JSK, le porte-flambeau du combat

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JSK, le porte-flambeau du combat
Printemps berbère - 2014
Pour que nul n’oublie
JSK, le porte-flambeau du combat
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JSK, le porte-flambeau du combat
© La Dépêche de Kabylie | Dimanche 20 avril 2014
S. K.
Un combat dont les dirigeants, staffs techniques et
médical, et joueurs qui ont défilé au sein du club, se
sont sentis impliqués, faisant face à une rude bataille à
chacune des sorties de l’équipe, qui jouait seule contre tous. Devenue l’équipe à battre, et devant la haine qu’elle
subissait et qui devenait de plus en plus grande, la JSK a fait de la revendication identitaire un élément de motivation
qui fera d’elle un véritable rouleau compresseur, raflant les titres mis en jeu, notamment durant les années 80 où elle
écrasait tout sur son chemin. Une domination qui s’était élargie au plan continental où la JSK était devenue l’un des
ambassadeurs les plus valeureux du pays, au point de sauver la face du football national. Aujourd’hui, force est de
reconnaitre que la JSK n’est pas seulement un club de football et un palmarès, mais c’est aussi l’une des tribunes les
plus efficaces du combat pour la cause identitaire et la langue amazighe, qui a fini par être reconnue officiellement.
Une reconnaissance dont la JSK a largement contribué. L’année 1977, où la JSK avait remporté son premier doublé,
était l’une des années fortes de la revendication berbère, notamment lors de la finale de la coupe d’Algérie qui avait
opposé la JSK et le NAHD, au temple du 5 juillet. Ce jour-là, ils étaient des milliers de supporters à se déplacer à la
capitale pour suivre le match, mais aussi pour crier, haut et fort, leur amazighité, dans un stade plein à craquer et
sous les yeux du défunt président Houari Boumediene. Avant le début de la rencontre, en plus de plusieurs
banderoles en caractères Tifinagh, exhibées pour la première fois publiquement, les “Anwa wigui dh’Imazighen ”,
commençaient à résonner de partout, au point de laisser ahuris les hôtes de la tribune officielle, qui ne s’attendaient
pas une telle sortie. Durant tout le match, et pendant la cérémonie de remise de la coupe au capitaine Iboud et à ses
coéquipiers par feu Houari Boumediene, les milliers de supporters kabyles présents au stade n’avaient pas cessé
leurs chants identitaires. Un défi qui ne s’était pas arrêté là, puisqu’en quittant le stade, comme un seul homme, ils
étaient des milliers à sillonner les ruelles, allant du stade 5 juillet aux différentes placettes d’Alger (1er mai, place des
Martyrs, Port Saïd) en scandant « Anwa wigui, dh’Imazighen », « anaraz wala naknu ». Un itinéraire tout au long
duquel les youyous fusaient de partout. Loin de se contenter de ce pari gagné, les supporters, qui n’avaient jamais
connu une telle symbiose, avaient tenu à prolonger la fête avec la même ferveur, et pendant 48 heures, en occupant
les placettes les plus prisées de la capitale. Ça a été une première, dans les annales des supporters de la JSK, qui se
déplaçaient auparavant sans faire trop de bruit, n’osant que peu hausser le ton dans les stades de football hors de la
Kabylie. En effet, avant cette année, il était difficile pour les amoureux du club de se regrouper, et encore moins de se
montrer, sans se faire tabasser. La sanction n’avait pas tardé à tomber, les pouvoirs publics de l’époque, dans
l’optique de faire disparaître le sigle JSK, qui dérangeait, avaient décidé, dans cadre de la reforme sportive, de
changer l’appellation des associations sportives. C’est ainsi que la JSK devenait JET. Un changement qui portait sur
deux mots (SK), contrairement aux autres clubs, dont une seule lettre avait été changée. Il n’en demeure pas moins
que cette décision politique n’a pas influé sur les fervents du club kabyle, qui ont vite trouvé un subterfuge en
scandant « Jugurtha Existe Toujours ! », en lieu et place de « Je Suis Kabyle ». La revendication de Tamazight
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En cette occasion de la célébration du trente
quatrième anniversaire du Printemps berbère d’avril
80, ont ne peut s’empêcher d’évoquer le combat,
mené des années durant sans le vouloir, par la JSK.
Un club qui a constitué le porte-drapeau de la cause
berbère dans notre pays. En effet, durant les années
où la question amazighe était un tabou, constituant
un danger pour tous ceux qui la revendiquaient, les
fervents de la JSK avaient trouvé le cadre idéal pour
réclamer la reconnaissance de leur langue.
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prenait, alors, de plus en plus d’ampleur, et personne ne pouvait stopper l’effervescence qui s’était emparée de tout le
peuple kabyle. Puis, vint le printemps berbère, qui n’était qu’une suite logique de cette montée au créneau d’une
population avide de reconquérir son amazighité. Un combat qui s’était élargi à certains artistes, qui se sont mis de la
partie, notamment le regretté Lounès Matoub, qui mènera une lutte acharnée pour la cause, jusqu'à son assassinat
un certain 25 juin 1998. Durant les années 1980, la JSK continuait à constituer l’un des porte-voix les plus porteurs de
la revendication berbère, que ce soit à l’échelle nationale que continental. Les sacres de la JSK en coupe d’Afrique
des clubs champions, en 1981 et 1990, et en coupe des vainqueurs de coupe, en 1995, les nombreux titres de
champions d’Algérie et les trophées de coupe d’Algérie, remportés durant les années 1980 et 1990, avaient été
utilisés par les supporters pour en faire du club le plus titré du pays une tribune de revendication de leur identité et de
leur langue maternelle. Une revendication sans relâche dont le combat a fini par triompher en partie avec la
reconnaissance de Tamazight en tant que langue nationale. L’histoire de la JSK et celle du combat identitaire et
linguistique sont intimement liées. Des liens qui exigeraient des ouvrages entiers pour en narrer les péripéties, depuis
1946, année de naissance de ce club, créé justement pour permettre, en ce temps de colonisation, à la population
autochtone de s’émanciper et d’imposer son identité piétinée par l’occupant de jadis.