texte - Polytechnique Montréal

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texte - Polytechnique Montréal
LOG2420 — Analyse et conception d’interfaces
utilisateur
École Polytechnique de Montréal
Notes du cours
Automne, 2016
Michel C. Desmarais
Version 28 août 2016
1
partie
TABLE DES MATIÈRES
Table des matières
I
Introduction
3
1 Introduction
3
2 Le contexte d’utilisation, l’exemple de Tchernobyl et la conception centrée
utilisateur
12
3 Historique
15
2
Première partie
Introduction
[100]
Ce condensé contient une reproduction du contenu des transparents en mode “article”,
plus adapté à l’impression sous forme de notes. Le contenu est pratiquement le même que
celui des transparents, mais on peut aussi y retrouver du texte supplémentaire pour expliquer
les figures et les énoncés sous la forme de points dans les transparents (“bullet points”). Avis
à l’étudiant, il ne remplace pas l’assistance au cours !
Comme le contenu des transparents peut évoluer au long du cours, le condensé donc
peut ne pas être à jour. Un suivi des changements importants apportés aux transparents
sera indiqué sur le site du cours au besoin (http://www.groupes.polymtl.ca/log2420/
Seances/).
1
Introduction
Commençons par un exemple en guise d’introduction à la matière du cours, le baladeur Sanyo que je me suis procuré au moment où j’ai donné ce cours la première fois, à
l’automne 2002.
Interface du baladeur Sanyo MP3 CDP-M300CA
Première partie
1 INTRODUCTION
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Interface schématique du baladeur Sanyo MP3
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Interface du Sanyo MP3
Les exigences du lecteur CD MP3 de Sanyo
— Jouer à partir du début
4
Première partie
—
—
—
—
—
—
—
—
—
1 INTRODUCTION
Passer à la prochaine plage
Revenir à la plage précédente
Stopper
Faire une pause
MP3 : aller à n’importe quelle plage de n’importe quel album
Modes aléatoire, reprise, etc.
Ajouts : “File search”, ASR ( ? ?), “Display”
Ratés : “Album avant”, “Album arrière”
[Prenez note des deux items affichés uniquement sur les transparents ici.]
..........................................................................................
Cet exemple est fort instructif : je donne à un étudiant le baladeur avec un CD contenant
tous les albums des Beatles et lui demande de me trouver la chanson “Back in the USSR”
de l’album blanc avec la fonction “file search”. Règle générale, je dois interrompre l’étudiant
après 20 minutes d’essais infructueux pour ne pas qu’il rate trop de matière au cours !
Le baladeur Sanyo est en effet un exemple frappant d’une interface très mal conçue à un
appareil commun pour lire des CD audio et des fichiers MP3. Premièrement, elle ne respecte
pas des règles très simples d’utilisation des couleurs (on peut à peine lire les caractères rouges
sur fond bleu lorsque l’éclairage est tamisé). Plusieurs autres problèmes d’ordre ergonomique
peuvent aussi être évoqués, et nous les verrons en classe. Mais en fait, son principal défaut
est de ne pas comporter les bonnes fonctionnalités.
Ainsi, on retrouve des fonctions comme “file search” et ASR 1 . Or, ces fonctions ne sont
pas particulièrement intuitives d’utilisation et il est fort peu probable que l’utilisateur du
baladeur s’en serve au moment où il se balade... En fait, il est fort probable qu’il ne se
souvienne plus de comment utiliser ces fonctions (en supposant qu’il a déjà lu le manuel) et
qu’il n’a pas le manuel sous la main pour en connaı̂tre le fonctionnement. Or, ces fonctions
occupent une place importante dans l’interface. C’est particulièrement le cas pour “file search” car c’est cette fonctionnalité qui impose le très grand nombre de boutons et complexifie
énormément l’interface.
Bref, une première erreur principale est donc d’avoir inclus des fonctions tout à fait
inutiles dans les contextes habituels d’utilisation du baladeur.
La seconde erreur majeure est d’avoir omis les fonctions “album avant” et “album
arrière” ! 2 Pour un CD qui peut contenir facilement une dizaine d’albums, il faut compter un bon nombre de clic sur “prochaine chanson” avant d’arriver à celle que l’on cherche si
elle se situe sur le dernier album. Les fonctions auxquelles on se serait attendu ne sont donc
pas présentes.
1. ASR réfère probablement à “Anti-skip-anti-roll” et on peut supposer que l’activation de cette option
permet d’économiser la batterie, mais je ne suis pas certain et je n’ai plus le manuel !
2. Le bouton “File/dir” permet peut-être une fonctionnalité similaire à album avant ou arrière. Même si
c’était le cas, le fonctionnement n’est pas évident et certainement plus compliqué que deux boutons pouvant
ressembler à || << et >> || par exemple.
5
Première partie
1 INTRODUCTION
Comment éviter ces erreurs ?
— Règles de base d’ergonomie
— mais il ne s’agit pas de devenir ergonome
— nous nous conterons de voir les principes de base
— Méthode de développement centré utilisateur
— l’ingénieur logiciel n’a pas à maı̂triser les principes de conception
— il doit savoir comment appliquer la méthode de conception appropriée et reconnaı̂tre les situations de dérapage potentiel
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L’exemple du baladeur vise à transmettre quelques messages, à savoir que la conception
d’interface :
— est une question d’esthétique (ex. choix des couleurs),
— est une question d’ergonomie (ex. complexité à comprendre les codes, l’agencement
des boutons, les actions à faire pour une tâche donnée),
— mais c’est aussi une question de gestion des exigences (ex. choix des fonctionnalités)
— et du coup une question de génie logiciel (ex. comment s’assurer de ne pas faire de
telles erreurs dans un projet de développement logiciel).
Bien intégrer les enjeux de la conception d’interface au processus de développement logiciel
permet de bien identifier les exigences utilisateurs, à condition d’adopter un processus de
développement bien adapté à la conception d’interfaces interactives. Ce processus assurera
aussi que l’interface respectera les règles ergonomiques de conception d’interfaces en plus de
satisfaire les besoins utilisateur.
Le cours comporte donc trois volets principaux :
— un volet ergonomique pour la conception et l’évaluation d’interfaces utilisateur ;
— un volet génie logiciel qui traite des processus particuliers à la gestion des exigences
utilisateur et la conception d’interfaces interactives ;
— et finalement un volet développement qui traite des aspects logiciels et technologiques des interfaces utilisateur.
Terminons maintenant l’introduction sur une note plus positive, avec un exemple de
succès qui démontre clairement le résultat visé par processus de développement logiciel (ou
de tout produit en fait) qui vise (1) à répondre pleinement aux besoins utilisateur et (2) à
offrir un produit convivial.
Une note plus positive avec un exemple de succès
— Un succès commercial fabuleux depuis 2001
6
Première partie
1 INTRODUCTION
— Le dernier modèle peut stocker jusqu’à 15 000 chansons
— devrait poser un problème de taille si on compare à celui d’un lecteur CD
— La solution du iPod
— 5 boutons
— Un menu hiérarchisé qui comporte des rubriques simples
— Un mécanisme de défilement basé sur le défilement à roulette tactile
— Possibilité de défiler rapidement une longue liste
— Dépôt d’un brevet d’interface
— par R. Jeffries (VP), S. Jobs (PDG) et T. Wasko en 2004 (US 20040055446),
— ce qui lui aurait assuré un avantage durable
— mais rejeté faute d’un brevet plus récent par un employé de Microsoft, si mois
après la sortie du iPod !.
— Nécessite un niveau d’expertise exceptionnel (R. Jeffries est un auteur très prolifique
en IHM).
— Sans être le seul, la conception, en général, et l’interface en particulier, est un
facteur clé du succès d’un produit technologique
— Elle nécessite une vision très étendue du contexte et des enjeux
— L’entreprise sollicitera beaucoup plus l’ingénieur à la phase conception qu’à celle
de l’implémentation
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Succès commercial du iPod
—
—
—
—
42M d’unités vendues dont 14M au premier trimestre de 2006.
74% du marché des appareils semblables aux ÉU en juillet 2005
70% des ventes de musique en ligne au ÉU en 2006
Augmentation rapide de 34% à 65% de janvier 2004 à janvier 2005.
7
Première partie
1 INTRODUCTION
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L’exploit se répète avec le iPhone
— Le iPhone sort en 2007 dans un marché déjà pleinement occupé par RIM (Blackberry) et le Palm Pilot
— Apple définit à nouveau un type d’interface innovateur qui combine logicielles
et matérielles.
— Le iPhone détrône rapidement les autres téléphones cellulaires et amène Apple à un
nouveau succès commercial
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Succès commercial avec le iPad
— Autre succès commercial du iPad
— Autre domaine déjà occupé où plusieurs s’étaient déjà embourbés avec des produits
sans lendemain
— En 2011, Apple avait dépassé Exxon et Microsoft au titre de la compagnie la plus
capitalisée
8
Première partie
1 INTRODUCTION
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Matière à réflexion :
Pourquoi les concepteurs n’ont pas inclus une fonction pour effacer une chanson sur le iPod ?
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La conception d’interface n’est pas l’unique facteur en cause pour expliquer le succès
du iPod. Après tout, j’ai moi-même acheté le Sanyo ! Néanmoins, je suis maintenant plus
prudent vis-à-vis de la marque Sanyo, alors que ma confiance en la qualité d’un produit
Apple est très forte. C’est la valeur d’une marque de commerce et elle a un impact à long
terme extrêmement important.
La conception en général a été le facteur clé du succès du iPod et il faut en tirer de
bonnes leçons. La facilité de trouver une chanson parmi 1000, et même plus, constituait un
défi de taille et les concepteurs ont sû le relever. D’une part, le défilement par le mouvement de
rotation du doigt/pouce est particulièrement réussi. C’était un défi non seulement d’interface
utilisateur, mais aussi technologique, ce qui nous rappelle que la conception d’interface ne
peut être découplée d’une compréhension des limites et possibilités technologiques.
D’autre part, le choix des fonctions et de la façon de les présenter relève aussi d’un
excellent travail de conception. Il n’y a ni trop de complexité, pour que l’utilisateur ne puisse
trouver comment l’utiliser, ni trop peu de complexité, pour que des fonctions nécessaires à
trouver les chansons voulues selon différents critères ne soient présentes. Leur agencement et
leur présentation intuitive permettent à un utilisateur “moyen” de découvrir ces fonctions
sans avoir recours à un manuel, que les gens ne consultent d’ailleurs à peu près jamais !
D’ailleurs, il faut relever que le iPod n’a pas de fonctions pour effacer une chanson.
Pourtant, cette tâche est très fréquente et essentielle. Nul doute que les concepteurs ont
débattu du choix de l’inclure ou non. Nous en discuterons en classe.
9
Première partie
1 INTRODUCTION
L’exemple des succès du iPod, du iPhone et du iPad démontre clairement l’importance
de bien identifier les exigences et de comprendre ce que l’on nomme le contexte d’utilisation.
Par exemple, la facilité avec laquelle on peut acheter des chansons et les charger dans le
iPod par rapport aux produits alternatifs a certainement été un des facteurs déterminants
au succès du iPod.
Un autre exemple
Jira : Une application de gestion de projet de développement centrée sur les
besoins utilisateurs :
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Capitalisation de Altassian
Évaluation boursière de la compagnie : 3,5G$
10
Première partie
1 INTRODUCTION
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Les principes de Altassian
1. They have a transparent pricing model. It’s always on the web, so their customers
don’t need to call them. Point, click, buy and use.
2. Like Home Depot, give people tools that are easy to use and allow people to build their
own solutions. Then, constantly improve the self-service model.
3. Every time a product question is asked by a customer, Atlassian engineers see it as a
challenge to fix in the product or to make a quick update to the documentation.
4. Put up useful content on the web for free. They don’t use forms to slow people down.
“Really good white papers will sell the product ; no need for a form,” Simons said.
5. They’ve ingrained the engineering mindset in their culture. Keep things simple so
that people can create software magic. Simons : “Our model doesn’t work at Jive
Software.”
6. Always be testing. They A/B test just about everything and look at conversion rates
to determine if a feature, piece of content, or web page are effective.
7. Make their marketplace (enterprise app store) painless. They invested a lot in embedding the marketplace in their products for quick and easy installation.
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Un autre exemple de succès d’un logiciel bien conçu autour des exigences utilisateurs et de
conception d’interface réussie est Jira, une application de gestion de projet de développement
centrée sur les besoins utilisateurs.
11
2 LE CONTEXTE D’UTILISATION, L’EXEMPLE DE TCHERNOBYL ET LA
Première partie
CONCEPTION CENTRÉE UTILISATEUR
Selon Forbes 3 , le succès de Altassian provient de quelques principes directeurs (voir
le transparent). Plusieurs ces principes réfèrent à des principes du développement centré
utilisateur :
— (2,3) Facilité d’utilisation et développement centré sur les besoins.
— (6,7) Approche empirique à l’identification des besoins et l’efficacité de l’interface de
vente et du mécanisme d’installation (une étape à l’utilisation).
De manière générale, on peut assumer que si un processus de développement centré
utilisateur et une conception de l’interface d’une application ne sont pas des ingrédients
suffisants pour assurer un succès commercial, ils en sont des ingrédients essentiels.
2
Le contexte d’utilisation, l’exemple de Tchernobyl et la
conception centrée utilisateur
L’ergonomie a pour principe de base celui d’adapter un système aux contextes d’utilisation et à l’utilisateur. L’adaptation doit tenir compte de facteurs qui relèvent des capacités
physiques, perceptuelles et cognitives, ainsi que de dimensions affectives et émotionnelles.
Ces caractéristiques des utilisateurs sont des éléments fondamentaux du contexte d’utilisation, auxquels s’ajoutent des facteurs de sécurité, des caractéristiques de la tâche, etc., qui
influencent à leur tour comment l’adaptation à un système doit s’effectuer.
L’exemple de Tchernobyl démontre que des failles reliées à un problème de contexte
d’utilisation à la source d’une des plus grandes catastrophes industrielles du XX siècle.
La catastrophe nucléaire de Tchernobyl
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3. Mark Fidelman, Why Altassian is to Software as Apple is to Design, Forbes, Avril 2012
12
2 LE CONTEXTE D’UTILISATION, L’EXEMPLE DE TCHERNOBYL ET LA
Première partie
CONCEPTION CENTRÉE UTILISATEUR
Le cas de Tchernobyl
— La direction du réacteur soumet un protocole d’expérimentation aux autorités nucléaires
pour tester le système électrique d’appoint. Elle n’obtient pas de réponse et décide
malgré cela d’aller de l’avant.
— 25 avril 1986 ; test d’un système d’appoint où la production doit être réduite
— Un événement inattendu entraı̂ne un délai du test et c’est l’équipe de nuit qui prend
la relève de l’expérience, avec peu de préparation et moins d’expérience
— Une erreur entraı̂ne une trop forte baisse de production et une contamination du
réacteur
— Le réacteur devient instable à ce niveau de production
— Les opérateurs tentent de rétablir le niveau, mais ils ne connaissent pas bien le fonctionnement du réacteur et les conséquences des procédures qu’ils entament.
— L’équipe ignore notamment le phénomène d’instabilité à faible rendement et d’un
autre phénomène qui a pu entrer en jeu pour expliquer le dérapage
— Une série de mauvaises décisions et de dérogation aux procédures de sécurité entraı̂ne
en l’espace de quelques secondes une hausse de production par un facteur de 100.
— Une explosion fait sauter la plaque de ciment qui isole le réacteur et expose le matériel
radioactif ; une seconde explosion enflamme le graphite qui brûlera pendant 9 jours
en dégageant des particules radioactives dans l’environnement.
— Un des piliers du nucléaire russe, Vassili Nesterenko, écrira plus tard que l’accident
aurait pu résulter, quelques jours après l’incident, en une explosion nucléaire de 200
à 330 fois celle de Hiroshima.
— L’héroı̈sme d’équipes d’urgence évita un tel scénario, au prix de leur vie pour bon
nombre d’entre eux. Ils pourraient être jusqu’à 20 000. 250 000 ouvriers ont été exposés
à des doses de radiation au seuil du tolérable pour construire un “cercueil” de ciment
protecteur.
— Pourtant, on ne relève aucune dysfonction de la centrale elle-même
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Le cas de Tchernobyl démontre qu’en analysant le système, la centrale nucléaire, on ne
découvre pas de défaillance évidente. Tout a relativement fonctionné selon les normes dans
la mesure où le problème provient d’une opération plus ou moins anormale du réacteur et
que les mesures de sécurité pour indiquer le danger ont bien fonctionné.
Système application-interface
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2 LE CONTEXTE D’UTILISATION, L’EXEMPLE DE TCHERNOBYL ET LA
Première partie
CONCEPTION CENTRÉE UTILISATEUR
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Par contre, lorsqu’on analyse le problème en intégrant les utisateurs, c’est-à-dire lorsque
le système n’est plus simplement le réacteur mais bien l’opération globale de la centrale
nucléaire, y compris les différents opérateurs, on voit clairement qu’il y a eu une faille.
En effet, l’opérateur de nuit n’était pas en mesure de comprendre les signaux d’alarme et
d’appréhender le niveau de danger.
Système élargi
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La conception centrée utilisateur consiste donc à voir le système en intégrant l’utilisateur
comme une composante à part entière du système.
Cette conception du système est tout à fait justifiée. En effet, une application peut offrir
toutes les fonctionnalités nécessaires à accomplir un travail, mais le travail est en réalité
effectué par l’utilisateur, pas par l’application en elle-même. On peut fort bien présenter
une application totalement outillée pour effectuer différentes tâches, sans pour autant que
l’utilisateur puisse pour autant comprendre comment les effectuer.
Une anecdote intéressante que j’ai écoutée lors d’une conférence illustre très bien ce point :
Prenons une application, disons un éditeur de texte, qui satisfait toutes les exigences auxquelles on s’attend. Elle passe tous les tests de qualité logicielle comme
le temps d’exécution, les défaillances, la portabilité à différents environnements,
etc., et bien sûr la présence de fonctions qui satisfont les exigences fonctionnelles.
14
Première partie
3 HISTORIQUE
Puis, redistribuons aléatoirement tous les libellés des boutons et des menus ! L’application satisfait encore toutes les exigences telles que définies ci-haut ! Pourtant,
elle sera totalement impossible à utiliser par un utilisateur qui ne connaı̂t pas
cette nouvelle disposition de l’interface !
On ne peut donc pas considérer tous les utilisateurs comme égaux et aptes à utiliser une
application selon ses spécifications logicielles. Il faut concevoir cette application selon les
caractéristiques de l’utilisateur et aussi les tâches qu’il doit effectuer. La conception centrée
utilisateur doit donc aussi tenir compte de ce qu’on nomme le contexte d’utilisation et que
nous verrons dans la partie ??.
3
Historique
Nous terminons cette introduction par une présentation des grands jalons de l’histoire
du développement d’interfaces utilisateur.
Les paradigmes d’interfaces prédominants par décennie
—
—
—
—
—
—
1950
1960
1970
1980
1990
2000
:
:
:
:
:
:
010 011 110...
les cartes perforées
moniteurs et langage de commandes
plein écran, fenêtres
écrans graphiques (bitmaps), souris, manipulation directe
WWW et applications réseaucentriques
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Ce n’est que dans les années 80 que les applications sur écran cathodique ont commencées
à se répandre. Les années 90 ont vu l’apparition des fenêtres graphiques telles qu’on les
connaı̂t aujourd’hui. Avant cette époque, seuls les spécialistes de l’informatique et du calcul
scientifique utilisaient les ordinateurs.
Voir http://toastytech.com/guis/guitimeline.html pour un aperçu visuel de l’évolution.
Les préoccupations d’interface ne sont donc réellement apparues que dans les années 80.
De plus, à cette époque, la majorité des utilisateurs étaient des informaticiens, ingénieurs
ou scientifiques qui avaient un profil et des besoins très spécifiques et différents du commun
des mortels. Ce n’est donc que vers la fin des années 80 que ces préoccupations ont touché
un marché important, avec l’introduction plus massive des ordinateurs dans les bureaux et
au domicile.
15
Première partie
3 HISTORIQUE
Même si aujourd’hui pratiquement toutes les grandes entreprises sont conscientes des enjeux de la conception d’interfaces interactives et bien outillées pour leur développement, ce
n’est pas encore le cas d’une grande partie des plus petites entreprises. D’ailleurs, tout comme
les développeurs d’interface des années 90 étaient formés à une époque où les préoccupations
de conception centrée utilisateur étaient pratiquement inexistantes, une bonne proportion
des développeurs d’aujourd’hui n’ont jamais eu de formation à cette approche de conception.
Le même constat s’applique pour une bonne partie des professeurs des facultés d’informatique et de génie et force est de constater que certains programmes de formation des futurs
concepteurs d’application ne laissent que peu de place à la conception centrée utilisateur.
Vannevar Bush
Vannevar Bush
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Fait intéressant à noter, l’idée du Web est inspirée d’une machine inventée en 1945 par
Vannevar Bush. Il s’agissait d’un bureau contenant des micro-fiches qui s’affichent sur des
écrans. Le texte des fiches contenait des liens qui pouvaient être activés mécaniquement
afin d’afficher une autre fiche. L’inspiration derrière cette idée est que la mémoire humaine
fonctionne par association d’idées que c’est ainsi que l’information devrait être organisée et
accessible. Cette machine n’a jamais été produite, mais elle a été une source d’inspiration
importante lorsque l’ordinateur s’est avéré une machine capable de concrétiser le concept.
Au début des années 1960, le terme hypertexte a été utilisé par Ted Nelson pour référer à
ce mode d’accès à l’information, et c’est au début des années 1993 que Tim Berners Lee a
eu l’idée d’étendre le concept à l’Internet afin d’accéder à des “pages” distribuées dans un
réseau d’ordinateurs.
Dough Engelbart
16
Première partie
3 HISTORIQUE
Dough Engelbart
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On doit à Dough Engelbart un grand nombre d’idées qui ont révolutionné les interfaces,
en particulier l’utilisation de l’écran cathodique en remplacement des cartes perforées et
l’invention de la souris comme moyen de déplacer un curseur sur un écran.
Ces visionnaires, Bush, Nelson et Engelbart,
Quelques jalons stratégiques en IHO
—
—
—
—
Avènement de l’ordinateur personnel
Ubiquité de l’ordinateur
Avènement de l’Internet et du Web
Divers développement des technologies d’interaction avec l’ordinateur et de sa capacité
de traitement
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L’avènement de l’ordinateur personnel a libéré l’informatique d’une infrastructure centralisée et permis son introduction dans tous les bureaux et au domicile. Le développement
d’applications en dehors des sphères du calcul scientifique où elles ont été originalement utilisées a contribué à l’introduction de l’ordinateur dans de nouveaux contextes d’utilisation.
Des utilisateurs non issus du génie et du milieu scientifique ont commencé à faire un usage
courant de l’ordinateur. Ces utilisateurs ont amené les facteurs ergonomiques au premier
plan de la conception d’interfaces.
Plus récemment, le Web et les applications dites réseaucentriques rendent l’utilisation
de l’ordinateur encore plus courante et amènent de nouvelles problématiques de conception d’interfaces avec une gamme d’appareils mobiles et d’applications distribuées. De plus,
la capacité de traitement et de stockage de données pousse encore plus loin l’utilisation
17
Première partie
3 HISTORIQUE
de l’ordinateur dans de nouveaux secteurs comme la vidéo, la téléprésence, le graphisme
avancé, les ordinateurs portés, et bon nombre de nouvelles applications qui ont leurs propres
problématiques de conception d’interface.
Jalons IHO
Source : Myers, B.A (1996). ”A Brief History of Human Computer Interaction Technology.
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Comme le graphique ci-dessus l’illustre, certaines technologies comme la souris et les
écrans graphiques avec fenêtres étaient connues et présentes sous forme de prototypes depuis
de nombreuses années avant de faire leur apparition commerciale. On remarque cependant
une tendance à réduire le temps entre l’apparition des prototypes de centres de recherche
et universitaires et leur introduction sur le marché commercial. De même, les centres de
recherche industriels sont très actifs pour le développement de nouvelles technologies d’interface.
Avènement de la souris
18
Première partie
3 HISTORIQUE
— SRI
— Premier prototype avec technique du “ chording ” a été un échec (1965)
— Xerox Parc
— Alto : premier système utilisant les écrans graphiques (raster graphics), la souris,
l’éthernet et le clavier 5-touches.
— Utilisation dans différents environnements de recherche (Smalltalk et Interlisp)
— Star : premier système commercial (1981)
— Apple
— Lisa, basé sur UNIX, a été le second système commercial (1982)
— Le MacIntosh a ensuite suivi avec un premier succès commercial (1984)
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Le premier prototype de souris visait une utilisation très différente de celle qu’on connaı̂t
aujourd’hui : plutôt que d’être utilisée avec un clavier à plusieurs touches, la souris devait
être utilisée d’une seule main et le clavier ne comprenant que cinq touches de l’autre. Le
chording (combinaison simultanée de touches) devait permettre de saisir 128 (25 ) caractères
différents sans avoir à utiliser les deux mains, évitant ainsi le problème encore très actuel de
devoir alterner entre la souris et le clavier pour interagir avec une application.
Une visite de Steve Jobs à Xerox PARC en 1979 a amené Apple à développer un système
similaire, le Lisa. Mais c’est finalement le MacIntosh a fini par convaincre une masse d’utilisateurs des bienfaits de ce type d’interface. Des réticences initiales à utiliser une interface
souris et fenêtres (hors du paradigme traditionnel) et un coût plus élevé dont l’avantage
n’était pas évident pour les clients de l’époque ont été les principaux facteurs d’échec des
premières tentatives.
Évolutions des fenêtres
— Éditeur Emacs (Stallman, MIT, 1974), mode non graphique
— Environnement Smalltalk (Kay, Xerox Parc, 1974), mode graphique (“ bitmap ” et “
overlapping ”)
— Symbolics Lisp machines (1979) au plan commercial, puis Xerox Star (1981), puis
Apple Lisa (1982), puis MacIntosh (1984)
— Système client-serveur X-Windows (MIT, 1984) encore le standard de nos jours
— Évolution du WWW
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On note que l’éditeur de texte Emacs a introduit la notion de fenêtre (nommés buffers)
dans des écrans non graphiques à peu près en même temps que les fenêtres graphiques
étaient développées sous l’environnement Smalltalk de Xerox Parc. Si les fenêtres graphiques
sont maintenant partout, l’environnement Smalltalk a disparu depuis longtemps, mais emacs
19
Première partie
3 HISTORIQUE
demeure une application encore utilisée de nos jours ! Un vrai phénomène !
Autre note intéressante, Vannevar Bush publia en 1945 un article intitulé “As We May
Think” qui fut le précurseur des idées du Web (http://sloan.stanford.edu/mousesite/
Secondary/Bush.html). Il avance l’idée que les machines nous ont jusqu’alors surtout aidés
dans nos tâches manuelles, mais qu’elles peuvent aussi nous aider à “augmenter nos facultés
cognitives”.
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