs e r vat i on e td’ anal y s e du terrorisme international et des questions stratégiques qui était mené depuis des années par certains de ses promoteurs. Let r avai lde sanal y s t e sdel ’ ESISC s ’ appui e: Sur le dépouillement systématique de toutes les « sources ouvertes » ( j our naux,r e vue s ,l i vr e s …)di s poni bl e ss url e sque s t i onsduterrorisme et de la violence politique et les problèmes stratégiques. Surde sr e l at i onsé t r oi t e se tde sé c hange save cd’ aut r e sc e nt r e sder e c he r c he , notamment aux Etats-Unis, en Europe, au Proche-Orient et en Asie du Sud. Sur des rencontres régulières avec des responsables politiques et militaires, des membres de la communauté du renseignement. Sur des missions de terrain ponctuelles effectuées par des chercheurs de l ’ ESISC oud’ aut r e se xpe r t smandat é spare ux. Ce t t e appr oc he s y s t é mat i que pe r me tà l ’ ESISC de créer et de développer des s y s t è me s d’ anal y s e s pr os pe c t i v e s , de s bas e s de donné e s ( bi ogr aphi que s , géographiques, thématiques et, en matière de terrorisme et de criminalité organisée, par « groupes auteurs » et par « groupes cibles ») e td’ aut r e si ns t r uments qui c onc our e ntàl ’ é val uat i onpe r mane nt ede st e ns i ons ,del ame nac egé né r al ee tdel a menace relative rapportée à une/des cible(s) donnée(s). Ce t t eanal y s ee s tmi s eàl adi s pos i t i onde sc l i e nt se tpar t e nai r e sdel ’ ESISC. Lepr é s e ntr appor ts ’ i ns c rit dans le cadre des Études del ’ ESISC. L’ ESISC publ i eparai l l e ur sdenombr e us e snot e sd’ anal y s ee tdes y nt hè s equis ont disponibles sur son site Internet : www.esisc.org Pour tout contact : [email protected] Cer appor tr e s t el apr opr i é t ée xc l us i vedel ’ ESISC, toute publication autre que celles e xpr e s s é me ntpr é vue sparl al oidoi tf ai r el ’ obj e td’ uneaut or i s at i oné c r i t epr é al abl e . Copyright © 2005 ESISC All rights reserved For public release 1 RÉSUMÉ ET RECOMMANDATIONS A) RÉSUMÉ Trente ans après le départ du colonisateur espagnol, le conflit du Sahara occidental r e s t e ,àc ej our ,nonr é s ol u.LeCons e i ldeSé c ur i t évi e nt ,àl af i ndumoi sd’ oc t obr e 2005, de proroger pour six mois le mandat de la MINURSO (Mission des Nat i ons uni es pour l ’ Organi sat i on d’ un Réf érendum au Sahara occidental) ,mê mes ’ i le s tc l ai rquel er é f é r e ndum ( at t e ndude pui s1 991 )n’ e s tpas praticable. Les trois parties en cause, le Maroc,l ’ Algérie (qui abrite et soutient le Front Polisario) et le Front Polisario campent sur leurs positions. Sil ’ i ndépendance du Sahara occidental est toujours inacceptable pour le gouvernement de Rabat et la société marocaine, le Front Polisario, lui, ne veut entendre parl erd’ aucuneaut resol ut i on. Pour des raisons de géostratégie régionale, il est soutenu dans son intransigeance par le gouvernement algérien. Ce soutien et de f or t e spr e s s i onsdi pl omat i que sontame néque l que sdi z ai ne sd’ États à reconnaître une République arabe sahraouie et démocratique ( RASD)quin’ e s tquef i c t i on.On pe ut s ’ i nt e r r oge r ,du r e s t e ,s ur l a vi abi l i t é de «micro États » à l ’ è r e de l a mondialisation. Le Maroc, de son côté, semble prêt à trouver une solution politique qui passerait par une large aut onomi e sahraoui eàl ’ i nt éri eur de l ’ espace national marocain.I le s tc l ai rparai l l e ur squepouri nt r ans i ge antqu’ i ls oi t ,le FrontPol i sari onereprésent equ’ unef ract i ondu«peuple sahraoui ». Le sNat i onsuni e se tl ’ Eur opes ’ é t antmont r éi nc apabl e de résoudre le conflit, bien des regards se tournent désormais vers les Etats-Unis qui, dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » et de leur plan de démocratisation du monde arabo-musulman, ont tout intérêt à stabiliser le Maghreb mais doivent, en même temps, concilier les intérêts de leurs deux alliés régi onaux,l ’ Al géri eetl eMaroc. Le Front Polisario ae nt amél ’ é t éde r ni e runevas t emanœuvr edi pl omat i quee n l i bé r ante nf i n( s ui t eàl ’ i nt e r ve nt i ondepe r s onnal i t é samé r i c ai ne sdepr e mi e rpl an) plusieurs centaines de prisonniers de guerre marocains dont certains étaient détenus depuis plus de trente ans et qui semblent avoir subi, outre unedét ent i on d’ une durée injustifiable au regard du droit international, des sévices massifs et répétés. Le Front entendait sans doute ainsi se refaire une virginité et enterrer les ac c us at i onsdi ve r s e sdonti las ouv e nté t él ’ obj e tde pui svi ngtans . I ln’ e nr e s t epasmoi nsquel et r ai t e me nts ubiparc e spr i s onni e r sdegue r r e( ai ns ique par des détenus marocainsc i vi l s )de vr ai tf ai r el ’ obj e tder e c our sde vantl e si ns t anc e s internationales. 2 Par ailleurs, le Polisario, dirigé par le même groupe depuis trois décennies, reste en déficit de démocratie interne. Il est accusé de garder, contre leur gré, des milliers de Sahraouis dans les camps de Tindouf, en Algérie, et ce avec la c ompl i c i t é de s aut or i t é sd’ Al ge r .Dans l e pas s é ,de nombr e us e sac c us at i ons de mauvais traitements contre ces populations sahraouies ont été portées contre la direction du Front Polisario. La même direction a régulièrement été accusée de dé t our ne rl ’ ai dehumani t ai r ede s t i né e sauxr é f ugi é s . Auj our d’ hui ,l anat uredel ’ évol ut i on du Pol i sari of ai tnaî t redenouvel l es craintes : celles de voir certains de ses combattants et de ses cadres se tourner vers l e t errori sme, l ’ i sl ami sme radi cal ou l a cri mi nal i t é internationale. Cet t eévol ut i on menacerai tl ast abi l i t édet out el ’ Af ri que subsaharienne et donc la sécurité de plusieurs États africains et, à terme, cel l edel ’ Europe. En tout état de cause, le Front Polisario ne semble pas, faute de réformes en profondeur, pouvoir jouer un rôle dans une éventuelle solution politique négociée. Seule une organisation régénérée, ayant réglé ses comptes avec le passé et qui assume ses responsabilités pourrait être partie prenante à une telle solution. B) RECOMMANDATIONS ► Concernant le statut du Sahara occidental 1) La c ommunaut éi nt e r nat i onal ee tl ’ ONU de vr ai e ntavoi rl ec our age e tl a l uc i di t éder e c onnaî t r equel as ol ut i ondel ’ i ndé pe ndanc en’ e s tpasvi abl ee te s t , det out emani è r e ,i mpos s i bl e ,é t antdonné el af ar ouc heoppos i t i ond’ unede s parties. Elles devraient donc pousser les parties à la cause à prendre la voie d’ une s ol ut i on pol i t i que né goc i é e ,é ve nt ue l l e me nt e nc adr é e par l a Communauté internationale. 2) L’ Al gé r i ede vr ai tar r ê t e rd’ i nt e r f é r e rdansunpr obl è mequic onc e r nel eMar oc e tl apopul at i ons ahr aoui e ,e tdansl e que le l l en’ e s tpaspar t i epr e nant e . 3) Les États qui ont reconnu la RASD devraient prendre conscience que cette entité, sans existence réelle et sans avenir, est davantage un obstacle à toute s ol ut i onpol i t i quequ’ unvé r i t abl eÉtat en gestation. 4) Les Etats-Unis devraient user de leur influence régionale pour appuyer une solution négociée et donner à chacune des parties –y compris, si nécessaire, à l ’ Al gé r i e–des garanties que leurs intérêts fondamentaux seront respectés. ► Concernant les anciens prisonniers de guerre marocains 5) Une enquête internationale indépendante devrait être menée pour étudier les conditions de détention qui furent celles des détenus marocains, civils et militaires, du Polisario. 6) Il est nécessaire que ces anciens prisonniers soient reconnus comme des vi c t i me s ,t r ai t é sc ommet e le tqu’ i l sr e ç oi ve ntr é par at i onde st or t ss ubi s . 3 7) Le sr e s pons abl e sd’ é ve nt ue l smauvai st r ai t e me nt sdoi ve ntê t r ei de nt i f i é se t déférés devant des tribunaux. ► Concernant le Front Polisario 8) LeFr ontPol i s ar i o de vr ai tac c e pt e rl ’ ouve r t ur ede sc ampsdeTi ndouf ,de manière à ce que toute personne ou famille désireuse de regagner le territoire du Sahara occidental soit libre de le faire. 9) Le Front Polisario devrait accepter le fait que toute solution ne peut être que politique et négociée. Il devrait, par conséquent, renoncer définitivement à la lutte armée et désarmer et démanteler ses troupes. 10) Pour éviter que les anciens combattants du Polisario ne se tournent vers la criminalité ou le terrorisme, il serait souhaitable que la communauté internationale prenne en charge la relocalisation et le reclassement des anciens combattants du Polisario. 11) La direction du Polisario devrait accepter de fonctionner de manière démocratique et, donc, se soumettre à de véritables élections. Il devrait rendre des comptes pour sa gestion des trente dernières années. 12) Les responsables des crimes et détournements commis sous couvert du Front Polisario devraient être identifiés et déférés devant les tribunaux. 13) Dans leurs contacts avec le Front Polisario, les responsables politiques étrangers et les ONG devraient insister pour que le Front se conforme aux recommandations précédentes. 4 TABLE DES MATIÈRES I. INTRODUCTION 8 II. LES RACI NESHI STORI QUESD’ UN CONFLI T 11 II.1. Le contexte géographique 11 II.2. Le contexte historique 11 III. GENÈSE ET IDÉOLOGIE DU FRONT POLISARIO 18 III.1. Unac t e urdel ’ af f r ont e me nti dé ol ogi quegl obal 1 8 III.2. Uneor gani s at i oni ndé pe ndant i s t e ,d’ e xt r ê megauc he ,e npar t i edi r i gé e par des adolescents 20 III.3. Un mode organisationnel de type communiste, une obsession de la sécurité 23 IV. LES QUINZE PREMIÈRES ANNÉES (1974-1991) : DU TEMPS DES VICTOIRES À CELUI DE LA STAGNATION 25 IV.1. D’ i nc ont e s t abl e ss uc c è spol i t i que se tdi pl omat i que s ,mai sdepor t é e limitée 25 IV.2. Des débuts militaires prometteurs 27 IV.2.1. De 1974 à 1980 : les offensives victorieuses IV.2.2. De 1981 à 1987 : fixation et reflux IV.2.3. De 1987 à 1991 :r é or gani s at i on,bar oudd’ honne ur et cessez-le-feu 27 29 30 V. LES CONSÉQUENCES DU CESSEZ-LE-FEU POUR LE FRONT POLISARIO 33 V.1. Au plan militaire : démobilisation partielle et reconversion des combattants 33 V.2. Au plan diplomatique :l ’ e nl i s e me ntde st e nt a t i ve sder è gl e me nt international 36 V.3. Au plan organisationnel :s c l é r os epr ogr e s s i ved’ unmouve me ntr i gi de et peu e nc l i nàl ’ é vol ut i on 38 V.4. Au plan civil : la vie dans les camps de réfugiés de Tindouf 40 5 V.5. Défections et ralliements 42 VI. LA DÉRIVE DU FRONT POLISARIO : UNE ORGANISATION ORPHELINE DE LA GUERRE FROIDE ET EN VOIE DE DÉCOMPOSITION 44 VI.1. Le Front Polisario est-il une simple couverture des ambitions régionales algériennes ? 44 VI.2. La situation des femmes et les accusations de « procréation forcée » 48 VI.3. La situation des enfants envoyés « étudier »àl ’ é t r ange re t « forcés à travaille ou à se prostituer » 49 VI.4. Les accusations de travail forcé 50 VI.5. Les accusations de détournement systématique des aides internationales 51 VI.5.1. Ledé t our ne me ntde sai de sd’ ONG VI.5.2. Ledé t our ne me ntdel ’ aide des organisations internationales 51 52 VII. LE DOSSIER DES PRISONNIERS DE GUERRE MAROCAINS 56 VII.1. Le non respect de la 3ème Convention de Genève par le Polisario ( e tl ’ Al gé r i e ) 56 VII.2. Les observations du Comité international de la Croix Rouge 58 VII.3. Les observations de Human Rights Watch 58 VII.4. Le rapport de « France liberté » 60 La torture La participation des militaires algériens aux mauvais traitements L’ as s as s i natdepr i s onni e r s L’ e xhi bi t i onde spr i s onni e r sdegue r r eàl ac ur i os i t épubl i que La malnutrition Lapr i vat i ondevê t e me nt se tl ’ abs e nc edel oge me nt Le travail forcé 60 61 61 61 62 62 62 VII.5. La réponse du Front Polisario à « France Liberté » 63 VIII. QUEL AVENIR POUR LE POLISARIO ? 64 VIII.1. Un bilan qui demeure médiocre en matière de respect des droits de l ’ homme 65 VIII.2. Une absence patente de volonté de dialogue 66 VIII.3. Une force de déstabilisation toujours active 67 6 VIII.4. Le Polisario est-il menacé par une dérive islamiste ? 68 VIII.5. Une dérive terroriste du Polisario est-elle possible ? 69 VIII.6. La gangrène du crime organisé 71 VIII. EN CONCLUSION 73 ANNEXE Auxr ac i ne sdel ’ ant agoni s mee nt r eAl ge re tRabat: la Guerre des Sables 75 INDEX 77 TABLE DES CARTES Étapes de la décolonisation du Maroc 16 Le Sahara occidental 17 Principales batailles livrées par le Front Polisario 32 Le Mur de défense marocain et les régions militaires du Front Polisario 35 Carte des camps de réfugiés de la région de Tindouf 55 7 I INTRODUCTION Dans le courant de l’ é t ée taudé butdel ’ aut omne2005,unc onf l i tpos t -colonial vieux det r e nt eanss ’ e s tbr us que me ntr appe l éaus ouve ni rd’ unmondequil ’ oubl i ai t: le t e mps de que l que s mani pul at i ons mé di at i que s aut ourd’ une s oidi s antIntifada s ahr aoui e ,d’ unevi s i t eamé r i caine à très haut niveau en Algérie et au Maroc, et de la l i bé r at i ondec e uxquis ’ é t ai e ntvubapt i s e r«les plus anciens prisonniers de guerre du monde », la question du Sahara occidental a, à nouveau, brièvement, occupé le devant de la scène. Elle est ens ui t er e de ve nuec equ’ e l l ee s tde pui spl usdedi xans: un conflit de basse intensité dans lequel la guerre des mots et des slogans a remplacé l ’ us agede sar me sde pui sun c e s s e z -le-feu intervenu au début des années quatrevingt-dix. Mais le conflit du Sahara occidental est aussi et surtout un conflit non r é s ol u,quir e s t eunepi e r r ed’ ac hoppe me ntdansl e sr e l at i onse nt r el ’ Al gé r i ee tl e Maroc et risque, potentiellement, de déstabiliser toute la région. A la fin du printemps, quelques émeutes et manifestations à Laâyoune, Dakhla et Smara (région désignée comme Sahara occidental parl ’ ONU,l ’ Al gé r i ee tl eFront Polisario et comme Provinces du Sud par le royaume du Maroc), dont une partie de la population, notamment de jeunes adolescents, ont été habilement manipulés par la propagande indépendantiste, ont été présentées comme une quasi-insurrection. Nous ve r r onspl usl oi ndansc er appor tc equ’ i le ne s t . Au c our sdel ’ é t é2005,M. Mohamed Abdelaziz, Secrétaire général du Front Polisario et président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD,aut opr oc l amé emai sr e c onnueparpl us i e ur sdi z ai ne sd’ Ét at s ) ,annonç ai t dans une interview aux quotidiens français Le Monde et espagnol El Pais1 la libération « imminente » de plus de 400 prisonniers de guerre marocains, détenus, souvent depuis plus de vingt ans, par son organisation. Échaudés par de multiples annonces ayant entouré le sort de ces prisonniers depuis plus de dix ans, et surtout par le « saucissonnage » qui avait caractérisé les précédentes libérations, les médias et les experts de la région doutaient, pour la pl upar t ,dus é r i e uxdec e t t eé ni è mepr ome s s e .Tousr e c onnai s s ai e ntt out e f oi squ’ un facteur nouveau la rendait peut-être plus crédible :l ’ i mpl i c at i ondeWas hi ngt on.En mai 2005, en effet, unedé l é gat i ond’ anc i e nspr i s onni e r sduPolisario s ’ é t ai tr e ndue aux Etats-Unis où elle avait rencontré plusieurs personnalités politiques de haut niveau, dont le Sénateur républicain John McCain, lui-même ancien prisonnier de guerre au Vietnam2. M. McCain avai tpr omi sd’ us e rdes oni nf l ue nc epe r s onne l l e pour obtenir la libération des derniers prisonniers. 1 Le Monde et El Pais, 13 juillet 2005 2 Voir, notamment, le magazine Jeune Afrique-L’ i nt e l l i ge nt , 24 juillet 2005. 8 Par ailleurs, on savait que le Maghreb et la zone subsaharienne étaient, depuis pl us i e ur s anné e s , un s uj e t de pr é oc c upat i on maj e ur e pour l ’ admi ni s t r at i on américaine, qui souhaite stabiliser la région et surtout réconcilier les frères ennemis al gé r i e ne tmar oc ai ne nvuedef ai r ebar r ageàl amont é edel ’ i s l ami s mer adi c a le t d’ e ndi gue rl ’ i ns é c ur i t équimi nel ar é gi on. A la mi-août, le Sénateur Richard Lugar, président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat et envoyé spécial du président Georges Bush, entamait une t our né eé c l ai ràAl ge re tRabatoùi ls ’ e s te nt r e t e nu ave cl epr é s i de ntAbdelaziz Bouteflika et avec le Roi Mohamed VI. Le 18 août 2005, enfin, à 19h 30 un avion spécialement affrété par le gouvernement américain se posait sur le tarmac de l ’ aé r opor tEl -Massira, à Agadir. A son bord, les 404 derniers prisonniers marocains du Front Polisario. Ces libérations, étape indispensable à tout règl e me ntduc onf l i tduSahar a,n’ e ns ont pourtant pas la condition suffisante, tant les positions des différentes parties en cause restent éloignées les unes des autres. On peut donc penser que la diplomatie américaine va continuer, dans les mois à venir, à s ’ ac t i ve rpourt r ouve runes or t i ede crise honorable et acceptable par tous. Le 28 oc t obr e 2005,e nt outc as ,l e Cons e i lde Sé c ur i t é de l ’ ONU dé c i dai t ,à l ’ unani mi t é , de pr or oge rl e mandat de l a Mi s s i on de s Nat i ons uni e s pour l ’ Or gani s at i ond’ unRé f é r e ndum auSahar aoc c i de nt al( MI NURSO)j us qu’ au30avr i l 20063. Un vote automatique et quasi rituel qui, tous les six mois, occupe, depuis des années, quelques minutes du temps de travail du Conseil. Le Secrétaire général, toutefois, estimait que « L'absence de progrès a de plus été aggravée par le climat politique généralement tendu dans la région » et que « la situation pourrait se détériorer encore en l'absence de solution4 ». C’ e s tdansc ec ont e xt equ’ i lnousas e mbl éi nt é r e s s ant- et même indispensable - de nous intéresser au Front Polisario, cette organisation indépendantiste née pendant la dernière phase de la décolonisation du Maghreb et durant la Guerre froide –elle est un pur produit de ces deux phénomènes –, qui survit tant bien que mal dans le Sud de l ’ Al gé r i e . Auf i ldel ’ é t ée tdel ’ a ut omne ,nousavonsdoncmul t i pl i él e sr e nc ont r e se tme néde s recherches au Maroc, au Sahara et en Europe, pour mieux cerner les réalités passées et présentes du Front Polisario e tdé t e r mi ne rs ’ i lpouvai tê t r eun ac t e ur de la s ol ut i onduc onf l i tous ’ i lé t ai t ,auc ont r ai r e ,unobs t ac l eàc e l l e -ci. Le présent rapport est le produit de ces recherches, des dizaines de rencontres que nous avons e ue s dur antc e té t ée tde l ’ é t ude de c e nt ai ne s de doc ume nt se t témoignages. I lne s’ agi t pas d’ une ét ude sur l a quest i on du Sahara occidental, à laquelle de nombreuses publications ont déjà été consacrées ces dernières années – nous entendons toutefois revenir sur ce problème dans les prochains mois afin de tenter de déterminer les conditions qui permettraient On trouvera le communi quéduCons e i ldeSé c ur i t éàl ’ adr e s s es ui vant e: http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=11318&Cr=Sahara&Cr1=conseil 3 4 Idem. 9 d’ about i ràunes ol ut i on«ni gagnant ni perdant » et de stabiliser la région - mais bi en del aradi ographi ed’ uneorgani sat i on quidemeure,mêmesiel l ea été très médiatisée à certains moments, peu connue en Europe et aux Etats-Unis. 10 II LES RACINES HISTORIQUES D’ UN CONFLIT Avantd’ e nve ni ràl age nè s eduFront Polisario et à son évolution, il est nécessaire (même si, répétons-l e ,i lnes ’ agi tpasi c id’ e nvi s age rl apr obl é matique du Sahara occidental dans son ensemble) de rappeler brièvement quelles sont les bases géographiques et historiques du conflit. II.1. Le contexte géographique Le Sahara occidental (nous emploierons cette désignation internationalement reconnue pourdé s i gne rc et e r r i t oi r ec ont e s t é )s ’ é t e nd s urunes ur f ac ed’ e nvi r on 265.000 km² de territoire désertique regroupant les régions de la Saguiet al-Hamra auNor de tdel ’ Oued al-Dahad (anciennement Rio de Oro) au Sud. Les villes principales sont : Laâyoune (Al-Ayun), Dakhla et Smara. La population est di f f i c i l eàquant i f i e re xac t e me nt ,l e sc hi f f r e svar i ants ui vantquel ’ ons er é f è r eàl ’ une oul ’ aut r es our c e .El l edoi tt out e f oi savoi s i ne rl e s300. 000âme s .Lapopul at i onl oc a l e était, historiquement, formée det r i busd’ or i gi nebe r bè r edontl e spl usi mpor t ant e s sont les R’ Gue ï bat , les Ouled Delim et les Ouled Bou Sba.Ce st r i buss ’ or gani s e nte n fractions, sous-f r ac t i onse tc l ans .Le sl angue sl oc al e ss ontl ’ ar abe e tl e di al e c t e Hassani (ou Hassaniya) également parlé en Mauritanie. LeSahar aoc c i de nt ale s tdé pour vud’ i ndus t r i e smai sr i c hee nr e s s our c e snat ur e l l e sphosphate, cuivre, fer - et ressources halieutiques accessibles depuis les quelque 1.400 kilomètres de côte. Par ailleurs, des travaux de prospection pétrolière seraient toujours en cours dans la région. II.2. Le contexte historique Les Sahraouis étaient organisés en tribus de nomades et pasteurs se déplaçant sur unevas t ez onequidé pas s el e sf r ont i è r e si nt e r nat i onal e sauj our d’ huir e c onnue s .Une assemblée tribale, le djemaâ, permettait aux chefs de fractions de se concerter avec le Cheikh dirigeant chaque tribu. La plupart des tribus faisaient allégeance aux sultans du Maroc. En 1884, durant la colonisation partielle du Maghreb, le Sahara occide nt als ’ e s tvu occupé par les Espagnols, qui débarquèrent des troupes à Dakhla (rebaptisée Villa Cisneros) .Lar é gi onc onnutal or spl us i e ur sdé c e nni e sd’ agi t at i onj us qu’ e n1 934,dat e de sa pacification définitive. La colonisation espagnole était pourtant relativement di s c r è t ee ts e bor nai tau c ont r ôl e du l i t t or al( àl ’ é poque ,s e ul e sl e sr e s s our c e s halieutiques intéressaient Madrid). Administrativement, le Sahara espagnol était 11 partagée en une zone sous occupation militaire (Saguiet al-Hamra, au Nord) et une zone colonisée (Rio de Oro, au Sud). Les frontières seront fixées par Madrid et Paris en 1886 et 1934. La colonisation espagnole se caractérisait par la volonté de pousser vers le Nord (occupation de Tarfaya, en 1919) et de contrôler totalement les côtes ( i ns t a l l a t i ond’ un détachement militaire à Laâyoune en 1935). Cette période fut marquée par différents mouv e me nt sd’ e x odev e r sl eMa r oc ,c e r t a i ne st r i busouf r a c t i onsc he r c ha ntàf ui rl a puissance occupante et à se placer sous la protection des sultans. Peu avant la colonisation espagnole, le Maroc avait déjà perdu une partie de la frange or i e nt al edec e t t er é gi onaupr of i tdel aFr anc e .Apr è sl apr i s ed’ Al ge rparl e st r oupe s françaises, en 1830, le Sultan Moulay Abd al-Rahman avait en effet entrepris de soutenir l ’ Émir Abd el-Kader quir é s i s t ai tàl ’ e nvahi s s e ur .Apr è sunequi nz a i ne d’ anné e sd’ e s c ar mouc he save cl e st r oupe sd’ Abd el-Khader qui trouvèrent refuge au Maroc, la France déclara la guerre au royaume chérifien et, le 14 août 1844, le Général Burgeaud défaisait les troupes marocaines commandées par Moulay Muhammad ( f i l sduSul t an)s url ’ Oued Isly. La défaite marocaine ouvrait la voie à une révision des frontières concrétisée par le Traité de Lalla Maghnia qui, le 18 mar s1 845,anne xai tàl ’ Al gé r i ef r ançaise Tindouf, le Touat, la Saoura et Tidikelt. Parallèlement à cette évolution dans la région saharienne, la fin du dix-neuvième siècle était marquée par un net affaiblissement du pouvoir des sultans. L’ e nde t t e me nt ,l apé né t r at i oni ni nt e r r ompuede smar chands européens, les famines et les épidémies minaient le pouvoir et la base sociale traditionnelle du Makhzen (le Makhzen ou Maghzen désigne le système politique complexe basé sur le serment d’ al l é ge anc ede sc he f st r i bauxaus ul t an) .Faut ed’ unear mé ef orte et bien encadrée et de finances saines, Rabat ne peut plus continuer à résister à la pression coloniale f r anç ai s e .L’ ac t ef i naldel aConf érenced’ Al gesi ras, signé le 7 avril 1906, place le royaume du Maroc sous protectorat international. Six ans plus tard, à quelques semaines près, le 30 mars 1912, le Traité de Fès remplace le protectorat international par un protectorat purement français, un « Résident général » assumant la réalité du pouvoir. Durant la seconde partie du vingtième siècle, des milliers de Sahraouis participèrent à la lutte du Maroc –not amme ntaus e i ndel ’ ai l es uddel aJaïch at-Tahrir, l ’ Armée de libération nationale, (ci-dessous ALN-Sud) pour recouvrer son indépendance et, dès que celle-ci fut acquise, le 3 mars 1956, le Roi du Maroc, Mohammed V, faisait valoir des droits historiques et réclamait le retour des territoires sous contrôle espagnol dans le Makhzen.En1 963,c ’ e s tdoncàl ade mandeduMar ocquel eComité spécial de décolonisation del ’ ONU i ns c r i r al eSahar ae s pagnoldansla liste des t e r r i t oi r e sde vantê t r edé c ol oni s é s .Mai sdè s1 958,l ’ ALN-Sud, qui harcelait les forces espagnoles, notamment autour de Tarfaya, avait été anéantie par une offensive combinée franco-e s pagnol e ,l ’ Opération Écouvillon.L’ é c r as e me ntde l ’ ALN-Sud provoquait un nouvel exode sahraoui vers le Nord. Apar t i rdel af i nde sanné e sc i nquant e ,t out e f oi s ,l ’ Es pagne ,s oumi s eàunepr e s s i on de plus en plus intense de la communauté internationale, commençait à rétrocéder les territoires occupés au Maroc : 1956 : Rétrocession de la région du Nord (Tétouan, Nador). 1958 : Rétrocession de la région de Tan Tan et Tarfaya. 1969 : Rétrocession de Sidi Ifni. 12 En1 974,s ui t eàundé bataus e i ndel ’ As s e mbl é egé né r al edel ’ ONU,l aMaur i t ani e s ’ as s oc i ai tauMar ocpours ai s i rl aCouri nt e r nat i onal edeJus t i c edel aHay e( l ’ Al gé r i e et la Tunisie appuyaient cette procédure) et celle-ci rendait un jugement r e c onnai s s antquede sl i e nsd’ al l é ge anc eavai e nte xi s t ée nt r el e st r i busduSahar ae t les sultans du Maroc. Pour sortirdel ’ i mpas s ed’ unedé c ol oni s at i onquit r aî nai t ,l e Roi Hassan II lançait, en octobre 1974, la Marche verte, rassemblant pacifiquement 350.000 hommes et qui devait hâter le retrait espagnol qui se termina en février 1976 : en 1975, la puissance coloniale quittait la Sakia El-Hamra (Laâyoune, Smara) pui sl ’ Oued Eddahab (Dakhla) ,d’ a bor danne xéàl aMaur i t ani eavantder e ve ni rau Maroc en 1979. L’ ONU,t out e f oi s ,r e f us ai tder e c onnaî t r el as ouve r ai ne t édu Mar ocs url eSaha r a oc c i de nt alqu’ unef ac t i oni ndé pe ndantiste, soutenue par le bloc communiste et les non-alignés, entendait transformer en État souverain. Voilà pour les faits bruts. Reste à les interpréter. Notre but, répétons-l e ,n’ e s tpasde nous livrer à une étude exhaustive de la question du Sahara occidental, mais bien de t r ac e rl ec adr egé né r aldansl e que le s tnée ts ’ e s tdé ve l oppél eFront Polisario. Deux arguments sont, en général, avancés par le Front et ceux qui le soutiennent pour justifier la revendication indépendantiste : c e l l e de l ’ e xi s t e nc e d’ une «nation sahraouie »e t ,ac ont r ar i o,del ’ i ne xi s t e nc edansl epas s éd’ un«royaume du Maroc » qui aurait eu quelques pouvoirs sur la région. Nous ne trancherons pas, ici, ces deux questions, mais nous contenterons de souligner que ces affirmations sont, pour le moins, sujettes à discussion. Ainsi, pour ce qui est de la « nation sahraouie »,l ’ é c onomi s t eAnthony Hodges, qui travaille depuis vingt ans sur les problèmes de développement et de minorités en Afrique, estime que : « Le Sahara occident aln’ aj amai sc ons t i t ué une nat i on avants a c ol oni s at i on e tl enat i onal i s meac t ue le s tun phé nomè net r è sr é c e nt ,quines ’ e s t 5 mani f e s t équ’ auxde r ni e r smome nt sdel apé r i odec ol oni al ee s pagnol e ». Par ailleurs, on remarquera que si la « nation sahraouie »e xi s t ebi e n,s ’ agi s s antd’ une nation formée de tribus nomades, la question de son « autodétermination » ne peut ê t r er é gl é edansl es e ulc adr eé t r oi tdu Sahar aoc c i de nt almai sde vr ai tl ’ ê t r ee n pr e nante nc ompt el ’ e ns e mbl e de l ’ ai r e de nomadi s me t r adi t ionnel des tribus concernées. En clair, un Ét ats ahr aouis ede vr ai t ,dè sl or s ,d’ e ngl obe runepar t i edu Sud du Maroc, du Nord de la Mauritanie ou du Sud-Oue s tdel ’ Al gé r i e .Enbr e f ,c ’ e s t l ’ e ns e mbl ede sf r ont i è r e sdel ar é gi onquide vr ai tê t r er e vu,c equisemble pour le moins difficile à imaginer. Quant à « l ’ i ne xi s t e nc e du Mar oce nt antqu’ Ét atc ons t i t ué», cet argument est régulièrement avancé par le Front Polisario et ses alliés. Ainsi, le 22 juillet 2002, Mme Martine de Froberville, Présidente du Comité sur le Sahara occidental Anthony Hodges : The origins of Saharawi nationalism, in Richard Lawless et Laila Monahan, War and Refugees, The Western Sahara Conflict, Pinter, London, 1987, page 31. 5 13 (France) écrivait : « Par ailleurs tous les africanistes et politiques savent pe r t i ne mme ntquel eMar ocn’ e xi s t ai tpase nt antqu’ Ét atavantl ac ol oni s at i on…6» Or ,mê mes il anat ur ee xac t edel ’ Ét atmar oc ai n,s apui s s anc ee tl ’ é t e nduer é e l l edu pouvoi rde ss ul t ansr e s t e ntde ss uj e t sd’ é t ude s ,l ar é al i t ée s te xac t e me ntc ont r ai r eà cette affirmation péremptoire :l eMar ocae xi s t ée nt antqu’ Ét at ,s ousdi ve r s e sf or me s et dynasties depuis le Moyen Âge, et la dynastie alaouite à l aque l l eappar t i e ntl ’ ac t ue l souverain, Mohammed VI, règne sur le Maroc depuis le dix-septième siècle. Le nom même de Maroc « apparaît, semble-t-il, sous les Saâdiens, dynastie ayant régné de 1554 à 1659. Il serait le résultat de la contraction du nom de la ville de Marrakech, la principale de leurs capitales. Auparavant, pour désigner le Maroc, on parlait de Maghreb al-Aqça ou Maghreb extrême7 ». Le Général Lyautey,pr e mi e rRé s i de ntf r anç ai sàRabat ,de vai td’ ai l l e ur sé c r i r e: « Au Maroc, nous nous somme st r ouvé se nf ac e d’ un e mpi r e hi s t or i que e t i ndé pe ndant ,j al ouxàl ’ e xt r ê medes oni ndé pe ndanc ee tr e be l l eàt out e ss e r vi t ude s qui ,j us qu’ àc e sde r ni è r e sanné e s ,f ai s ai tf i gur ed’ Ét atc ons t i t ué ,ave cs ahi é r ar c hi e 8 de fonctionnaires, ses représentations àl ’ é t r ange r … » Feu Albert Hourani, spécialiste britannique reconnu du monde arabe, qui a passé t out es ac ar r i è r ed’ e ns e i gnantàOxf or d,par t age ai tc e tavi saut or i s é .Dansunc hapi t r e de son Histoire des peuples arabes,c ons ac r éàl ’ e xt e ns i ondel ’ e mpi r eottoman, il écrivait : « « A l ’ e xt r é mi t é oc c i de nt al e du Maghr e b,au-delà des frontières de l ’ Empi r e ,unÉt atd’ unt outaut r et ypee xi s t ai tde pui st r è sl ongt e mps:l ’ Empi r edu Maroc9 ». Et Hourani s oul i gnai tquec e te mpi r e ,mê mes ’ i lac onnude spé r i ode sde dé s or gani s a t i on,di s pos ai tbi e n de t ous l e s at t r i but s d’ un Ét at: une Cour, des mi ni s t r e s ,unear mé e … Autre attribut incontestable de la souveraineté des États, le Maroc disposait, ainsi que le remarquait Lyautey, de représentations diplomatiques. Nous n’ e npr e ndr onsqu’ un seul exemple. Le sultan du Maroc a reconnu les Etats-Uni sd’ Amé r i quedè s1 7 77 ,e tde s relations diplomatiques formelles entre les deux États furent ouvertes dès 1787, lorsque f utné goc i éun t r ai t édepai xe td’ a mi t i é: « Renégocié en 1836, ce traité reste en appl i c at i one tc ons t i t uel et r ai t éder e l at i onsi nt e r nat i onal e sl epl usanc i e ndel ’ hi s t oi r e américaine. Témoignage de la nature particulière des relations entre les Etats-Unis et le Maroc, Tanger abrite la plus ancienne propriété diplomatique américaine au monde. Et le seul bâtiment se trouvant en sol étranger inscrit au registre national américain des lieux historiques : la légation américaine à Tanger10 ». In : LeRappor tLal umi è r es url eSahar aoc c i de nt al ,uner é é c r i t ur edel ’ hi s t oi r edé nué ede tous scrupules. Ce doc ume nt pe ut ê t r e t é l é c har gé à l ’ adr e s s e s ui vant e: http://sahara_opinions.site.voila.fr/Frob22002.htm ) 6 Fiche Histoire du Maroc, des origines à nos jours, Ambassade de France au Maroc, http://www.ambafrance-ma.org/maroc/histoire.cfm?print=1 7 8 Cité par Georges Vancher, Sousl e sc è dr e sd’ I f r ane . In Histoire des peuples arabes, Éditions du Seuil, Paris 1993, pp. 324-325. Pourl ’ é di t i ona ng l a i s e: A History of the Arab peoples, 1991, rééditée en 2002, Faber and Faber, London, page 243. 9 In U.S. Department of State, Bureau of Near Eastern affairs, Background Note : Morocco http://www.state.gov/r/pa/ei/bgn/5431.htm ) mise à jour en juillet 2005. 10 14 Mais si État marocain il y a eu, celui-ci englobait-i ll ar é gi onauj our d’ hui désignée sous le nom de Sahara occidental ? On l ’ av uc i -dessus, en 1974, la Cour i nt e r nat i onal edeJus t i c edeLaHa y er e c onnai s s ai tl ’ e xi s t e nc edel i e nsd’ al l é ge anc e passés entre chefs de tribus sahraouis et sultans du Maroc. Le professeur Bernard Lugan,e ns e i gnantl ’ hi s t oi r ec ont e mpor ai nedel ’ Af r i quee taut e ur ,s url eMar oc ,d’ une somme qui fait autorité11, écrivait il y a 18 mois : « En1 200ansd’ hi s t oi r e[ l ’ i nf l ue nc e du Mar oc ]s ’ e s te xe r c é edanst r oi sdi r e c t i ons:[ …]Ve r sl eSud,e n di r e c t i on de l ’ Ouest africain, ou Bilad al-Sudan (littéralement le « pays des Noirs »), la s ouve r ai ne t émar oc ai neé t ai te f f e c t i vequandl ’ État était puissant. Elle était illustrée parl al e vé epé r i odi quedel ’ i mpôte tparl anomi nat i ond’ aut or i t é sadmi ni s t r at i ve s (caïds, pachas et gouverneurs). Elle se limitait en revanche à une influence religieuse, économique et culturelle quand le pouvoir des sultans était affaibli. Cependant, à aucun moment, les régions composant le Sahara occidental ne cessèrent de faire partie de la marocanité12 ». Le même auteur remarque encore que « Dernière preuve et non la moindre dans le système constitutionnel marocain, la prière du vendredi était dite au nom du Sultan du Maroc13 ». 11 Bernard Lugan, Histoire du Maroc des origines à nos jours, Paris, Éditions Perrin, 2000. Bernard Lugan, La Marocanité du Sahara Occidental, communication au colloque « Le Sahara occidental est-il prêt pour une solution politique ? », 3 mai 2004, New York. 12 13 Idem. 15 16 17 III GENÈSE ET IDÉOLOGIE DU FRONT POLISARIO Unepar t i ede sc adr e sdel ’ Armée de libération nationale (branche Sud) avait été s é dui t eparl emodè l es oc i al i s t ea l gé r i e n.C’ e s tdec e t t emouvanc e ,ou pl ut ôtde l ’ ac t i onde sf i l sdes e sme mbr e s ,quede vai tnaî t r e ,audé butde sanné es soixante-dix, unepe t i t eor gani s at i on i ndé pe ndant i s t edegauc hequi ,l or sd’ un c ongr è st e nu à Nouakchott (Mauritanie) prenait, le 10 mai 1973, le nom de Frente Popular de Liberación del Sagía el Hamra y Río del Oro, ou Frente Polisario. Lors du deuxième congrès du Front, Mustapha Sayed Ouali en devenait Secrétaire général et le Front s edot ai td’ unebr anc hear mé e ,l ’ APLS (Armée de libération populaire sahraouie). Il est important pour mieux comprendre la genèse du Polisario des er e pl onge rdansl ’ at mos phère de ces années soixante-dix. On ne peut, en effet, complètement appréhender ce que fut le Polisario dè ss anai s s anc es il ’ on net i e ntpasc ompt ede sc ont e xt e sgé opol i t i que ,r é gi onale ti dé ol ogi quedel ’ é poque . I I I . 1 .Unact eurdel ’ af f ront ementi déol ogique global Au plan géopolitique, le monde était alors coupé en deux par la Guerre froide, c haquec a mp s ’ i ngé ni antàmi ne rl e spos i t i onsdel apar t i eadve r s epart ousl e s moyens possibles. Les Soviétiques et leurs alliés objectifs du bloc dit « non-aligné » (aux rangs duquel figuraient plusieurs pays socialistes plus ou moins proches de Mos c ou)n’ é t ai e ntpasl e spl usi nac t i f sdansc e taf f r ont e me ntpl ané t ai r equiame nai t régulièrement la Guerre froide à se « réchauffer » dans le tiers monde. Susciter ou, à tout le moins, soutenir les « mouvements de libération nationale » qui allaient créer, pensaient-ils, autant « d’ abc è sdef i xat i on» destinés à épuiser le « camp occidental », faisait partie de la stratégie soviétique. Au plan idéologique,l aj e une s s es ’ agitait et, quand elle le pouvait, dans la foulée de la grande crise politique qui avait secoué une partie de la planète à la fin des années soixante et au début des années soixante-di x,e l l es ’ or gani s ai te nmouve me nt s radicaux ou rejoignait en masse les rangs des organisations combattant pour un « monde nouveau ». Sa générosité et son aveuglement étaient largement exploités par le « bloc soviétique » et ses alliés, qui trouvaient, principalement en Europe, de très utiles relais logistiques et de propagande dansl e sor gani s at i onsd’ e xt r ê megauc he . Au plan régional, le Maghreb était traversé par le sourd conflit qui opposait l ’ Al gé r i ee tl eMar oce tquiavai tdonnél i e u,e n1 963,àunc our tc onf l i tar mér e s t é 14 dansl ’ hi s t oi r es ousl enom de Guerre des sables . Depuis plusieurs années, Alger, quiavai té t évai nc ue thumi l i éparRabat ,at t e ndai tl ’ oc c as i ondepr e ndr es ar e vanc he 14 Sur la Guerre des Sables, voir la première annexe de ce rapport. 18 sur son rival marocain. Idéologiquement, les deux adversaires campaient sur des positions diamétralement opposées qui contribuaient à accroître leur antagonisme. L’ Al gé r i e ,s or t i edi xanspl ust ôtd’ unes angl ant egue r r edel i bé r at i on,é t ai te nc or e toute auréolée du prestige des maquis et de la lutte du FLN. Elle incarnait le tiers monde en marche, dressé contre « l ’ i mpé r i al i s me» occidental. Le Maroc, lui, était f i e rd’ appar t e ni rau«Monde libre » et se voulait un allié fidèle des Etats-Unis et de la France. Pour les Soviétiques comme pour les Algériens, il représentait la quintessence de « l ’ e nne mi»aus e i nd’ unMaghr e bquipouvai t ,s ionyme t t ai tunpe ud’ é ne r gi ee t quelques moyens, basculer entièrement dans le « camp progressiste ». Ajoutons encore, pour que le paysage soit plus exactement décrit, deux autres er septembre 1969, un comité de 12 facteurs régionaux. Le facteur libyen d’ abor d.Le1 « Officiers libres » avait, sous la conduite du Colonel Muammar al-Kadhafi, renversé le Roi Idriss et établi à Tripoli la « République arabe libyenne », fortement i ns pi r é eparl ’ e xe mpl edeGamal Abdel Nasser en Égypte. En 1973, le Colonel Khadafi déclenchait une « Révolution culturelle » visant à accélérer les réformes. L’ Ét até t a i tdé s or mai ss oumi sàl ’ aut or i t éde«Comités populaires » présents à tous les niveaux de la société. Rapidement, Kadhafi s er appr oc ha al or sde l ’ Uni on soviétique qui ,t r opc ont e nt ed’ avoi runde uxi è meal l i édansl ar é gi on,s ur ar mas on régime qui, en mars 1977, allait devenir la Jamahiriya (« État des masses ») arabe libyenne socialiste et populaire. Pe ndantpl usd’ unedé c e nni e ,l aLi by eal l ai t s ’ i ngé ni e ràdé s t abi l i s e rl ar é gi one tl ’ Af r i que ,pr e nantt outs pé c i al e me ntpourc i bl e les États « réactionnaires » au rang desquels le Maroc. Il y a, enfin, un facteur international non négligeable :l es out i e n,quines ’ e s tj amai s démenti, de Cuba au Polisario.L’ i nt é r ê tdurégime castriste pour cette question du Sahar aoc c i de nt alpe uts ur pr e ndr e ,mai sc ’ e s toubl i e rqueCubas ’ e s te mpl oy é e ,pl us dede uxdé c e nni e sdur ant ,àdé s t abi l i s e rl ’ Af r i quee tàys out e ni rl e sr é gi me se t mouvements marxistes. Le bloc soviétique y trouvait son compte en laissant son petit al l i éde sCar aï be sdé ve l oppe rde sf oy e r sdegué r i l l ae td’ i ns ur r e c t i on quié t ai e nt aut antd’ é pi ne sdansl e spi e dsde spui s s anc e soc c i de nt al e se tdel e ur sal l i é sl oc aux. Or ,on l ’ a di t ,l e Mar océ t ai t ,e n Af r i que du Nor d,le seul allié solide du bloc occidental. Les Cubains étaient déjà présents en Algérie depuis 1963. Ils y avaient dépêché un bataillon blindé équipé de chars soviétiques T33, des conseillers militaires et des membres de leurs services de renseignement. Entre autres choses, ces « conseillers » assistaient les organisations indépendantistes qui commençaient à s ’ agi t e rauSahar ae s pagnol . C’ e s tal or squ’ e n1 965di s par utMe hdiBe nBar ka,oppos antdé c l ar éauRoiHas s anI I . On dispose, sur les conséquences de cet t edi s par i t i one ts url ’ ai deappor t é eparCuba auFr ontPol i s ar i o,d’ unt é moi gnagedepr e mi è r emai n,c e l uideJuanVi vé s ,unanc i e n haut responsable des services de renseignement cubains réfugié en France depuis plus de vingt ans. Juan Vivés était présent e nAl gé r i eàl ’ é poque .Dansunl i vr ede mémoires récemment publié, il écrit : « En tout cas, à la suite de cet assassinat, Fidel f utpr i sd’ unedec e sc ol è r e sdonti las e ull es e c r e t ,e ti lj ur aquel eMar ocs e r ai tune terre de vengeance15 ».C’ e s tàc emome ntquef utpr i s el adé c i s i on d’ ar me re t d’ e nc adr e rl egr oupequide vai t ,que l que sanné e spl ust ar d,pr e ndr el enom deFront Juan Vivés, El Magnifico, 20 ans au service secret de Castro, Paris, Éditions Hugo Doc, 2005, page 153. 15 19 Polisario : « L’ hi s t oi r er e t i e ndr a donc ,écrit Vivés, que les deux plus anciennes or gani s at i onsar mé e sdel apl anè t e ,l ’ ETA e tl ePolisario, ont été développées par Cuba, et la seconde, en particulier, par le Che en personne16 ». Le dernier facteur à prendre en compte est purement marocain : la fin des années soixante et le début de la décennie suivante avaient été marqués par quelques années noires pour Rabat. Le régime du Roi Hassan II avait connu une dérive autoritaire17 e tl epar l e me ntavai té t édi s s ous .Commel ’ é c r i tMostapha Bouaziz, enseignant et c he r c he urà l ’ Uni ve r s i t é Has s an I I( Cas abl anc a): « La décennie 1965-1975 est s pé c i f i queàbi e nde sé gar ds .El l ec ouvr eunec onj onc t ur ed’ e xc e pt i on,unef e r me t ur e du champ politique sur un fond de mutation profonde au niveau sociologique et à celui de la culture politique18». La jeunesse scolarisée (essentiellement les lycéens) allai tde ve ni rl ef e rdel anc edel ar é vol t ed’ unemi nor i t édel aj e une s s emar oc ai ne .Au s omme tdupouvoi r ,al or squel eRoit e nt ai tparai l l e ur sd’ é l i mi ne rl ac or r upt i on, certains crurent que leur heure était arrivée. En juillet 1971, quelques dizaines d’ of f i c i e r se tunmi l l i e rdec ade t sdel ’ é c ol emi l i t ai r ed’ Ahe r moumouf i r e nti r r upt i on auPal ai sd’ é t édeShki r at ,non l oi n deRabat ,al or squel eRoiyf ê t ai ts on 42ème anniversaire. Ce fut un massacre :unec e nt ai ned’ i nvi t é sf ur e ntt ué se tde uxc e nt s autres blessés. Deuxième tentative, le 16 août 1972 :l eBoe i ngduRoi ,der e t ourd’ un voyage officiel en France, est mitraillé par des chasseurs. Homme de confiance 19. Le climat d’ Has s anI I ,l eGénéral Oufkir paye r ades avi el ’ é c he cdes onc ompl ot politique était donc particulièrement lourd au royaume du Maroc au début des années soixante-dix. C’ e s tdansc ec ont e xt edet e ns i onquel eFront Polisario voit le jour en mai 1973. I I I . 2.Uneorgani sat i oni ndépendant i st e,d’ ext rêmegauche,en partie dirigée par des adolescents Dè sl ’ or i gi ne ,l eFront Polisario se positionne clairement comme une organisation d’ e xt r ê megauc her e c r ut ants e sc adr e sdansl aj e une s s ee ts ouve ntj us quedansl e s lycées, le lycéen étant perçu, comme le soulignent plusieurs historiens et sociologues s ’ é t anti nt é r e s s é sàc e t t eé poque ,c omme«l ’ i nt e l l e c t ue lor gani quedel aRé vol ut i on marocaine ».Nousavonsr e c ue i l l ipl us i e ur st é moi gnage sd’ anc i e nsme mbr e se t cadres du Polisario quic onf i r me ntl ’ i mpor t anc edel aj e une s s epourl eFr ont. Pour é vi t e rt out er e dondanc e ,nousn’ e nc i t e r onsquede ux:c e l uid’ Hametti Rabani qui sera, plus tard, ministre de la Justice et des Cultes de la République arabe sahraouie 16 Idem, page 154. L’ I ns t anc eÉquité et Réconciliation, voulue par le Roi Mohammed VI pour faire toute la lumière sur ces années troublées, a été installée le 7 janvier 2004 : www.ier.ma/_fr_sommaire.php 17 Voi rl ’ ar t i c l edeMos t aphaBoua z i z ,«Les années de braise », in le numéro spécial « 19052005 : Un siècle marocain » du magazine Le journal, 30 juillet 2005. 18 Sur cette période troublée, voir aussi Ignace Dalle, Les Trois Rois, la monarchie marocaine del ’ i ndé pe ndanc eànosj our s , Fayard, Paris, 2004. 19 20 démocratique et celui de Mustapha Bouh, qui deviendra « Commissaire politique » del ’ ar mé e . Hametti Rabani : « Mon père était un notable de Dakhla. Il avait écrit plusieurs l i vr e se té t ai tuni nt e l l e c t ue lr é put é .AuLyc é e ,j ’ é t ai sdé j ài ns c r i tauPol i s ar i oqui venait de naître. En 1974 [il a alors 19 ans], j ’ aii nt e r r ompume sé t udes pour prendre l ar e s pons abi l i t édut r avai lpol i t i quec l ande s t i nàDakhl a.J’ ys ui sr e s t éunane tj e s ui spar t ie ne xi le n1 975.Ar r i vée nAl gé r i e ,j ’ aic omme nc él et r avai lpol i t i quedans l e sc ampsder é f ugi é s .Jem’ oc c upai se nt r eaut r e sd’ é duc at i on.Puis, très rapidement, j ’ aié t éé l uàde sf onc t i onsdi r i ge ant e s ,auc our sdel ’ undec e sc ongr è sdebas eque nous organisions dans les camps sur le modèle de la révolution des masses libyenne. Uneanné eapr è smoné l e c t i on,j ’ aié t éappe l éparl adi r e c t i onduFront pour prendre l ar e s pons abi l i t édel ’ e ns e i gne me nt .J’ aias s uméc e sf onc t i onsde1 976à1 986…20 ». C’ e s tdonc ,que l l e sques oi e ntparai l l e ur ss e si nc ont e s t abl e squal i t é si nt e l l e c t ue l l e s ,à un jeune homme de 21 ans, sans expérience autre que celle du militantisme et qui a à peine terminé le lycée, que le Polisario confie la tâche délicate entre toutes de veiller àl ’ é duc at i on de s mi l l i e r s d’ e nf ant se t d’ adol e s c e nt s quipe upl e nt l e sc amps . Manquantd’ e ns e i gnant s ,Hametti Rabani et la direction du Polisario prendront l adé c i s i ond’ e nvoy e rl e spr e mi è r e sgé né r at i onsdej e une sSahr aoui se xi l é sé t udi e r dans les lycées algériens, mais aussi en Libye ou à Cuba. Mustapha Bouh : « J’ aié t épar mil e spr e mi e r sàr e j oi ndr el ePol i s ar i o,e n1 974. J’ avai s1 8 ans . J’ ai appartenu à la première « promotion militaire » de l ’ or gani s at i on,f or mé ee n Al gé r i e ,e tà l aque l l e appar t e nai té gal e me ntl ’ ac t ue l Secrétaire général du mouvement [Mohamed Abdelaziz], e te n1 976,j ’ aié t édé s i gné comme « Commissaire politique » de la Premiè r er é gi onmi l i t ai r e .J’ aie ns ui t eé t é affecté à Alger où je me suis occupé de propagande. Je dirigeais le journal et la r adi oduPol i s ar i o.En1 977,j ’ aié t énomméCommi s s ai r eauxRe l at i onse xt é r i e ur e s , pui s ,e n1 978,j ’ aié t éé l u au Bur e au pol i t i quee tnommé chef du Commissariat pol i t i quedel ’ ar mé e …21 ». Une carrière météorique : Commissaire politique à 20 ans, chargé des Relations extérieures à 21 ans et responsable de la formation politique dansl ’ ar mé eà22ans . Il nous a semblé intéressant de nous at t ar de ràl ’ e xt r ê mej e une s s edec e r t ai nsde s cadres du Polisario car elle explique en partie, à nos yeux, la radicalité et les dérives qui caractériseront ce mouvement. La révolte de la jeunesse sahraouie est certes une révolte contre la tutelle de Rabat, mai sc ’ e s t aus s i( s ur t out ) une r é vol t e « générationnelle ». Le sociologue belge William Racimora, qui a travaillé, ces dix dernières années, sur de nombreuses questions touchant la jeunesse maghrébine, e s t i mequ’ i ls ’ agi s s ai t«d’ uner é vol t ec ont r et out eaut or i t é ,c ’ é t ai tl emouve me nt d’ une j e une s s e quie nt e nd s ’ é manc i pe r de t out e aut or i t é – y compris celles, particulièrement pesantes, de la tribu, de la fraction, du clan et de la famille. Cette révolte était très similaire à celle qui se déroulait au même mome ntdansd’ aut r e s régions du monde, y compris en Europe ; la jeunesse cherchait à secouer la tutelle des adultes et, tout simplement, à exister. Les contextes marocain et sahraoui étant c equ’ i l sé t ai e ntàl ’ é poque ,c e t t er é vol t eapr i sun t ourvi ol e ntet a conduit à la c r é at i onouaur e nf or c e me ntd’ uneor gani s at i ons é par at i s t e .C’ e s ts ansdout eune 20 Entretien avec Hametti Rabbani, Rabat, 4 août 2005. 21 Entretien avec Mustapha Bouh, Rabat, 5 août 2005. 21 pr e uvequel aj e une s s es ahr aoui eé t ai tc oupé ede sr é al i t é s ,c ommel ’ é t ai tl af r ange e xt r é mi s t e de l aj e une s s ee ur opé e nne e tc omme l ’ é t ai tl aj e une s s e mar oc ai ne d’ e xt r ê megauc he .Ce sj e une sé t ai e ntgé né r e uxe ti dé al i s t e s ,mai si l snet e nai e nt aucun compte du monde réel dans lequel ils vivaient. Seul le contexte local a fait que leur influence a été plus importante et déterminante sur la population dans laquelle i l svi vai e ntquenel ’ aé t él ’ i nf l ue nc ede sgauc hi s t e se ur opé e nse tmar oc ai nsdans l e ur ss oc i é t é sr e s pe c t i ve s …22 ». Par ailleurs, il semble évident que la première cible de cette révolte de la jeunesse é t ai tl ’ Es pagne ,pui s s anc ec ol oni al e dontl a pr é s e nc es ’ ac he vai tdans l ar é gi on, davantage que le Maroc. Extrémiste, idéologiquement parlant, le Polisario des premières années ? Pour nous en assurer, revenons aux premières années du Front et écoutons Mustapha Bouh : « Devenus adolescents ou jeunes adultes au moment où le colonisateur espagnol se r e t i r ai te nf i nduSahar a,l e sf i l sde sme mbr e sdel ’ ALN-Sud avaient été élevés dans le souvenir de la période glorieuse de leurs pères mais aussi dans celui de leur é c r as e me nte tde l e ur é c he c .Un é c he c qu’ i l s at t ribuaient, entre autres, à la « trahison »duMar ocquiavai tr e f us éd’ ouvr i runf r ontmi l i t ai r eave cl ’ Es pagne pourl i bé r e rl eSahar a.I l ss ouhai t è r e ntal or spr e ndr el e urr e vanc hes url ’ hi s t oi r e ,e t certains pensèrent à créer une organisation indépendantiste. Un mouvement c omme nç aàs ’ or gani s e r .En1 972,de smani f e s t at i onsf ur e ntor gani s é e sauSuddu Maroc, entre autres à Tan Tan, à environ 120 km au nord de la limite du Sahara espagnol. Pl us i e ur sdi z ai ne sdemi l l i e r sdeSahr aoui ss ’ é t ai e ntr é f ugi é sdansla région, après l ’ Opé r at i onÉc ouvi l l one tl ’ é c r as e me ntdel ’ ALN-Sude n1 958.C’ e s tl àquenombr e d’ e nf ant sde sr e be l l e savai e ntgr andie tavai e nté t és c ol ar i s é s .Ce sdé mons t r at i ons furent durement réprimées par Oufkir. Il y eut des morts. De nombreux jeunes gens se réfugièrent en Mauritanie. Le Colonel Kadhafi faisait alors une tournée dans le pays pour y défendre ses thèses tiers-mondistes et « révolutionnaires ». Son discours séduisit les jeunes et les premiers contacts furent pris. Les premières armes ar r i vè r e nte n1 974,vi al ’ ambas s adedeLi byeàNouakc hot t .C’ e s tàpar t i rdec evé c u, des e sc ont ac t s ,dec e tac c è sf ac i l eàdel ’ ar me me nts ophi s t i quée td’ unei dé ol ogi e as s e zc onf us emai st r è smar qué eàgauc heques ’ e s tc ons t r ui tl ePol i s ar i o.Audé but , c ’ é t ai tune vé r i t abl e aube r ge e s pagnol e où l ’ on t r ouvai tt out el a panopl i e de s i dé ol ogi e sdegauc hee td’ e xt r ê megauc he: les marxistes tendances Moscou, les castristes, les marxistes-léninistes, les partisans de la voie libyenne, les tenants du socialisme à l ’ al gé r i e nne ,l e s nat i onal i s t e s ar abe s di r i gi s t e s de t e ndanc e nassérienne. Nos points communs étaient notre jeune âge et notre volonté de réussir l àoùnospè r e savai e nté c houé …23 ». 22 23 Entretien avec William Racimora, Bruxelles, 7 septembre 2005. Entretien avec Mustapha Bouh, Rabat, 5 août 2005. 22 III.3. Un mode organisationnel de type communiste, une obsession de la sécurité Cette idéologie « gauchiste » va, bien évidemment, fortement influencer la façon dont le Polisario vas ’ or gani s e r . Dès 1976, le Front Polisario s edot ed’ unes t r uc t ur equinevar i e r apl us .I le s tdi r i gé par son Secrétaire gé né r alas s i s t éd’ une xé c ut i fdene ufme mbr e sappar t e nante uxmêmes à un « Bureau politique » de 21 membres dont trois sont plus particulièrement chargés des « organisations de masse » encadrant trois « catégories » de Sahraouis : les ouvriers, les paysans et les femmes. Avec 19 élus des « Comités de base du peuple », les membres du Bureau politique forment un « Conseil national du peuple ». A la base, chaque groupe de dix personnes est organisé en cellule et chaque camp a sa propre hiérarchie militaire et politique. I ls ’ agi tdoncd’ unes t r uc t ur epy r ami dal edet y pemar xi s t ede spl usc l as s i que s ,qui t t eà e nê t r ec ar i c at ur al e .Pe ui mpor t equ’ i ln’ yai tpaspl é t hor e«d’ ouvr i e r s» dans les rangs sahraouis et que les « paysans » ne soient pas réellement une classe très représentée chez ce peuple de pasteurs nomades à peine sédentarisés, la vulgate marxiste-léniniste exigeant que la révolution ne puisse être faite que par une classe ouvrière renforcée par la paysannerie pauvre, le Polisario s edot e r ae tdel ’ une et de l ’ aut r epars i mpl edé c r e t .L’ i mpor t a ntc ’ e s td’ yc r oi r ee tdef ai r ebonnef i gur eaupr è s de sÉt at spar r ai nsdel ac aus e( ma j or i t ai r e me nt ,àl ’ é poque ,mar qué sàgauc he )e tde s sympathisants qui commencent à se manifester en Europe. La tentation « ouvriériste »ou,àt outl emoi ns ,l ’ e xpl oi t at i ondumy t hed’ une«classe ouvrière sahraouie » reste toutefois vivace dans la direction du Polisario. On r e mar que r a,ai ns i ,qu’ àl af i ndumoi sd’ oc t obr e2005,l eFront Polisario a tenté de faire son entrée en force dans la communauté syndicale mondiale, en participant à une conférence internationale des syndicats réunie à Rome à la demande de trois or gani s at i onsi t al i e nne s ,l aCGI L,l aCI SLe tl ’ UI L( l e sde uxde r ni è r e ss er e t i r e r ontde l ’ or gani s at i on pe u avantl e st r ava ux,nel ai s s ante nl i c equel aCGI L,d’ obé di e nc e communiste). Le Front y avait délégué son « syndicat »,l ’ UGT Sar i o.Ce t t e Conférence de Solidarité avec les Travailleurs et le Peuple sahraoui a pourtant tourné court lorsque plusieurs syndicats importants (dont Force ouvrière et la CFDT pour la Fr anc e ,l ’ UGTPpourl aTuni s i ee t c . )ontr e nonc éàypar t i c i pe r .Le sr e pr é s e nt a nt s s y ndi c auxmar oc ai ns( UMT,UGTM,FDT,UNMT)f e r ontval oi rqu’ i le s tdi f f i c i l ede parler de « syndicat » dans les camps du Polisario,é t antdonnéqu’ i ln’ ya«pas d’ uni t édepr oduc t i on,d’ e nt r e pr i s e soudel i be r t éd’ as s oc i at i on24 ». Cons é que nc el ogi quedec e t t ef or med’ or gani s at i on,t out ei ni t i at i venepe utque provenir du sommet de la pyramide. Le Polisario bannit toute initiative de ses me mbr e s ,e tauc unedé c i s i onnepe utê t r epr i s es ie l l en’ apasé t ée nt é r i né eauni ve au s upé r i e urc onc e r né .Ce t t es t r uc t ur ef or t e me nthi é r ar c hi ques edoubl ed’ unevé r i t abl e obs e s s i on s é c ur i t ai r equin’ e s tpasunes ur pr i s edansuneor gani s at i on d’ e xt r ê me gauche, toutes celles que nous avons pu étudier au cours des dernières années souffrant de la même tare originelle. La direction du Front est donc tout nat ur e l l e me ntàl ’ af f ûtdet out ec ont e s t at i on,e tl ’ e xpr e s s i ondet out eopi ni onque l que Lar é uni ons ’ e s tt e nueàRome ,l e s28e t29oc t obr e2005,e l l ee s tnot amme ntr e l at é edans un article de Mohamed Boudarham dans le quotidien Auj our d’ huil eMar oc , 31 octobre 2005. 24 23 peu di s s i de nt enepe utê t r equel er é s ul t atd’ unc ompl otvi s antàs ape rl ’ aut or i t éde s di r i ge ant sou d’ unemani pul at i on de s«services » e nne mi s .Pours ’ e n pr é muni r , l ’ or gani s at i one s tpr ot é gé epar«l ’ ar mé e» et, surtout, par la Sûreté militaire (SM), formée et encadrée par la SM algérienne. La surveillance de la SM –qui compterait environ 3.000 membres - e s tpe r mane nt ee ts ’ e xe r c et outpar t i c ul i è r e me nts url e s étrangers et sur les Sahraouis résidant dans les zones contrôlées par le Polisario qui sont en contact avec eux. La surveillance des étrangers se fait entre autres via le « service du protocole » dont les fonctionnaires seraient tous plus ou moins liés aux services de sécurité. Pours ’ as s ur e rdel abonnet e nuee tdel af i dé l i t édec e uxquis ontaut or i s é s à quitter ces zones, aucun membre du Front nepe uts or t i rde sc ampsave cl ’ e ns e mbl ede s membres de sa famille. Ici aussi, la méthode est de pure inspiration soviétique. Cette atmosphère pesante se traduira notamment par plusieurs purges, dont le but étai tnot amme ntder appe l e ràl ’ or dr el e sme mbr e sdet r i busmi nor i t ai r e s: répression du « réseau des Tekhna » en 1974, du « réseau des Rguibat El Foula » en 1977, de la « Chabaka » en 1982. Ces tensions mèneront à un véritable soulèvement dans les camps, en 1988, soulèvement durement réprimé par une direction qui refusait tout dialogue. Ces quatre grandes vagues de répression interne feront des centaines de t ué se tpr ovoque r ontl ’ ar r e s t at i on e tl adé t e nt i on depl us i e ur sc e nt ai ne sd’ aut r e s 25 Sahraouis dont beaucoup seront soumis à la torture . Ces abus provoqueront des r é ac t i onsj us qu’ au s omme tdu Polisario. Hametti Rabani : « En 1 988,j ’ é t ai s mi ni s t r edel aJus t i c e .Fac eàl ar é pr e s s i on,j ’ air e f us édemet ai r ee tj ’ aif ai tpar t i e d’ ungr ouped’ unedi z ai nededirigeants qui ont rendu visite à Mohamed Abdelaziz [le président de la RASD et Secrétaire général du Front Polisario] pour lui demander dec hange rdemé t hode s .J’ aié t épunie tdé c har gédeme sf onc t i ons .Demi ni s t r ede la Justice, je suis devenu Commissaire politique de la quatrième région militaire. Mai snot r emanœuvr eaf i niparpor t e rque l que sf r ui t s .De uxanspl ust ar d,àpe u pr è s ,j ’ aié t ér appe l ée tonm’ ade mandédem’ oc c upe rd’ unec e l l ul eder é f l e xi ons ur les formes et structures dont devait se doter le Polisario, et en 1995, je suis redevenu mi ni s t r edel aJus t i c e …26 ». Témoignages, déjà cités, de Hametti Rabani et de Mustapha Bouh ; témoignage de Sidati El Ghallaoui, ancien ambassadeur du Polisario, Rabat, 4 août 2005; nombreux témoignages anony me sd’ anc i e nsme mbr e sduFr ontPol i s ar i o,r e c ue i l l i sàRa bate tàPar i s ,j ui l l e te taoût 2005. 25 26 Entretien avec Hametti Rabani, Rabat, 4 août 2005. 24 IV LES QUINZE PREMIÈRES ANNÉES (1974-1991) : DU TEMPS DES VICTOIRES À CELUI DE LA STAGNATION Les premières années du Polisario seront celles qui le verront engranger quelques victoires militaires et de nombreux succès diplomatiques. Dans la foulée de la création du Polisario, ou presque, la naissance de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) est proclamée, le 26 février 1 976,l or sd’ unec onf é r e nc edepr esse près de Tindouf27, en Algérie. Dans la réalité, les structures de la RASD se confondent, à peu de choses près, avec celles du Polisario et son existence est exclusivement théorique :l ’ aut or i t édugouve r ne me nt de la RASD nes ’ é t e ndques urque l que ski l omètres carrés, en Algérie, autour de Tindouf où sont regroupés les camps de réfugiés et les principales infrastructures de la RASD/Polisario. Mais cette existence virtuelle va donner une autre dimension à la lutte du Front Polisario. I V. 1 .D’ i ncont est ables succès politiques et diplomatiques, mais de portée limitée D’ e mbl é e ,l e Polisario et la RASD rencontreront un vif succès auprès de l ’ i nt e l l i ge nt s i adegauc hee ur opé e nne .Unpe upar t out ,de sc omi t é sdes out i e noude solidarité se créent et le « pèlerinage » à Tindouf devient un must de la gauche antiimpérialiste. Au plan diplomatique, la RASD va rapidement engranger les succès. Dès mars 1976, soit quelques jours à peine après sa proclamation, voire le lendemain, plusieurs États reconnaissentl at out ej e uneRé publ i que .I ls ’ agi tdeMadagascar (28.02.76), du Burundi (01.03.76), du Mozambique ( 01 . 03. 76) ,de l ’ Algérie (06.03.76), de l ’ Angola (11.03.76), du Bénin (11.03.76), de la Guinée Bissau (15.03.76), de la Corée du Nord (16.03.76) et du Rwanda (01.04.76). Dans les années qui suivront, d’ aut r e sÉtats emboîteront le pas à ces précurseurs. Tant et si bien que, au plus fort de sa « popularité », la RASD sera reconnue par 79 États. En 1976, elle est admise à l ’ Or gani s at i ondel ’ Uni t éaf r i c ai ne( OUA), comme son 51ème membre, un mouvement quie nt r aî ne r a,hui tanspl ust ar d,l er e t r ai tduMar ocdel ’ or gani s at i ondec oopé r at i on panaf r i c ai ne .Lor sdus omme td’ Addi s -Abeba, le premier auquel les délégués de la RASD aient participé. Ont r ouve r al ec ommuni quédepr oc l amat i onàl ’ adr e s s es ui vant e: http://www.arso.org/03-1f.htm 27 25 Succès diplomatiques28, donc, mais de portée somme toute assez limitée. A quelques exceptions près (Inde, Iran, Mexique, Pérou) ,hor sd’ Af r i que ,auc ungr andpay s ne reconnaît la RASD. Même déception du côté des pays socialistes. Hormis la Yougoslavie « non-alignée », les seuls pays à régime marxiste à reconnaître la RASD – malgré son idéologie affirmée – sont les parents pauvres du camp socialiste : des pays du tiers monde aux dirigeants parfois assez peu fréquentables ( l ’ Afghanistan, la Corée du Nord, Cuba, l ’ Éthiopie de Mengistu, le Mozambique du Frelimo, le Nicaragua sandiniste, le Vietnam, le Yémen du Sud). Et que dire du monde arabe et musulman ?Out r el ’ Af ghani s t an,l ’ I r an de Khomeiny et le Yémen, déjà cités, les seuls pays arabo-musulmans à reconnaître la RASD s ontl ’ Algérie (bien entendu), la Libye, la Mauritanie (en 1984) et la Syrie. Aucun pays européen et, surtout, aucun pays du bloc socialiste ne reconnaît officiellement la nouvelle République, même si certains Ét at sdu bl ocdel ’ Es tl a soutiennent en sous-main. Écoutons Mustapha Bouh : « Il faut être clair, même si le nombre faisait illusion – près de 80 États nous avaient reconnus – cette campagne diplomatique était un échec relatif. Dans le monde arabe et au MoyenOrient, leur espace géopolitique naturel, le Polisario et la RASD étaient très faibles. Mê mel ’ OLP deYas s e rAr af atn’ aj amai ss ouhai t éavoi rder e l at i onsave cnous . Même constat avec le camp socialiste : aucun pays du bloc soviétique ne nous a r e c onnus ,l aChi nenonpl us …29 ». Enf ai t ,s il ’ one xc e pt ec eux que nous avons déjà cités, outre des pays très éloignés du conflit et peut-être assez mal informés de ses tenants et aboutissants (on pense notamment aux Ét at sd’ Amé r i quel at i nee tdel az onePac i f i que )oud’ aut r e ss a ns grand poids politique (le Lesotho, le Cap vert, la Papouasie Nouvelle-Gui né e …) ,l a plupart des capitales qui ouvriront des relations diplomatiques avec la RASD le f e r onts ousl ’ ami c al emai si ns i s t ant epr e s s i ondel ’ Al gé r i e . Deux décennies plus tard, du reste, 26 États ayant reconnu la RASD auront rompu ou gelé leurs relations avec elle.30 I ln’ e mpê c hequel eFront et sa fantomatique République des sables bénéficient de cette vague de reconnaissance et de la sympathie que suscite la cause sahraouie pour avanc e rs url ’ é c hi qui e rpol i t i que ,obl i ge antl ’ ONU àpr e ndr ee nc ompt es one xi s t e nc e e ts ar e ve ndi c at i ond’ i ndé pe ndanc e . Des dizaines de milliers de Sahraouis ayant quitté la région après la Marche verte organisée par le Roi Hassan II e ts ’ é t antr e pl i é se nAl gé r i es er e t r ouve ntdansl a régiondeTi ndoufoùs ’ é t abl i tl abas epr i nc i pal eduPolisario et qui deviendra plus tard la « capitale » provisoire de la RASD.C’ e s tà par t i rde c e sc ampsque l e Polisario va déployer ses activités militaires. La liste des États ayant reconnu le Poli s ar i ope utê t r et r ouvé eàl ’ adr e s s es ui vant e: http://www.arso.org/03-2.htm . 28 29 Entretien avec Mustapha Bouh, Rabat, 5 août 2005. Ces défections ne seront compensées que par de rares ralliements, les deux plus importants é t ant ,s ansnuldout el e spl usr é c e nt s ,c e l uidel ’ Af r i queduSud,l e1 5s e pt e mbr e2004,e tc e l ui du Kenya, le 25 juin 2005. Au 1er septembre 2005, 54 États reconnaissaient la RASD. 30 26 IV.2. Des débuts militaires prometteurs Mais dans les premières années, le Polisario, s ’ i lr e nc ont r e de ss uc c è s diplomatiques, accumule surtout les victoires sur le terrain des opérations. De ce poi ntdev ue ,l ’ hi s t oi r emi l i t ai r eduPolisario peut se décomposer en cinq phases : d’ abor dl ’ appl i c at i on, avec brio, de la stratégie de la guérilla (1974-1976) ; ensuite, apr è s1 976,unes upr é mat i edueàl amê mes t r at é gi emai sr e nf or c é eparl ’ appor te t l ’ ut i l i s at i ond’ ar me me nt ss ophi s t i qué s( 1 976-1980) ; puis une période de reflux et de combats de retardements face à la nouvelle stratégie marocaine (1981-1987) ; ensuite une phase de réorganisation (1987-1992) et, enfin, de 1992 à nos jours, une phase d’ af f ai bl i s s e me nte tdedé c ompos i t i ondel ’ appar e i lmi l i t ai r e . IV.2.1. De 1974 à 1980 : les offensives victorieuses Après quelques coups de mains réussis, le Polisario, dans la deuxième moitié des années soixante-di x,vai nt e ns i f i e rl al ut t ear mé e .L’ ALPS (Armée de libération populaire sahraouie) applique alors avec justesse et détermination la stratégie de la guerre du faible au fort et fait de la guérilla son arme maîtresse. Il peut compter s url es out i e nd’ Al ge r ,quie nt r aî nee te nc adr es e st r oupe s ,e ts urpl us i e ur smi l l i e r sde c ombat t ant s .Lé gè r e me ntar mé s ,bé né f i c i antd’ unee xc e pt i onne l l ec onnai s s anc edu terrain et de ses pistes et les exploitant au mieux, très mobiles, se déplaçant en petites unités ou en colonnes de véhicules tous-terrains, le Polisario apparaît là où on ne l ’ at t e nd pas .I lf r appe vi t ee tf or te tdi s par aî tavantque l ’ e nne min’ ai tpu s e réorganiser et passer à la contre-attaque. Ses deux cibles sont la Mauritanie, qui oc c upel et i e r ss uddel ’ e x-Sahara espagnol (la région de Dakhla) et, bien entendu, le Maroc qui en occupe les deux tiers nord. Le combattant emblématique de cette époque est le commandant Lahbib Ayoub, que la presse surnommera le Giap Sahraoui, par référence au stratège vietnamien qui c has s e r al e sAmé r i c ai nsd’ I ndoc hi ne .Lahbib Ayoub est né en 1951, à Tifariti, au Sud-e s tdeSmar a.Dè sl af i nde sanné e ss oi xant e ,al or squ’ i ln’ apasvi ngtans ,c ef i l s d’ é l e ve urdec hame auxadhè r eàl aHarakat Tharir, une organisation créée par Mohammed Bassiri et qui combat pour la libération du Rio de Oro. En juin 1971, il est arrêté tandis que son ami Bassiri meurt sous la torture aux mains des Es pagnol s .I lpas s eunane npr i s on.Ape i nel i bé r é ,i lr e j oi ntl ’ e nt our agedeel-Ouali Mustapha Sayed e tpar t i c i pe ,moi nsd’ unanpl ust ar d,àl ar é uni onqui ,l e1 0mai 1973, voit naître le Front Polisario. Le 30 septembre 1973, il dirige un audacieux coup de main sur un petit poste espagnol. Ce militaire autodidacte se retrouve, du jour au lendemain, commandant de r é gi onmi l i t ai r ee tme mbr edel ’ é t at -major du Front. Au début de 1975, il appartient à la première promotion de combattants du Polisario à recevoir une formation mi l i t ai r er api dedi s pe ns é eparl ’ ar mé eal gé r i e nnenonl oi ndeBéchar. Après quelques opérations contre les troupes marocaines qui commencent à se déployer au nord du Sahara occidental, Ayoub prend en charge la guerre contre la Mauritanie, le maillon f ai bl edel ’ al l i anc e«anti-Polisario » et vole, avec ses kataëb (unités) de succès en succès : « L’ ar mé emaur i t ani e nnenousé t ai ts upé r i e ur ee nnombr ee te nl ogi s t i que , 27 expliquera-t-il dans la première interview accordée après son ralliement au Maroc, en 2002, mais elle était inférieure en combativité et en organisation31 ». A compter de 1976, le Polisario commence à diversifier ses fournisseurs en armements qui, jusque-l à,s el i mi t ai e ntàl aLi by ee t ,s ur t out ,àl ’ Al gé r i ee ts et our ne, entre autres, vers la Corée du Nord32 . Désormais, et surtout à partir de 1978, les combattants sahraouis pourront compter sur des canons sans reculs, des ZPU de 14,5 mm, des mortiers de 120, des lance-roquettes multiples (« orgues de Staline »), des missiles portables SAM 7, des armes anti-chars RPG 7, etc. Bientôt viendront les blindés T 55, les missiles anti-aériens SAM 6 Gainful autotractés et les transports de troupes blindés BMP et BTR. Dès 1976, c e r t ai ne spi è c e sd’ ar t i l l e r i emont é e ss urde spi c k-up vont accroître la force de frappe du Front. En juillet 1976, Lahbib Ayoub –qui doit une grande partie de son autorité naturelle non seulement à son charisme personnel mais aussi au fait que sa famille forme le clan le plus influent de la fraction des R’ Gui batl eboui hat- fait la démonstration de la bonne utilisation de ces matériels. Pour venger el-Ouali, tué devant Nouakchott le 6 juin 1976, il opère un raid de 400 kilomètres dans le désert, descend de Nouadhibou et occupe brièvement les faubourgs de l ac api t al emaur i t ani e nned’ où s e sc anonss ansr e c ulbombar de ntl apr é s i de nc e .Dur antl ’ anné e1 977,i lmul t i pl i el e s attaques contre le train minéralier blindé de la SNIM (Société nationale de l ’ i ndus t r i emi ni è r e )qui ,t outaul ongd’ unel i gnede700ki l omètres allant de Zouérate à Nouadhibou, transporte le minerai de fer extrait dans le pays vers la côte atlantique e tc ons t i t uel apr i nc i pal ear t è r ei r r i guantl ’ é c onomi emaur i t ani e nne .Enmai1 977,i l s ’ e npr e nddi r e c t e me ntàl avi l l emi ni è r edeZouérate où vivent plusieurs centaines de coopérants français avec leurs familles. Elle est défendue par une garnison de 1.500 hommes, mais avec moins de 300 combattants, il bouscule les lignes de défense, franchit tranchées et fossés anti-c har s ,oc c upel ’ aé r opor te tle centre de la ville et écrase les militaires mauritaniens. Deux Français sont tués, six autres pris en otages. C’ e s te npar t i ei ns pi r éparl e sc ons e i l l e r smi l i t ai r e sal gé r i e nsdi r i gé sparl ec ol one l Liamine Zéroual (qui deviendra président de la République algérienne le 31 janvier 1994) que Ayoub at e nt él ’ ave nt ur e: « Ce sont eux qui ont insisté pour je mène l ’ opé r at i ons urZoué r at ee tpourquej epr e nnede sot age sf r anç ai s .Ens ui t e ,j el e urai rendu compte du déroulement de la bataille33 ». Les Algériens se mêlent très r ar e me ntdi r e c t e me ntauxc ombat s .I l sn’ ontf ai tunee xc e pt i onqu’ e nj anvi e r1 976, avec la bat ai l l ed’ Amgal aau cours de laquelle des troupes algériennes et marocaines s ’ af f r ont e r ontdi r e c t e me nt . Le harcèlement des hommes de Ayoub finit par porter ses fruits. En août 1979, la Maur i t ani edé pos el e sar me se ts er e t i r edu c onf l i t .El l eé vac ueDakhl ae tl ’ Oue d Interview de Lahbib Ayoub par François Soudan, Jeune Afrique-L’ I nt e l l i ge nt , 21 octobre 2002. Ci-dessous, « interview Ayoub ». 31 Entretien avec Mustapha Bouh, Rabat, 5 août 2005 ; entretien avec un officier supérieur de l ’ ar mé ef r anç ai s e ,Par i s ,25j ui l l e t2005. 32 33 Interview Ayoub, déjà citée. 28 Eddahab. Dès le 11 août, les Forces armées royales (FAR) du Maroc occupent la ville. De fait, les FAR ne contrôlent que quelques agglomérations : Boujdour, Dakhla, Laâyoune, Boucraa et Smara. Dans le désert, le Polisario f ai tàpe upr è sc equ’ i lve ut . En janvier 1979, Lahbib Ayoub s epay e r amê mel el uxed’ at t aque rl eMar ocà l ’ i nt é r i e urdes e sf r ont i è r e si nt e r nat i onal e sr e c onnue s ,e ns ’ en prenant à Lemseid puis en occupant la ville de Tan Tan qu’ i loc c upeque l que she ur e save cpl us i e ur sc e nt ai ne s d’ homme s .En 1 980,àRase l -Khanf r ae tdansl eDj e be lOuar kz i z ,i ls ’ e n pr e nd directement aux trois colonnes blindées envoyées du nord pour sécuriser la région et leur inflige de lourdes pertes. « Jus qu’ e n1 980,l as upé r i or i t édel ’ APLS é t ai ti nc ont e s t abl e , nous explique un officier supérieur des FAR, la stratégie appliquée, la supériorité des armements des Sahraouis et leur connaissance et utilisation du terrain nous ont occasionné des pe r t e si mpor t ant e s .C’ e s tà c e mome ntque nous avons c hangé not r e pr opr e stratégie. Plutôt que de disperser nos forces en tentant de protéger chaque ville et de nous épuiser en poursuivant les kataëb del ’ APLSdans le désert, nous avons décidé d’ i mpos e ràl ’ e nne mil ec hoi xduc hampdebat ai l l e .Nousavonsc ons t r ui tl emurde 34 dé f e ns e … ». IV.2.2. De 1981 à 1987 : fixation et reflux Le choix de la construction du mur de défense –en fait, une levée de sable pouvant atteindre trois mètres de haut reliant des positions fortifiées et des « sonnettes » ( pos i t i onsd’ obs e r vat i on) ,di s t ant e sl ’ unedel ’ aut r ede2à3ki l omè t r e s ,e tpar c our ue par des patrouilles –r é s ul t edel ’ obs e r vat i ond’ uner è gl es t r at é gi quemaj e ur e: celle voul antquec e l uide sadve r s ai r e squipar vi e ntài mpos e ràl ’ aut r el ec hoi xduc hamp debat ai l l ebé né f i c i ed’ unavant agec ons i dé r abl e .Enl ’ oc c ur r e nc e ,c e tavant agee s t double. Dans un contexte de guerre non conventionnelle entre une armée classique et unef or c edegué r i l l al é gè r ee tmobi l e ,l ’ avant agevaàl agué r i l l a.Ce r t e s ,c e l l e -ci peut rarement remporter la victoire, mais ses frappes incessantes et souvent imprévues dé mor al i s e ntl ’ adve r s ai r ee tl ’ af f ai bl i s s e ntparl ’ addi t i ondepe r t e sr e l at i ve me nt peu importantes qui, par effet cumulatif, deviennent significatives (attrition). I nc apabl e ,onl ’ avu,depr ot é ge rl e svi l l e se tl e saggl omé r at i onse tdes é c ur i s e rl e ur s lignes de communication, les FAR vont donc adopter une autre approche : rendre le Sahara occidental « étanche »e nl ’ e nt our antd’ unel i gnededé f e ns equigê ne r apui s empêchera les incursions des kataëb ennemies. Ne pouvant plus harceler les troupes mar oc ai ne s ,l ’ APLS en sera réduite à tenter de percer le mur, ce qui nécessite la concent r a t i ondemoye nshumai ns ,mé c ani que se td’ ar t i l l e r i ei mpor t ant s ,uneopt i on contraire aux règles de la guérilla. Les FAR bénéficient ainsi non seulement du choix du champ de bataille mais aussi de celui de la forme que prendra cette bataille : une guerre de pos i t i on c l as s i que dansl aque l l el ’ avant age r e vi e ntà l af or c el a pl us importante et dotée du meilleur appui (artillerie et aviation). Commencée en janvier 1980, la construction du « mur » se poursuivra en six tranches quis ’ é t al e r ontde1 980 à1 987.Une fois achevé, en 1987, le « mur »s ’ é t e ndr ade M’ hami d ElGhi zl ane ( à90 km au Sud deZagor a,àl ’ i nt é r i e urde sf r ont i è r e s internationalement reconnues du Maroc) à Guergarat, sur la côte atlantique. Sur 34 Entretien avec un officier supérieur marocain, Rabat, 8 août 2005. 29 que l que2. 200km,i ll ongel af r ont i è r edel ’ Al gé r ie puis celle de la Mauritanie à une distance pouvant aller de quelques centaines de mètres à plusieurs dizaines de kilomètres, et définit ainsi deux zones : un Sahara occidental « de l ’ i nt é r i e ur», sécurisé par le « mur », et une étroite bande de terrain de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres carrés constituant un noman’ sl andde fait où les troupes du Polisario peuvent se déplacer à leur gré. On notera toutefois que celles-ci, pour descendre du Nord au Sud, ne peuvent faire autrement que de passer, parfois assez longuement, par le territoire mauritanien. Pour éviter de se trouver confrontée à l ’ ar mé eal gé r i e nneou devi ol e rl e sf r ont i è r e smaur i t ani e nne s ,l ’ ar mé emar oc ai ne accompagnera la construction puis la garde du « mur » d’ unenouve l l edoc t r i ne l i mi t antvol ont ai r e me nts ondr oi tdepour s ui t ee nc asd’ at t aque sdel ’ APLS. Le Polisario e tl ’ Al gé r i eonté vi de mme ntc ompr i s ,dè s1 980,quel ac ons t r uc t i ondu « mur » allait bouleverser la donne stratégique locale, et le premier fera tout pour retarderl e st r avauxvoi r e »pours ’ yoppos e r .Dè smai1 980,l e suni t é sdel ’ APLS tentent le franchissement des portions du « mur » qui sont en construction, tuent ou enlèvent les militaires participant aux travaux ou les protégeant, et posent des mines pour gêner leurs mouvements quand elles se retirent. En mars 1981, à Guelta Zemmour, les batteries de missiles anti-aériens autotractées SAM 6 Gainful dont sont désormais dotées certaines kataëb commandées par Lahbib Ayoub abattent un gros porteur C-130, deux chasseurs bombardiers F-5 (surnommé Freedom Fighter parce que les Etats-Uni se né qui pai e ntàl ’ é poquel e ur s al l i é s )e tunhé l i c opt è r edec ombat .De1 982à1 984,l ’ APLS lancera des attaques sur les brèches séparant les différents tronçons du « mur », mais ne pourra empêcher celui-c id’ ê t r eac he vé .«Nous avons tout fait pour remporter des victoires décisives quiaur ai e ntt e l l e me nti ns é c ur i s él ar é gi onquel ac ons t r uc t i ondumurn’ aur ai tpu ê t r eac he vé e ,e te ns ui t enousavonst e nt éd’ e n as s ur e rl ef r anc hi s s e me ntpar des unités légères de harcèlement et de sabotage. Les Algériens continuaient à nous pous s e r ,e tnousavi onsvr ai me ntl ’ i mpr e s s i on que ,parnot r ei nt e r mé di ai r e ,i l s souhaitaient prendre leur revanche sur leur défaite de la « Guerre des sables », vingt anspl ust ôt .Mai snousavonsbi e ndûf i ni rparnousr e ndr eàl ’ é vi de nc e: le mur nous imposait un autre type de guerre. Les Marocains avaient adapté leur stratégie et, à notre tour, nous devions faire de même », se souvient Mustapha Bouh35. IV.2.3. De 1987 à 1991 :réorgani sat i on,baroudd’ honneuretcessezle-feu Après 1987, seules de très rares incursions derrière le « mur de défense » réussiront e nc or e .L’ APLS change alors de stratégie et en vient, comme le souhaitaient les FAR, àun t y pedegue r r epourl e que le l l en’ e s tpasf ai t e:e l l et e nt edes ’ e n pr e ndr e directement aux fortifications marocaines en concentrant des forces importantes. L’ ar mé eduPolisario compte désormais une dizaine de milliers de combattants et est organisée en 7 régions militaires, 3 au Nord, 3 au Sud et une à Tindouf. Au Nord, on trouve la 5ème r é gi on ( pr è sd’ AtBi rLahl ou)e tl a4ème région (près de Meres) 35 Entretien avec Mustapha Bouh, Rabat, 5 août 2005. 30 appuyée, au centre, par la 2ème région « renforcée » et mécanisée de Tifariti. Au Sud, ce sont la 3ème région (Mijeh) et la première (Zoug), appuyées au centre par la 7ème région « renforcée » et mécanisée de Sellâourich. Près de Tindouf, enfin, la 6ème région militaire du Polisario regroupe le commandement et la logistique générale36. Aux attaques nocturnes (rendues possibles par des moyens infrarouges) et accompagnées de poses de mines, font succéder quelques opérations spectaculaires quif ontun pe uf i gur e de bar oud d’ honne urpourl ’ APLS.S’ a ppuy ants urun encadrement de jeunes officiers formés à l’ é c ol emi l i t ai r edeChe r c he l l ,e nAl gé r i e , mais aussi en Yougoslavie et à Cuba, le Polisario t e nt edes ’ adapt e ràl ague r r e conventionnelle que lui impose désormais le Maroc. La dernière grande bataille du Commandant Ayoub aura lieu à Guelta Zemmour, en octobre et novembre 1989 : avec plusieurs dizaines de blindés, il attaque le « mur », le perce mais doit se retirer face aux contre-at t aque sdel ’ avi at i onmar oc ai ne . Le 6 septembre 1991, enfin, intervient le cessez-le-f e ue nappl i c at i ondel ’ ac c or dde paix né goc i ée n1 988s ousl ’ é gi deduSe c r é t ai r egé né r aldel ’ ONU. Ent r e t i e na ve cunof f i c i e rs upé r i e urdel ’ ar mé ef r anç ai s e ,Par i s ,25j ui l l e t2005e tave cun officier supérieur marocain, Rabat, 8 août 2005. 36 31 32 V LES CONSÉQUENCES DU CESSEZ-LE-FEU POUR LE FRONT POLISARIO Tantqu’ i lé t ai ts oumi sàl at e ns i onde sc ombat s ,l eFront Polisario a pu garder une certaine unité, au moinsdef aç ade ,mê mes i ,c ommenousl ’ avonsvu,i lavai té t é s e c ouéparde sdi s s i de nc e si nt e r ne se tmal me néparde spur ge s .L’ é poquel uié t ai t pourtant favorable. En existant sur le terrain militaire, le Front était devenu un acteur régional incontournable. C’ é t ai td’ ai l l e ur ss onbut: « Nousn’ avonsj amai sc r u pouvoi rvai nc r emi l i t ai r e me ntl ’ ar mé emar oc ai ne , indique Lahbib Layoub. C’ e s t unear mé ec ombat i ve ,ave cdegr andsc he f s .Mai ss ansc ombat s ,nousn’ aur i onspas existé sur le terrain diplomatique37 ». La fin de ceux-ci aura des conséquences importantes pour le Front Polisario et sa cohésion. Au début des années quatre-vingt-dix, en tout état de cause, les observateurs militaires et civils de la MINURSO (Mission des Nations Unies pour le Référendum au Sahara occidental) se déployaient dans la zone contestée. V.1. Au plan militaire : démobilisation partielle et reconversion des combattants De pui s1 987e tl ’ ac hè ve me ntdel ac ons t r uc t i ondu«mur de défense », le moral des t r oupe s ,aus e i ndel ’ APLS avait été en déclinant. Epuisés par plus de dix ans de guerre, les combattants comprenaient bien ce que le « mur » signifiait pour eux et quel e ur sbe auxj our sé t ai e ntdé s or mai se nf ui s .L’ abs e nc et ot al edepe r s pe c t i ve sde r è gl e me ntpol i t i quen’ é t ai tc e r t es pas faite pour les réconforter. Certes, la lutte armée avai ts e r v iàpopul ar i s e rl e urc aus e ,mai sauc uns i gneder è gl e me ntn’ é t ai tvi s i bl e . Ceux qui avaient quitté le Sahara espagnol, entre 1973 et 1976, croupissaient toujours dans les camps de la régiondeTi ndoufe t ,pourc equ’ i l se ns avai e nt ,i l spour r ai e nt encore y croupir des années. D’ aut r e sf a c t e ur saggr avai e ntc e t t edé s i l l us i on.Le ss ol dat sdu Polisario s ’ é t ai e nt bi e nbat t us ,c ’ e s ti nc ont e s t abl e ,e ti l sas pi r ai e ntmai nt e nantàl a«paix des braves » et àgoût e rl e sf r ui t sdel e ur se f f or t s .Mai sl e sbl e s s é s ,l e si nval i de sn’ avai e ntpasé t é récompensés. Quant aux familles des morts, elles subsistaient dans le dénuement. Pire :l e se ngagé svoy ai e ntl e sr e t ar dsdepai e me ntdel e ur ss ol de ss ’ ac c umul er. Mais ils voyaient aussi, en revanche, que les chefs du Polisario, eux, vivaient bien. Et be auc oup c omme nç ai e ntà s e de mande rs it ousc e ss ac r i f i c e sn’ avai e ntpasé t é consentis en vain ou, pire, pour permettre à une clique de dirigeants de se pavaner dans les colloques internationaux et les capitales étrangères en dissertant sans fin sur une République sahraouie qui, le « mur » aidant, devenait chaque jour un peu plus virtuelle38. 37 Interview Ayoub, déjà citée. 33 Une partie notable des combattants choisira alors, plutôt que de rentrer dans les c ampsoùl ’ at mos phè r epol i t i que ,onl ’ av u,e s tpe ur e s pi r abl e ,des er e pl i e rs url a Maur i t ani e .Ce r t ai ns s ’ y mar i e r ont e ty c r é e r ont de sf ami l l e s ,l a pl upar ts ’ y adonneront au commerce. Certes, ces départs ne sont pas des désertions, des discussions ont eu lieu avec la direction, et ceux qui privilégiaient « l ’ adi e u aux armes » ont promis de revenir sous les drapeaux au cas où la situation justifierait une nouvelle mobilisation. La direction, elle, a préféré fermer les yeux :d’ unepar t ,l a nouvelle situation née du cessez-le-feu ne nécessitait pas le maintien sous les armes de 1 0. 000 c ombat t ant se t ,d’ aut r e par t ,l ef ai t qu’ i l sc hoi s i s s e nt de r ompr e dé f i ni t i ve me ntl e sr angsal l é ge ai tc ons i dé r abl e me ntl epoi dsf i nanc i e rdel ’ e nt r e t i e n del ’ APLS. One s t i mequepr è sde60% de se f f e c t i f sdel ’ APLS, soit 6.000 hommes, ont alors choisi de se replier vers la Mauritanie. Moins de dix ans plus tard, en 2000, lorsque la direction sonnera le tocsin et appellera à la mobilisation générale des effectifs pour s ’ oppos e raupas s agedur al l y ePar i s -Dakar par le Sahara occidental, moins de 50% de ceux qui étaient partis après 1991 répondront présents39. Mais il fallait malgré tout compenser certains de ces départs volontaires, ne fût-ce que pour que les « Régions militaires » puissent faire illusion et être dotées des e f f e c t i f s mi ni mums l e ur pe r me t t ant de f onc t i onne r . La di r e c t i on de l ’ APLS c omme nç adoncàr e c r ut e rde sj e une sge nspe uf or mé se tn’ ay antauc unee xpé r i e nc e du combat. Laf or c ee xac t edel ’ APLS, au plan militaire, reste à ce jour un secret bien gardé par la direction du Polisario.Se l onc e r t ai ne se s t i mat i ons ,l ’ ar mé eduFront, qui a compté au moins 10.000 hommes –et peut-être, selon certaines sources, près de 20.000 à son heure de gloire - serait aujour d’ huir é dui t eàque l que smi l l i e r sdec ombat t ant s . Certaines estimations font état de 2.000 à 4.000 hommes40. Mustapha Bouh souligne que « En1 980,unec ompagni edel ’ APLSé t ai tas s e zpr oc hede snormes en vi gue ur dans l ’ ar mé ef r anç ai s ee tc ompt ai tdonc de100 à 120 combattants. Auj our d’ hui ,d’ apr è s me si nf or mat i ons ,l a mê me c ompagni ec ompt e par f oi s s e ul e me nt32homme s .D’ apr è sl e smê me ss our c e s ,i ldoi tyavoi rmoi nsde500 homme sparr é gi onmi l i t ai r e …41 ». Ce si mpr e s s i onsonté t ér e c ue i l l i e sauc our sd’ e nt r e t i e nsave cde sanc i e nsc ombat t ant sdu Pol i s ar i o,auMar oce te nEur ope ,dansl ec our antdel ’ é t é2005. 38 Ce sc hi f f r e sr é s ul t e ntd’ e s t i ma t i onsquinous ont été communiquées par des militaires français familiers avec les questions du Maghreb. 39 Chi f f r e sr e c ue i l l i saupr è sd’ e x pe r t smi l i t ai r e se ur opé e nse tamé r i c ai nsf ami l i e r save cl a situation dans le Maghreb. 40 41 Entretien avec Mustapha Bouh, Rabat, 5 août 2005. 34 35 V.2. Au plan diplomatique :l ’ enl i sement des tentatives de règlement international Politiquement, une étape importante semblait avoir été franchie lorsque le Maroc et le Polisario avai e ntt ousde uxe nt é r i nél epr i nc i ped’ unr è gl e me ntdel e urdi f f é r e nd s ousl ’ é gi dedel ’ ONU,ac c or d qui avait débouché sur le cessez-le-feu de 1991. Mais la s i t uat i onal l ai tr api de me nts ’ e nl i s e rdansde spol é mi que ss ansf i n.Ai ns i ,s il e sde ux par t i e ss ’ e nt e ndai e nt pour ac c e pt e rl ’ i dé e d’ un r é f é r e ndum, i l s di ve r ge ai e nt totalement sur les étapes intermédiaires devant conduire à celui-ci et, surtout, sur le nombre de personnes à consulter. Tout tournait autour de la question « qui est Sahraoui ? » et, donc, « qui peut voter ? » Tant bien que mal, il fut admis que cinq catégories de votants pouvaient être acceptées : 1) Les personnes mentionnées dans le recensement espagnol de 1974 (qui comptait 74.000 noms, portés à 80.000 par le méticuleux travail de la MINURSO). 2)Le spe r s onne snonr e c e ns é e se n1 974mai say antdi s pos édepapi e r sd’ i de nt i t é délivré sparl ’ aut or i t éc ol oni al e . 3) Les parents et enfants des deux premières catégories. 4) Les personnes pouvant prouver que leur père était né sur le territoire. 5)Tout epe r s onnepouvantpr ouve rqu’ e l l eav ai tr é s i dés url et e r r i t oi r eavant1 974 pendant 6 années consécutives ou 12 années par intermittence. L’ é t abl i s s e me ntdec e sc r i t è r e s ,pui sl amani è r edel e sappl i que ral l ai e ntdonne rl i e uà d’ i nt e r mi nabl e s di s c us s i ons ,c ont e s t at i ons e tr e c our s di ve r se nt r e Rabat e tl e Polisario. En fait, dès le départ, le Polisario ne souhait voir participer au référendum que les personnes inscrites sur les listes de 1974 confectionnées par les Espagnols à la fin de l e urpr é s e nc e .Or ,l e sc ondi t i onsdansl e s que l l e ss ’ e s tdé r oul él er e c e ns e me ntde1 974 sont extrêmement discutables : il a été réalisé, sous les ordres du Colonel Emilio Cue vas ,parunequar ant ai nedef onc t i onnai r e sdi s pos antd’ unevi ngt ai nedevé hi c ul e s e tquin’ ontc ons ac r éàc e t t emi s s i onquet r oi ss e mai ne s .Out r el ef ai tquel e sl i s t e s originales sont t r è spr obabl e me nti nc ompl è t e s ,onpour r ai ts ’ i nt e r r oge ràbondr oi t s url epoi ntdes avoi rs ’ i le s tpol i t i que me ntpos s i bl edef ai r e ,e n2005oue n2006,un référendum sur base de listes de votants établies trente ans plus tôt ! Par ailleurs, s ’ agi s s antdel ’ ave ni rd’ unt e r r i t oi r es url e que lvi ve ntde sSahr aoui smai saus s ide s non-s ahr aoui s ,onpe uts ’ i nt e r r oge rs url ef ai tdes avoi rs ’ i le s tnor maldedé c i de rde son avenir sans demander leur avis à ceux de ces derniers qui y vivent depuis un certain laps de temps. Unaut r epoi ntmé r i t e ,i c i ,d’ ê t r es oul e vé .Onnepe utr ai s onnabl e me ntpe ns e rr é gl e r l aque s t i ondel ’ ave ni rduSahar aoc c i de nt alparunr é f é r e ndum «àl ’ e ur opé e nne» qui se terminerait, par exemple, par une majorité de 2% ou 3% dans un sens ou dans l ’ aut r e .Lanat ur et r i bal edel as oc i é t és ahr aoui ee ts onmanqued’ e xpé r i e nc edel a 36 dé moc r at i ei ndi que ntc l ai r e me ntqu’ i le s tné c e s s ai r e ,pour t outr è gl e me ntqui pas s e r ai tparl emoder é f é r e ndai r e ,dedi s pos e rd’ unel ar gemaj or i t édansl ’ e ns e mbl e de lapopul at i onmai saus s iàl ’ i nt é r i e urdec haquet r i bu.Sansc e l a,l er i s ques e r ai t t r è sr é e ldevoi rl ’ uneoul ’ aut r et r i bur e j e t e rpur e me nte ts i mpl e me ntl er é s ul t atdel a c ons ul t at i on e tr e f us e rdes ’ yc onf or me r .Ce sr é al i t é sontame nédepl use n pl us d’ experts, y compris certains qui ont longuement travaillé sur la préparation du r é f é r e ndum,c ommeEr i kJe ns e n,l ’ unde sanc i e nsr e s pons abl e sdel aMI NURSO,à mettre en doute cette solution (nous aborderons cette question dans la conclusion de la présente étude). En1 997,l eSe c r é t ai r egé né r aldel ’ ONU,Kofi Annan, nommait un « envoyé spécial personnel » pourl ar e c he r c hed’ un r è gl e me ntné goc i éau Sahar aoc c i de nt ale nl a pe r s onnedel ’ anc i e nSe c r é t ai r ed’ Ét atamé r i c ai nJames Baker. En juin 2001, M. Baker proposait son plan de règlement (Plan Baker 1) qui prévoyait une période intermédiaire de cinq ans avec autonomie interne du Sahara dans la cadre du royaume du Maroc puis un référendum. Alger et le Polisario rejetaient cette proposition, pourtant faite sienne par M. Annan, qui avait le désavantage, à leurs y e ux,d’ i nc l ur edef ac t ol eSahar adansl eMar oc . Deux ans et demi plus tard, en janvier 2003, James Baker proposait un deuxième plan de règlement (Plan Baker II) : durant 5 ans, le Sahara serait géré par une Autorité du Sahara occidental ( ASO)r e s pons abl edumai nt i e ndel ’ or dr e ,du commerce, des transports, etc., mais Rabat conserverait la souveraineté sur le territoire et garderait les compétences relatives à la Défense nationale et aux Relations extérieures. Nouveau blocage, du côté de Rabat cette fois, qui considère que le plan proposé est inapplicable et propice à la déstabilisation de toute la région. Le 11 juin 2004, James Baker,c ons t at antqu’ i lnef ai s ai tpl usl ’ unani mi t é ,pr é s e nt ai ts a démission. Bref, depuis 1988, le cheminement vers un règlement négocié sous égide i nt e r nat i onal en’ apaspr ogr e s s éd’ uni ot ae tl e sde uxPlans Baker ont abouti à un retour pur et simple à la « case départ », chacun campant sur des positions inconciliables. Certains experts (encore fort discrets pour le moment) commencent donc à explorer d’ aut r e svoi e s .Etàpos e rl aque s t i onquis e mbl ai tt ot al e me ntt abouei lyadi xa ns encore : le respect des droits des Sahraouis passe-t-il obligatoirement par la création d’ un État indépendant ? C’ e s tnot amme ntl ec asd’ Olivier Pierre Louveaux, j ur i s t ee tanc i e ne xpe r taupr è sdel ’ As s e mbl é epar l e me nt ai r edel ’ Organisation de Sécurité et de Coopération en Europe (OSCE) : « I le xi s t ed’ aut r e sopt i onsque l ’ i ndé pe ndanc epouratteindre la liberté à laquelle tend légitimement tout peuple. Celles-c is ont ,par e xe mpl e ,l ’ aut onomi er é gi onal ef or t e ou moi ns f or t e ,l a répartition des compétences afin de gérer ce qui concerne proprement un peuple, unemi nor i t é … C’ e s td’ ai l l e ur sve r sc e la que les organisations internationales telles quel ’ ONUoul ’ OSCEt e nde ntaf i ndenepass edi r i ge rve r sunes i mpl i f i c at i ondet e l s conflits. Celle-c i[ l as i mpl i f i c at i on]pour r ai tc ons t i t ue re nl ’ i dé equ’ un t e r r i t oi r e uni quenepe utac c ue i l l i rqu’ uns e ulpeuple ou nation et inversement. Ceci amène souvent des difficultés telles que, par exemple, la création de nouvelles minorités au s e i ndec e snouve auxEt at s .Lec onc e ptd’ Et at -nat i one s td’ ai l l e ur spar t i c ul i è r e me nt 37 impropre à la zone méditerranéenne où, depuis toujours, ont coexisté très étroitement différentes ethnies42 ». On constatera, en tout cas, que cette voie semble être, depuis quelques années, celle que souhaite emprunter le royaume du Maroc. En septembre 1999, le Roi Hassan II mettait en place une « Commission royale de suivi des affaires sahariennes » à laquelle participaient des personnalités du Sahara. Par ailleurs, depuis les années quatre-vingt, de vastes programmes de mise en valeur des « Provinces du Sud » (pour utiliser la terminologie en cours à Rabat) ont été lancés et plusieurs milliards de dol l ar sonté t éi nve s t i sdansl ac ons t r uc t i ondel ’ aé r opor tdeLaây oune ,dansc e l l ede ports de pêche, dans la création de 1.650 kilomètres de réseau routier, de milliers de logements, de dizaines d’ é c ol e se tdede uxhôpi t aux. V.3. Au plan organisationnel :scl éroseprogressi ved’ un mouvementri gi deetpeuencl i nàl ’ évol ut i on Au plan politique et au plan social, le Polisario a énormément souffert de ces années où il a vu la concrétisati ondes onpr oj e tnat i onals ’ é l oi gne r .Auj our d’ hui ,i ls epor t eà peine mieux que son armée. Ladé moc r at i e ,nousl ’ avonsdé j àvu,n’ aj amai sé t él epoi ntf or tduPolisario. Mais l e sanné e sdegue r r epui sc e l l e sdel ’ e nl i s e me nts e mbl e nt ,d’ apr è st ousl e sacteurs et obs e r vat e ur save cl e s que l snousa v onspunouse nt r e t e ni r ,avoi raggr avél ’ i s ol e me nt et la rigidité de la direction du Polisario/RASD. Pierre Olivier Louveaux remarque que « LeFr ontPol i s ar i os ’ af f ai bl i s s antave cl e temps et perdant son empris es ur l e sr é f ugi é s ,s e doi td’ agi re tde t r ouve r rapidement une solution au problème sahraoui. Depuis la chute du mur de Berlin, les soutiens des pays amis et la motivation idéologique au sein des camps se sont af f ai bl i s .La s i t uat i on ac t ue l l es ’ e s tf or t e ment dégradée. Le mouvement est désormais gouverné par quelques personnes qui visent prioritairement leurs i nt é r ê t spe r s onne l sdansl ac onc l us i onduc onf l i t …43 ». Et plus loin, remarquant que, mis à part les défections, la direction du mouvement semble ina movi bl e ,dansl ame i l l e ur et r adi t i ondudé f untbl ocdel ’ Es t ,i laj out e: « Les r e s pons abl e sduPol i s ar i os ’ é c hange ntdemani è r epé r i odi quel e sdi f f é r e nt spos t e sà r e s pons abi l i t é .I le s tdi f f i c i l edes avoi rs ’ i le xi s t e ,aus e i nde sdi r i ge ant s ,di f f é r e nt e s t e ndanc e spol i t i que soude si nt é r ê t spar t i c ul i e r squis ’ oppos e nt .I ls e mbl equel e s dirigeants, tous ou seulement une partie, profitent largement de la situation actuelle pouras s e oi rl e urpouvoi rpol i t i ques oc i ale té c onomi que .Lef ai tqu’ i l ss ec ons i dè r ent c ommedi r i ge ant sd’ unEt atave ct e r r i t oi r ee tpopul at i on,e tdansl emê met e mps Ra ppor td’ Ol i vi e rPi e r r eLouve aux,LeSahar aOc c i de nt alauj our d’ hui , qui peut être trouvé àl ’ adr e s s es ui vant e: http://medea.be/print.html?page=&lang=fr&doc=1568 . Désigné cidessous comme « Rapport Louveaux ». Voir aussi, du même auteur Self Determination and Autonomy : a contradiction ? in Third collection of essays on Mediterranean security, s é mi nai r edeRhode sdel ’ As s e mbl é epar l e me nt ai r edel ’ OSCE,2004. 42 43 « Rapport Louveaux », déjà cité, page 3. 38 c ommer é f ugi é sayantbe s oi n d’ uneai dehumani t ai r epours ur vi vr er é vè l eune dualité sur laquelle ceux-ci jouent adroitement44 ». Les anciens dirigeants, ralliés au Maroc, du Front Polisario, font le même constat. Hametti Rabani, ancien ministre de la Justice : « Malgré le semblant de dialogue e nt r el abas ee tl adi r e c t i on,quis ec onc r é t i s eàt r ave r sl ’ e xi s t e nc ede sdé l é gué sdu pe upl e ,l epouvoi rc ont i nueàs ’ e xe r c e rdemani ère opaque. Les décisions vitales sont prises en petit comité, sans réel dialogue. Mohamed Abdelaziz, président inamovible de pui s1 976,s oi tpr e s quet r e nt eansmai nt e nant ,dé c i dee ns ’ e nt our antdes e s proches et prenant ses conseils ou ses ordres à Alger. Ceux qui le contestent sont écartés ou soumis à des « enquêtes de sécurité ».Ce r t e s ,l ’ é poquede sgr andsabus , c ommel ’ as s as s i natoul at or t ur es ys t é mat i quede soppos ant s ,s e mbl er é vol ue ,mai s le pouvoir reste concentré entre les mains de quelques-uns qui n’ e nt e nde ntpasl e l âc he r …45 ». Sidati El Ghallaoui, ancien diplomate de la RASD,qu’ i lar e pr é s e nt é e ,e nt r e autres, à Rome et à Malte : « Cet exercice solitaire du pouvoir par une direction confinée dans ses villas et dont certains membres ne mettent même plus les pieds dans les camps de réfugiés, a induit une grande méfiance de la part de la population dec e sc amps .Auj our d’ hui ,i lyape udevé r i t abl e soppos ant sc arl e sge nsc ont i nue nt à avoi rpe ur .Mai si l sn’ at t e nde ntpl usr i e n del e urdi r e c t i on.On assiste à un vé r i t abl edi vor c ee nt r el es omme te tl abas e …46 ». Mustapha Bouh, ancien Commissaire politique des armées47, estime que ce divorce et les dissensions au sein de la direction ont commencé dès la fin de la construction du « mur de protection » : « C’ e s tàpar t i rdec emome nt -là, quand le mur a été ac he vé ,e n1 987,que l e s di ve r ge nc e s ontr é e l l e me ntc omme nc éà s ’ ampl i f i e r . Ce r t ai nsd’ e nt r enousontc ons t at équenousé t i onsdansunei mpas s ec arnous avions perdu notre capacité de frappe et nous comprenions que cela diminuerait d’ aut antl apr e s s i onquenouspouvi onse xe r c e r ,aupl ani nt e r nat i onal ,e nvued’ un règlement politique négocié. En revanche, du côté marocain, la situation se dé t e ndai t .I lyavai tde souve r t ur e sdel apar td’ Has s anI Ie tnousétions quelquesunsà c omme nc e r à pe ns e r qu’ i lpouvai te xi s t e r une s ol ut i on à l ’ i nt é r i e urde s institutions marocaines, avec une autonomie assez large pour le Sahara. Par ai l l e ur s ,l aGue r r ef r oi des ’ ac he vai te tnosr é f é r e nc e si dé ol ogi que s ,c e l l e squiavai e nt pr é s i déàl af ondat i onduPol i s ar i o,s ’ e f f r i t ai e ntdavant agedej oure nj our .En1 988, il y a eu des troubles graves dans les camps, qui ont été réprimés avec sauvagerie. Il f al l ai te nf i ni r …48 ». 44 Idem, page 4. 45 Entretien avec Hametti Rabani, Rabat, 4 août 2005. 46 Entretien avec Sidati El Ghallaoui, Rabat, 4 août 2005. I laoc c upé ,de1 976à1 991 ,denombr e us e saut r e sf onc t i onsquil ’ ontpl ac éauc œurdu pouvoir au sein du Polisario et de la RASD : directeur de la radio nationale, gouverneur de c ampsder é f ugi é s ,di r e c t e urdu pr ot oc ol e ,r e s pons a bl edel ’ or gani s at i on «de front » des travailleurs sahraouis, etc. 47 48 Entretien avec Mustapha Bouh, Rabat, 5 août 2005. 39 Pour autant, le Polisario faisait tout pour convaincre sympathisants, bailleurs de f ondse ts out i e nspol i t i que squ’ i lgar dai tbi e nl e sc hos e se nmai ne tquet outs epas s ai t pour le mieux dans les camps. Quitte à manipuler les visiteurs. Ainsi Mustapha Bouh se rappelle : « Lor s quej ’ é t ai sr e s pons abl edupr ot oc ol e ,e n1 989,j em’ oc c upai s de svi s i t e sdedé l é gat i onsof f i c i e l l e s .I lm’ ar r i vai t ,c e r t ai nsj our sf as t e s ,d’ e npi l ot e r deux ou trois différentes. Aux communistes, je montrais des femmes à l ’ e nt r aî ne me ntmi l i t ai r e ,auxdé l é gué sd’ or gani s at i onshumani t ai r e s ,des femmes di gne st e nt antd’ é l e ve rl e ur se nf ant sdansl edé nue me ntl epl usc ompl e t .Le ss oc i auxdé moc r at e savai e ntdr oi tàde sf e mme ss ’ i mpl i quantdansl et r avai ls oc i ale tquand venait le tour de la délégation iranienne, je leur faisais voir des femmes voilées et s oumi s e s .Enf ai t ,c ’ é t ai tl e smê me sf e mme squic hange ai e ntder ôl eàl ade mande . Nous avions construit une organisation en trompe-l ’ œi l ,apt eàmont r e ràc hac unc e qu’ i l voul ai t voi r . C’ é t ai t une vé r i t abl ee s c r oque r i e mor al e , mai se l l eé t ai t représ e nt at i vedec equ’ é t ai tde ve nul ePol i s ar i o…49 » Mensonge et opacité, telle est également la conclusion du commandant Lahbib Ayoub : « Abde l az i zs e mé f i e de t outl e monde .I lvi te nt our é d’ une gar de prétorienne de quarante personnes et ne compte plus que sur ses services de renseignement et sur une gendarmerie à sa dévotion. Le secrétariat national ne se réunit que tous les six mois pour entériner les décisions prises par le président. Jamai s ,de pui squ’ Abde l az i ze s taupouvoi r ,l aque s t i onduf i nanc e me nt du Polisario 50 ». n’ af i gur éàl ’ or dr eduj our .L’ ar ge nt ,c ’ e s ts ons e c r e t ,l et aboude st abous V.4. Au plan civil : la vie dans les camps de réfugiés de Tindouf Alors que la direction du Polisario est concentrée au camp de Rabouny, à 23 km au Sud-est de Tindouf, les réfugiés, eux, sont abrités dans quatre camps distants c hac und’ e nvi r on20à25km deRabounyet rebaptisés du nom de villes du Sahara occidental. Du Nord au Sud, ce sont les camps de Al-Aayun, Aousserd, Smara et Dakhla. Plusieurs observateurs et travailleurs humanitaires ou de sympathisants du Front Polisario qui ont pu se rendre régulièrement dans ces camps depuis une quinzaine d’ anné e snousontdi tavoi ré t éf r appé sparl adi s c i pl i nemi l i t ai r equiyr è gne ,l a présence visible ou invisibl ede ss e r vi c e sdes é c ur i t ée tl ’ at mos phè r eder é s i gnat i on voire de désespoir qui y est palpable. Certains ont également constaté de criantes inégalités. Selon Pierre Olivier Louveaux,qui s ’ e s tr e ndu da ns l e sc amps s ous l ec ouve r t d’ une mi s s i on humanitaire, et qui confirme la différence de traitement entre réfugiés, le Polisario a mis en place un « système de clientélisme qui permet aux dirigeants de garder une emprise forte sur la population. Les personnes ont très peu de droits établis. Tous doivent quémander les faveurs des dirigeants. Ces faveurs peuvent consister en, par e xe mpl e ,uneopé r at i on mé di c al eà l ’ é t r ange r ,de sé t ude s ,un e mpl oiau s e i n du 49 Idem. 50 Interview Ayoub, déjà citée. 40 Front Polisario, le droit de sortir des camps et, probablement également des faveurs économiques 51». Ondi s t i ngue r ai tdè sl or s ,t ouj our sd’ apr è sLouveaux, deux sortes de personnes au sein des camps de Tindouf : « Certains des proches du pouvoir ont accès à une vie pl usoumoi nsc onf or t abl ee tpe uve ntàl ’ oc c as i ons or t i rdel az oneal gé r i e nne .I l sont notamment la télévision satellite, beaucoup ont une voiture 4X4 et un certain c onf or tdevi equ’ i le s ts ur pr e nantder e nc ont r e rdansl e sc ampsder é f ugi é s .Sil a l i be r t épourc e r t ai nss el i mi t eàf ai r educ omme r c eave cl aMaur i t ani e ,d’ aut r e sont pu mettre tous l e ur se nf ant sdansde si nt e r nat se nSui s s e .L’ aut r ec at é gor i evi tde mani è r et r è sr udi me nt ai r ee tn’ adr oi tàpr e s quer i e n.I le s tdi f f i c i l ed’ e s t i me rl e ur s réelles conditions de vie. Le Front Polisario limite au maximum les contacts que les étrangers pourraient avoir avec cette catégorie de la population, réelle victime de ce conflit, otage du Front Polisario52 ». Les étrangers de passage, rappelons-l e ,s onté t r oi t e me nts ur ve i l l é s ,mê mes ’ i l sn’ e n ont pas toujours conscience et peuvent penser évoluer dans une certaine liberté, par les services de sécurité du Front de même que par la Sécurité militaire algérienne. Ce t t es ur ve i l l anc es ’ e f f e c t uevi al es e r vi c edupr ot oc ol e .Etc e ,ave cd’ aut antpl usde facilités que, comme le souligne Louveaux : « Etant donnée la situation de paranoïa généralisée suite au conflit qui les oppose au Maroc, certaines zones ou certains mouvements sont considérés comme de « sécurité nationale ». Le Front Polisario manie habilement ce concept de situation de crise pour éviter de clarifier certains points ou pour justifier certains de leurs contrôles ou surveillances53 ». Évoquantc ec ont r ôl e ,l ’ or gani s at i on dedé f e ns ede sdr oi t sdel ’ hommeHuman Rights Watch (HRW) notait en 1995 : « Il y a des points de contrôle du Polisario autour duc ampe tde spos t e sdec ont r ôl eal gé r i e nsgar dantl ’ e nt r é edeTi ndoufqui est située dans une zone militaire algérienne. Bien que la représentante de HRW fut encouragée par les membres du Polisario à se déplacer librement dans les camps et à parler à qui e l l el evoul ai t ,l ’ i s ol e me ntde sc amps ,l edé s e r thos t i l ee tl ’ abs e nc ede moyens de transports rendent tout visiteur dépendant du Polisario pour ses déplacements54 ». L’ abs e nc edel i be r t é spol i t i que sf ondame nt al e saé t éc ons t at é e ,auf i lde sanné e spar plusieurs organisations spécialisées et soulignée, en 2000, par le Département d’ Et ataméri cai n: « Dur antl ’ anné e ,Amne s t yi nt e r nat i onale tde sar t i c l e sde presse de médias marocains ont souligné la détérioration de la situation dans les camps du Polisariopr oc he sdeTi ndouf … où l al i be r t éd’ e xpr e s s i on,d’ as s e mbl é e 55 pac i f i que ,d’ as s oc i at i one tdemouve me ntr e s t et r è sl i mi t é e ». 51 « Rapport Louveaux », déjà cité, page 5. 52 Idem. 53 Idem, page 4. 54 Cer a ppor tpe utê t r ec ons ul t éàl ’ a dr e s s es ui v a nt e:http://www.hrw.org/reports/1995/wsahara.htm U.S. Department of State, Bureau of Democracy, Human Rights and Labor, Country Reports on Human Rights Practice, Western Sahara, 23 février 2001. Ce rapport peut être t r ouvéàl ’ adr e s s es ui vant e: http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2000/nea/825.htm 55 41 Même constat dans le rapport 2002 : « Le Polisario aurait limité les libertés d’ e xpr e s s i on,d’ as s e mbl é epac i f i que ,d’ as s oc i at i on et de mouvements dans ses camps proches de Tindouf. En juin, des membres de deux ONG représentant des Sahraouis qui ont quitté les camps du Polisario ont rencontré, à Laâyoune, des diplomates étrangers et leur ont fourni des photographies de victimes de torture et des documents alléguant que des abus avaient été commis dans la région de Tindouf56 ». Une affirmation répétée dans le rapport 2004 (rendu public le 28 février 2005) du U.S. Department of State, Bureau of Democracy, Human Rights and Labor57. V.5. Défections et ralliements Lec l i matpol i t i que me ntoppr e s s antquis ’ e s tdé ve l oppéde pui s20ansdansl e sc amps de Tindouf et au sein même de la direction du Polisario et de la RASD,l ’ abs e nc ede dé moc r at i ee tl emanquedepe r s pe c t i ve sd’ ave ni rontentraîné, depuis le début des années quatre-vingt-di xe tl af i n de l ’ ave nt ur e mi l i t ai r e ,nombr e de dé f e c t i ons . D’ aut antque ,dè sl af i nde sanné e squat r e -vingt, le Roi Hassan II lançait un « appel aux frères égarés pour regagner la patrie clémente et miséricordieuse ». Mê mec he zl e sdi r i ge ant s ,l ’ appe laé t ée nt e ndu,pl usoumoi nsr api de me nt .L’ unde s pr e mi e r sà r e nt r e rs e r al ’ anc i e n Commi s s ai r e pol i t i que aux ar mé e s ,Mustapha Bouh : « Jemepos ai sde sque s t i ons ,j epe ns ai squenot r epr at i quen’ é t ai tpl use n adéquation avec la réalité du moment et que nous étions en train de laisser passer notre chance de vraiment faire bouger les choses dans le bon sens pour les Sahr aoui se tj en’ ac c e pt ai spl usl emanquedel i be r t é .QuandHas s anI Iadé c l ar éque tous ceux qui rentreraient au pays et accepteraient la souveraineté du Maroc pour r ai e ntj oue runr ôl e ,j emes ui sdé c i dé .En1 991 ,j es ui sr e t our néauMar oc …58 ». D’ aut r e sontpr i spl usdet e mpspours ai s i rl amai nquil e uré t ai tt e ndue ,c omme Hametti Rabani : « J’ avais perdu confiance dans le mouvement et dans Mohamed Abdelaziz dès la fin des années quatre-vingt-di x,j ’ air é f l é c hide uxout r oi sanse tj ’ ai fini par arriver à un constat terrifiant. Les treize dernières années, nous, le Polisario, nous avions dirigé la vi equot i di e nned’ unnombr edepe r s onne squi ,e n réalité, ne dépassait que de peu les 10% du total des Sahraouis. La sécurité était as s ur é eparunpaysami ,l ’ Al gé r i e .Lanour r i t ur eé t ai tf our ni eparl e sor gani s at i ons humani t ai r e s ,l ’ e ns e i gne me nts ef ai s ai tà l ’ é t r ange roù é t ai tas s ur épard’ aut r e s humani t ai r e s ,not r es ant édé pe ndai t ,e l l eaus s i ,d’ aut r e spays .Nousc ont r ôl i onsune z onequi ,danss apl usgr andel ar ge ur ,nedé pas s ai tpasl e s1 50km e tnousn’ é t i ons pasc apabl e sd’ appor t e rl e svi vr e se tl ’ e au que nous recevions en temps et en heure à U.S. Department of State, Bureau of Democracy, Human Rights and Labor, Country Reports on Human Rights Practices, Western Sahara, 2002, rendu public le 31 mars 2003: http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2002/18292.htm 56 Country Reports on Human Rights Practices, Western Sahara. Ce rapport peut être trouvé àl ’ adr e s s es ui vant e: http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2004/41735.htm 57 58 Entretien avec Mustapha Bouh, Rabat, 5 août 2005. 42 chacun qui en avait besoin. Pire :dé c har gé sdet ousl e ss ouc i sdege s t i on d’ un véritable Etat – pui s qued’ aut r e ss ’ e n oc c upai e ntpournous– nous avions été i nc apabl e sd’ appor t e rl adé moc r at i eànot r epe upl ee tde le faire vivre dans des conditions normales. Enfin, nous étions divisés par des rivalités tribales et claniques par f oi svi ol e nt e s .J’ ar r i vai sdoncàunec onc l us i ont e r r i bl equir e me t t ai te nc aus e mone ngage me ntde st r e nt ede r ni è r e sanné e s .Sinousn’ avi onspaspuf ai r ec equ’ i l fallait pour quelques dizaines de milliers de réfugiés, comment pouvions-nous prétendre être efficaces pour diriger un immense territoire peuplé de centaines de milliers de personnes ? Nous ne pouvions que faire le malheur de notre propre pe upl e .S’ i lyavai te uunr é f é r e ndum s url ’ i ndé pe ndanc e ,àc emome nt -là, en mon âme et c ons c i e nc e ,j ’ aur ai sdûvot e r«non ».Al or s ,j ’ aidé c i dédeme t t r ef i nàma par t i c i pat i onàc e t t edange r e us eut opi ee tj es ui sr e nt r é …59 ». Depuis la fin des combats, pour une raison ou pour une autre, des milliers de réfugiés sahraouis ont décidé de quitter Tindouf et de regagner le Maroc ou, pour une mi nor i t éd’ e nt r ee ux,depar t i re ne xi làl ’ é t r ange r .Par mie ux,de sc e nt ai ne sdec adr e s de tous niveaux et des dizaines de dirigeants et de responsables en vue. Au nombre de ces derniers ( c e t t el i s t en’ e s tpase xhaus t i ve ) : Ahmed Moul ayM’ Hamed, dit Ahmed Cherif, ancien chef des services de sécurité. Le commandant Ayoub Lahbib, membre fondateur du Polisario. Baba Mustapha Sayed, représentant du Polisario au Canada. Bahir Dkill, membre fondateur du Polisario, ancien représentant de l ’ or gani s at i ondanspl us i e ur spays . Brahim Hakim, ancien ministre et représentant du Polisario en Amérique du Nord. Ghaouta Mohamed Ahmed Baba, un des responsables du recensement. Ghoulam Najem Mouichame, représentant en Allemagne. Guajmoula Bent Ebbi, anc i e nme mbr eduBur e aupol i t i que ,e tauj our d’ hui députée marocaine. Mohamed Salem Khatri, ancien membre de la direction nationale du Polisario. Hametti Rabani, ancien ministre de la Justice et des Cultes. Mus t aphaBouh,anc i e nr e s pons abl epol i t i quedel ’ ar mé e . Keltoum Khayati, ex-r e s pons abl edel ’ or gani s at i onde sf e mme s . Omar Hadrami, membre fondateur du Front et membre du Bureau politique. Sidati El Ghallaoui, ancien représentant du Polisario à Rome et à Malte. 59 Entretien avec Hametti Rabani, Rabat, 4 août 2005. 43 VI LA DÉRIVE DU FRONT POLISARIO : UNE ORGANISATION ORPHELINE DE LA GUERRE FROIDE ET EN VOIE DE DÉCOMPOSITION Le rapide profil du Front Polisario tel que venons de le tracer, de sa naissance au cessez-le-feu de 1991 et à son retrait du champ des opérations militaires, définit le c adr edansl e que ll ’ or gani s at i onvaé vol ue rdansl ade r ni è r edé c adedu20ème siècle et ème les premières années du 21 siècle. Cette évolution a été marquée par de graves ac c us at i onse tal l é gat i onsàl ’ e nc ont r eduFront que nous allons maintenant passer en revue et examiner en détail. Nos enquêteurs se sont livrés, pour se faire, à une large collecte de documents et de témoignages qui ont été soumisàl ’ anal y s e .I le n résulte que si certains reproches adressés au Polisario ne reposent manifestement sur aucune base solide –et sont parfois manifestement non fondés –,l ’ é vol ut i on générale de cette organisation a de quoi inquiéter. VI.1. Le Front Polisario est-il une simple couverture des ambitions régionales algériennes ? Régulièrement, depuis 30 ans, le Front Polisario a été présenté par ses détracteurs c ommeé t antpur e me nte ts i mpl e me ntunemar i onne t t ed’ Alger utilisée voire créée à seule fin de miner les positions du Maroc e td’ as s ur e rl apr é é mi ne nc edel ’ Algérie au plan régional et en Afrique. M. Ahmed Lahlimi, alors ministre délégué marocain auprès du Premier ministre et chargé des Affaires générales du gouvernement, déclarait le 23 novembre 1999, en recevant une délégation de parlementaires français : « L’ Al gé r i es ouhai t eavoi rac c è s àl ’ At l ant i quee te s tpr é oc c upé eparl er ôl emaj e urqu’ e l l es ouhai t ej oue re nAf r i que . Lepayspour r ai tdé pas s e rc e t t evi s i on parl ’ i ns t aur at i on del adémocratie et du l i bé r al i s meé c onomi que ,mal he ur e us e me ntl es ys t è meal gé r i e nn’ af or méquede s technocrates puis des intégristes tandis que le Maroc possède des e nt r e pr e ne ur s …60 ». Même si le propos peut sembler lapidaire et peu nuancé, plusieurs éléments viennent appuyer cette thèse : Ext r ai tduRappor td’ i nf or mat i onpr é s e nt é à la suite de la mission effectuée au Maroc du 19 au24nove mbr e1 999pa runedé l é gat i onduGr ouped’ Ami t i éFr anc e -Maroc, Assemblée Nationale, Onzième législature. 60 44 La r i val i t és t r at é gi que e nt r el ’ Al gé r i ee tl e Mar oc c omme modè l e s de dé ve l oppe me ntpourl ’ Af r i quee s tuner é al i t é ,ai ns iquenousl ’ avonsr appe l éau début de cette étude. Depuis la Guerre des Sables (voir annexe 1), Alger à un compte à solder avec Rabat. Si elle souhaite amplifier son rôle en Afrique, notamment du point de vue de la s é c ur i t ér é gi onal e ,l ’ Al gé r i epe ute s t i me rê t r el i mi t é eparl es e ulac c è squ’ e l l ea à une mer « fermée », la Méditerranée, et peut souhaiter avoi rac c è sàl ’ Oc é an atlantique. Lemê meac c è sàl ’ At l a nt i quepe r me t t r ai tàAl ge rdes é c ur i s e rl e se xpor t at i ons du gaz et du pétrole extraits du sous-s ols ahar i e n.A l ’ he ur eac t ue l l e ,c e s e xpor t at i onsdé pe nde nte nt i è r e me ntdel ’ ac c è sàl aMé di t e r r ané ee ts ont donc à la merci de troubles civils comparables à ceux que le pays a connus dans les années quatre-vingt-di xe tquié t ai e ntl oc al i s é sdansl apar t i eNor ddel ’ Al gé r i e , dansl e svi l l e se tdansl e smaqui sdel ’ Es tmai snet ouc hai e ntpasl eSude t «l ’ Al gé rie utile ». L’ Al gé r i e ,quipe i neàs or t i rde sanné e sdepl ombqu’ ontc ons t i t ué e s ,poure l l e , ème la dernière décennie du 20 s i è c l e ,e s tt ouj our sl ’ obj e t de t e ns i ons sécuritaires et politiques internes aigues (terrorisme dit « résiduel » mais qui demeure actif, tensions sociales provoquées par le mauvais partage de la rente pétrolière, rivalités politiques au sommet du pouvoir, absence de dé moc r at i s at i on r é e l l e ) quipe uve nt l ’ ame ne rà t e nt e r de f or c e rl ’ uni t é nat i onal eaupr i xd’ unec r i s ee xt é r i e ur e . Le sout i e ni nc ondi t i onne ldontAl ge raf ai tpr e uveàl ’ é gar dduPol i s ar i ode pui s 1975. Lede r ni e rpoi ntquenousé voquonse s ti nc ont e s t abl ee t ,d’ ai l l e ur s ,r é gul i è r e me nt rappelé par la direction du Polisario : les camps de Tindouf sont situés en Algérie, ce pays a armé, entraîné et financé le Polisario sans interruption depuis plus de trente ans. Il a permis que plus de deux milles prisonniers de guerre marocains soient retenus sur son sol dans les camps du Polisario, pour la plupart durant vingt ans. Del ’ avi smê meduSe c r é t ai r egé né r aldel ’ ONU,M. Kofi Annan,l ’ Al gé r i ee s tpar t i e prenante dans ce conflit vieux de trente ans, et cela contrairement aux allégations de ses dirigeants qui se veulent de simples défenseurs des droits des peuples à disposer d’ e ux-mêmes. Il ne nous semble toutefois pas possible de définir le Polisario comme une organisation exclusivement au service de la politique algérienne. Comme nous l ’ avonsvudansl e sc hapi t r e spr é c é de nt s ,l anai s s anc ee tl ac r oi s s anc eduPolisario dans les années soixante-di x s ’ e xpl i que nt par de sf ac t e ur s hi s t or i que se t sociologiques propres. I ln’ e nde me ur epasmoi nsque ,é t r oi t e me ntt r i but ai r edel ’ ai deal gé r i e nnepours a survie, le Front Polisario ne di s pos e auj our d’ hui ( e tc ’ e s t vr ai de pui s de nombreuses anné e s )d’ auc unemar gedemanoe uvr ef ac eàAl ge r . 45 Out r el es out i e ni nc ondi t i onne lque nous ve nons de r appe l e re tl ’ i mpl i c at i on permanente des « conseillers » algériens dans les opérations militaires avant 1991, de nombr e ux t é moi gnage se td’ aut r e sé l é me nt sac c r é di t e ntl ’ ut i l i s at i on de l ac ar t e s ahr aoui eparAl ge ràde sf i nspol i t i que squil uis ontpr opr e se tn’ ontr i e nàvoi rave c le sort des populations concernées. Ainsi en a-t-il été, après la mort de el-Ouali Mustapha Sayed, de la désignation de Mohamed Abdelaziz comme Secrétaire général du Polisario et président de la RASD alors que celui-c in’ appar t e nai tpasauc e r c l et r è sf e r méde sf ondat e ur sde l ’ or gani s at i on.Lahbib Ayoub explique: « Le sAl gé r i e nsl ’ avai e ntc hoi s ie tnousne pouvions rien leur refuser :i l snousdonnai e ntt out ,oupr e s que .I ls ’ e s tt ouj our s considéré comme leur homme61 ». Et non sans raison, du point de vue tribal, Mohamed Abdelaziz appartenant à la fraction minoritaire des R’ Gui batFokra, les R’ Gui batal géri ens. Autre élément de réflexion : constatant le blocage résultant du rejet du Plan Baker, Alger proposait, début 2003, la partition pure et simple du Sahara occidental entre le Mar oce tl ’ Al gé r i e .Oubl i é el ac aus es ahr aoui e .Lahbib Ayoub, recevait, quelques mois avant cette proposit i on,l av i s i t ed’ unMohame dAbde l az i zc onc i l i ant: « Sans j amai sé voque rc l ai r e me ntl epr oj e tdepar t i t i onduSahar aqueM’ Hame dKhaddad, s onr e pr é s e nt antaupr è sdel aMI NURSO,ve nai tpour t antd’ appr ouve r ,i lm’ af ai t comprendre que telle était la volonté de sAl gé r i e nse tquenousn’ ypouvi onsr i e n… 62 ». Ce jour-l à,j ’ ais uquej ’ al l ai sr e gagne rl eMar oc L’ uni t édevuenes e mbl e ,t out e f oi s ,past ot al eaus omme tdupouv oi ral gé r i e n.Da ns une interview explosive consentie au quotidien marocain La Gazette du Maroc, en mars 2003, le Général Khaled Nezzar, anc i e nc he fd’ é t at -major et ancien ministre de la Défense algérien, déclarait, évoquant la question sahraouie : « J’ e s t i mequec e t t e af f ai r enedoi tpl uss é par e rl e sde uxpaysf r è r e s .Not amme ntave cl ’ e xi s t e nce des gr andsbl oc sr é gi onauxoùi ln’ yapl usdepl ac epourl e sf ai bl e s .L’ Eur opee s te nf ac e de nous, ce qui implique la nécessité de créer coûte que coûte notre propre espace maghrébin63 ». Le Général évoquait ensuite une solution « ni perdant ni gagnant », permettant « d’ i nt é gr e rl e sSahr aoui s», de leur permettre de « rejoindre le pays dans le cadre d’ une e nt e nt e»,l ’ Al gé r i e n’ ay ant«pas e nc or e be s oi n d’ un nouve lÉt atà s e s 64 frontières ». 61 Interview Ayoub, déjà citée. 62 Idem. Interview du Général Khaled Nezzar par Samir Sobh, La Gazette du Maroc, 10 mars 2003. Ci-dessous, « interview Khaled Nezzar ». 63 64 Interview Khaled Nezzar, déjà citée. 46 A en juger par les récentes déclarations du Président Bouteflika65 sur la question et par la lecture de la presse algérienne, la vision de Khaled Nezzar est pourtant minoritaire, même si elle fut partagée par le Président Mohammed Boudiaf auquel s onas s as s i natnel ai s s apasl et e mpsdes ’ at t e l e ràl ar é s ol ut i onde ce problème qui lui t e nai tàc œur .Ai ns i ,i lnef ai tguè r ededout epourl e sc hanc e l l e r i e se ur opé e nne sque c ’ e s tl ’ Algérie quiaœuvr éc e sde r ni è r e sanné e sàpous s e rl eNigeria,l ’ Afrique du Sud et le Kenya à reconnaître la RASD66. Dans le cadre des tensions qui continuent à miner les relations entre Rabat et Alger, il e s tr e l at i ve me nti nqui é t antdec ons t at e rquel ’ Al gé r i e ,dontl ’ é c onomi ee s tdopé epar l ’ e nvol é educ our sdubar i ldepé t r ol e ,e s tde ve nuel ’ unde spl usi mpor t ant sac he t e ur s d’ ar me sdumondee tl epr e mi e rac he t e urdel ’ e ns e mbl educ ont i ne ntaf r i c ai n.Siune par t i edumat é r i e lac he t ée s tc ompat i bl eave cl e ss ouc i ss é c ur i t ai r e sd’ Al ge rf ac eàl a persistance de la menace terroriste (matériel de vision nocturne, systèmes de détection), le reste semble davantage destiné à des opérations extérieures : blindés sud-africains, lanceurs FROG 7 ( d’ unepor t é ede65km) ,mi s s i l e sSCUD-C ( d’ une portée de 600 km) et No-Dong 1 (1.000 km) achetés à la Corée du Nord. Chasseur Sukhoï 24, chasseurs-bombardiers SU-24MK, chasseurs multi-tâches Mig 29MT,e t c . L’ Al gé r i en’ ay antpasd’ e nne mipr ê tàl ’ at t aque r ,onvoi tmalde quelle utilité réelle lui seront ces matériels. A ce propos, nous citerons le Dr William Zartman, directeur du programme de Management des conflits à la Paul H. Nitze School of Advanced International Studies de la John Hopkins University (Washington), qui estime que « la question du Sahara [ …] e s t pr obabl e me nt aus s i une que s t i on e xi s t e nt i e l l e pour l ’ ar mé e al gé r i e nne ,pl usqu’ e l l enel ’ e s tpourl ’ ar mé emar oc ai ne .I lf auts ede mande ràque l e nne mil ’ Al gé r i ee s tc onf r ont é epourj us t i f i e rt outc e tar me me ntl our d,e tc ’ e s t s e ul e me nte nc ul t i vantc e t t ei dé edel ’ e nne mimar oc ai nquel ’ ar mé eal gé r i e nnepe ut obtenir cet armement lourd67 ». En conclusion, même si la création du Polisario ne nous semble pas avoir ét évoul ueouprovoquéeparAl ger,l ’ ensembl edest émoi gnagesquenous avons recueillis et la documentation que nous avons compilée nous permet t entde concl ure que l e Pol i sari o ne j oui tauj ourd’ huid’ aucune indépendance politique par rapport à Alger et que seul le soutien de l ’ Al géri eexpl i quel asurvi edecet t eorgani sat i on. Le22mai ,2005,àl ’ oc c a s i ondu32ème anniversaire du Front Polisario, le président Abdelaziz Bouteflika réitérait son soutien totalàl ’ i ndé pe ndanc eduSa har aoc c i de nt al . 65 Cette interprétation nous a été confirmée par plusieurs diplomates européens traitant des que s t i onsaf r i c ai ne s ,dansl ec our antdel ’ é t é2005. 67 Intervention du docteur William Zartman, le 3 mai 2004 lors du colloque « Le Sahara est-il prêt pour une solution politique ? », à New York. 66 47 VI.2. La situation des femmes et les accusations de « procréation forcée » I ls ’ e s tdi tà pl us i e ur sr e pr i s e s, depuis des années, que le Front Polisario poursuivait une politique de « procréation forcée » imposant aux femmes de mul t i pl i e rl e sgr os s e s s e sdansun buté vi de ntd’ augme nt at i on s i gni f i c at i ve de l a popul at i onde sc ampsqu’ e l l ec ont r ôl eparr appor tàl apopulation restée au Sahara oc c i de nt al .L’ e xpr e s s i on«vaches reproductrices » a même été utilisée par certains médias pour qualifier les femmes sahraouies qui, selon eux, seraient les victimes de cette politique. I ls ’ agi r ai tl à d’ une f or mi dabl er é gr e s sion pour la femme sahraouie : les tribus sahraouies ont longtemps été organisées sur un mode matriarcal et la femme c ont i nueàj oue runr ôl ec e nt r alda nsl ’ or gani s at i ons oc i al et r adi t i onne l l e .Laf e mme sahraouie a toujours eu son mot à dire dans le choix de son époux et en cas de divorce, elle garde tous les biens donnés par son père comme ceux offerts par son mar i .Le di vor c e donne r a d’ ai l l e ur sl i e u à une f ê t e qui ,s e l on l ’ ant hr opol ogue Mohame d Naï mi ,s ymbol i s el ’ ac qui s i t i on d’ une e nt i è r el i be r t é: « Quand elle se marie, la femme passe de la tutelle du père à celle de son mari. Une fois divorcée, 68 ». Quant à la polygamie, elle e l l ede vi e ntl i br e .C’ e s tpr é c i s é me ntc equel ’ onc é l è br e est inexistante, le contrat de mariage des Sahraouies comprenant depuis des décennies une clause stipulant que « la sabiqa wa la lahiqa, wa ida tamma dalika fa amrouha biyadiha » (approximativement : « ni précédente, ni suivante et si cela se pas s e ,c ’ e s tàl af e mmededé c i de rdes ons or t»). Les « preuves » de la politique de procréation forcée –s uj e tdoul our e uxs ’ i le ne s tsont difficiles à obtenir. Nous nous sommes entretenus, en Europe et au Maroc, avec plusieurs femmes de tout âge qui avaient vécu dans les camps de la région de Tindouf et avec des travailleurs humanitaires qui avaient fréquenté ces camps69. Rien dans leurs dires et dans leurs témoignages ne nous a permis de conclure que cette politique continuait de nos jours. Nousr e t e nonst out e f oi squ’ unr appor tdel ’ or gani s at i on Human Rights Watch (HRW) de 1995 souligne que : « Des femmes interrogées sur le contrôle des naissances dans les camps ont répondu : « Auc un c ont r ôl ede snai s s anc e sn’ e s t accessible dansl e sc ampsof f i c i e l l e me nt .I lyaunes or t edepol i t i quevoul antqu’ i le s t bond’ avoi rde se nf ant s .C’ é t ait spécialement vrai les premières années. Maintenant, be auc oup de ge nsvontà l ’ é t r ange r pour é t udi e r ou pour d’ aut r e smot i f s ,i l s ramènent des produits de contrôle des naissances et, en réalité, beaucoup de gens les utilisent. Mais il est vrai que le Poli s ar i onenouse ndonnepas …70 ». Mme Ke l t oum Khay at i ,anc i e nne r e s pons abl e de l ’ As s oc i at i on de sf e mme s du Polisario, expliquait il y a quelques années que les jeunes filles « sont obligées de se 68 Cité dans le magazine Tel Quel, 1er novembre 2005. 69 Entretiens effectués en juillet et août 2005. Western Sahara keeping it secret, The United Nations Operation in the western Sahara, HRW, October 1995, http://www.hrw.org/reports/1995/wsahara.htm 70 48 marier dès le plus jeune âge et se voient refuser tout accès aux moyens de contraception moderne ».Lebutr e c he r c héé t antd’ ac c r oî t r el adé mogr aphi edansl e s camps, la direction « oblige les femmes à accepter la polygamie ». En octobre 1996, Mme Gamoula Bent Ebbi, ancien membre du Bureau politique du Front Polisario, notait71 : « Les femmes sont exploitées par le Polisario, elles ne sont pas respectées et n’ ontauc undr oi t .LePol i s ar i opr oj e t t eunei magepos i t i vedel af e mmeàl ’ e xt é r i e ur af i nd’ obt e ni rde sai de s[ mai s ]l e sf e mme sn’ ontauc unc ont r ôl es url e urf amille, les e nf ant ss ontl apr opr i é t édel ’ or gani s at i on.Al ’ âgede1 3ansoude1 5ans ,i l ss ont e nvoyé sàl ’ ar mé e .Le sf e mme sonté t ét r ans f or mé e se nmac hi ne sr e pr oduc t r i c e s fabriquant des garçons pour la guerre. » En conclusion, nos recherches établissent que l a poursui t e d’ une politique de « procréation forcée » a certainement été le fait du Polisario dansl epassémai squ’ i lestpossi bl equecet t eori ent at i onsesoi tat t énuée ces dernières années. VI.3. La situation des enfants envoyés « étudier »àl ’ ét rangeret « forcés à travailler ou à se prostituer » I ls ’ e s tdi tàpl us i e ur sr e pr i s e sde pui sde sanné e squede se nf ant ss ahr aoui sné sou ayant grandi dans les camps de la région de Tindouf et qui avaient été envoyés à Cuba pour y poursuivre leur scolarité étaient, en fait, victimes de travail forcé voire d’ e xpl oi t at i ons e xue l l e .Le sj e une s( e tpar f oi st r è sj e une s )gar ç onss e r ai e nte mpl oy é s dans les plantations de cannes à sucre et de tabac tandis que des jeunes adolescentes seraient forcées de se prostituer. Plus de 5.800 enfants et adolescents sahraouis vivraient actuellement à Cuba, souvent en dépit de la volonté de leurs parents, et sous prétexte de « scolarisation ». Ce r t ai nsd’ e nt r ee uxs e r ai e nt ,des ur c r oî t ,s oumi sàune mbr i gade ment politique et à unef or mat i onmi l i t ai r eobl i gat oi r ee ndé pi tdel e urj e uneâge .L’ anc i e nage nts e c r e t cubain Juan Vivés, déjà cité, se souvient que «… c e l an’ e mpê c hapasde sc e nt ai ne sde Sahr aoui sdes ’ e nvol e rpourCubaaf i nd’ yr e c e voi runef or mat i oncomme cadres pol i t i que s ,d’ aut r e sc ommeé t udi ant s ,e tmê mede se nf ant squif ur e ntar r ac hé sà l e ur sf ami l l e spourf ai r el e urs c ol ar i t és url ’ î l edel aj e une s s e( e x-île des pins). Je ne 72 ». s ai spass il er e mè den’ apasé t épi r equel amal adi e L’ anc i e nr e s ponsable du Polisario Hametti Rabani nous a affirmé : « C’ e s tmoi quiaii ni t i él apol i t i qued’ e nvois ys t é mat i qued’ e nf ant ss ahr aoui se nLi byeouàCuba pouryf ai r ede sé t ude sl or s quej ’ é t ai sr e s pons abl edel ’ e ns e i gne me ntdansl e sc amps , à la fin des années soixante-di x.Ce t t e dé c i s i on s ej us t i f i ai tà l ’ é poque par 73 ». l ’ i ne xi s t e nc edes t r uc t ur e sadé quat e sdansl e sc amps Al ’ oc c as i ond’ uner é uni ondel aQuat r i è mec ommi s s i ondel ’ ONUs url aPol i t i ques pé c i al e et la décolonisation, le 10 octobre 1996. 72 Juan Vivés, op. cit., page 153. 71 73 Entretien avec Hametti Rabani, Rabat, 4 août 2005. 49 Selon M. Rabani, les enfants sont envoyés à Cuba par « groupes de 500, depuis 1976 » et « il y en aurait en permanence 2.000 sur place74 ». Il estime « certain » que nombre de ces enfants sont exploités dans des plantations, se montre plus réservé sur les accusations de prostitution mais admet « que certains faits qui pouvaient faire penser que certaines très jeunes filles sahraouies à Cuba se prostituaient75 » lui ont été rapportés. Nous avons rencontré, au Maroc, plusieurs jeunes femmes qui avaient vécu dans les camps du Polisario e tavai e nté t ée nvoy é e sàCubapouryé t udi e r .Tr oi sd’ e nt r ee l l e s 76 nousontf ai tpar tduf ai tqu’ e l l e savai e nt été « obligées de se prostituer »,l ’ uneà1 4 ans, les deux autres à 17 ans. Nous avons également rencontré des parents qui, vivant dans les camps de Tindouf, avaient été « privés de leurs enfants durant plus de quinze ans, ceux-ci ayant été envoyés àCubadè sl ’ âgede7anspourypour s ui vr el e ur sé t ude s». Ces parents n’ ontpasf ai té t atd’ e xpl oi t at i on parl et r avai lou s e xue l l edel e ur se nf ant smai s affirment que cette situation « était, de toute façon, extrêmement dure à vivre ». Ils soulignent que ces enfants « nepouvantê t r eac c ompagné sd’ auc unme mbr eadul t e de leur famille, grandissent seuls et sans attaches ou repères familiaux» et estiment que le but poursuivi était double : « pouvoir endoctriner ces enfants loin du milieu familial pour en faire de futurs combattants » mais aussi « obliger les parents à 77 ». r e s t e rdansl e sc ampsmê mes ’ i l snel eve ul e ntpas En conclusion, les témoignages que nous avons recueillis accréditent l ’ i dée que des enf ant s sahraoui s envoyés à Cuba sont expl oi t és économiquement et sexuellement. Il est toutefois impossible de quant i f i er cet t e prat i que.La séparat i on f orcée d’ enf ant s et de l eurs parent spourdel onguespéri odesnoussembl es’ apparent eràunepri se d’ ot agesdontl esaut ori t éscubai nesserendentcompl i ces. VI.4. Les accusations de travail forcé Il a été dit à plusieurs reprises que la direction du Front Polisario obligeait les r é f ugi é sàt r avai l l e rgr at ui t e me ntpourl ’ or gani s at i onoupourl aRASD. L’ or gani s at i on Human Rights Watch remarquait en 1995 à ce propos : « La situation dans les camps est décrite par les Sahraouis en termes utopiques, avec chacun travaillant librement « pour la cause ». En fait, la liberté des réfugiés est sujette à certaines restrictions. Par exemple, la force de travail des camps, des écoles, des hôpitaux et des structures « gouvernementales » provient des camps mais personne ne reçoit de salaire. A la place, ils reçoivent des payements en nature, 74 Idem. 75 Idem. 76 Témoignages recueillis à Rabat, début juillet 2005. 77 Témoignages recueillis à Rabat entre le 2 août 2005 et le 10 août 2005. 50 àt r ave r sl anour r i t ur e ,l ’ abr ie td’ aut r e sf or me sd’ as s i s t anc equis ontprocurées à chaque réfugié78 ». Les réfugiés interrogés par HRW expliquent que « l ePol i s ar i on’ apasd’ ar ge nte t qu’ i l ss ontvol ont ai r e s». HRW estime que : « I ln’ yaauc unepr e uvedet r avai lf or c é mai s ,i nt e r r ogés url epoi ntdes avoi rs ’ i lé t ai tpos s i ble de ne pas travailler, un représentant du Polisario a répondu : « chacun souhaite travailler79 ». Nous avons recueilli des témoignages allant dans le même sens. Ils ne permettent pas de conclure que le Front Polisario pratique le « travail forcé » mais font état « d’ unet r è sf or t ei nc i t at i onàt r avai l l e r ,l et r avai lé t antc ons i dé r éc ommeunenor me 80 ». val or i s ant ee tunepr e uved’ e ngage me ntdonnantdr oi tàc e r t ai nsavant age s En concl usi on,nousest i monsquemêmes’ i ln’ yapasdepreuvesquel e Polisario pratique le travail forcé, le fait de « payer » des réfugiés pour leur travail en leur attribuant des vivres et des biens de consommation courante, qui sont eux-mêmes fournis à la direction des camps par des organisations humanitaires et par la communauté internationale au titre de l ’ assi st ance humani t ai re,est un abus mani f est e et const i t ue une violation des droits élémentaires des réfugiés. VI.5. Les accusations de détournement systématique des aides internationales Il se dit depuis plusieurs années que les aides internationales seraient systématiquement détournées sur une grande échelle par le Front Polisario. Ces accusations touchent aussi bien le détournement de fonds et de moyens attribués à des programmes humanitaires par des ONG indépendantes que le détournement de vi vr e se té qui pe me nt spr oc ur é sparde sOr gani s at i onsi nt e r nat i onal e sd’ ai de saux réfugiés. VI.5.1. Ledét ournementdesai desd’ ONG Ai ns i ,l apr e s s emar oc ai nes ’ e s tf ai t eàpl us i e ur sr e pr i s e sl ’ é c hodegr ave sac c us at i ons portées par plusieurs ONG de premier plan, les organisations les plus souvent citées, par f oi save cungr andl uxededé t ai l s ,é t antl ’ ONG s ué doi s eRädda Barnen (Save the Children Sweden)e tl ’ or gani s at i onf r anç ai s eEnfants réfugiés du Monde. Au cours de nos recherches, nous avons pris contact avec ces deux organisations. Tout e sde uxontni és ’ ê t r ej amai spl ai ntdedé t our ne me nt sdel apar tduPolisario et Human Rights Watch, rapport 1995, http://www.hrw.org/reports/1995/wsahara.htm, page 28. 78 79 Idem. Té moi gnage sd’ anc i e nspe ns i onnai r e sde sc ampsdeTi ndoufr e c ue i l l i sauMar oce te n Europedur antl ’ é t é2005. 80 51 ont affirmé « avoir été délibérément cités de manière mensongère81 ». Nous en prenons acte. Toutefois, nous ne pouvons passer sous silence le témoignage de Ghoulam Najem Mouichame, ex-représentant du Polisario à Bremen (Allemagne) où il était chargé de superviser les dons allemands aux réfugiés sahraouis : « Durant toute mon action e n Al l e magne ,j ’ aié t éame néà c ons t at e rqu’ unei mpor t ant equant i t éde sai de s humanitaires envoyées aux populations des camps de Tindouf par les donateurs allemands est systématiquement détournée par les membres de la nomenklatura du Pol i s ar i o qui pr oc è de nt à s a ve nt e au s ud de l ’ Al gérie et au nord de la Mauritanie82 ». De même, en mars 1999, le quotidien espagnol El Pais rapportait que « Une aide humanitaire de 64 millions de pesetas remise par la Croix rouge espagnole au Polisario pour acheter 430 chamelles avait disparu83 », les dirigeants du Front auraient ensuite « acheté » des chamelles leur appartenant déjà. El Pais remarquait : « Le responsable de la coopération internationale » du Polisario, Embarek 84 » Malainine, « n’ apasdé me nt i .Ce tar ge nt ,s oi tl ’ é qui val e ntde385. 000Eur os, provenait entre autres de collectes auprès du public, mais aussi des ministères e s pagnol sc onc e r né s .Lebutpour s ui viparc e t t eopé r at i oné t ai td’ amé l i or e rl er é gi me alimentaire en lait et en viande des femmes et des enfants sahraouis. er octobre 2000, le Front populaire pour Dans le même or dr e d’ i dé e ,l e1 l ’ i ndépendance desCanari es(FREPIC AWANAC) publiait un communiqué mettant en cause le conseil municipal de Gran Canaria qui aurait acquis une villa à Arucas au profit de Mohamed Abdelaziz, président de la RASD, pour un montant de 52 mi l l i ons de Pe s e t as ( 31 2. 000 Eur os ) .Le sf onds pr ove nai e nt ,d’ apr è sl e FREPIC,de sbudge t sd’ ai dede s t i né sauxr é f ugi é ss ahr aoui s . VI.5.2. Ledét ournementdel ’ ai dedesorgani sat i onsi nt ernat i onal es Le détournement s uppos é de l ’ ai de al i me nt ai r ee te n bi e ns de c ons ommat i on courante repose sur le différentiel qui existerait entre le nombre réel de réfugiés abrités dans les camps de Tindouf et leur nombre officiellement déclaré, et sur base duquel le volume global de l’ ai dené c e s s ai r ee tac he mi né es urpl ac es e r ai tc al c ul é e .La que s t i onn’ e s tpasne uvee tagi t el emondehumani t ai r ede pui spl us i e ur sanné e s . Entretien téléphonique avec Mme Nicole Dagnino, directrice d’ Enf ant sRé f ugi é s du Monde, le 31 août 2005 ; conversation et échange de mails avec Mme Ulrika Persson, Program officer-Middle East, Rädda Barnen, le 1er septembre 2005. 81 Cité dans le document « Détournement des aides humanitaires par le Polisario, Phénomène et témoignages »,doc ume ntdugouv e r ne me ntmar oc ai n,quel ’ onpe utt r ouve rà l ’ adr e s s e: http://www.mincom.gov.ma/french/reg_vil/regions/sahara/maintien_des_r%C3%A9fugi% C3%A9s_sahraouis_.htm 82 83 El Pais, 7 mars 1999. 84 Idem. 52 Le Polisario déclare depuis des années la présence de 155.000 à 170.000 personnes réfugiées dans la région de Tindouf, mais des organisations indépendantes et des observateurs neutres estiment quant à eux que le nombre réel de réfugiés serait compris dans une fourchette de 70.000 à 90.000 personnes. Certaines indications objectives, provenant de sources indépendantes, tendent à confirmer cette fourchette. Ai ns i ,l ’ ONG s c andi naveNorvegi an Peopl e’ sAi d a conduit un programme de s e ns i bi l i s a t i on de l ’ e ns e mbl e de sr é f ugi é ss ahr aoui s au dange r de s mi ne s antipersonnelles entre avril 1998 et mai 2000, « informant à peu près 90.000 réfugiés85 ». Plusieurs années durant, le U.S. Committee for Refugee and Immigrants86 (ci-dessous, le Comité) a estimé de manière constante, dans les chapitres de ses rapports annuels consacrés au Sahara occidental, que le nombre total de réfugiés sahraouis était de 110.000 « dont quelque 80.000 en Algérie, environ 25.000 en Maur i t ani ee tappr oxi mat i ve me nt5. 000dansd’ aut r e spays». Dans son rapport 2003, le Comité note : « Comme les années précédentes, le nombre réel de réfugiés sahraouis demeure une question discutée. Les autorités algériennes et les dirigeants des réfugiés continuent à affirmer que 165.000 réfugiés vivent dans les camps de la région de Tindouf, mais, pour des raisons politiques, ils ont empêché le UNHCR de conduire un recensement pour vérifier ce chiffre. Les di r i ge ant sde sr é f ugi é s ,as s oc i é sau mouve me ntpourl ’ i ndé pe ndanc edu Sahar a oc c i de nt al ,di r i ge antde pui sl ongt e mpsc e sc ampsd’ unemani è r emi l i t ai r e .LeU. S. Committe for Refugees a estimé que le nombre réel des Sahraouis réfugiés en Algérie est à peu près de la moitié du nombre officiellement annoncé87 ». Dans son rapport 2004, le Comité se range toutefois au chiffre officiel de 165.000 mais il précise : « le USCR réajuste ce chiffre pour refléter le nombre de bénéficiaires desservis par les agences humanitaires internationales88 ».Cequin’ i mpl i quepas que leur nombre ait été vérifié de manière indépendante. Mais dans son dernier rapport en date, celui de début 2005, le Comité revient à une estimation plus proche de cell e squ’ i lf ai s ai e ntaupar avant: « Le gouvernement [algérien] a autorisé le groupe rebelle Polisario à consigner [to confine] une centaine de milliers de réfugiés du Sahara occidental dans quatre camps autour de la zone militaire de Tindouf, près de la frontière marocaine, « pour des raisons pol i t i que se tmi l i t ai r e spl ut ôtqu’ humani t ai r e s» d’ apr è sun obs e r vat e ur». Et le Comité de continuer : « D’ apr è sAmne s t yI nt e r nat i onal ,«ce groupe de réfugiés du dr oi tàl al i be r t édemouve me nte nAl gé r i e …c e sr é f ugi é s qui se débrouillent pour Chiffre cité dans le rapport 2000 de Landmine Monitor, « Sahara occidental, Développements majeurs depuis mars 1999 » : http://www.icbl.org/lm/2000/country/sahara/index.php3 85 86 www.refugees.org U.S. Committee for Refugees and Immigrants, rapport 2003, http://www.refugees.org/countryreports.aspx?_VIEWSTATE=dDwxMTA10TA4M 87 Idem, rapport 2004 : http://www.refugees.org/countryreports.aspx?_VIEWSTATE=dDwxMTA10TA4M 88 53 qui t t e rl e sc ampsder é f ugi é ss ansyê t r eaut or i s é ss onts ouve ntar r ê t é sparl ’ ar mé e algérienne et livrés aux autorités du Polisario avec lesquelles elle collabore étroitement en matière de sécurité89 ». La différence entre les chiffres réels de réfugiés et le chiffre annoncé par le Polisario nous a été confirmé par Mustapha Bouh : « Les camps reçoivent une aide calculée sur base de 165.000 réfugiés, mais curieusement, le Polisario ne reconnaît qu’ e nvi r on75. 000pe r s onne spr é s e nt e s dans ces camps et qui auraient le droit de vot ee nc asder é f é r e ndum.Enf ai t ,d’ apr è sc equej es ai s ,auj our d’ hui ,l enombr er é e l de réfugiés doit être compris entre 35.000 et 50.000 personnes. On est loin du c ompt e …90 ». D’ i mpor t ant e squant i t é sdevi vr es détournés se retrouveraient ainsi sur les marchés en Algérie et en Mauritanie, mais aussi au Mali et au Niger, certains encore dans leurs e mbal l age sd’ or i gi ne .Unepar t i edec e sdé t our ne me nt se s tpe ut -être individuelle, c omme l ’ af f i r me l a di r e c t i on du Polisario,mai ss ’ i ls ’ avè r e qu’ i ly a bi e n manipulation des chiffres, il est évident que celle-c inepe utqu’ ê t r eor gani s é eou entérinée au sommet. Les sommes récupérées serviraient, dans cette hypothèse, à financer le mouvement mais sans doute également le train de vie de ses dirigeants. Ces détournements, bien entendu, ne restent pas sans conséquences sur la santé des réfugiés. Le US Committee for Refugees signalait, dans son rapport 2000 : « Des travailleurs humanitaires ont rapporté que plus de 30% des enfants âgés de 5 à 12 ans étaient sous-alimentés, plus de 70% des enfants âgés de moins de 5 ans 91 ». Dans son s ouf f r ai e ntd’ ané mi ee t1 1000f e mme sr é f ugi é e sé t ai e ntané mi que s rapport 2001, il annonçait que : « Plus de 15 000 enfants ont besoin de chaussures92 ». Et enfin, dans son rapport 2003 : « Quelques donateurs, en privé, ontde mandé un c ont r ôl e de l a di s t r i but i on de vi vr e s pour s ’ as s ur e r que l e s 93 ». di r i ge ant spol i t i que se tmi l i t ai r e snedé t our nai e ntpasl ’ ai de En conclusion, les renseignements que nous avons recueillis et les document s que nous avons consul t és permet t ent d’ ét abl i r que l e dét ournement part i el de l ’ ai de humani t ai re dest i née aux réf ugi és sahraouis est bien une réalité. A ce stade, il est impossible toutefois d’ est i merl ’ ampl eurexacte de ce détournement ou de juger de la part de responsabilité des dirigeants du Front Polisario et de la RASD. Idem, rapport 2005 : http://www.refugees.org/countryreports.aspx?area=investigate&subm=19&ssm=29&c 89 90 Entretien avec Mustapha Bouh, Rabat, 5 août 2005. 91 http://www.refugees.org/countryreports.aspx?_VIEWSTATE=dDwxMTA10A4M 92 http://www.refugees.org/countryreports.aspx?_VIEWSTATE=dDwxMTA10TA4M 93 http://www.refugees.org/countryreports.aspx?_VIEWSTATE=dDwxMTA10TA4M 54 55 VII LE DOSSIER DES PRISONNIERS DE GUERRE MAROCAINS Le 18 août 2005, sans doute pour « se remettre en selle » au plan international et pour se refaire une virginité alors que les diverses accusations que nous venons de passer en revue avaient assez sérieusement écorné sa réputation, le Front Polisario l i bé r ai tl e s404de r ni e r spr i s onni e r sdegue r r emar oc ai nsqu’ i ldé t e nai t .I ls ’ agissait aussi –e tc en’ e s tpasl emoi ndr ede smobi l e sdec e tac t equel ’ onn’ at t e ndai tpl usd’ e nt r e rdansl e sbonne sgr âc e sde sEt at s -Unis qui tentent de stabiliser le Maghreb. A moindres frais, le Front Polisario e tl ’ Al gé r i es ’ ac he t ai e ntduc r é di tàWashington. Or, même si le Polisario et ses sympathisants font tout pour présenter cette libération comme un acte de grand humanisme, on ne peut oublier que le dossier des pr i s onni e r sdegue r r emar oc ai nsdeTi ndoufe s tc e r t ai ne me ntl ’ unde spl usgr ands sc andal e sdevi ol at i on de sdr oi t sdel ’ hommede st r e nt ede r ni è r e sanné e sdansl e Maghreb. Entre 1976 et 1991, année du cessez-le-feu, le Polisario avait capturé environ 2.200 militaires marocains, les uns au combat, les autres après des opérations de péné t r at i one npr of onde urdansl eSahar ae s pagnolde s t i né e sàhar c e l e rl ’ e nne mie tà l edé mor a l i s e r .A c e smi l i t ai r e ss ’ aj out ai e ntde sdi z ai ne sdec i vi l s ,e nl e vé sauf i lde s ans. VII.1. Le non respect de la 3ème Convention de Genève par le Polisari o( etl ’ Al géri e) Le droit de la guerre est régi par les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels94, et le sort des prisonniers de guerre par la 3ème Convention. En son article 118, alinéa 1, celle-ci stipule : «Les prisonniers de guerre seront libérés et rapatriés sans délai après la fin des hostilités. ». Les prisonniers de guerre marocains du Front Polisario aur ai e ntdoncdusê t r el i bé r é sdè sl ’ i nt e r ve nt i ondu cessez-le-f e ude1 991 .I ln’ e nar i e né t é .Le sl i bé r at i onss es ont ,e nf ai t ,déroulées au compte-goutte en fonction des intérêts politiques du Polisario e tde savant age squ’ i l Pour rappel, les Conventions sont au nombre de quatre. La 1ère Convention porte sur l ’ amé l i or at i ondus or tde sbl e s s é se tde smal ade sdansl e sf or c e sar mé e sdec ampa gne; la 2ème Conve nt i ons ’ i nt é r e s s eàl ’ amé l i or at i ondus or tde sbl e s s é s ,de smal ade se tde snauf r agé sde s forces armées sur mer ; la 3ème Convention concerne le traitement des prisonniers de guerre et la 4ème Convention aborde la problématique de la protection des personnes civiles en temps de guerre. Les deux « Protocoles additionnels » ont été adoptés en 1977. Le 1er s ’ i nt é r e s s eàl a protection des victimes des conflits armés internationaux et le 2ème à la protection des victimes des conflits armés non internationaux. 94 56 comptait obtenir en faisant preuve de « clémence ». De « prisonniers de guerre », les Marocains détenus par le Front étaient devenus de véritables otages. Douze ans après le cessez-le-feu, en 2003, le Polisario détenait toujours 1.157 prisonniers dont plusieurs civils enlevés. Sur les 1.144 militaires : 3 étaient détenus depuis plus de 27 ans ; 4 étaient détenus depuis plus de 26 ans ; 3 étaient détenus depuis plus de 25 ans ; 280 étaient détenus depuis plus de 24 ans ; 224 étaient détenus depuis plus de 23 ans ; 187 étaient détenus depuis plus de 22 ans ; 2 étaient détenus depuis plus de 21 ans ; 2 étaient détenus depuis plus de 20 ans ; 6 étaient détenus depuis plus de 19 ans ; 15 étaient détenus depuis plus de 18 ans ; 7 étaient détenus depuis plus de 17 ans ; 288 étaient détenus depuis plus de 16 ans ; 61 étaient détenus depuis plus de 15 ans ; 60 étaient détenus depuis plus de 14 ans ; 2 étaient détenus depuis plus de 12 ans. En règle générale, les plus anciens prisonniers étaient des officiers, moins nombreux à avoir bénéficié de libérations partielles95. En violation flagrante des dispositions de la troisième Convention évoquées cidessus, le plan de règlement des Nations unies prévoyait la libération de tous les pr i s onni e r sdegue r r eapr è sl ’ ac hè ve me ntdupr oc e s s usd’ i de nt i f i c at i onr é f é r e ndai r e . Et le Front Polisario s ’ e s t i mai tl i éparl epl andepai xe tpasparl e sConve nt i onsde Genève. Pourtant, par une lettre de 1975 au Conseil fédéral suisse96, le Polisario envoyait la « Dé c l ar at i on d’ appl i c at i on de s Conve nt i ons de Ge nè ve de 1 949», procédure remplaçant la ratification pour les structures non étatiques telles que les mouvements de libération. De pl us ,l ’ ar t i c l e6del a3ème Convention III stipule que : « Aucun accord spécial ne pour r apor t e rpr é j udi c eàl as i t uat i onde spr i s onni e r st e l l equ’ e l l ee s tr é gl é eparl a présente convention ni restreindre les droits que celle-ci leur accorde ». Mais le Cons e i ldeSé c ur i t éde sNat i onsuni e snej uge r aut i l ed’ appe l e re xpl i c i t e me ntl e s parties à se conformer aux Conventions et à libérer les prisonniers de guerre que le 29 juin 2001, par sa résolution 1359. Onr e mar que r aquel apos i t i ondel ’ Algérie n’ e s tpas sans poser problème. En dépit des évidences, Alger a toujours prétendu ne pas être partie au conflit du Sahara Ces données chiffrées sont extraites du Rappor tdel aMi s s i oni nt e r nat i onal ed’ e nquê t es ur Les conditions de détention des prisonniers de guerre marocains détenus à Tindouf (Algérie) du 11 avril au 25 avril 2003, France Liberté, Fondation Danielle Mitterrand. Cidessous « France Liberté ». 95 La Confédération helvétique est dépositaire des Conventions de Genève, ce qui lui confère la responsabilité particulière de veiller à leur bonne application. 96 57 occidental. Mais les prisonniers de Tindouf étaient bien détenus sur le sol algérien et, si le pays avait accueilli le Polisario et les autorités de la RASD, il semble bien qu’ àauc unmome ntAl ge rn’ ai tr e nonc éàe xe r c e rs onpr i vi l è gedes ouve r ai ne t és ur que l que par t i e de s on t e r r i t oi r e que c es oi t .En d’ aut r e st e r me s ,mê me s i , virtuellement, les installations proches de Tindouf dépendaient de l ’ aut or i t édel a RASD,Ti ndoufr e s t ai ts i t ué e n Al gé r i e( e t ,quipl us e s t ,i ls ’ agi td’ une z one mi l i t ai r e …) .L’ aut or i t équis ’ ye xe r ç ai té t ai tdoncduCommandantder é gi onmi l i t ai r e (algérien) pour tout ce qui relevait de la Défense et du Préfet de Willaya pour toutes l e smat i è r e sc i vi l e s .A Ti ndouf ,l apui s s anc es ouve r ai ner e s t ai tdoncl ’ Al gé r i e ,l al oi al gé r i e nne é t ai t d’ appl i c at i on e t Al ge ré t ai tr e s pons abl e du r e s pe c t du dr oi t i nt e r nat i onal( yc ompr i sdudr oi thumani t ai r e )pars e shôt e s .L’ Al gé r i eadonc été c ompl i c ed’ unevi ol at i onde sConve nt i onsdeGe nè ve . VII.2. Les observations du Comité international de la Croix Rouge En 1995, le Comité international de la Croix Rouge (CICR) avait recensé 2.155 prisonniers de guerre (PG) marocains dans les différents camps du Polisario et e s t i mai tqu’ i lye navai te nc or e200depl usauxque l se l l en’ avai tpase uac c è ss urun total approximatif de 2.400 prisonniers pour les deux côtés. Le Polisario en détenait donc à peu près 2.355 et le Maroc quelques dizaines97. On soulignera que les obs e r vat i onsduCI CR nepouvai e ntqu’ ê t r epar t i e l l e spui s ques onac c è ss el i mi t ai tà quatre camps de prisonniers, le Polisario déplaçant les PG qui étaient dans des camps inaccessibles pour rendre leur visite possible. VII.3. Les observations de Human Rights Watch HRW s ’ e s té gal e me ntr e ndudansl e sc ampsdepr i s onni e r spoure xami ne rdepl us près le sort des PG. Malgré les promesses du Polisario quis ’ é t ai te ngagéàl ai s s e rl e s délégués de HRW accéder à tous les sites où étaient détenusde sPG,l ’ or gani s at i on n’ ae uac c è squ’ àde uxc e nt r e sdedé t e nt i on: le Centre Mohammed Lasyad et le Centre Hamdi Aba Sheikh. « D’ apr è sun pr i s onni e rquia é t édé pl ac ée nt r e différents camps depuis 15 ans, « c es ontl e ss e ul sc e nt r e squ’ i l smont r e ntaux étrangers. Vous ne devriez pas croire que les conditions sont les mêmes dans les autres camps98 ». Le délégué note : « Certains des PG semblaient effrayés de parler au représentant de HRW,al or squed’ aut r e snemont r ai e nts i mpl e me ntauc un i nt é r ê t .D’ apr è s un vi s i t e urde sc amps ,c epour r ai tê t r edûauf ai tque“ t antdej our nal i s t e se taut r e sont visité les PG ces dernières vingt années sans être capables de les aider à recouvrer la 99 ». l i be r t é ,qu’ i l sontpe r dut outi nt é r ê tàc e sc ont ac t s “ Ces données sont citées dans le rapport de Human Rights Watch (HRW) : Western Sahara, Keeping it Secret, The United Nations Operations in the Western Sahara. Ce r appor tpe utê t r et é l é c ha r géàl ’ adr e s s es ui vant e: http://www.hrw.org/reports/1995/wsahara.htm page 30. Ci dessous : « HRW » 97 98 HRW, page 30. 99 Idem. 58 Quant aux conditions de détention : « Il est obligatoire pour les prisonniers de t r avai l l e rhor sde sc ampsdansde sz one ss ousc ont r ôl eduPol i s ar i o,s ’ oc c upantdel a construction ou de la mécanique, ou encore comme tailleurs. Ils ne sont pas payés pour leur travail, en violation des règlements internationaux100 101 ». La durée du travail et sa pénibilité sont également soulignés : « Nous commençons à t r avai l l e rà6H00ouà7H00e tnousnousar r ê t onsà03H00.C’ e s tt r è sdi f f i c i l edans l ac hal e ur .Avantc ’ é t ai te nc or epl usdur .Jus qu’ e n1 987,nousf ai s i onsc equenous appelions du travail forcé et nous étions obligés à travailler plus longtemps, parfois la nuit102 ». Les quantités de nourriture attribuées aux PG sont inférieures à celles des réfugiés et insuffisantes, ils doivent voler pour survivre103 104. Les observations du CICR c onf i r me ntc epr obl è med’ al i me nt at i one tl e sac c us at i ons det r avai lf or c épui s que ,l eDé par t e me ntd’ Et atnot e r aque«en avril et en novembre 2000,l eCI CRadé t e r mi néquel ’ e ns e mbl ede sPGé t ai e nte ntrès mauvaise santé. Il y a aussi eu des rapports crédibles que le Polisario les utilisait pour le travail forcé105 ». En 2001, le Départ ement d’ État remarquait : « Le leadership du Polisario continue à refuser de se conformer aux requêtes répétées de libérer tous les PG sur unebas ehumani t ai r e ,e n dé pi tdu f ai tquel a maj or i t éd’ e nt r ee uxai e nté t ée n détention depuis plus de 20 ans et que leur santé se détériorait sérieusement du fait des mauvaises conditions dans lesquelles ils étaient détenus106 ». 100 Idem. Les articles 54 et 62 de la 3ème Conve nt i ondeGe nè ves t i pul e ntqu’ unei nde mni t édet r av ai l e s tdueauxpr i s onni e r se tqu’ e l l ene«pourra jamais être inférieure à un quart de franc suisse par journée entière de travail ». 101 102 HRW, page 31. 103 Idem. L’ ar t i c l e26del a3ème Convention de Genève stipule : « La ration quotidienne de base sera suffisante en quantité, qualité et variété pour maintenir les prisonniers en bonne santé et e mpê c he runepe r t edepoi dsoude st r oubl e sdec ar e nc e … Lapui s s anc edé t e nt r i c ef our ni r a aux prisonniers de guerre qui travaillent les suppléments de nourriture nécessaires pour l ’ ac c ompl i s s e me ntdut r avai lauque li l ss onte mpl oy é s». 104 U.S. Department of State, Bureau of Democracy, Human Rights and Labor, Country Reports on Human Rights Practice, Western Sahara, 23.02.01. Ce rapport peut être consulté àl ’ adr e s s es ui vant e: http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2000/nea/825.htm 105 U.S. Department of State, Bureau of Democracy, Human Rights and Labor, Country Reports on Human Rights Practice, Western Sahara, rapport 2001, 04 04.03.02 http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2001/nea/8281.htm . 106 59 VII.4. Le rapport de « France liberté » Le document le plus accablant existant à ce jour sur les conditions de détention des prisonniers de guerre marocains aux mains du Polisario est certainement le rapport établi en 2003 par la Fondation France Liberté de Mme Danielle Mitterrand. Il e s td’ aut antpl usdi f f i c i l eàr é f ut e rpourl ePolisario qu’ i lpr ovi e ntd’ uneor gani s at i on de gauche qui a toujours démontré une grande sympathie pour la cause sahraouie et a mené à bien de nombreux programmes dans les camps de Tindouf. Ce texte de que l que sdi z ai ne sdepage sdr e s s eunvé r i t abl ec at al oguedel ’ hor r e ur . Tous les sévices ou mauvais traitements possibles y figurent, ou presque. La torture « Pr at i que me ntt ousl e spr i s onni e r sonté t ét or t ur é sl or sdel ’ i nt e r r ogatoire qui a s ui vil e urc apt ur e .L’ unde st or t i onnai r e sé t ai tAhme dMoul ayChr i fFi l al idi tAï t Chr i f … En 1 982, l e l i e ut e nant Abde r ahmane qui r e f us e de donne r de s renseignements militaires est brûlé vif au kérosène par Aït Chrif. Et Mohamed Salem dit Filipi, puis achevé107 ». « En 1981, le sergent Zebda est exécuté pour avoir volé des cigarettes, et le détenu Abdellatif Marakchi torturé et exécuté pour un vol de confiture108 ». Les tortures recensées par France Liberté comprennent109 : L’ e nf e r me me ntdansune cantine de 1,20 m sur 0,80 cm 23 heures par jour pour des périodes pouvant atteindre 1 an. Le fouet administré avec un câble électrique. Le passage à tabac. La suspension par les pieds pour des périodes de plusieurs heures. Les uppl i c edel ’ e au( t ê t epl ongé edansunebas s i nej us qu’ às uf f oc at i on) . L’ e nf e r me me ntdansunc ont ai ne re npl e i ns ol e i l . 107 France Liberté, page 20. 108 France Liberté, page 21. 109 France Liberté, pages 21 et 23. 60 La participation des militaires algériens aux mauvais traitements « La quasi totalité des prisonniers ont été interrogés par des officiers algériens à Rabouni110 ». « 460pr i s onni e r saur ai e nté t édé t e nusdansde spr i s onsal gé r i e nne sj us qu’ e naoût 1 994,àBouf ar i k,auc ampdeJe l f a( 300km aus udd’ Al ge r ) ,àKs are lBoughar i( 1 50 km au s ud d’ Al ge r ) .I lnes ’ agi tpasi c ide spr i s onni e r sd’ Amgal a[ pr i s onniers marocains capturés lors du seul affrontement direct entre soldats marocains et al gé r i e ns .Le urpr é s e nc edansunege ôl eal gé r i e nneaur ai tdoncé t éj us t i f i é e …]I l s auraient subi des mauvais traitements et la sous-alimentation111 ». L’ assassi natdepri sonniers France liberté recense 14 cas documentés de PG assassinés parfois pour les e mpê c he rdepar l e rauCI CR.L’ unde spr i s onni e r sas s as s i né s ,Brahim Tébia avait perdu la raison suite aux sévices. Il a été tué en 1983.112 Vingt-six autres PG sont abatt usout or t ur é sàmor ts ui t eàde st e nt at i ve sd’ é vas i on 113 ratées .L’ é vas i one s tpuni eparl at or t ur eoul amor t ,l as i mpl epr é par at i ond’ une évasion peut être punie de mort.114 Huit PG meurent suite à des accidents du travail.115 L’ exhi bi t i ondespri sonni ers de guerre à la curiosité publique Les PG ont été exhibés et soumis à la curiosité publique, ou même utilisés dans des s howsdepr opagandedur antl e s que l si l sonté t éc ont r ai nt sdec r i t i que roud’ i ns ul t e r ème l ’ Ét atmar oc ai n( c equic ont r e vi e ntàl ’ ar t i c l e1 3 de la 3 Convention de Genève) : « Ce sgr ave sat t e i nt e sàl e urdi gni t és onte nc or evi s i bl e s .Lapl upar td’ e nt r ee uxont du ressentiment pour les visiteurs ou les "touristes" c ommei l sl e sappe l l e nt ,c ’ e s t -àdire les représentants de certaines associations de solidarité internationale qui les ont vus et parfois même photographiés116 ». 110 France Liberté, page 28. 111 Idem. 112 France Liberté, pages 20 et 21. 113 France Liberté, pages 23 et 24. 114 France Liberté, page 23. 115 France Liberté, page 35. 116 France Liberté, page 22. 61 La malnutrition « Les prisonniers prennent deux repas par jour :unpl atdel e nt i l l e squis ’ appar e nt e davantage à une sorte de soupe ou bien un plat de riz ou de pâtes. Les prisonniers font leur pain eux-mê me s .I l sn’ ontparc ons é que ntdansl e urr é gi meal i me nt ai r eni protéines végétales ni protéines animales. Certains prisonniers complètent leur alimentation en travaillant chez des particuliers sahraouis contre de la nourriture117». Lapri vat i ondevêt ement setl ’ absencedel ogement « Jus quedansl e sanné e s890 l e spr i s onni e r sn’ avai e ntnic haus s ur e sniaut r e vê t e me ntqu’ unpant al on.I l sdor mai e ntdansde sc ont ai ne r soude st r anc hé e spar groupe de 10 avec une couverture pour 3. La mission a rencontré des dizaines de pr i s onni e r squi ,e nc or eauj our d’ hui ,n’ ontauc unabr ie tdor me ntde hor s .I ls ’ agi t essentiellement des prisonniers qui sont soumis au travail forcé dans les régions militaires et dans les postes militaires autour de Rabouni118 ». Le travail forcé France Liberté établit la liste des travaux confiés aux prisonniers : fabrication de br i que se tc ons t r uc t i onsd’ i nf r as t r uc t ur e s ,c haqueouvr i e rde vantf abr i que raumoi ns 120 briques par jour. Les chantiers emploient de 20 à 300 PG, suivant leur importance : « Ils étaient réveillés à 04h00 et rassemblés. A 05H00, ils étaient répartis en plusieurs groupes pourl et r avai l .I l snepouvai e nts es oul age rqu’ unef oi sparj ouraur é ve i ls i non,l e reste de la journée, ils se voyaient contraints de faire sur eux. Ils ne pouvaient même pass ’ ar r ê t e rpourboi r e .Ce uxquié t ai e nts ur pr i sbuvantl ’ e au s oui l l é equil e ur s e r vai tà f ai r el e sbr i que sà mê mel es olé t ai e ntf oue t t é s .I l ss ’ ar r ê t ai e ntpour manger un peu de riz ou des lentilles qui leur étaient servi dans une brouette de c hant i e r .Le spr i s onni e r sr e pr e nai e nte ns ui t el et r avai lj us qu’ àl at ombé edel anui t . Chahid El Hadad est un centre de détention au sud de Tindouf qui a été construit en 45 jours par les prisonniers marocains en 1982, 200 personnes y ont travaillé jour e tnui t …119». Mais il y a plus grave :e nvi ol at i ondel ’ ar t i c l e50del a3ème Convention de Genève ( quii nt e r di td’ e mpl oy e rl e spr i s onni e r sàde st âc he sàc ar ac t è r emi l i t ai r e )de sPG auraient été affectés à de st r avauxs urde ss i t e sl i é sàl ’ ar mé e: ils ont creusé des tranchées dans la région de Ouargziz, transporté des munitions, etc.120 117 France Liberté, page 25. 118 Idem. 119 France Liberté, page 31. 120 France Liberté, page 33. 62 VII.5. La réponse du Front Polisario à « France Liberté » Cel ongc a t al oguedes é vi c e snes us c i t e r aqu’ uner é pons eas s e zfaible de la part du Front Polisario : elle tient en un document publié en septembre 2003121. L’ or gani s at i on,dansl epr é ambul edec epl ai doye re n dé f e ns ej ugel er appor tde 122 France liberté « partial, déséquilibré et malhonnête » e tr e pr oc heàl ’ as s oc i at i on d’ avoi r«donné suite à des allégations ayant comme seule source les prisonniers de guerre marocains, soldats capturés au cours des combats les armes à la main123 », curieux argument. Le Front s ’ at t ac hee ns ui t e ,as s e zl abor i e us e me nt ,àr é f ut e rFrance Liberté point parpoi nt ,mai sl emoi nsquel ’ onpui s s edi r ee s tqu’ i lpe i neàc onvai nc r e . Sil ’ onr e l è vee f f e c t i ve me ntde sappr oxi mat i onse tde sc ont r adi c t i onsdansl et r avai l de France Liberté,i ln’ e nr e s t epasmoi nsquel e sc ont r ear gume nt sduPolisario demandent à être acceptés tels quels et sans aucun débat. Ainsi, pour ce qui est des morts par accident du travail, le Front se borne-t-il à contester les causes de la mort ou la date de celle-ci124. Abordant le problème des prisonniers sensément exécutés après une tentative d’ é vas i on,l e Front prétend ne pas connaître certains des noms avancés par l ’ as s oc i at i on f r anç ai s e ,af f i r me que c e r t ai ne s de s pe r s onne sc i t é e ss onte nc or e vivantes, mais reconnaît malgré tout une dizaine de décès attribués à des « échanges 125 ». de coups de feu » ou « àl af ai m,l ’ é pui s e me nte tl as oi f Encore plus troublante est la réfutation des cas de torture ayant entraîné la mort : à nouve auc e r t ai nsnomss onti nc onnusmai sunbonnombr ed’ aut r e ss ontbe le tbi e n mor t s … mai ss ui t eàde s « rixes », « de maladie » ou par « arrêt cardiaque126 ». Pour ce qui est du travail forcé, le Front Polisario affirme « qu’ i l sobt i e nne ntde s 127 bi e nsmat é r i e l se tde sc ompe ns at i onse né c hangede ss e r vi c e squ’ i l sf our ni s s e nt ». Quantauf ai td’ at t r i bue r«toutes les constructions »e xi s t ant e sàl ’ œuvr ee xc l us i ve 128 », ce qui signifie bien, si les mots ont un de spr i s onni e r sc ’ e s t«pl usqu’ e xagé r é s e ns ,quec en’ e s tpoi ntf aux. « Réponse au rapport publié par la Fondation France liberté sur les conditions de détention des prisonniers de guerre marocains aux mains du Front Polisario », ci-dessous : « Réponse Polisario ». 121 122 Réponse Polisario, page 1. 123 Réponse Polisario, page 2. 124 Réponse Polisario, page 6. 125 Réponse Polisario, pages 10 à 13. 126 Réponse Polisario, pages 14 à 16. 127 Réponse Polisario, page 21. 63 VIII QUEL AVENIR POUR LE POLISARIO ? Au regard du passé qui est celui de cette organisation, la question qui se pose auj our d’ huie s t:que le s tl ’ ave ni rduPolisario ? Quelques jours après la libération des prisonniers de guerre marocains, en août 2005, Mohamed Abdelaziz, Secrétaire général du Polisario et président de la RASD, avai taf f i r mé s ’ at t e ndr e «à une meilleure implication des Etats-Unis dans le 129 règlement du conflit ». Au quotidien algérien L’ Expr e s s i on, il confiait, non sans cynisme : « La décision [de la libération] a été prise en mai dernier, entre temps, et notamment depuis le 21 mai, des manifestations pacifiques ont été organisées dans les villes et territoires occupés et même dans certaines villes du sud marocain et dans les universités marocaines, là où il y a des étudiants sahraouis. A ces manifestations pacifiques, le gouvernement marocain a opposé la force et la répression les plus brutales. Cette démarche des autorités marocaines a, en quelque s or t e ,r e t ar dél al i bé r at i ondec e spr i s onni e r s … Jef é l i c i t eaunom demonpe upl ee t du gouvernement ainsi que du Polisario, les familles marocaines pour leur joie d’ avoi re nf i nr e t r ouvé c e ss ol dat sr e t e nuspour f ai t sde gue r r e .A t r ave r sc e s f ami l l e s ,j ef é l i c i t el epe upl emar oc ai nàl ’ oc c as i ondel al i bé r at i onde ss ol dat se t officiers marocains détenus, durant, le plus souvent, de longues années130 ». Lebour r e auf é l i c i t ants avi c t i mee ts af ami l l ed’ avoi ré c happéàs e sgr i f f e s ,i lf autbi e n adme t t r equec e l an’ e s tpasbanal . Le Polisario entend donc bien profiter de la nouvelle donne politique créée par l ’ apr è s1 1s eptembre 2001 et par la Guerre contre le terrorisme. Les Etats-Unis souhaitant stabiliser et sécuriser le Maghreb e tnepouvantl ef ai r es ansl ’ Al gé r i e ,e t cette dernière continuant plus que jamais à soutenir les ambitions du Polisario et de la RASD, tous l e se s poi r ss ontpe r mi s .Mai sl amar gedemanœuvr edel ’ or gani s at i on s é par at i s t ee s tné anmoi nsé t r oi t e .Cars il ’ Al gé r i ee s ti ndi s pe ns abl eàt outé qui l i br e régional, il en va de même du royaume du Maroc, et Washington ne peut donc le froisser, en admettant mê me que ,s url e sbor ds du Pot omac ,que l qu’ un s onge s é r i e us e me ntàhe ur t e rdef r ontc eMar ocave cl e que ll ’ Amé r i quee nt r e t i e ntde s relations amicales et harmonieuses depuis plus de deux siècles. Reste à savoir si, in fine,l ’ admi ni s t r at i on amé r i c ai nepe utr é us s i rl àoù l ’ ONU a échoué depuis 1991 et, le cas échéant, si le Polisario s e r apar t i epr e nant ed’ une éventuelle solution. 128 Réponse Polisario, page 21. 129 Dépêche Associated Press, 23 août 2005, 16H07. 130 L’ Expr e s s i on, 23 août 2005. 64 Car ,onl ’ avu,l age nè s e ,l ’ i dé ol ogi e ,l emodedef onc t i onne me nte tl e spr at i que sdu Front Polisario permettent de nourrir de sérieux doutes sur les capacités de ce mouvement à être une force de stabilisation et de paix capable de participer à l ’ avanc é e du Gr and Maghr e bv e r sl a dé moc r at i e , dont Was hi ngt on f ai t de l ’ é t abl i s s e me nte tdur e nf or c e me ntdansl emondear abel api e r r eangulaire de sa stratégie anti-terroriste sous ce deuxième mandat de Georges W. Bush. VIII.1. Un bilan qui demeure médiocre en matière de respect des droi t sdel ’ homme Certes, la libération –même très tardive –des « plus anciens prisonniers de guerre du monde » - va dans le bon sens, et, par ailleurs, il semblerait que les violations les pl usgr ave sde sdr oi t sdel ’ hommeappar t i e nne ntaupas s épourl ePolisario, même s il ’ or gani s at i on e s tl oi n d’ avoi rat t e i ntde ss t andar dsac c e pt abl e se n matière de gouvernance et de démocratie. Mai ss onbi l ande me ur ede spl usmé di oc r e se nmat i è r ededr oi t sdel ’ homme .Da ns son Rapport annuel 2005,l ’ or gani s at i on Amnesty International (A.I.) écrit : « Le saut e ur sd’ at t e i nt e sauxdr oi t shumai nsc ommi s e sdans le passé dans ces camps [ c e uxdu Pol i s ar i o]c ont i nuai e nt[ e n 2004]dej oui rdel ’ i mpuni t é .Ce uxquis ’ y t r ouvai e nte nc or en’ avai e ntt ouj our spasé t ér e mi sparl ePol i s ar i oauxaut or i t é s 131 algériennes pour être déférées à la justice ». A.I. ne faisait ainsi que continuer dans la voie que était la sienne depuis bien des anné e s .Dansunr appor td’ avr i l1 996,l ’ or ga ni s at i oné c r i vai te ne f f e t: « Depuis 1981, Amnesty International a également exprimé sa préoccupation au sujet des abus commis dans les camps de réfugiés sous la responsabilité des autorités du Polisario dansl ar é gi ondeTi ndouf ,aus uddel ’ Al gé r i e .Le svi ol at i onsde sdr oi t sdel ’ homme dansl e sc ampsder é f ugi é s …i nc l uai e ntl e sdé t e nt i onsar bi t r ai r e spr ol ongé e s ,l a t or t ur ee tl ’ as s as s i natdé l i bé r éd’ oppos ant sc onnusous us pe c t é sauFr ontPol i s ar i o. De nombreuses personnes ont été détenues et accusées de comploter contre les autorités du Polisario au profit de pays ennemis, spécialement dans les années soixante-dix et au début des années quatre-vingt. Beaucoup de ceux qui avaient été arbitrairement détenus souvent pour plusieurs années ont été relâchés après de violentes protestations, en 1988, contre la répression politique dans les camps. Les détenus avaient souvent été torturés et maltraités et n’ é t ai e ntpasaut or i s é sàavoi r de sc ont ac t save cl e ur sf ami l l e s .Bi e nquel as i t uat i onde sdr oi t sdel ’ hommes e mbl e s ’ ê t r eamé l i or é eapr è sl e sé vè ne me nt sde1 988,A. I .ar e ç ude sr appor t sc onc e r nant des tortures et des mauvais traitements de prisonniers jus qu’ e n1 992.Ce sdé t e nusde la fin des années quatre-vingt comprenaient Khalif Laroussi Zaougai, qui a été détenu en 1987 après son arrivée dans les camps, et de Salama Khbaou, qui a été détenu a la fin de 1989, trois mois après être arrivé dans les camps. Ils auraient tous de ux é t é dé t e nus j us qu’ àl a mi -1991. Certains détenus sont morts en prison, apparemment des suites de tortures et de mauvais traitements. Parmi eux, El Mehdi Othman Souayah, qui a été détenu en 1976 et serait mort en détention à la fin de Amnesty International, Rapport 2005 : http://www.amnestyinternational.be/doc/artivles5505.html 131 65 1977, et Mohamed Moussa ould Mokhtar, qui est réputé avoir été arrêté au début de 1983 et être mort en prison dans les années suivantes. A ce jour, les autorités du Polisario ont manqué à fournir quelque information spécifique au sujet des détentions, de la torture, des mauvais traitements et des morts en détention. Depuis le début des années 1990, les autorités du Polisario ont reconnu que des abus des dr oi t sdel ’ hommeavai e ntpr i spl ac edansl epas s é .I l sontaf f i r méquet out e sl e s victimes de violations de s dr oi t s de l ’ homme s e voyai e ntr e c onnaî t r ec omme « victimes de guerre » et avaient droit aux mêmes réparations et que des mesures avai e nté t épr i s e spourpr é ve ni rt out evi ol at i onde sdr oi t sdel ’ homme .Enr é pons eà quelques cas spécifiques soulevés par Amnesty International, les autorités du Pol i s ar i oontdé c l ar équel e spe r s onne sc onc e r né e sn’ avai e ntj amai sé t édé t e nue s ,e t qued’ aut r e sé t ai e ntmor t sauc ombatoude ss ui t e sdemal adi e .I l sn’ ontpas ,c e l a étant, fourni tous les détails sur ces cas ous url e sc asd’ aut r e svi c t i me sdevi ol at i ons de sdr oi t sdel ’ hommeoupr i sde sme s ur e spoure nquê t e rs urc e sabuse tas s ur e r 132 qu’ i l snes er e pr odui r ai e ntpas … ». VIII.2. Une absence patente de volonté de dialogue L’ unde ss t i gmat e st ot al i t ai r e squic ontinuent à peser sur le Polisario et augure mal de sa capacité à participer à la recherche de solutions politiques –une approche qui de mandeàl ’ é vi de nc eunec e r t ai nes oupl e s s ee tuneapt i t udeauc ompr omi s–est l ’ abs e nc edevol ont ér é e l l ededi al ogue .Or ganisation totalitaire (le seul fait que Mohamed Abdelaziz soit à sa tête sans discontinuer depuis près de 30 ans en est une preuve), le Polisario réagit à la critique comme le fait classiquement toute structure totalitaire :parl ’ i ns ul t ee tl ’ e xc ommuni c at ion, et le refus de la discussion. En novembre 2003, une délégation de chefs de tribus sahraouie acquis aux thèses marocaines avait fait une visite en France. Elle avait évidemment été fortement décriée par les amis du Polisario, mais en quoi les dirigeants sahraouis proche de Rabat seraient-i l s moi ns l e sr e pr é s e nt ant s du pe upl es ahr aouique ne l ’ e s tl e Front Polisario ? Dans cette logique du « tout ou rien » et du « nous contre les autres » assez représentative de la pensée stalinienne, tout ce qui s’ oppos eauPolisario doit donc être attaqué, vilipendé et si possible détruit. Ainsi, lorsque la parlementaire européenne Catherine Lalumière –par ailleurs ancienne ministre socialiste - ose r é di ge runr appor tquin’ é pous epasl e st hè s e sduPolisario et de ses thuriféraires, les sympathisants français du Front expriment-i l sl e urr e j e td’ une«réécriture de l ’ hi s t oi r edé nué edet outs c r upul e», condamnant « l es i gnemani f e s t ed’ unevol ont é 133 de désinformation ». Quant à Fadel Ismail, chef de la mission du Sahara occidental (Polisario) au Royaume-Uni, il écrira, le 21 avril 2001, que « le rapport de Amnesty International, rapport daté du 18 avril 1996 et consacré aux « Violations des dr oi t sdel ’ hommeauSahar aOc cidental ». 132 Communi quéàt é l é c har ge ràl ’ adr e s s es ui vant e: http://www.saharawi.it/documenti/2002/3.htm 133 66 Catherine Lalumière épouse aveuglément les thèses expansionnistes marocaines et cautionne la tentative de génocide politique du peuple saharoui134 ». Qu’ unpr of e s s e uràl ’ é c ol edegue r r edePar i s ,Aymeric Chauprade, tente, à son tour, de faire valoir le « dr oi td’ i nv e nt ai r e» de tout chercheur, et voilà Mohamed Sidati, ministre délégué de la RASD e tme mbr edes aDé l é gat i onpourl ’ Eur ope ,qui prend le mors aux dents, affirmant que M. Chauprade, « de conférence bidon en déclaration à la presse marocaine remplit la galère. Engagé avec émoluments pour la besogne, celui-c in’ hé s i t epasàé me t t r el e st hè s e sl e spl usi nvr ai s e mbl abl e se tl e s plus fantaisistes. Faut-il rappeler que ce mercenaire de la plume [est le] professeur des idéologies les plus sinistres ? 135 ». Quant aux ralliés et autres défecteurs, ce sont, bien entendu, des « traîtres ». Au dialogue et à la remise en cause de ces certitudes idéologiques, le Front Polisario s e mbl epr é f é r e rl ’ i ns ul t ee tl ’ e xc ommuni c at i on. VIII.3. Une force de déstabilisation toujours active Pour arriver à ses fins –la déstabilisation du Maroc au Sahara occidental - le Front Polisario n’ hé s i t epasàus e rdel ’ ar medel adé s i nf or mat i on. Ainsi, au printemps 2005, de quelques manifestations à Laâyoune et dans quelques autres villes de la r é gi on,i lf e r a,parl amagi eduve r be ,l edé butd’ unepe t i t er é vol ut i on.S’ agi s s antd’ un c asd’ é c ol e ,i le s ti nt é r e s s antdes ’ a t t ar de rque l quepe uàc e tte affaire. Al ’ or i gi nede t out ,un pe t i tt r uand e mpr i s onné à Laâyoune, Haddi Hamed Mahmoud Ben Mohamed Ben Ali,âgé de 28 ans ,c r i mi ne ld’ habi t ude e t multirécidiviste violent déjà condamné pour vols, coups et blessures, escroqueries. En décembre 2003, il a été condamné à 7 années de détention pour trafic de stupéfiants. Devenu le caïd de la prison de Laâyoune, où il tente de faire régner sa loi, le jeune homme se découvre des idées indépendantistes et, à la mi-2004, il r e nvoi es e s papi e r s d’ i de nt i t é au par que t ,e xi ge d’ ê t r e dé c hu de l a nat i onal i t é marocaine et se proclame « prisonnier politique ». Les relais du Polisario, toujours à la recherche de ce qui peut mettre le feu aux poudres dans les « territoires », s ’ e mpar e ntdes on c ase tt e nt e ntd’ e nf ai r eun martyr de la répression. Devant l ’ é vol ut i on del as i t ua t i on,l emi ni s t è r edel aJus t i c edé c i dedef ai r et r ans f é r e rl e trublion 400 km plus au nord pour calmer le jeu. Le 21 mai 2005, jour programmé de son transfert, plusieurs dizaines de membres de sa famille bloquent les accès à la prison. Des coups sont échangés entre ces manifestants et la police, rien de vraiment grave. Le lendemain soir, les sympathisants du Polisario rassemblent une petite foule de deux cents personnes qui manifestent devant la maison du détenu aux cris de « Marocains dehors ! ». La police intervient et disperse sans violence le rassemblement. Deux jours plus tard, unec e nt ai nedej e une sge nse tpar f oi sd’ e nf ant sdé f i e ntl apol i c e ,l anc e ntque l que s pierres et brûlent des pneus dans le centre de Laâyoune. Le lendemain, les brigades 134 http://www.arso.org/FPUK210402.htm 135 Communiqué du bureau de la RASD à Bruxelles, le 19 avril 2004. 67 anti-émeutes « nettoient » l equar t i e rr e be l l e .Commel ’ é c r i tl emagaz i nef r anç ai s Jeune Afrique-L’ i nt e l l i ge nt ,r é put épours ac ouve r t ur edel ’ ac t ual i t ée nAf r i quedu Nord : « Les manifestants lancent des cocktails Molotov et même des bouteilles de gazquin’ e xpl os e ntpas .De uxdr ape auxmar oc ai nss ontbr ûl é se npubl i c–du jamais vu au Sahara – e tc e l uiduPol i s ar i oe s tbr andi … Bas t onnade se ti nt e r pe l l at i ons musclées. Trente-cinq Sahraouis sont arrêtés et une cinquantaine blessés, pour la 136 ». pl upar tl é gè r e me nt .Auc unc oupdef e un’ aé t ét i r é A Dakhla, Smara et Assa, de petites manifestations de solidarité auront lieu, organisées par les cellules locales du Polisario. De même au Nord, des étudiants sahraouis manifesteront dans quelques universités. Certes, ces manifestations peu spontanées avaient un caractère ouvertement indépendantiste, mais elles ont à peine rassemblé quelques centaines de personnes. Cette agitation sera présentée, par la propagande du Polisario qui dénoncera le « génocide » et « l ’ hé c at ombe» (pour rappel :pasun c oup def e u,parun dé c è s …)c omme l edé butd’ une«Intifada sahraouie ». VIII.4. Le Polisario est-il menacé par une dérive islamiste ? Certains observateurs ont cru discerner, ces deux dernières années, une dérive « islamiste » du Polisario e ts ur t outd’ unef r angedes aj e une s s e .Dansl ec ont e xt e duMaghr e be ts ur t outdel ’ Af r i ques ubs ahar i e nne ,c e t t eé vol ut i ons e r ai té vi de mme nt particulièrement inquiétante. D’ anc i e nsdi r igeants du Polisario avec lesquels nous avons pu nous entretenir dans l ec adr edenosr e c he r c he sontr e c onnul ’ e xi s t e nc edupr obl è memai ss ansl ’ e xagé r e r . Ainsi, pour Hametti Rabani : « LePol i s ar i oe s te ns i t uat i ond’ é c he c .Lamaj or i t é des anciens combattant sl ’ ontqui t t ée ts ontr e c onve r t i s dans l e s af f ai r e se n Mauritanie. De nombreux dirigeants historiques sont partis également. Restent pas mal de jeunes. Que peut leur dire la direction ? Quel espoir peut-elle leur donner ? Aucun, le mouvement est dans l’ i mpas s e ,al or sc e r t ai ns ,pournepass edé s e s pé r e r , s et our ne ntve r sl ar e l i gi on,ve r sDi e u.I l sn’ at t e nde ntpl usr i e n de sc he f sdu Pol i s ar i omai st outdeDi e u.Di e ur e mpl i tl evi del ai s s éparl ’ i dé ol ogi epas s é i s t edel a direction du Polisario137 ». Mustapha Bouh est plus précis sur la genèse de cette islamisation : « Tout a commencé à la fin des années quatre-vingt. Des étudiants venus des camps de Ti ndoufe tpr é s e nt sdansl e suni ve r s i t é sd’ Al ge roud’ aut r e svi l l e sdunor dyont rencontré des membres du FIS qui tenaient le haut du pavé dans les facultés à cette époque. Ils ont été « contaminés » e ts ont r e ve nus ani mé s par l ’ i dé ol ogi e i s l ami s t e …138 ». 136 Jeune Afrique-L’ I nt e l l i ge nt , 12 juin 2005. 137 Entretien avec Hametti Rabani, Rabat, 4 août 2005. 138 Entretien avec Mustapha Bouh, Rabat, 5 août 2005. 68 I lyae u,àl ’ é poque ,que l que sdé r apage s .Ai ns i ,s e l onunof f i c i e rs upé r i e urmar oc ai n familier du dossier : « En 1994, les services de sécurité algériens ont saisi, entre les mains de terroristes du GIA, quelques armes dont les numéros de série leur ont appr i squ’ e l l e savai e nté t éf our ni e sparl e urpr opr ear mé eau… Pol i s ar i o.Onn’ a jamais su si ces armes avaie nté t éve ndue sdansl ec adr ed’ unt r af i couf our ni e saux terroristes par des sympathisants au sein des camps de Tindouf. Ce qui est certain, e nr e vanc he ,c ’ e s tquel aSûr e t émi l i t ai r eal gé r i e nneade mandéde se xpl i c at i onsau Polisario et a très sérieusement resserré son contrôle sur les islamistes appartenant auFr ont …139 ». Et antdonné el ’ e mpr i s et ot al ee xe r c é eparl e ss e r vi c e sdes é c ur i t éal gé r i e nss url e Polisario d’ une par te t ,d’ aut r e par t ,l ac ul t ur ee tl as oc i ol ogi e pr opr e s de s Sahraouis, la plupart des experts militaires que nous avons rencontrés estiment assez peu probable une dérive islamiste massive au sein du Front Polisario. Néanmoins, c e r t ai nss oul i gne ntquel ’ APLS étant désormais forcée de recruter dans le Nord du Mali ou de la Mauritanie pour maintenir le niveau de ses effectifs, une « infiltration » du Front par des éléments non-s ahr aoui sd’ or i gi nes ub-saharienne gagné spa rl ’ i dé ol ogi ei s l ami s t epour r ai tê t r eunehy pot hè s ee nvi s age abl e .Mai sl e s mêmes font remarquer que cette évolution restera probablement marginale, en r ai s ondel amai nmi s eal gé r i e nnemai saus s ipar c equel ’ i s l ami s mer e s t ec ant onné , dans les camps de Tindouf, à une frange de la jeunesse. Seule exception notable : le ministre de la Défense MohammedLami neOul dL’ Bouhal i , quel ’ ondi tgagnéà 140. l ’ i dé ol ogi ef ondame nt al i s t e VIII.5. Une dérive terroriste du Polisario est-elle possible ? Audé butdedé c e mbr e2003,1 53bout e i l l e sd’ unpr odui thaut e me nte xpl os i fe t1 2 kilomètres de fil électrique habituellement utilisé pour connecter la commande à di s t anc ed’ un e xpl os i fi ndus t r i e lé t ai e ntvol é sdansl e se nt r e pôt sdel aSNIM en Mauritanie.Nousl ’ avonsvu,dansl e sanné e ss oi xant e -dix, la SNIM avait été la cible de nombreuses attaques du Polisario.L’ i nqui é t udee s tdoncgr andee t une équipe mi xt ed’ e nquê t e ur smaur i t ani e nse tamé r i c ai nse s tmi s es urpi e dpourr e t r ouve rl e s 141 auteurs du vol . Le c e r ve a u de t out el ’ af f ai r ee s tr api de me nti de nt i f i é:i ls ’ agi tde Baba Ould Mohamed Bakhili, un cadre connu du Polisario. Ses lieutenants, Mohamed ElHussei nOulM’ Khei t i r,MohamedOul dAhmedOul dM’ Khei t i ret Mohamed Ould Khatri, tous mauritaniens, sont également connus pour leur sympathie pour le Polisario.Le ss us pe c t ss e r ontar r ê t é se tl ’ e ns e mbl ede se xpl os i f s sera retrouvé à Zérouate, l ’ unede svi l l e smaur i t ani e nne soù l ePolisario peut compter sur le plus de sympathisants. 139 Entretien avec un officier supérieur marocain, Rabat, 8 août 2005. 140 Ce fait nous a été confirmé par Hametti Rabani et Mustapha Bouh. Pourl e sdé t a i l sdel ’ af f ai r e ,ons er e por t e r aàl ’ he bdomadai r eMaroc Hebdo du 23 janvier 2004. 141 69 Les mobiles exacts de ce groupe ne sont pas connus. Agissaient-ils pour le compte du Polisario, et, dans ce cas, cela signifie-t-il que la direction du mouvement envisage d’ ut i l i s e rl ’ a r medut e r r or i s me? Etaient-ils en mission pour une autre organisation ? Mais alors laquelle ? Comptaient-ils, tout simplement, revendre leur prise au plus offrant ? Le risque terroriste doit, en tout état de cause, être pris au sérieux dans la zone qui vaduSudMarocetdel ’ Al géri eauNordduTchadetauxconf i nsduMal i , du Niger et de la Mauritanie. C’ e s td’ ai l l e ur sl er i s quededé s t abi l i s at i ondec e t t e r é gi on,e nt r eaut r e ss ousl ’ i nf l ue nc ed’ anc i e nsé l é me nt sduGI Ae tduGSPCalgériens descendus du Nord, qui pousse les Etats-Uni se tl ’ Eur opeàs ’ i nt é r e s s e rdet r è spr è sà l as é c ur i t édel az one .I le s tt r è se xc e s s i fd’ e nf ai r e ,c ommel ’ ontdi toué c r i tc e r t ai ns médias depuis environ un an, un « nouvel Afghanistan » où les organisations terroristes seraient « chez elles » et où même Al-Qaïda aurait déployé un « quartier général opérationnel » destiné à propager son idéologie et son combat en Afrique et à f r appe rl eMaghr e be tl ’ Eur ope . Mai si ln’ e mpê c hequet out ec e t t ez onee s tf ragile :l af ai bl e s s edel ’ aut or i t éde sEt a t s dueàl ’ é l oi gne me ntde sgouve r ne me nt sc e nt r aux,l ’ i mme ns i t édé s e r t i que ,l e sr i val i t é s t r i bal e se te t hni que s ,l apauvr e t é ,l ’ anal phabé t i s mes ontaut antdef ac t e ur sdange r e ux qui pourraient favoriser la disséminat i ond’ i dé ol ogi e sr adi c al e se t ,s ur t out ,l ac r é at i on d’ unez onedenondr oi t ,undec e s«espaces gris » qui inquiètent les états-majors et les services de renseignement occidentaux. Le Polisario pourrait-i lê t r el ’ unde sve c t e ur sdel at r ans f or mat i onde cette région en « espace gris »e tpar t i c i pe ràl ’ i r r upt i ondut e r r or i s medansl ’ e s pac es ub-saharien ? Mustapha Bouh ne le croit pas : « En 1975, nous avions envisagé de créer une uni t és pé c i al i s é edansl e sdé t our ne me nt sd’ avi on,nousavonsmê mes é l e c t ionné ses me mbr e se tj ’ aimê me r e nc ont r é pe r s onne l l e me ntAbou Ni dalà Bagdad pour e xami ne rs inouspouvi onse n appr e ndr eque l quec hos ed’ ut i l e .Pui snousavons r e nonc é .Nousavonsc ompr i s ,d’ unepar t ,quec e l anousf e r ai tpl usdemalquede bi e ne t ,d’ aut r epar t ,quec ’ é t ai tbe auc oupt r opt e c hni quepourl e sBé doui nsquenous sommes et qui, culturellement, sont davantage habitués à la guerre de razzia. Que le Polisario ou une partie de celui-ci évolue comme une bande armée qui se livre à la guérilla de harcèl e me ntà de sf i ns pr i vé e s ,c ’ e s tt r è s pos s i bl e ,mai s qu’ i ls e t r ans f or me e n or gani s at i on t e r r or i s t e ,j e n’ y c r oi s guè r e . A mon avi s , s oc i ol ogi que me nt ,c ul t ur e l l e me nte tps yc hol ogi que me nt ,c ’ e s tau-de l àdec equ’ un Bé doui npe utf ai r e …142 ». Certains élément s ,pour t ant ,donne ntàr é f l é c hi rs url ’ é vol ut i ondel ’ or gani s at i on.Au début 2001, le Polisario avai tme nac édes ’ e npr e ndr eauRallye Paris-Dakar si celui-ci passait par le Sahara occidental. Un haut responsable algérien avait même dû faire le voyage à Tindouf pour calmer les esprits : au second semestre de 2000 s ’ é t ai e ntdé r oul é e st r oi smanoe uvr e sdel ’ APLS, des armes avaient été distribuées et les fabriques de treillis militaires fonctionnaient à plein régime143. 142 Entretien avec Mustapha Bouh, Rabat, 5 août 2005. Voir Jeune Afrique-l ’ i nt e l l i ge nt , 16 janvier 2001 : http://www.jeuneafrique.com/articleImp.asp?art_cle=LIN160131les1eesirce0 143 70 Aut r es i gnalà pr e ndr ee nc ompt e ,l ’ at t aque de la caserne mauritanienne de Lemgheity, au printemps 2005. Le 4 juin 2005, un groupe de 150 hommes, fortement armé, attaquait la caserne de Lemgheity, à 75 km au-delà de la frontière maur i t ani e nne .L’ ac t i on f ai s ai t1 5mor t se t1 7bl e s s é se té t ai tr e ve ndiquée par le GSPC, qui aurait agi sous la direction de Mokhtar Belmokhtar. Ce dernier, installé dans le Nord du Mali, au mont Sibita, se serait spécialisé dans les activités de contrebande (carburant, cigarettes et armes) et dirige une petite phalange de combattants, Al Moulatoum.D’ apr è sc e r t ai nst é moi ns ,de své hi c ul e sduPolisario aur ai e ntpar t i c i péàl ’ at t aque ,e tl e sas s ai l l ant s ,oudumoi nsc e r t ai nsd’ e nt r ee ux, parlaient hassani, le dialecte parlé en Mauritanie et au Sahara occidental. Des hommes du Polisario ont-ils, à titre individuel, prêté la main à cette attaque ? Plusieurs de nos interlocuteurs, aussi bien parmi les anciens cadres du mouvement qu’ aus e i ndes e r vi c e sder e ns e i gne me ntoc c i de nt auxn’ ontpasr e j e t éc e t t ehy pot hè s e . VIII.6. La gangrène du crime organisé La menace la plus actuelle qui découle de la déstructuration du Polisario et de la faillite de son idéologie est la reconversion de nombre de ses membres dans le crime or gani s ét r ans f r ont al i e r .Ce c is ’ e xpl i que ,e nt r eaut r e s ,par la pauvreté qui règne dans l e sc ampse tparl ’ e xe mpl edel ac or r upt i onve nant«d’ e nhaut». En 2001, Foudel Mohammed Bella, un officier des forces de reconnaissance du Polisario, regagnait le Maroc après avoir passé 26 ans dans les camps. Il témoignait du fait que « les salaires des fonctionnaires [du Polisario] n’ avai e ntpas é t é payé s de pui s de s années » et que « les officiers reçoivent entre 12 et 17 dollars deux fois par an, une s i t uat i onquil e sf or c eàt r ouve rd’ aut r e sr e ve nus ,c ommel ec omme r c eoule trafic, 144 pour nourrir leurs familles ». A plusieurs reprises, ces dernières années, des éléments du Front Polisario ont été arrêtés dans des affaires de traite des êtres humains, acheminés vers le Maroc et qui e s s ai e nt ,del à,depas s e rve r sl ’ Eur ope. Dans le cadre de ces affaires, la preuve a été apportée que les personnes inquiétées avaient fait passer des centaines de « clandestins » vers la Mauritanie ou le Maroc. Des arrestations de Sahraouis liés au mouvement ont également été effectuées dans de saf f ai r e sdet r af i cd’ e s s e nc e ,d’ ar me s ,dec ont r e bandedec i gar e t t e soudepi è c e s détachées de voiture. L’ i mpl i c at i onmas s i ved’ é l é me nt sduFr ontPol i s ar i odansl ac r i mi nal i t éor gani s é ee t dans les trafics divers qui prolifèrent dans une zone subsaharienne de moins en moi nsc ont r ôl é epe utavoi rune f f e tdé s t abi l i s at e urs url ’ e ns e mbl edel ar é gi on.Ave c ses milliers de combattants en armes et ses dizaines de milliers de réfugiés parqués dans les camps et vivant dans la misère, le Front Polisario représent eauj our d’ hui l ’ une de s pr i nc i pal e sf or c e s ave cl e s que l l e si lf aut c ompt e r dans l ar é gi on. L’ é l oi gne me ntdet out epe r s pe c t i v edepar t i c i pat i ondel ’ or gani s at i onàunr è gl e me nt del aque s t i onduSahar aoc c i de nt ale tl edé s e s poi rqu’ i ls us c i t ec he zl e sl ai ssés-pourcompte des camps risque de transformer ceux–c ie nde s pe r adosqui ,n’ ay antpl usr i e n Cité par AranicNews.com, 24 juin 2001: Polisario Military officer flees camps back to Morocco. 144 71 àpe r dr e ,pour r ai e nts et our ne rve r sl avi ol e nc e ,qu’ e l l es oi tpol i t i queouc r i mi ne l l e . C’ e s tt out el ar é gi on s ubs ahar i e nnequis e r ai tal or sme nac é e ,uneme nac equi ne t ar de r ai tpasàde ve ni rpr é oc c upant epourl ’ Eur ope . 72 VIII EN CONCLUSION Le Polisario, qui fut, hier, une organisation très structurée, puissante et animée par une idéologie hybride de type marxiste-léniniste mâtiné de nationalisme, cherche auj our d’ huis e sr e pè r e s .Tr è saf f a i bl i eparl e sdé f e c t i onsquis es onts uc c é dé e sàun rythme soutenu depuis 1991, la direction resserrée autour de Mohamed Abdelaziz, tente de reprendre la main dans la partie qui se joue autour du Sahara occidental mais ses chances de participer à une solution politique semblent nulles et non ave nue st antqu’ e l l ener e nonc e r apasàl ar e ve ndi c at i ondel ’ i ndé pe ndanc e .I le s tc l ai r ques il eMar oce s tauj our d’ huipr ê tàdi s c ut e rd’ un statut de large autonomie pour le Sahar a,Rabatn’ ac c e pt e r a de s ol ut i on que dansl ec adr e mar oc ai n.On pe utl e r e gr e t t e rouc ondamne rc e t t eat t i t ude ,mai si ls ’ agi tl àd’ unf ai t . De nombreux experts ayant été mêlés, ces dernières années, aux tentatives onus i e nne sder é gl e rl aque s t i ons ahr aoui ear r i ve ntd’ ai l l e ur sàl amê mec onc l us i on. M. Erik Jensen, ancien responsable des opérations de recensement en vue du référendum ne disait pas autre chose, en juin 2005. Estimant que « les micros-Etats n’ ontauc unec hanc edes ur vi vr eà l ’ è r edel a mondi al i s at i on quir e pr é s e nt eun challenge que seul des alliances régionales peuvent affronter », il concluait : « Une large autonomie du Sahara au sein du Maroc serait la solution la plus réaliste pour résoudre le conflit145 ». Une grande partie des Sahraouis quasiment retenus en otage depuis près de trente ans dans les camps de Tindouf pensent probablement la même chose . Le Commandant Lahbib Ayoub,c ec ombat t antl é ge ndai r edel ’ APLS, confiait en 2002 : « Là-bas, dans les camps, il reste une minorité de gens convaincus, dé t e r mi né s ,quic r oi e nte nc or eàl ’ i ndé pe ndanc e .Mai sl e svr ai sSahr aoui s ,c e uxqui , comme moi, sont originaires du Sahara occidental, sont au bout du rouleau : ils ve ul e nte nf i ni re tl ’ aut onomi ei nt e r nec onstitue une chance inespérée146 ». Ce t t es ol ut i onpol i t i que ,l eMar ocyr é f l é c hi tde pui sde sanné e se ts e mbl eauj our d’ hui pr ê tàyt r avai l l e r ,dansl ec adr ed’ uneambi t i e us epol i t i queder é gi onal i s at i onqui engloberait tout le pays. Mais le Polisario peut-i ls ’ e ngage rdansc e t t evoi e? De nos c ont ac t save cl e saut or i t é smar oc ai ne s ,nousr e t i r onsl ’ i mpr e s s i on quel eFront Polisario pourrait être partie prenante à une solution. Mais il nous semble évident quepouravoi runec hanc edes ’ as s e oi ràl at abl ede snégociations et de participer à une « paix des braves »,l ’ or gani s at i onde vr ai t ,àt e r me( mai spe ut -être en cours de né goc i at i ons …)r e mpl i rquat r ec ondi t i ons: Cité dans ArabicNews.com, Autonomy within Morocco « realistic solution » to Sahara Conflict, Erik Jensen, 6 juin 2005. 145 146 Interview Ayoub. 73 Le renoncement total et définitif à la voie armée et le démantèlement des troupes. Le renonceme ntàl ar e ve ndi c at i on d’ i ndé pe ndanc ee tl adi s par i t i on del a RASD. L’ ouve r t ur ede sc ampsdemani è r eàpe r me t t r eàc e uxquil es ouhai t e ntde regagner le Sahara occidental. Une réelle démocratisation interne. L’ abs e nc et ot al e de dé moc r at i e dansl ef onctionnement du mouvement interdit malheureusement tout débat réel sur les orientations du Pol i sari oetl ’ onvoi tmal la direction actuelle renoncer à la chimère indépendantiste comme à ses privilèges. Dès lors, quelle peut-être son évolution ? Le retour à la voie des armes semble exclu, car on voit mal comment les Etats-Unis pourraient accepter de voir naître un conflit quir i s que r ai t ,àunmome ntoul ’ aut r e ,det our ne re ngue r r eouve r t ee nt r es e sde ux principaux alliés régionaux, le Maroc e tl ’ Algérie. Le r i s que e s tdonc qu’ un Polisario inutile, orphelin de son idéologie gauchiste originelle comme de son projet national irréaliste, se décompose lentement. Mais un Polisario en voie de c l oc har di s at i one td’ i mpl os i onnemanque r ai tpas ,onl ’ avu,d’ augme nt e rnettement le niveau des menaces –que ce soit celle du crime organisé ou celle du terrorisme – dansuner é gi onqui ,nousl ’ av onss uf f i s amme ntdi t ,e s tpar t i c ul i è r e me ntf r agi l ee t sensible. Outre une solution politique à la question du Sahara, il faut donc, désormais, trouver une manière de sortir le Polisario del ’ i mpas s edansl aque l l ei ls ’ e s te nf e r mé .Mai sl a direction actuelle semble être un obstacle majeur à une telle possibilité. Evoquant Mohamed Abdelaziz, le commandant Ayoub ne disait-il pas, en 2002 : « S’ i ln’ e nr e s t equ’ un,c es e r al ui …» ? 74 A N N EX E Auxraci nesdel ’ ant agoni smeent reAl geretRabat: la Guerre des Sables Le sr e l at i onse nt r el ’ Al gé r i ee tl eMar ocn’ ontj amai sé t éaube auf i xe ,l oi ndel à.La rivalité entre les deux pays est à la fois territoriale et idéologique. Dans les années qui onts ui vil ’ i ndé pe ndanc edel ’ Al gé r i e ,l er é gi me«progressiste » du FLN incarnait, tout particulièrement après la prise de pouvoir par Houari Boumediène, le modèle d’ unedé c olonisation « de gauche » qui voyait la revendication nationale se doubler d’ unegue r r er é vol ut i onnai r e . Pourl ’ Al gé r i es oc i al i s ant e ,pr oc hedel ’ URSSmai saus s ie npoi nt edansl emouve me nt des Etats dits « non alignés », le Maroc était un modèle à combattre :c e l uid’ unpay s al l i éà l ’ Oc c i de nte tr e pr é s e nt antunet ê t edepontdu mondel i br eau nor d du c ont i ne nt af r i c ai n.A Al ge r ,on e nt e ndai ts ouve ntdi r e ,j us qu’ e n1 978,que l a « Révolution » é c houe r ai ts ie l l es ’ ar r ê t ai tà l af r ont i è r e oc c i de nt al e .Ce n’ é t ai t d’ ai l l e ur spasnouve au,l ’ é l i t er é vol ut i onnai r eal gé r i e nneavai tt ouj our se s t i méqu’ e l l e é t ai tdé pos i t ai r ed’ unpr oj e td’ i ndé pe ndanc ee tdedé ve l oppe me ntpourl ’ e ns e mbl edu Maghr e be tl ’ anc ê t r e du FLN, l ’ Et oi l e nord-africaine de Messali Hadj, souhait ai tl ac r é at i ond’ ungr andEt atmaghr é bi ni nc l uantl aTunisie et le Maroc. Du reste, lorsque les protectorats avaient été balayés, en Tunisie et au Maroc, ces de uxpay sa vai e nts e r videbas ear r i è r eauxc ombat t ant sdel ’ ALN. En conséquence de quoi, Alger soutenait avec constance la gauche marocaine qui cherchait, dans les années soixante, à renverser la monarchie. Ainsi, le dirigeant de l ’ Uni onnat i onal ede sFor c e spopul ai r e s( UNFP)Mehdi Ben Barka s ’ i ns t al l a-t-il à Alger. De son côté, le Maroc allait plus tard accueillir des opposants au colonel Boumediène et, au premier chef, Mohammed Boudiaf. Ade uxr e pr i s e s ,c e t t evé r i t abl egue r r ef r oi deduMaghr e bs ’ e s tt r ans f or mé ee ngue r r e ouve r t e .Lade uxi è mef oi squ’ Al gé r i e nse tMar oc ai nss ’ af f r ont e r ontdi r e c t e ment sera la bat ai l l e d’ Amgal a en 1976, en pleine « Guerre du Sahara ». Le premier affrontement ouvert remontait à 1963. En octobre 1963, un bref conflit armé oppose les armées marocaine et algérienne, c ’ e s tl aGuerre des Sables. En cause, les territoires du Sahara, autour de Tindouf, quel aFr a nc eavai tanne xé sàs ac ol oni eal gé r i e nne .Apr è sl abat ai l l ed’ I s l ye nma i août 1844, la révision des frontières qui avait suivi la défaite marocaine, avec le traité deLal l aMaghni a,l e1 8mar s1 845,donnai tàl ’ Al gérie Tindouf, le Touat, la Saoura et Ti di ke l t .L’ Al gé r i e ,dansl e sanné e ss oi xant e ,dé f e ndai tâpr e me ntl e pr i nc i pe de «l ’ i nt angi bi l i t éde sf r ont i è r e shé r i t é e sdel ac ol oni s at i on».Mai si ln’ e n avai tpas toujours été de même. Le Maroc et la Tunisie avaient promis, face au GPRA (Gouvernement provisoire de la Ré publ i queal gé r i e nne ) ,l e6 j ui l l e t1 961 ,qu’ i l snes oul è ve r ai e ntauc uneque s t i on 75 t e r r i t or i al e avantl ’ i ndé pe ndanc ee tl e GPRA avai tadmi s ,de s on c ôt é ,que l e s f r ont i è r e sc ol oni al e sn’ é t ai e ntpasopposables à ses voisins. Une convention bilatérale e nt r el eMar oce tl eGPRA af f i r mai td’ ai l l e ur sque «les accords qui pouvaient intervenir à la suite de négociations franco-algériennes ne sauraient être opposables au Maroc quant aux délimitations territoriales algéro-marocaines…» En mars 1963, Ahmed Ben Bella c onf i r mai tc e t t ec onve nt i onàl ’ oc c as i ond’ une visite de Hassan II à Alger. Dans ses mémoires, Hassan II écrit que Ben Bella lui a déclaré : « Je demande à votre majesté de me laisser le temps de mettre en place en Algérie les nouvelles institutions. Lorsque, en septembre ou octobre, cela sera fait, al or snousouvr i r onse ns e mbl el edos s i e rde sf r ont i è r e s .I lvas ansdi r equel ’ Al gé r i e i ndé pe ndant enes aur ai tê t r el ’ hé r i t i è r edel aFr anc ee nc equic oncerne les frontières algériennes147 ». Une fois au pouvoir, Ben Bella reviendra sur cet engagement et de nombreux Mar oc ai nss e r onte xpul s é sd’ Al gé r i e .Pour t ant ,l ec œurde spopul at i onspe nc hai t bien, semble-t-il, vers le Maroc. Dans une note de juin 1962, « le Colonel Chevalier Chant e pi e ,c he fdu c e nt r ed’ e xpl oi t at i on de sr e ns e i gne me nt s ,é c r i tà pr oposde Tindouf que les populations Reguibat et Tadjakant de ce centre ont déjà fait leur choix qui est « incontestablement marocain148 ». Au début du mois de septembre, la pr e s s eal gé r i e nnes ’ e n pr e nd vi ol e me ntàHas s an I Iqual i f i éde«pantin ». Le 8 oc t obr e ,c ’ e s tAlger qui déclenche les hostilités :l ’ Ar mé enat i onal epopul ai r eat t aque les Forces armées royales à Hassi Beida. Les combats cesseront le 4 novembre. Ignace Dalle, qui a longtemps travaillé au Maghreb comme journaliste, estime : « Ce quie s tc e r t ai n,c ’ e s tque ,dansc e dos s i e rc ompl e xe ,l a qual i t é de sar gume nt s marocains et le comportement « fraternel » de Mohammed V pendant la guerre d’ Al gé r i e- même s’ i lé t ai tpe uc onc e vabl equ’ i le nf utaut r e me nt–méritaient un traitement plus convenable, moins cavalier et provocateur de la part de 149 ». l ’ Al gé r i e La Guerre des Sables,quoi qu’ i le ns oi t ,e s tgagné eparRabat ,mê mes il eMar ocne récupérera jamais les t e r r i t oi r e spe r dus ,e tl et r ai t éd’ I f r anede«Fraternité, bon voisinage et coopération » signé le 15 janvier 1969, est sensé clore définitivement le chapitre. 147 Hassan II, Le défi, Albin Michel, Paris, 1976, page 91. Ignace Dalle, Le st r oi sRoi s ,l amonar c hi emar oc ai nedel ’ i ndé pe ndanc eànosj our s , Paris, Fayard, 2004, page 297. 148 149 Ignace Dalle, page 303. 76 INDEX Abdelaziz, Mohamed : 8, 21, 40, 46, 52, 64, 66, 73-74 Agadir : 9 Ahmed Baba, Ghaouta Mohamed : 43 Al-Ayun : voir Laâyoune Alger : 18, 26, 37, 57 Algérie : 2-3, 8, 13, 18-19, 21, 28, 30, 42, 44-47, 53-54, 56-58, 70, 74-76 Al ge s i r as( Conf é r e nc ed’ ): 12 Al Moulatoum : 71 Al-Qaïda : 70 Amgal a( Ba t ai l l ed’ ): 61, 75 Amnesty International : 65 Annan, Kofi : 37, 45 Armée de Libération nationale : 12, 18, 22 Armée de Libération populaire saharouie (APLS) : 18, 26, 29-31, 33-34, 69, 70 Assa : 68 Ayoub, Commandant Lahbib : 27-29, 31, 33, 40, 43, 46, 73-74 Baker, James : 37 Bassiri, Mohammed : 27 Bat ai l l ed’ I s l y: 12 Bella, Foudel Mohammed : 71 Belmokhtar, Mokhtar : 71 Ben Barka, Mehdi : 19, 75 Ben Bella, Ahmed : 76 Bent Ebbi, Guajmoula : 43, 48 Bouaziz, Mostapha : 20 Boucraa : 29 Boudiaf, Mohammed : 47, 75 Bouh, Mustapha : 21-22, 26, 30, 34, 39-40, 42, 54, 68, 70 Boujdour : 29 Boumediène, Houari : 75 Bouteflika, Abdelaziz : 9, 46 Bush, Georges W. : 65 Camp de réfugiés d’ Al -Aayun (Tindouf) : 40 Camp de réfugiés d’ Aous s e r d(Tindouf) : 40 Camp de réfugiés de Dakhla (Tindouf) : 40 Camp de réfugiés de Smara (Tindouf) : 40 Centre de détention Hamdi Aba Sheikh (Polisario) : 59 Centre de détention de Jelfa (Algérie) : 61 Centre de détention de Ksar el Boughari (Algérie) : 61 Centre de détention Mohammed Lasyad (Polisario) : 59 CFDT : 23 CGIL : 23 Chauprade, Aymeric : 67 CICR : 58, 59 77 CISL : 23 Comité sur le Sahara occidental (France) : 13 Commission royale de suivi des affaires sahariennes : 38 Conseil fédéral suisse : 57 Conseil de Sécurité : 9, Conventions de Genève : 56, 57, 61, 62 Cour internationale de Justice : 13, 15 Corée du Nord : 28 Cuba : 19, 20, 49 Dakhla : 8, 11, 21, 26, 28, 29, 68 Dalle, Ignace : 76 De Froberville, Martine : 13 Dé l é gat i onpourl ’ Eur ope( Pol i s ar i o): 67 Djebel Ouarkziz : 29 Dkill, Bahir : 43 El-Ghallaoui, Sidati : 39, 43 Enfants Réfugiés du Monde : 51 Etats-Unis : 2, 3, 19, 56, 64, 74 Espagne : 22 Europe : 2 Fès (traité de) : 12 FLN : 75 Fondation France Liberté : 60-63 Forces Armées Royales (FAR) : 29 Force ouvrière : 23 FREPIC (Canaries) : 52 GIA : 70 GSPC : 70, 71 Guelta Zemmour : 30 Guergarat : 29 Guerre des Sables : 18, 30, 45, 75-76 Guevara, Che : 20 Hadrami, Omar : 43 Hakim, Brahim : 43 Harakat Tharir : 27 Hassan II : 13, 19, 20, 26, 38, 42, 76 Hodges, Anthony : 13 Hourani, Albert : 14 Human Rights Watch : 41, 48, 50-51, 58 I s l y( Bat ai l l ed’ ): 12 Ismaïl, Fadel : 66 Jensen, Erik : 37, 73 Kadhafi, Muammar : 19, 22 Khatri, Mohammed Salem : 43 Khayati, Keltoume : 43, 48 Laâyoune : 8, 11,12, 13, 29, 38, 67 Lahlimi, Ahmed : 44 Lalla Maghnia (Traité de): 12 Lalumière, Catherine : 66 Lemgheity : 71 Libye : 19, 22, 28 78 Louveaux, Olivier Pierre : 37, 38, 40-41 Lugan, Bernard : 15 Lugar, Richard : 9, Lyautey, Maréchal : 14 Madrid : 12 Malainine, Embarek : 52 Mali : 54, 69, 70 Marche verte : 13, 26 Maroc : 2, 8, 12-14, 18-19, 22, 26, 29, 35, 37, 42, 44-45, 67, 70, 73-76 Mauritanie : 13, 26, 28, 30, 34, 53-54, 69-71 McCain, John : 8, M’ hami dElGhi zl ane: 29 MINURSO : 2, 9, 33, 35 Mitterrand, Danielle : 60 Mohammed V : 12 Mohammed VI : 9, 14 Mouichame, Ghoulam Najem : 43, 52 Moul ayM’ Hamed,Ahmed: 43 Mur de Défense : 29-31 Nador : 12 Naïmi, Mohamed : 48 Nezzar, Khaled : 46 Niger : 54, 70 Nor ve gi anPe opl e ’ sAi d: 52 OLP : 26 ONU : 2-3, 9, 12-13, 31, 35, 37, 45, 64 Opération Ecouvillon : 12 OSCE : 37 Oued al-Dahad : 11, Ould L’ Bouhal i ,MohammedLami ne: 69 Ouled Bou Sba : 11 Ouled Delim : 11 Paris : 12 Plan(s) Baker : 37 Purge dite du «Réseau des Tekhna » : 24 Purge dite du « Réseau des Rguibat El Foula » : 24 Purge dite « de la Chabaka » : 24 Rabani, Hametti : 20-21, 24, 39, 42-43, 49, 68 Rabat: 14, 18, 38, 47, 73 Racimora, William : 21 Rädda Barnen (Save the Children Sweden) : 51 RASD : 2-3, 8, 25-26, 39, 42, 46-47, 50, 58, 64 Ras el-Khanfra : 29 Référendum : 2, 36- 37 R’ Gue ï bat: 11 Rio de Oro : 11, 12 Rome : 23 Saguiet al-Hamra : 11, 12 Saoura : 12 Sayed, Baba Mustapha : 43 Sayed el-Ouali, Mustapha : 18, 27-28, 46 79 Sécurité militaire (algérienne) :41 Sécurité militaire (du Polisario) : 24 Sidati, Mohamed : 67 Sidi Ifni : 12 Smara : 8, 13, 29, 68 SNIM : 28, 69 Tanger : 14 Tan Tan : 12, 22, 29 Tarfaya : 12 Tchad : 70 Tétouan : 12 80 Tidikelt: 12 Tindouf : 3-4, 12, 25, 30, 33, 40-41, 45, 50, 52-53, 58, 69 Touat: 12 UGT Sario: 23 UGTP: 23 U.S. Committee for Refugee and Immigrants: 53, 54 U.S. Department of State: 41, 42, 59 Vivés, Juan: 19, 49 Zartman, William: 47 Zéroual, Liamine: 28 Zones militaries du Polisario: 30 Zérouate: 28, 69 81
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