Pour un baiser interprofessionnel
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Pour un baiser interprofessionnel
Tête-à-tête Pour un baiser interprofessionnel... Photo : NathB, photographe C’est en novembre dernier qu’a eu lieu, sous le signe de l’interdisciplinarité, le Colloque des troubles du spectre de l’autisme de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (O.O.A.Q.). Pour la première fois de son histoire, l’Ordre a eu le plaisir d’ouvrir les portes de l’événement à plusieurs invités de marque, représentant différents partenaires de l’OOAQ, dont : l’Office des professions du Québec, le Conseil interprofessionnel du Québec, les Ordres (Collège des médecins, psychologues, ergothérapeutes, infirmières) et des regroupements comme le Réseau national d’expertise en troubles envahissants et l’AQETA. Je vous propose ici quelques extraits adaptés de mon allocution d’ouverture. De PL90 à PL21, une réelle évolution Marie-Pierre Caouette, M.O.A., orthophoniste Présidente et directrice générale Dans cette chronique, la présidente de l’OOAQ partage des réflexions inspirées par l’actualité ayant cours au sein du système professionnel québécois. C’est une invitation à poursuivre une réflexion individuelle et collective. Porté par les travaux du comité d’experts présidé par Dr Jean-Bernard Trudeau (1), le système professionnel québécois connaît une évolution qui modifie en profondeur la façon d’envisager la collaboration interprofessionnelle. Un modèle qui devrait dépasser le cadre de la santé mentale et des relations humaines pour faire école dans les autres secteurs. Rappelons-nous le projet de loi 90 adopté en 2003. Après les ordres à exercice exclusif et ceux à titre réservé, le PL90 introduisait ni plus ni moins une troisième catégorie : les ordres à activités réservées, pour une protection du public accrue. Or, la réserve d’activités a aussi contribué à mettre les fameuses zones grises entre les professions sous les feux de la rampe. C’était une époque effervescente pour le développement des professions et de nos compétences respectives. Nous en étions tous très fiers et, dans la foulée, tous les ordres concernés avons largement diffusé nos propres interprétations cliniques en essayant de préciser les frontières et de baliser certaines zones grises devenues ambiguës et inconfortables. Différentes interprétations cliniques et scientifiques d’un même texte de loi… Un cocktail explosif! Nous sommes maintenant plusieurs à réaliser que nous avons fait fausse route collectivement et qu’il faut nous concerter pour modifier notre approche. En effet, lorsque l’on tente d’ériger des clôtures dans une zone grise, cela tend à devenir une conquête de territoire. Ce qui nous anime alors, la défense de notre identité professionnelle, est légitime mais peut se transformer en une quête de pouvoir, bien loin de la notion du faire ensemble sous-tendue dans un modèle interdisciplinaire. La façon de l’époque était de considérer la question sous l’angle de la problématique (l’autisme, la dyslexie, la dysphagie…) et de comparer la formation initiale et les compétences des professionnels. Cela a conduit à une escalade des tensions interprofessionnelles et nous a montré que la frontière entre les notions de protection du public et de corporatisme est parfois mince… Le Rapport Trudeau : Partageons nos compétences propose de changer l’angle d’approche. La solution? Aborder la situation en trouvant un point de ralliement interprofessionnel : le patient/la clientèle. Regarder tous ensemble dans la même direction, en gardant les besoins de la clientèle au cœur de nos échanges et de nos décisions et en unissant nos compétences complémentaires afin de relever des défis communs, comme l’accès rapide à des services appropriés par exemple. C’est en se mettant au service du client, et de nos collègues, que la couleur propre à chaque discipline se révèle, au bénéfice de tous. 6 Fréquences, vol. 22 no 1, hiver 2011 • La pragmatique Tête-à-tête « «baiser profond» entre membres de certaines professions. Spontanément, les autres conférenciers et partenaires se sont vite empressés de réclamer tour à tour le fameux baiser, faisant du sujet une blague récurrente tout au long du colloque. Au-delà du vocabulaire souvent différent que nous utilisons pour décrire les mêmes problématiques, nous vivons les mêmes réalités et sommes animés de la même passion. Nous côtoyons les mêmes clients qui souffrent et qui ont besoin de notre aide, les mêmes collègues qui demandent notre soutien, les mêmes personnes qui ont besoin de tous les services possibles, coordonnés le plus efficacement possible. » Favorisé par l’ouverture, l’écoute, le respect et la transparence, il est souhaitable que ce baiser symbolique se produise très prochainement afin d’incarner l’évolution des mentalités, cette grande victoire collective pour le système professionnel, et surtout, pour la population. Lâcher le riz En terminant, j’aimerais partager avec vous une réflexion offerte en cadeau par un ami durant le colloque : Dans la forêt équatoriale, les chasseurs auraient développé une technique singulière pour capturer les singes. Ils remplissent de riz une noix de coco qu’ils fixent solidement à un arbre. Le singe, vite attiré par l’odeur et convoitant le trésor, plonge la main pour s’emparer du riz. L’ouverture, juste assez grande pour laisser entrer sa main vide, ne lui permet plus de retirer sa main gonflée par le riz. Refusant obstinément de renoncer à son butin, et trop obnubilé pour chercher une autre solution, il reste là, prisonnier, assez longtemps pour permettre au chasseur de l’attraper... Je nous souhaite donc à tous une merveilleuse année 2011 et la sagesse quotidienne nécessaire pour éviter de tomber, individuelleLe progrès réalisé avec le PL21, c’est l’intention de produire un seul ment ou collectivement, dans le piège tendu au singe afin de faire profiter la population québécoise des forces vives de professionnels guide explicatif de la loi : UN message commun, transmis à tous nos membres et nos partenaires. Nous avons des formations diffé- oeuvrant de concert. rentes et nous ne sommes pas interchangeables, mais notre souhait est de parler cette fois-ci d’une seule voix. Le même message aux psychologues et aux orthophonistes… Le même message aux La présidente et directrice générale, employeurs des réseaux de la santé et de l’éducation. Si nous réussissons ce projet ambitieux, c’est toute une page d’histoire que nous aurons écrite ! Une interprétation unique Le baiser professionnel Cette année, je suis fière de dire que notre événement a été un véritable succès. Non seulement à cause de la qualité des conférences Marie-Pierre Caouette, M.O.A., présentées, de l’appui des exposants et du professionnalisme du orthophoniste comité organisateur et des employés de la permanence, autant de personnes que j’aimerais remercier sincèrement, mais aussi à cause de la présence de partenaires sans laquelle, parler «d’interdisciplinarité» n’aurait pas eu de véritable signification. En effet, au-delà du vocabulaire souvent différent que nous utilisons pour décrire les mêmes problématiques, nous vivons les mêmes réalités et sommes animés de la même passion. Nous côtoyons les mêmes clients qui souffrent et ont besoin de notre aide, les mêmes collègues qui demandent notre soutien, les mêmes personnes qui ont besoin de tous les services possibles, coordonnés le plus efficacement possible. C’est dans ce contexte, et avec beaucoup d’humour qu’un conférencier affirmait que la solution pour répondre aux besoins de la clientèle souffrant de problématiques complexes nécessiterait un (1) Formé suite à l’entrée en vigueur du projet de loi 90, le comité d’experts prési- dé par Dr Jean-Bernard Trudeau, et composé à l’origine de représentants de six ordres professionnels, a déposé en 2005 un rapport intitulé Partageons nos compétences. Ce document, portant sur la modernisation de la pratique professionnelle en santé mentale et en relations humaines a servi de base à l’élaboration du PL50. Devenu par la suite PL21, le projet de loi a été adopté en juin 2009 avec des bonifications consécutives à deux commissions parlementaires. Le PL21 concerne désormais sept ordres, avec l’harmonisation du champ d’exercice des membres de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec et le partage de deux activités réservées avec les autres ordres. Le PL21 entrera en vigueur seulement après le dépôt d’un guide explicatif consensuel présentement en cours de rédaction par un comité dont fait partie l’OOAQ. Fréquences, vol. 22 no 1, hiver 2011 • La pragmatique 7
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