L`ASFA, une association au service des Réunionnais
Transcription
L`ASFA, une association au service des Réunionnais
COLLOQUE DU 27 AOÛT 2009 L’Humanitude, comprendre la vieillesse, prendre soin des Hommes vieux dans la bientraitance Louise Samat, fondatrice de l’Association Saint-François d’Assise L’EHPAD Saint-François, le berceau de l’Association Saint-François d’Assise L’ASFA, une association au service des Réunionnais Créée en 1918, l’association de l’Hospice Saint-François d’Assise n’a cessé d’évoluer, dirigée d’une main de fer par sa fondatrice : Louise Samat. Reprise par les Soeurs Franciscaines Missionnaires de Marie, l’association devient l’ASFA, l’Association SaintFrançois d’Assise en 1947. Retour sur quatre-vingt onze ans au service des Réunionnais. 60 rue Bertin, au bout d’une allée bordée de palmiers royaux et de bougainvilliers, au milieu d’un jardin qui respire la tranquillité, se trouve l’EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes) Saint-François. Une bâtisse qui a vu la naissance de l’Association Saint-François d’Assise il y a quatre-vingt onze ans. Atterrée par la grande misère dans laquelle vivaient les habitants du camp Ozoux, l’actuel Bas de la Rivière, Madame Louise Samat, donatrice du terrain et fondatrice de l’association, décide d’ouvrir un hospice pour les personnes désoeuvrées. En 1918, devant l’afflux des pensionnaires, elle fonde l’association de l’Hospice Saint-François d’Assise. Une association de type loi 1901 qui voit le jour le 6 juin 1918. Elle en sera la présidente jusqu’au transfert de l’association aux religieuses de la Congrégation des Franciscaines Missionnaires de Marie en 1947. Le 19 juin de cette même année, une structure précaire destinée à accueillir les enfants malades voit le jour : l’hôpital d’enfants. C’est le premier établissement pédiatrique du département. L’association change alors de nom pour prendre celui qui est toujours le sien aujourd’hui : « L’Association Saint-François d’Assise ». En 1970, les sœurs se retirent de la gestion de l’ASFA. L’hospice est réhabilité en maison de retraite. L’association est présidée depuis le 26 mars 1993 par M. Henri Vergoz. COLLOQUE DU 27 AOÛT 2009 L’Humanitude, comprendre la vieillesse, prendre soin des Hommes vieux dans la bientraitance L’hôpital d’enfants, une référence pour les soins de suite et de réadaptation Le développement des services spécialisés Répondant à de nouveaux besoins dans le domaine du sanitaire et du médico-social, l’association a ouvert de nouvelles structures articulées autour de quatre pôles d’activités : Le pôle sanitaire, qui comporte l’hôpital d’enfants, le pôle médico-social qui comprend un Centre d’Education Motrice (CEM) et son Service d’Education Spécialisée et de Soins A Domicile (Sessad), un Institut Médico-Educatif et son Sessad, un Centre d’Action Médico-Social Précoce et une Maison d’Accueil Spécialisé (MAS) qui comporte également un Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés (SAMSAH). Le troisième pôle, le pôle médico-social personnes âgées, se compose de deux Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD). Le dernier pôle réservé à la formation comprend une école de puéricultrices, un Institut de Formation des Auxiliaires de Puériculture (IFAP) et l’Institut de Formation Antoine Bertin. L’Association Saint-François d’Assise compte aujourd’hui une douzaine d’établissements et services dans l’île et emploie 530 salariés. Avec l’ouverture de la nouvelle « Résidence Retraite Médicalisée de Sainte-Clotilde », l’Association Saint-François d’Assise affirme, comme à ses débuts, sa volonté de rester au service de la population réunionnaise, avec en plus un concept novateur : l’Humanitude, ou comment prendre soin de nos aînés dans la bientraitance. Le Centre d’Education Motrice (CEM) de Sainte Suzanne COLLOQUE DU 27 AOÛT 2009 L’Humanitude, comprendre la vieillesse, prendre soin des Hommes vieux dans la bientraitance Cyril Arbaud, directeur de la nouvelle « Résidence Retraite Médicalisée » de Sainte-Clotilde Dans l’un des salons de repos, ils peuvent recevoir famille ou amis et reçoivent régulièrement de la visite d’intervenants extérieurs. Pour parfaire le service, le courrier est levé et déposé à table. Les résidents disposent également d’une salle polyvalente, d’une chapelle, et prochainement, d’une salle de cinéma… de quoi faire leur bonheur ! La « Résidence Retraite Médicalisée » de Sainte-Clotilde, un fleuron de technologie Un nouvel EHPAD à la pointe de la technologie Et de deux ! L’Association Saint-François d’Assise (ASFA) vient d’ouvrir sa deuxième structure à Sainte-Clotilde. Un bijoux de technologie que la « Résidence Retraite Médicalisée » de Sainte-Clotilde a mis en place pour le bien-être de ses résidents avec une particularité : une ouverture à un nouveau concept : l’Humanitude ou comment prendre soin de nos aînés dans la bientraitance. Visite guidée au pays des merveilles. « Mi lé sur que mi sa gagner » lance avec un sourire en coin une gramoune devant ses cartes de loto quine. Face à elle, deux autres personnes serrent dans leurs mains ridées les quelques grains de maïs qui leur restent. Voilà deux mois que les occupants de la toute nouvelle Résidence Retraite Médicalisée de Sainte-Clotilde ont pris possession des lieux, et déjà ils se sentent chez eux. Pour preuve, chacun a son nom sur la porte de sa chambre. Ce joyau de technologie est le deuxième EHPAD, Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes de l’ASFA. La première structure, la « Maison de retraite Saint-François », rue Bertin à Saint-Denis, en fonction depuis 1906, nécessite une remise aux normes. Sa réhabilitation commencera dès le mois de septembre 2009 et devrait s’étaler sur 24 mois. En attendant la fin des travaux, elle accueille toujours une trentaine de résidents. C’est de ce premier l’EHPAD, berceau de l’Association Saint-François d’Assise, que viennent les quatre vingt résidents de la Résidence Retraite Médicalisée de Sainte-Clotilde « D’ici deux ans, explique Cyril Arbaud, directeur de l’EHPAD, les deux établissements pourront accueillir cent soixante personnes. Quatre vingt par établissement. Chaque résidence sera également dotée d’une unité sécurisée Alzheimer pouvant accueillir douze résidents. » COLLOQUE DU 27 AOÛT 2009 L’Humanitude, comprendre la vieillesse, prendre soin des Hommes vieux dans la bientraitance Bien-être à tous les étages Disposant d’une surface de 4000m² sur deux étages, la nouvelle « Résidence Retraite Médicalisée » de Sainte-Clotilde a tout misé sur le bien-être de ses résidents. « Chaque étage est doté d’une salle à manger dans laquelle on a apporté le côté hôtellerie, des nappes, des serviettes en tissus, des verres à vin esthétique, décrit Cyril Arbaud. On a voulu changer, ne plus recréer un espace cantine avec des tables rondes de dix personnes, mais plutôt un espace convivial avec des tables pour quatre personnes et une qualité de prestation qui va au-delà des espérances et des habitudes des résidents.» Le petit plus du chef : Chaque restaurant sera très prochainement équipé de téléviseur avec diffusion interne d’information (menus, activités, animation...) Bâtiment moderne, sécurisé, entièrement climatisé, la structure est desservie par deux ascenseurs. Chaque étage comprend trente chambres individuelles et deux chambres doubles, toutes pourvues de salle de bain et de téléviseurs. Le summum du bien-être : au premier étage, une baignoire de balnéothérapie équipé d’un rail de transfert pour lève malade motorisé, permet la prise en charge du résident en individuel et ceci, afin de réaliser une rééducation spécifique définie dans le projet de vie du résident. Autre innovation d’exception : l’espace Snoezelen : une salle de relaxation qui se trouve dans l’unité Alzheimer. « Lorsqu’une personne devient agitée, explique le Directeur de l’EHPAD, elle est isolée dans une pièce où elle est massée et tranquillisée. Elle reçoit des soins qui la détendent. Elle peut rester jusqu’à trois heures dans cette pièce pour se calmer. » Kiosque à journaux, salon de beauté et coin cyber Du bien-être jusqu’au bout ! Un jardin clos permet aux résidents de se promener, et pour les plus coquettes, un salon de beauté, « esthétique et coiffure » a été aménagé au rez-de-chaussée. Les internautes ne sont pas en reste, car il y a aussi un coin cyber, avec écran tactile auquel les familles peuvent avoir accès. Muni d’un code, chaque résident peut dialoguer par webcam interposé. Que ceux que la vue a délaissés ne soient pas en peine : l’ordinateur lit également les mails à haute voix. Pour que les résidents puissent s’offrir des petits plaisirs simples, l’EHPAD comprend également un kiosque de vente de petits articles (fleurs, journaux...) et des distributeurs de boissons fraîches ou chaudes et de confiseries. Dans l’un des salons de repos, ils peuvent recevoir famille ou amis et reçoivent régulièrement de la visite d’intervenants extérieurs. Pour parfaire le service, le courrier est levé et déposé à table. Les résidents disposent également d’une salle polyvalente, d’une chapelle, et prochainement, d’une salle de cinéma…de quoi faire leur bonheur ! COLLOQUE DU 27 AOÛT 2009 L’Humanitude, comprendre la vieillesse, prendre soin des Hommes vieux dans la bientraitance L’Humanitude, un nouveau concept dans l’unité Alzheimer Le rez-de-chaussée accueille une unité d’hébergement permanente sécurisée protégée Alzheimer de douze places. Une unité de vie fermée, sécurisée, avec du personnel présent en permanence. « Dans cette unité, poursuit Cyril Arbaud, on a essayé d’intégrer un projet d’établissement qui s’appelle l’humanitude qui est une philosophie, une méthodologie de soin qui se traduit par une mise au service et au besoin du résident de toute l’organisation de la maison de retraite. On étudie le besoin de la personne, si elle veut dormir un peu plus le matin, si elle ne veut pas qu’on la réveille la nuit pour la changer, si elle veut prendre son petit déjeuner avant sa douche ou après. Tout est analysé pour que les habitudes de vie que la personne âgée a toujours eu ne soient pas perturbées. Ce concept n’est pour l’instant étudié que dans l’unité Alzheimer. » Et pour que les résidents se sentent à l’aise, tout le monde y met du sien : ergo thérapeute, infirmiers, aide-médico psychologiques et auxiliaires de vie social n’ont aucune tenue de travail pour ne pas stigmatiser la personne âgée. « Une personne qui, ayant perdu tous ses repères, peut être perturbée à la vue d’une personne en blouse blanche, explique le directeur de l’EHPAD. Si c’est quelqu’un en civil qui vient lui parler, il n’y aura pas cette peur. » Le but de tous ces efforts : améliorer la qualité de vie des résidents, leur tranquillité, diminuer les médicaments, les pathologies agressives des personnes Alzheimer en n’imposant pas une organisation trop rigide : « Si la personne se sent bousculée, poursuit Cyril Arbaud, elle devient agressive et le personnel se sent maltraitant. C’est toute une philosophie qu’il faut mettre en place, une nouvelle technique qui est très en avance mais qui ne nécessite pas beaucoup de moyens supplémentaires, juste un peu plus de patience, d’écoute, de formation et d’acceptation de cette philosophie » « On espère avoir le label de site pilote d’Humanitude à la Réunion ». C’est l’objectif que s’est fixé l’ASFA. Ce n’est que le début d’un long processus et l’ASFA mettra tout en oeuvre pour l’obtention du label. Le concept d’Humanitude, Cyril Arbaud a commencé à s’y intéresser l’année dernière, souhaitant l’inclure au projet d’établissement de la Résidence Retraite Médicalisée de Sainte-Clotilde. En avril dernier, une partie du personnel a été formée. Un succès sur toute la ligne, et un personnel conquit par cette nouvelle philosophie. Lorsque le Conseil d’Administration de l’ASFA a cherché un thème pour le colloque de cette année, c’est tout naturellement que celui de l’Humanitude s’est présenté. Cyril Arbaud ne compte cependant pas s’arrêter en si bon chemin : « On espère avoir le label de site pilote d’Humanitude à la Réunion. Une sollicitation que l’on a faite à Yves Gineste lors de son dernier passage à la Réunion. Selon lui, l’établissement remplit les conditions requises pour entrer dans la labellisation de ce concept. On souhaite, à terme, former l’ensemble de notre personnel à l’Humanitude, ce qui représente soixante dix personnes sur les deux établissements et pourquoi pas faire un jumelage avec la « Maison de l’amitié », une structure pilote dont la Directrice interviendra lors du colloque pour parler de son expérience. » Des projets, Cyril Arbaud en a plein la tête, toujours pour le plus grand bien être des résidents. Ce ne sont pas eux qui s’en plaindront ! COLLOQUE DU 27 AOÛT 2009 L’Humanitude, comprendre la vieillesse, prendre soin des Hommes vieux dans la bientraitance «Travailler avec les personnes âgées peut se faire avec beaucoup de plaisir » Directrice de la Maison de l’Amitié, Nicole Camboulive a passé sa carrière à travailler auprès des personnes âgées. Sa rencontre avec Yves Gineste l’a amenée à placer l’Humanitude comme point d’orgue au sein de son établissement. Elle parlera le 27 août lors du colloque sur l’Humanitude de son expérience de la bientraitance. Pouvez-vous nous présenter « La Maison de l’Amitié » ? Nicole Camboulive, directrice de la Maison de l’Amitié Créée il y a trente sept ans, « La Maison de l’Amitié » est un établissement composite qui dispose d’un foyer-logement, d’un EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes) pouvant accueillir 25 résidents, d’un centre d’accueil de jour pour les malades Alzheimer accrédité pour recevoir quinze personnes, d’un foyer restaurant ouvert à tous publics, jeunes et moins jeunes. La structure dispose également d’un service d’accompagnement à la scolarité, d’un service d’alphabétisation pour les familles immigrantes et d’un secteur d’activité qui propose 90 activités différentes pour 900 adhérents. L’établissement est ouvert à tous afin ne pas enfermer les personnes âgées dans un ghetto. Comment avez-vous découvert l’Humanitude ? J’ai rencontré Yves Gineste lors d’une formation à l’école de Rennes. Je faisais beaucoup de recherches sur Internet et je l’ai découvert par hasard. Il employait beaucoup de mots que j’utilisais moi-même et qui ne faisaient pas écho dans mon département. Je l’ai contacté et on a tout de suite été sur la même longueur d’onde. Il a décelé dans la structure tous les éléments d’un milieu de vie et non d’un milieu de soins. Yves Gineste a formé tout le personnel de mon établissement en 2007. J’ai tenu à ce que chacun soit formé, car même un comptable ou un cuisinier est un soignant. Chacun à la place où il est concourt à prendre soin. Aujourd’hui, quand Yves Gineste aborde un nouvel établissement, ce qui est le cas à La Réunion, il me demande parfois d’intervenir pour montrer qu’il est possible de créer un milieu de vie, un lieu où les gens vivent dans une maison de retraite et ne restent pas passifs. On pense souvent, à tort, que les personnes âgées n’ont plus de compétences et qu’elles ne peuvent plus rien faire. Notre rôle en tant que soignant est de permettre aux gens, quel que soit leur âge ou leur handicap d’exprimer leurs potentialités au lieu de les enfermer dans : « Il ne peut pas, il est handicapé, il ne doit pas marcher, il est au régime. » On ne cite que les manques, alors que ces personnes ont aussi des potentialités. Quand on regarde les gens comme des êtres humains, quand on leur donne des moyens de s’exprimer, ils s’en servent. Quand on met des personnes en situation de pouvoir faire les choses, ils le font. En le faisant, on leur permet de retrouver leur dignité. COLLOQUE DU 27 AOÛT 2009 L’Humanitude, comprendre la vieillesse, prendre soin des Hommes vieux dans la bientraitance Qu’est ce que l’Humanitude a changé chez vos résidents ? A la fin de l’année 2008, on a évalué chaque personne âgée en fonction des objectifs que l’on s’était fixés. Tous ont gardé leur autonomie mais il a fallu pour cela adapter le matériel ; par exemple mettre des lits très bas pour ne pas avoir à mettre de barrières. Il a fallu aussi se battre contre les familles, les médecins et les infirmiers qui ont une vision très hospitalière des choses. On a basé avec nos résidents des rapports de réciprocités et non des rapports de force. Vous allez intervenir sur les milieux de vie, substituts du domicile, pouvez-vous nous en dire plus ? Nous allons parler de notre expérience en expliquant comment nous avons mis en place un milieu de vie. Souvent, le personnel pense que cela n’est pas possible. Je vais essayer de leur montrer qu’il peut y avoir des initiatives de prises. Chez nous par exemple, les repas sont pris en self-service pour que les gens puissent avoir le choix. Il faut une organisation particulière pour que les personnes en fauteuil roulant ou les malades Alzheimer puissent accéder au self, mais le personnel est là pour aider les résidents. Quel lien avec l’Humanitude ? Tout ça est une façon d’aborder la bientraitance. La bientraitance n’étant pas opposée à la maltraitance. La bientraitance, c’est essayer par tous les moyens de répondre aux besoins des personnes au moment où elles le demandent en leur permettant de vivre à leur rythme et de la façon qu’elles veulent. C’est pour ça que dans nos établissements, les appartements sont loués vides, chaque porte a une sonnette, chaque appartement a sa boîte aux lettres et dispose d’une kitchenette pour que les familles ou les résidents qui le peuvent puissent se faire à manger. Il y a aussi un room service pour le petit déjeuner. Tout est fait pour permettre aux personnes de garder leur autonomie et d’apporter au fur et à mesure les soins dont elles ont besoin. On est dans le prendre soin, et non dans le soin technique. COLLOQUE DU 27 AOÛT 2009 L’Humanitude, comprendre la vieillesse, prendre soin des Hommes vieux dans la bientraitance Yves Gineste ou comment vivre et vieillir debout Yves Gineste : Mon objectif est de permettre aux personnes âgées de garder leurs principes fondamentaux : liberté, égalité, fraternité, autonomie Directeur de formation du Centre de Communication et d’Etudes Corporelles (CEC France), Yves Gineste enseigne depuis plus de 25 ans en situation réelle de soins, la « philosophie de l’Humanitude » et la « méthodologie de soins Gineste-Marescotti » conçues avec Rosette Marescotti. Il sera à la Réunion le 27 août prochain pour animer un colloque sur l’Humanitude. Comment avez-vous découvert le soin ? J’ai toujours travaillé avec Rosette Marescotti. Au départ, nous sommes professeurs d’éducation physique et nous avons travaillé dans les hôpitaux avec la manutention des malades, pour apprendre aux soignants à déplacer les malades dépendants sans se faire mal au dos. A l’époque, nous ne connaissions pas le système hospitalier. Pendant douze ans, nous avons été les seuls à demander à travailler en situation réelle. Quand on arrivait dans un hôpital, on demandait à s’occuper des personnes qui posaient le plus de problèmes aux soignants. C’est comme cela que l’on a appris le soin et que nous avons élaboré des techniques particulières, parce qu’on trouvait qu’il y avait des choses qui se faisaient, mais qui nous paraissaient ni cohérentes, ni fonctionnelles. Nous avons créé 150 techniques de soin, allant du soin infirmier à la rééducation. Comment est né le concept d’Humanitude ? En 1982, on a posé un concept qui s’appelait : « Vivre et mourir debout en gériatrie » qui affirmait déjà avec force que n’importe quelle personne âgée, sauf maladie, peut terminer sa vie debout. A l’époque, les hospices étaient remplis de gens grabataires. Et quand nous arrivions et que nous appliquions notre savoir faire, certaines de ces personnes se relevaient ou se remettaient à parler alors qu’elles étaient dans le silence depuis plusieurs années. A partir de là, on s’est mis à étudier tous les domaines du soin et de la relation humaine dans le soin. C’est ainsi que l’on a fait notre première étude sur la communication et on s’est aperçu avec effarement que sur 24 heures, on parlait moins de 120 secondes à une personne âgée dépendante. On a mis au point une technique de communication verbale, car il n’est pas naturel de parler à quelqu’un qui ne communique pas. On s’est aussi rendu compte que selon la manière de toucher les personnes, selon les endroits, les gens réagissaient de façon radicalement différentes. On a donc développé des techniques de communication non verbales à partir du toucher. Un toucher que l’on appelle le « toucher tendresse » qui est extrêmement doux mais qui est aussi séquentiel. Par exemple, dans le cas d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer, je vais commencer la toilette par les mollets, puis par le dos. On établit des cartographies qui correspondent à des dégradations neurologiques, et qui permettent, dans la gestion des comportements que l’on appelle d’agitation pathologique, que les soignants appelaient des comportements agressifs des personnes démentes, d’avoir une nette amélioration du comportement. On s’aperçoit que 95% de ces personnes nous embrassent au lieu de nous mordre. On a mis au point des stratégies qui sont radicalement différentes de celles enseignées dans les écoles. Les Canadiens ont étudié notre méthode et ils l’ont appelé la méthodologie des soins « Gineste Marescotti ». COLLOQUE DU 27 AOÛT 2009 L’Humanitude, comprendre la vieillesse, prendre soin des Hommes vieux dans la bientraitance En quoi consiste cette méthodologie ? La méthodologie des soins « Gineste-Marescotti » comporte deux choses. Une philosophie de soin que nous avons écrit et qui s’appelle la « Philosophie de l’Humanitude », une philosophie professionnelle qui détermine ce qu’est un soignant, et 150 techniques de soin. Les instituts « Gineste-Marescotti » se sont développés au Canada, en France, en Belgique, en Suisse, un est en cours de création au Portugal, un autre devrait ouvrir en Allemagne. Une société d’évaluation scientifique a montré que dans les cas de très grande agitation pathologique, on avait 83% de pacification complète. Aujourd’hui, on développe une approche d’un concept que l’on a développé et qui s’appelle « les milieux de vie substitut ». Une personne âgée doit pouvoir vivre en institution comme elle vit à la maison. C’est une révolution dans les maisons de retraite, parce que ça change tout. Les gens peuvent se coucher à l’heure qu’ils veulent, il n’y a plus d’horaire pour le petit-déjeuner, les gens peuvent prendre leur petit déjeuner au lit ou se doucher tous les jours s’ils le souhaitent. On n’est plus dans le même rapport de pouvoir, de force, d’aide qu’il y a dans les maisons de retraite classiques. Mon objectif est de permettre aux personnes âgées de garder leurs principes fondamentaux : liberté, égalité, fraternité, autonomie, c’est-à-dire la capacité de faire leurs propres choix. Qu’est ce qui vous a plu à La Réunion ? Je ne connaissais pas du tout La Réunion. J’ai travaillé avec Cyril Arbaud et le premier groupe de travail que nous avons formé a été emballé par le projet. La qualité des soins est identique à ce que l’on peut trouver en métropole et avec cette mentalité particulière qu’ont les Réunionnais qui est très ouverte, très tolérante, il y a certainement de quoi faire de La Réunion une région pilote. Vous allez parler lors de la conférence de « la capture sensorielle, outil de gestion des comportements d’agitation pathologique des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et des pathologies associées ». Pouvez-vous nous en dire plus ? On a développé 150 techniques, et dans le cadre de l’agitation pathologique des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, on a mis au point une technique que l’on appelle la capture sensorielle avec des étapes extrêmement précises. Il y a d’abord les préliminaires, une étape qui dure entre trente secondes et deux minutes pendant lesquelles le soin n’est jamais évoqué. On vient dans une rencontre dans laquelle il y a une technique de regard, de parole, de toucher particulière. Lors de la deuxième étape, on commence le soin et là aussi, il y a des techniques de lavage, d’habillage qui nous amènent dans un état que l’on appelle le « rebouclage sensoriel » c’est-à-dire que tout ce qui rentre en sensorialité occupe tout l’espace au niveau de ce qu’on appelle le cerveau émotionnel. Il n’y a plus d’espace pour les affects négatifs et les gens se détendent complètement. On voit un développement du tonus musculaire, des sourires qui apparaissent et parfois la parole qui revient. La troisième étape est celle de la consolidation émotionnelle. On essaye toujours de laisser une trace dans le cerveau émotionnel car le cerveau cognitif ne fonctionne plus. On va utiliser les voix émotionnelles qui sont des voix neurologiques connues aujourd’hui pour tenter de faire mémoriser émotionnellement le bon moment que l’on vient de passer. C’est ce que l’on appelle la capture sensorielle. Pensez-vous que le concept d’Humanitude soit adaptable à toutes les maisons de retraite ? Oui, sans aucun souci, mais si on emmène des outils, encore faut-il qu’ils soient utilisés. Tout dépend de l’engagement de la direction, de la qualité et de la compétence de l’encadrement. Le concept d’Humanitude demande une réorganisation fondamentale et il peut y avoir de très fortes résistances. COLLOQUE DU 27 AOÛT 2009 L’Humanitude, comprendre la vieillesse, prendre soin des Hommes vieux dans la bientraitance Philippe Crône ou comment humaniser l’animation Animateur dans un EHPAD, Philippe Crône est également responsable d’un service de jour qui accueille des personnes Alzheimer. Il a adapté le concept de l’humanitude à l’animation et parlera de son expérience le 27 août prochain lors du colloque sur la bientraitance. Vous allez parler le 27 août prochain de : « l’animation des adultes très âgés présentant des déficits cognitifs». Pouvez-vous nous en dire plus ? Je vais parler de la place de l’animation dans les EHPAD. On parle souvent d’animation, mais on ne sait pas toujours ce qu’on doit mettre derrière ce terme. Je vais essayer de montrer l’importance de l’animation dans une institution. L’animation n’est pas un plus, c’est un véritable service pour l’institution. Quand on crée un lieu de vie, cela sous-entend que les gens vont vivre là, avoir des avis, des désirs. L’animation est chargée de réaliser ces avis et ces désirs en collaboration avec le soin. Le soin permet aux gens d’être en capacité de vivre ; l’animation, elle, permet aux gens d’avoir des objectifs de vie. Philippe Crône : L’animation n’est pas un plus, c’est un véritable service pour l’institution. Quel est le lien entre l’humanitude et l’animation des personnes âgées ? L’humanitude nous apprend que les adultes âgés ont des particularités. Les malades Alzheimer par exemple ont des particularités de réaction, des altérations. C’est en prenant conscience de ces altérations que l’on va apprendre à communiquer avec les gens. Les malades Alzheimer sont très sensibles à leur environnement, et leur pathologie peut s’accélérer en fonction d’un mauvais ou d’un bon environnement social, familial ou culturel. Si l’environnement est propice au bien-être, la maladie évoluera moins rapidement que dans un environnement où le patient est angoissé. L’animation a pour but d’influencer l’environnement des personnes. Yves Gineste apprend aux soignants à se présenter, à pacifier les relations pour une meilleure approche du malade dans les soins. Dans l’animation, on est dans la pacification de l’ambiance de vie. On va plus travailler sur l’ambiance de vie que sur des activités qui n’auraient pour objectif que de faire des activités occupationnelles. Comment humaniser concrètement une animation ? Si on fait une activité cuisine, dans une animation classique, elle aura pour mission de permettre aux résidents de partager un moment, de se faire plaisir en créant et en mangeant des gâteaux. Si on met en place une activité cuisine dans une unité Alzheimer, l’objectif n’est plus de réaliser des gâteaux, mais de donner aux gens l’envie d’être là, mais pas seulement les malades Alzheimer. L’une des premières altérations des malades Alzheimer est l’odorat, les malades Alzheimer ne sont donc pas attirés par l’odeur du gâteau, ils vont être attirés par les gens qui ne sont pas malades Alzheimer, et qui sont eux-mêmes attirés par l’odeur du gâteau : le personnel, les familles et les autres malades. Ce sont ces personnes qui vont donner au malade Alzheimer l’envie d’être là. Les malades Alzheimer vont être sensibles non pas au gâteau, mais à cette ambiance qui va se modifier. Plutôt que de faire en sorte que les gens soient mis dans un espace ou un établissement Alzheimer, avec l’animation, on peut faire en sorte que les malades Alzheimer soient en capacité de vivre avec les autres dans des espaces de vie communs, à condition que l’on travaille les ambiances qu’il y a dans ces espaces de vie.