La lettre du P.E.N. Club français MARE NOSTRUM
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La lettre du P.E.N. Club français MARE NOSTRUM
Nouvelle série n° 13 Décembre 2007 La lettre du P.E.N. Club français P.E.N. Club français : Poètes, Essayistes, Nouvellistes • L’un des centres du P.E.N. Club International, organisation mondiale d’écrivains • 6, rue François-Miron, 75004 Paris – Téléphone : 01 42 72 41 83 Courriel : [email protected] www.penclub.fr - Rédaction de la Lettre : Françoise Goupil, Philippe Pujas MARE NOSTRUM Mondialisation, diversité : entre ces deux versants de la réalité du monde contemporain, entre ces deux mots déjà menacés d’usure à force de trop servir et de servir n’importe quoi, comment inscrire l’action des PEN Clubs, et singulièrement celle du PEN Club français ? Impossible de ne pas se sentir investi d’une double responsabilité. La première est de porter témoignage, comme le PEN l’a fait pendant toute son histoire, de sa croyance dans les valeurs de l’humanisme, donc d’une vocation universelle. Le témoignage se porte par la littérature, c’est-à-dire les écrits de chacun ; il se porte aussi par une attitude générale et des actions de solidarité envers ceux qui, dans le monde, sont victimes des valeurs opposées qui conduisent à la division, à la guerre ou à l’oppression. La deuxième responsabilité du PEN Club est d’inscrire les valeurs de la diversité dans ce grand idéal d’humanisme. La diversité est un concept dépassé par son succès. Ramenons-le simplement à l’idée que l’uniformité est nuisible, et que les différences nourrissent tous les hommes. La diversité ne sert à rien, elle est même mauvaise si elle est barrière, elle offre ses vertus si elle offre sa palette à tous. Ainsi en est-il par exemple des langues, capital commun. Voilà pourquoi nous nous battons, avec énergie, contre le monopole actuel d’une langue internationale qui n’a même plus les vertus et les nuances de sa langue d’origine, qui peut elle-même s’y perdre. Voilà pourquoi nous som- mes aussi attentifs à la domination actuelle d’un modèle économique qui confond culture et divertissement, culture et gros tirages. Comment pouvons-nous au mieux mener à notre niveau cet impératif d’une diversité humaniste ? En s’appuyant sur les solidarités de voisinage qui se dessinent, en portant un projet uni par une grande mer commune, la Méditerranée. Cette mer de toutes les tempêtes est aussi le creuset de civilisations qui n’ont cessé de se rencontrer dans la guerre et dans la paix, mais qui sont en définitive assez proches et variées pour que, de part et d’autre, entre écrivains, nous faisions par l’exemple la démonstration de notre unité dans la diversité. Notre ambition, notre projet sont donc de resserrer les liens entre PEN clubs de la rive sud de la Méditerranée et de l’Europe. Cette union méditerranéenne élargie à une partie de l’Afrique sub-saharienne pourrait prendre la forme de projets communs, de rencontres annuelles dans l’un des pays de la région. Les outils sont en place. Nos contacts amicaux avec les uns et les autres, la volonté commune de partager ce projet, l’appui possible des comités spécialisés du PEN International, Comité de la Paix que préside notre ami slovène Edouard Kovac, Comité des droits lingusitiques si attaché à la diversité. C’est pour nous non pas une nouvelle frontière, mais un bel horizon… Philippe PUJAS 2 LE CONGRÈS DU PEN INTERNATIONAL A DAKAR : LE FOSSÉ Le Congrès 2007 du PEN International s’est tenu du 3 au 11 juillet à Dakar, à l’invitation de nos amis du PEN sénégalais, qui auraient aimé en faire une grande fête de l’Afrique et de la littérature francophone. Ils y ont parfaitement réussi pour ce qui est de leur part : très belles tables rondes, soirées poétique et théâtrale … Ils n’ont pas réussi à inverser la tendance mondiale actuelle à la domination par un mode de pensée, plus encore qu’une langue, qui imprègne les instances dirigeantes et l’administration du PEN International. Un moment révélateur : la soirée poétique organisée par l’administration et consacrée à la poésie africaine a réussi la performance, dans la ville la plus symbolique de la littérature africaine francophone, de ne donner la parole qu’à des anglophones… L’intérêt des congrès reste l’importance des liens qui peuvent se tisser à leur occasion. Celui de Dakar a esquissé un rapprochement euroméditerranéen et africain (principalement francophone pour l’heure) qui pourrait se concrétiser à assez brève échéance ( lire l’éditorial ) dans un réseau de projets communs. L’assemblée générale qui a conclu le congrès a élu un nouveau Secrétaire international. C’est le Norvégien Eugène Schoulgin, qui fut notamment au sein du PEN président du Comité des écrivains en prison, qui succède à l’Américaine Joane Ackerman, qui ne souhaitait pas poursuivre sa tâche. La France avait proposé une candidature alternative, celle de Sylvestre Clancier. Nous n’avons pas non plus réussi à convaincre le Congrès que le Congrès de 2008 devrait, comme cela avait été décidé l’an dernier à Berlin, se tenir à Oaxaca, au Mexique. La ville ayant été entre temps le siège de manifestations sévèrement réprimées, la majorité du Bureau du PEN a convaincu l’assemblée générale qu’il fallait tenir le congrès ailleurs. A une courte majorité relative, l’assemblée a choisi Bogota, la capitale de la Colombie, plutôt qu’un autre site mexicain ou la candidature de dernière minute de Madrid, que nous avions soutenue après l’abandon d’Oaxaca par l’assemblée générale. 3 LA LITTÉRATURE AFRICAINE FRANCOPHONE Parmi les conférences données dans le cadre du Congrès du PEN International figurait celle de Lilyan Kestellot, universitaire, chercheuse, qui a dressé un tableau subjectif, mais argumenté, de l’état de la littérature écrite en Afrique par les écrivains francophones. Y a-t-il une opposition entre la littérature produite par les auteurs africains vivant sur le continent et ceux de la “diaspora”, qui vivent en Europe ou aux États-Unis ? Oui, assure Lilyan Kestellot, qui voit les seconds contaminés par le “certains thèmes de la mode hexagonale”. Ainsi sont condamnés sans appel les Alain Mabanckou, Calixte Beyala ou Kossi Effoui… A ceux-ci, qui auraient perdu dans les voix des sirènes du large le contact avec la vraie nature et les problèmes du continent noir, Lilyan Kestellot oppose ceux qui, sur place, disent les problèmes de leur société. Ils seraient les plus authentiques représentants de la quatrième génération d’écrivains africains, la première ayant été celle de la “négritude” autour de Senghor et de Présence africaine. Les noms des générations suivantes sonnent bien comme ceux d’un développement et d’un enrichissement d’une littérature vigoureuse qui accompagne les difficultés de la situation politique et sociale du continent : la deuxième est celle de Mongo Beti, de Cheikh Hamidou Kane et d’Ahmadou Kourouma, la troisième celle de Félix Tchikaya et d’Henri Lopes. La quatrième, donc, trouverait sa véritable expression sur le sol africain, à l’abri des humeurs frivoles. Elle est nombreuse et prometteuse, apportant à la littérature francophone une tonalité bienfaisante, dans le roman comme dans la poésie. On pourra lire pages 4 et 5 un poème de l’un des auteurs majeurs de la poésie sénégalaise d’aujourd’hui, notre ami Amadou Lamine Sall. TRADUCTION ET DROITS LINGUISTIQUES : POUR LES LANGUES MINORITAIRES Le Comité pour la traduction et les droits linguistiques est présidée par la Macédonienne Kata Kulavkova, et a son siège dans la capitale macédonienne, Skopje. Grâce à la forte implication du PEN macédonien, et au soutien des autorités locales, le Comité peut se réunir tous les ans, en septembre, à Ohrid, au bord du lac qui sépare la Macédoine de l’Albanie, et faire avancer ses dossiers entre deux congrès. La réunion de cette année a permis de mesurer le travail accompli par le comité, travail tout-à-fait concret dans deux directions : une veille sur la situation des langues dans le monde, une promotion active de la diversité linguistique. 2007 est une année de nouveaux chantiers, après les deux rapports remarquables qu’a produits le Comité : l’un sur la traduction (qui se révèle très marginale) aux États-Unis, l’autre sur les droits linguistiques des minorités, présenté l’an dernier et qui a fait l’objet cette année d’une édition. Un tour du monde y est fait, qui englobe la France, sévère- ment traitée par le Basque Paul Bilbao Sarria. Le Comité se fixe pour objectif d’ aider à dresser un état du monde des langues en difficulté, pour lequel il compte travailler avec toutes les institutions concernées, à commencer par l’UNESCO. Un groupe de travail a été constitué en son sein, auquel participe le PEN Club français. Le Comité a initié un programme d’édition électronique de littérature mondiale, baptisé “Diversité”, qui présente des auteurs dans leur langue et dans deux autres langues, le macédonien et l’une des trois langues officielles du PEN, anglais, espagnol ou français. Parmi les auteurs présentés : la Québécoise Hélène Dorion, les Portugais Teresa Salema et Casimiro de Brito, la Croate Sibila Petlevski, le Slovaque Gustav Murin, le Macédonien Mateja Matevski. www.diversity.org.mk 4 LES VEINES SAUVAGES chemins de miel que j’aime Je t’aime comme une guérison j’aime ta gorge apaisante la saison de ta bouche quand tu ris j’aime la maison de tes yeux tu réchauffes mieux que le ventre de l’ours à midi Tu es si belle que tu désamorces la course des météores… Tu es mon nouveau livre Boléro les premières hiéroglyphes d’un nouveau millénaire Pourquoi veux-tu briser l’élan des montagnes ? Pourquoi veux-tu faire taire l’oiseau du désir ? Depuis bien longtemps et pour longtemps encore parce que tu es là il ne fait plus nuit dans mon cœur rien que mon regard que ton cœur nourrit vide les hôpitaux soulage les fous habille les gueux fait chanter les muets et j’ai fini par réinventer toutes les leurs et tu as fini par être plus vraie que le conte et les champs de pierre vois-tu ont même poussé en des champs de saphirs et les troncs de termitière ont dressé des odeurs de cannelle tu ne vieilliras pas jamais tu ne vieilliras en moi jamais je ne vieillirai en toi nous aurons la même route et elle sera la route de la terre elle sera le chemin visible aux questions de l’homme elle sera la réponse à la tristesse des enfants il n’y aura plus de secret pour aimer pour chanter pour danser parce que l’amour nous habite parce que les mots nous ont livré leur âge parce que la parole a aboli tous les silences et la nuit accepte enfin de venir se coucher et le vent sort de la mer marche en riant dans les rues ouvre notre fenêtre défoncée et s’allonge sur nous nous dormons alors et le vent aussi dort car nous l’avons pris dans les filets de notre ten- Et danse ma Tzigane sous les tambours crevés de ce pays crevé au soleil crevé où tuméfié se relève l’espoir toujours têtu où s’arc-boutent les reins au martyre du pilon lourd du labeur à deux sous où s’aiguisent les prières à la lueur de l’étoile la bougie longtemps morte ce pays qui se veut cheminant hors les routes de la honte aux fils rebelles à la nuit et où pourtant les princes acclamés aux courtisans à l’alphabet épileptique déterrent jusqu’aux terriers sous les roches arrachent jusque dans la gueule des rats et des fourmis ce qui restait pour nourrir l’enfant Il y a tant d’enfants qui ne rient plus dans mon pays… Et voici que j’ose avoir le temps de Héler l’amour pour t’aimer toi ma Tzigane Dans mon pays même la démarche des femmes est en alexandrin Et tu es venue ajouter l’amour à l’amour la mélodie pleine les mortiers Tu arrivais du nord là où le soleil épuise ses larmes derrière les barreaux du ciel sur le dos des éclairs je sais là où tu es descendue chanter nouant tes cheveux aux épis de mil et tu m’attends du coté le plus divin de ton corps là où les dieux ont fait pousser la fraise dans la mangue Tu es de ce pays où les hirondelles ont bu tous les soleils et le ciel toujours cambré de sommeil Le vent lève ton nom… Boléro et ta bouche et tes lèvres infaillibles ont l’arome langoureux des dresse Et pourtant Boléro et pourtant 5 les Princes de ce pays ont tout dévoré ils ont tout volé et tout mangé ils ont mangé la racine et jusqu’aux pierres qui bordaient la racine et dans leur hâte ont tout mangé cru jusqu’au dernier alphabet de ce pays et voici que ce pays n’existe plus que dans la mémoire et le sourire fêlé des paysans Je sais et tu sais Boléro combien ces Princes ont asséché toutes les saisons de nos espoirs ils ont tout supplicié les totems, les soleils, les cours d’eau, les champs d’arachide les femmes et les vieillards et les adolescents sont des montres sans remontoirs des cartes postales d’un pays sans Coran et sans Bible « et des soldats d’étranges soldats fument nos espoirs dans des fémurs d’enfants » Mais avec toi Boléro toi l’Aimée le sang de ce chant avec toi et cet amour que tu portes et que je porte plus terrible encore nous vaincrons la mauvaise terre pour que pas un bras ne manque à l’AMOUR « Locataire du néant fou d'une liberté sans terre le monde est infidèle à mes rêves Et les femmes sont amputées du rêve d'aimer les hommes du rêve de vieillir Les oiseaux du cœur ont donc migré la pleine lune et je flirte avec des cœurs dégarnis seul parmi la roche effeuillée la fête des péchés parmi l'arachide rebelle parmi le mil rebelle le coton rebelle le germe rebelle Seul avec l'hirondelle offensée seul parmi l'enfance délaissée le désir mutilé parmi l'étoile faussée l'émeraude brisée les cauris effrayés les cercueils cloutés les fenêtres fermées les portes fermées Je veille ces pays mon pays ce pays fou de ses fils fou de sa liberté infidèle à ses rêves Mon pays n'est pas né d'une femme… et pourtant dans mon pays vois-tu le soleil est une femme le jour est une femme Amadou Lamine SALL la joie est une femme le rêve est une femme le pardon est une femme le chant est une femme et je suis né du chant des femmes Viens partageons l'étoile tombée cette nuit derrière le sommeil des Prophètes J'aime regarder le Sénégal s'endormir le soir sur tes paupières et se réveiller le matin dans tes yeux Tu seras l'Unique Miracle des goélands la GRANDE TERRE celle pour qui je veux encore vivre et accepter d’aimer Amadou Lamine SALL Poète Président de la maison africaine de la poésie internationale 6 NOS ACTIVITÉS DU TRIMESTRE ■ Le 8 juin, Le P.E.N. Club français ratification par le Parlement du (lire ci-contre) s’est associé aux Amis de César Vallejo, aux Amis de Gaston Miron et à La Nouvelle Pléiade pour une soirée poétique à la Société des Gens de Lettres. Des poèmes inédits ont été lus par Nicole Barrière, Claude Beausoleil, Sylvestre Clancier, Carlos Henderson, Bernard Noël et Patricia Nolan. ■ Le 23 juin, sur la péniche-restaurant Le QUAI, amarrée quai Anatole France, au pied du Musée d’Orsay, le P.E.N. Club français et le journal belge LE JOURNAL DES POETES, ont organisé, pour la deuxième année consécutive, un déjeuner amical et poétique. ■ Le 21 septembre, le PEN Club a publié un communiqué exprimant son inquiétude devant la perspective de "Protocole de Londres", texte qui rend facultative la traduction en français des brevets d'invention en usage en France.En dépit de nombreuses protestations, le texte a été voté ■ Le 27 octobre, Maurice Couquiaud a présenté dans nos locaux trois femmes écrivains, Nicole Barrière, Marie Borin et Elvire Maurouard. Débat animé autour de trois œuvres et trois personnalités très différentes. ■ Le 15 novembre, en liaison avec “Les belles étrangères”, manifestation du Centre national du livre consacrée cet automne aux lettres libanaises, nous avons reçu trois écrivaines libanaises, Joumana Hadad, Etel Adnan et Nohad Salameh. Dans le même temps, Jean Guiloineau nous a présenté la revue “Siècle 21, littérature et société” ■ Le jeudi 22 novembre à 18h30 (6, rue François Miron) présentation par les éditions Le Grand Incendie et la revue Pyro (Julia Musté / Jérome Nicolle) du recueil Respiration des routes de Lise Lefebvre (Collection [In Vitro] ■ Le jeudi 29 novembre à 19h00 (6, rue François Miron) conférence de Frederic Gaël Theuriau sur Anatole France, qui fut, rappelons-le, le premier président du P.E.N. Club français ■ Sur le plan international, le PEN Club français a été présent au Congrès du PEN International à Dakar en juillet (lire par ailleurs) et à la réunion du Comité de la traduction et des langues minoritaires en septembre à Ohrid (Macédoine) DÉCEMBRE AU PEN CLUB ■ C’est le mercredi 5 décembre à à l’Institut culturel canadien, 5, rue de 18h00 dans nos locaux de la rue François Miron que se tient notre Assemblée générale, suivie d’un dîner débat avec Elisabeth Badinter, lauréate du Grand Prix de la Critique littéraire 2007 ■ Le mercredi 12 décembre à 18h30 (6, rue François Miron) nous rendrons un hommage conjoint avec l’Académie Mallarmé à Seyhmus Dagtekin, Prix Mallarmé 2007 Juste un pont sans feu (Le Castor Astral, 2007), qui lira ses derniers poèmes. ■ Le vendredi 14 décembre à 18h00 , Constantine, 75007, métro Invalides) assemblée générale de La Nouvelle Pléiade (ouverte au public ) ■ Le lundi 17 décembre à 18h30 (6, rue François Miron) Hommage à Louis Guillaume, qui aurait eu 100 ans cette année. Lectures de ses poèmes par Max Alhau, Jeanine Baude, Lazarine Bergeret, la famille Clancier, Paul Farellier, Jeanine Salesse et quelques autres amis… ■ Le mardi 18 décembre à 18h30 (à l’Auditorium de La Maison de l’Amérique latine, 277, Bld Saint- Germain, présentation et lecture par Max Alhau et Jean-Pierre Rousseau de la poésie de poètes du Brésil (Murilo Mendes, Cecilia Meireles, Mario Quintana, Vinitius de Moraes, Francisco Carvalho), de l’Equateur (Mario Campana), et du Pérou (Porfirio Mamani Macedo). Des Brésiliens, Jean-Pierre Rousseau dit que “Ce sont tous de grandes figures du courant " moderniste ", qui a profondément marqué la poésie brésilienne du XXe siècle, à part Francisco Carvalho, plus contemporain, encore moins connu, mais qui se situe dans cet héritage. Une poésie, poursuit-il, toute de sensibilité, facilement accessible.” 7 DES POÈTES LIBANAISES AU PEN CLUB Les Belles étrangères rendaient hommage, cet automne, aux lettres libanaises. Le PEN Club s’est associé à cet hommage Dans le cadre d’un partenariat CNL / PEN Club, à l’occasion des Belles étrangères Liban et de la parution du numéro 11 (Automne -Hiver 2007) de la revue « Siècle 21, littérature & société » consacré aux « Ecrivains libanais d’aujourd’hui » Jean Guiloineau et Marilyn Hacker ont présenté au PEN club, en compagnie de Antoine Jockey, traducteur et journaliste libanais, les poètes Etel Adnan, Joumana Haddad et Nohad Salameh. L’excellent dossier de la revue Siècle 21 a été coordonné par Marilyn Hacker avec l’aide de Vénus Khoury-Ghata et d’Antoine Jockey. On y trouve des écrivains – poètes et romanciers – d’expression arabe, d’expression française, et quelques anglophones, dont une, Etel Adnan, reçue au PEN Club, est quand même connue pour un roman écrit en français sur la guerre civile libanaise, Sitt MarieRose, publié aux éditions Des Femmes et traduit en plusieurs langues. Elle a écrit également pour le théâtre et est artiste-peintre. Née à Beyrouth d’un père syrien et d’une mère grecque, elle a eu au Liban une formation française. Elle a ensuite fait des études supérieures en France et aux Etats-Unis. Depuis longtemps elle partage sa vie entre Paris et la Californie. Elle est l’auteur de nombreux récits en français, L’Apocalypse arabe, Jenine et en anglais, Paris When it’s Naked, Of Cities and Women, In the Heart of the Heart of another country. Joumana Haddad, elle, est poète, romancière, journaliste et traductrice. Elle dirige les pages culturelle du jour- nal An-Nahar à Beyrouth. Elle maîtrise sept langues et sa propre poésie a été traduite en espagnol, en anglais, aussi bien qu’en français. Elle est une des plus jeunes parmi les femmes poètes libanises de langue arabe connues. Par son souffle et par ses résonances, sa poésie se rattache à la tradition poétique modernisante initiée par le groupe Ch’ir (poésie). Elle est surtout reconnue pour son expression de l’érotisme féminin qui imprègne son œuvre. Son livre, Le Retour de Lilith, un poème magnifique, vient d’être publié dans une traduction d’Antoine Jockey aux éditions L’Inventaire que dirige Brigitte Ouvry-Vial, membre du PEN Club français (elle en fut la secrétaire générale adjointe pendant quelques années). Le talent de Nohad Salameh qui était, elle aussi, une de nos invitées de marque, s’exerce dans divers domaines. Elle multiplie les modes d’appréhension du réel tout autant que les modes d’expression : la poésie, le roman, la chronique, la critique littéraire. Lauréate du Prix Louise Labé en 1988 pour L’Autre écriture, elle a publié cette année deux très beaux recueils qui viennent de lui valoir le Grand Prix d’automne de poésie Louis Montalte de la Société des Gens de Lettres, il s’agit de La Revenante, chez Voix d’encre et de Baalbeck : les demeures sacrificielles, aux éditions du Cygne. Après la lectures de poèmes par nos invitées, la voix de Joumana Haddad étant accompagnée par celle d’une talentueuse jeune comédienne, Olivia Nicosia, le débat passionnant qui a suivi a permis de répondre à différentes questions : comment la littérature libanaise est-elle marquée par l’histoire contemporaine du pays ? Existe-t-il une littérature romanesque engagée au Liban ? Existe-t-il aussi une poésie engagée ? Est-ce que la littérature francophone entretient des rapports différents avec l’actualité et l’histoire que la littérature arabophone ? Voit-on des influences d’autres littératures, d’autres langues, étant donné que le Liban est un pays polyglotte et diasporique ? Siècle 21 - 41 rue Bobillot Paris N° 11 automne-hiver 2007 - 17 8 ILS ONT PUBLIÉ ■ Elvire MAUROUARD vient de publier aux Editions du Cygne Jusqu’au bout du vertige. L’auteur a publié de nombreux ouvrages qui ont obtenu chacun un prix et ont été traduits en six langues dont le bulgare et l’italien. Elvire Maurouard est Sociétaire à la Société des Poètes français et membre du P.E.N. Club français. ■ André MATHIEU a publié aux Editions L’Harmattan Capone Une histoire de Brigands. A l’occasion de deux séjours à Chicago, l’auteur s’est intéressé au héros local qu’était Al Capone, figure emblématique de la prohibition et de la lutte entre gangs durant les années vingt aux EtatsUnis. Ami et traducteur de Chester Himes, André Mathieu a consulté des documents inédits pour retracer la vie du sulfureux personnage, depuis ses débuts comme plongeur de restaurant italien à New York jusqu’à sa mort de paisible retraité du crime à Miami en 1947. ■ Odile FELGINE vient de faire paraître aux éditions L. et G. ; Pieters-Art In Progress un ouvrage sur Jacques VILLEGLÉ. Odile FELGINE, déjà biographe de Roger Caillois et de Victoria Ocampo, auteur d’un essai sur Henri Michaux, poète, romancière, vient de consacrer à l’affichiste français une imposante biographie très richement illustrée, préfacée par l’artiste Arnaud LabelleRojoux. Un ouvrage de référence pour qui veut tout connaître et tout voir de cet artiste essentiel de l’art contemporain. ■ Jean-Pierre MOULIN a fait paraître aux éditions (suisses) PubliLibris Grand bal au carrefour préfacé par Gilles Lapouge. Les chansons – paroles et musique - écrites par série de poèmes et d’œuvres plastiques. Il a déjà publié une quinzaine de livres et l’exposition mettait en évidence le parcours où se rencontrent ses textes et sa recherche plastique. ■ Nicole BARRIERE a fait paraître son dernier recueil de poésie Et si c’était elle aux Editions L’HARMATTAN. Elle a également procédé à l’enregistrement d’un CD de 12 poèmes d’amour intitulé En la belle endormie avec des musiques de Pierre Attaignant. Nicole Barrière est secrétaire général adjointe du PEN Club français Jean-Pierre MOULIN ont séduit les plus grands interprètes de l’âge d’or de la chanson française comme Renée Lebas, Léo Marjane, Béatrice Moulin, Edith Piaf, Maurice Chevalier, Philippe Clay, Sacha Distel, Félix Martin, Mouloudji, Serge Reggiani et ont fait le tour du monde, comme « Le danseur de Charleston » par exemple. JeanPierre MOULIN, journaliste, animateur de radio et de télévision, est aussi poète, parolier, musicien. ■ Francis COFFINET a publié aux Éditions Dumerchez Les fleuves du sixième sens. A cette occasion, Francis COFFINET, poète et plasticien, a été invité par le Festival Art, Culture et Spiritualité en la basilique Saint-Urbain de Troyes (Aube) du 8 juin au 31 août 2007 à présenter une ■ Françoise LECLERC a publié au Temps des Cerises Loup, pourquoi te caches-tu ? Dénonçant l’absurdité du discours et des comportements et de la bonne conscience des vainqueurs qui envoient Bamboté aux Chemins des Dames et le traine-misère à la Soupe Populaire, la poète fait retour à la petite maison qui trotte dans la tête de chacun et se souvient des amours d’antan, de la jeunesse et des petits bonheurs du petit quotidien. ■ Athanase VANTCHEV DE THRACY a publié aux Éditions de l’Université “ Saints Cyrille et Méthode “ Veliko Tarnovo (Bulgarie) un recueil de poésies “et la mer devenait chant”, en édition bilingue français et anglais, la traduction anglaise étant faite par son ami le poète anglais Norton Hodges. Athanase Vantchev de Thracy a déjà publié 28 recueils de posésie. 9 ILS ONT PUBLIÉ ■ Christophe DAUPHIN a donné à la collection Les Cahiers du Sens, chez “Le nouvel Athanor”, un choix de poèmes 1985 - 2006, “Le gant perdu de l’imaginaire”, qui sont autant de voyages dans l’impatience et la curiosité du monde. SENGHOR La première édition critique de l’œuvre poétique de Leopold Sedar Senghor vient de paraître; elle s’appuie sur un certain nombre de manuscrits annotés, et commentés par des spécialistes de diverses nationalités. C’est le premier tome d’une édition qui se propose de publier la totalité de l’œuvre de Senghor. Leopold Sedar Senghor, poésies complètes, édition critique sous la direction de Pierre Brunel, Planète libre, CNRS Éditions 2007, 1313 pages 30 ■ Edmond REBOUL publie chez L’Harmattan “Frog”, chronique d’une éducation militaire dans une France de 1936 entre souvenirs de la première guerre mondiale et bruits de bottes qui annoncent la seconde. Un monde dont Edmond Reboul, certes romancier mais aussi médecin des armées, sait retrouver les couleurs et l’atmosphère. PEN CLUB/ FONDATION LA POSTE : APPEL À CORRESPONDANCE SUR LES ROUTES DE L’AÉROPOSTALE Le PEN Club a engagé avec La Fondation La Poste une réflexion commune autour du thème “Correspondances actuelles d’écrivains "sur les routes de l’Aéropostale" Notre intention est de susciter une correspondance entre des écrivains contemporains vivants dans les différents pays qui ont été concernés par la grande aventure de l’aéropostale. Trois continents seront donc concernés l’Europe, l’Afrique et l’Amérique latine. Pour réaliser ces correspondances, nous sollicitons tous les écrivains sur la question "quel rôle de la littérature aujourd'hui pour faciliter les échanges entre les hommes des différents continents et c'éer une réelle mondialité”. Nous les invitons à entrer en correspondance avec d’autres écrivains dans les continents concernés et établir ces échanges au moyen de lettres. L'objectif est d'en faire la publication avec La Fondation La Poste , afin de témoigner et éclairer l'obscur de notre temps par les valeurs de la littérature, par la responsabilité des auteurs et le rôle humain de l'échange . De ces différentes correspondances se dégageront des thèmes qui pourraient faire l’objet de rencontres internationales et d’expositions, montrant ainsi les valeurs universelles de la littérature et la diversité des langues. 10 JULES LAFFORGUE : LES ŒUVRES COMPLÈTES, ENFIN…. par Jean-Pierre Moulin Jules Laforgue est un cas particulier dans l’histoire de la poésie française. Mort en 1897 à l’âge de 27 ans, ce grand poète singulier est un mal-aimé des académies, de l’université et des anthologies. Le Larousse dit avec condescendance qu’il « écrivit des poèmes… » et qu’il se distingua par « un style impressionniste… » Pourtant l’étoile de Laforgue (le clignement d’un œil ironique épris d’un idéal toujours déçu mais fasciné par le quotidien) ne cesse, après plus d’un siècle, d’exprimer notre modernité : Dieu que la vie est quotidienne ! Cour de l’Impératrice à Berlin) finit par déplaire à André Breton ; de même que ses rêveries très anglosaxonnes (humour et non sens) ; son attrait pour les grands mythes de la littérature occidentale (Hamlet, la Lorelei) (3) ; pour le fantastique urbain ; sa compassion pour les « petites âmes » ; ses évocations d’une femme et d’un homme renouvelés : Oh ! Qu’une d’elles un beau soir sût venir, ne voyant que de boire à mes lèvres et mourir… Une sensibilité populaire et raffinée. Un détour par la chanson : Quand ce jeune homme rentra chez lui, il prit à deux mains son vieux crâne qui de science était un puits. Crâne mon vieux crâne entends-tu la folie qui plane et qui demande le cordon, digue dondaine digue dondon... Laforgue a influencé la chanson française contemporaine de Trenet, Ferré, Gainsbourg, Higelin. Il a fallu attendre l’année 2005 pour qu’une biographie paraisse enfin (1) et surtout pour que l’œuvre complète voie le jour chez Dimitrievic à L’Âge d’Homme (2). La Pléiade qui a consacré à juste titre de nombreux écrivains authentiques, mais aussi quelques fausses Il y a enfin dans la riche personnalité de ce poète qui suscite aujourd’hui de plus en plus d’intérêt, un sentivaleurs, pourrait faire son mea culpa… ment tout à fait actuel de l’infinitude du ciel et du cosLaforgue a passionné en France et à l’étranger qualité mos, de la trace dans l’âme humaine des temps imméd’esprits parmi les plus remarquables : Drieu La moriaux et d’un futur qui va bouleverser jusqu’à nos Rochelle, André Malraux, Philippe Soupault, Pascal repères établis par la convention et les habitudes. On Pia, Paul Eluard, André Gide, Henri Michaux. Il a entre avec un plaisir qui ne cesse de grandir dans la fulinspiré nombre d’écrivains en Angleterre et aux Etats- gurante et mystérieuse poésie de Jules Laforgue – si Unis dont Thomas S. Eliot, Lawrence Durrell. Il faut familière et tendre pourtant. On ne le lâche plus, il souligner que Laforgue, qui lisait l’anglais et l’alle- devient un compagnon, mieux un contemporain. Il mand, fut le premier à traduire Walt Whitman, célé- semble écrire pour notre XXIème siècle, deviner les brant dans un poème le Far West, pour m’y scalper de formidables bouleversements de la science et des techniques. Ecologiste avant l’heure, il regarde mi-amoumon cerveau d’Europe. reux, mi-tragique, la Nature parcourue par les grands Les deux grands de la poésie française de la fin du deuils du vent et la tristesse éternelle des bêtes… XIXème, Rimbaud et Lautréamont, ont certainement contribué à isoler Jules Laforgue dans le foisonnement des versificateurs fin de siècle. La critique y a mis du Jean-Pierre Moulin sien : « M. Laforgue a compliqué la langue jusqu’à la rendre le plus souvent inintelligible. » lit-on dans La Revue contemporaine en 1885. Les Surréalistes auraient pu adopter Jules Laforgue (certains le firent) 1 . Jules Laforgue par J.J. Lefrère. Ed. Fayard comme un inspirateur, un porte-drapeau : Aux armes 2 . Jules Laforgue. L’œuvre complète : 3 volumes citoyens, il n’y a plus de raison ! Le poète a pressenti 3 . Les Moralités légendaires en effet l’inconscient freudien, il met à sac parfois les règles du « bon goût » et du sentimentalisme « bon genre ». Mais son côté allemand (il fut lecteur à la 11 LE DÉCÈS DE PIERRETTE MICHELOUD Dans la nuit du 13 au 14 novembre la poétesse d'origine suisse Pierrette Micheloud est décédée sur les bords du Léman, âgée de 92 ans, des suites d'un cancer qui la rongeait depuis plusieurs mois. Elle offre l'exemple d'une vie consacrée entièrement à la poésie avec vingt-cinq recueils publiés chez divers éditeurs - notamment Pierre Seghers, L'Harmattan, L'Âge d'Homme – et quelques ouvrages en prose dont deux consacrés à ses souvenirs d'enfance. Pierrette Micheloud s'est s'installée à Paris en 1952 afin de mieux poursuivre une carrière littéraire entamée sept ans auparavant avec un premier livre édité à Lausanne. Dès lors, elle ne cessera d'écrire, de peindre aussi, et fournira sans désemparer d'innombrables chroniques de poésie à des journaux parisiens, entre autres Les Nouvelles Littéraires, et à des quotidiens et hebdomadaires de son pays natal, sans compter une multitude de petites et moyennes revues d'ici et d'ailleurs. Le monde des revues, précisément, lui deviendra familier de l'intérieur puisqu'en 1969 elle est nommée rédactrice en chef de La Voix des Poètes qui, fondée par Simone Chevalier, existait depuis près de deux décennies déjà. Dans son sillage est créée la collection Les Pharaons, chaque livraison constituant un dossier sur un poète du passé ou contemporain. Entretemps, Pierrette Micheloud aura créé avec Edith Mora le Prix Louise Labé, remis chaque année à Paris à un auteur pas forcément confirmé mais en chemin et témoignant d'une démarche originale. Le jury offre la particularité d'être composé exclusivement de femmes, afin de contrebalancer un tant soit peu leur faible nombre, du moins dans les années 60, au sein d'autres panels littéraires. Parmi les prix qu'elle-même a reçus citons: Edgar Poe (1967), Apollinaire (1984), Charles Vildrac (2000) créé par la Société des Gens de Lettres. En Suisse: le Schiller (1980) et celui de Consécration de l'Etat du Valais pour l'ensemble de son œuvre. Francophone de cœur, universelle dans l'âme, Pierrette Micheloud a su, malgré son caractère parfois anguleux, se créer de solides amitiés non seulement dans ses terres d'adoption mais également en Belgique, au Luxembourg, et surtout au Québec où elle retrouvait ses chers confrères et consœurs Rina Lasnier, Claude Beausoleil et Helène Dorion. Pour n'en citer que trois. On est surpris de constater avec combien de poètes de valeur elle entretenait d'étroites relations, une partie de ceux-ci se retrouvent dans le livre d'hommages Présence de Pierrette Micheloud édité en 2002 aux Editions Monographic sous la direction de Jean-Pierre Vallotton. Sa vie et son œuvre étaient symbiose, traversées par le souffle de la libre pensée, l'esprit des mythologies, les traditions ésotériques et par toute forme de philosophie menant à l'éveil et à la conscience, deux notions majeures dans son système de valeurs. Féministe de la première heure, pacifiste absolue, axée vers le devenir essentiel de l'être humain elle n'en sera pas moins l'une des initiatrices du mouvement pour les droits de l'animal, et avec la même ardeur s'engagera jusqu'à la fin contre la déprédation de la nature. Très tôt, elle se solidarisera avec les causes de son ami Franz Weber. Pierrette Micheloud gardait intacte sa faculté d'indignation en toute circonstance. Elle aimait l'idée du combat lorsqu'il s'associait à ses idéaux, mais son univers était aussi le rêve et le merveilleux. Son regard bleu d'ancolie semblait aller au-delà de ce qu'il observait. Sa poésie connaîtra diverses phases. Toujours elle sera très construite, chaque vers étant dûment réfléchi, ne laissant rien au hasard. Le fond et la forme intimement liés. Certains auront connu son minuscule appartement au 5 de la rue Perronnet où elle avait reconstitué le décor et l'ambiance du chalet valaisan, un gîte montagnard au cœur de la métropole. Sur le plan matériel Pierrette Micheloud se contentait du strict minimum, pratiquant une ascèse joyeuse en vivant de trois fois rien. Nous aimions l'entendre relater les nombreux étés qu'elle passait à parcourir l'une après l'autre ses rudes vallées alpestres, à pied ou à bicyclette, et, le soir venu, s'arrêter dans un village pour réciter longuement ses vers devant des populations ravies qui de la poésie ne connaissaient que le nom. Elle perpétuait ainsi à sa manière la geste des troubadours. Pierrette va nous manquer. Son œuvre et sa mémoire seront néanmoins préservés grâce à une fondation et un prix de poésie à son nom. Jacques Tornay 12 QUELLES ACTIONS POUR LES ÉCRIVAINS PERSÉCUTÉS ? Le Comité des écrivains en prison du PEN International a en charge l’une des missions centrales du mouvement. Dans un monde qui a beaucoup changé, ses missions sont à compléter. Le 15 novembre était, comme désormais chanque année, le jour des écrivains en prison dans le monde, à l’initiative de PEN International. C’est, pour le mouvement, le moment de l’année où il peut dresser une sorte d’état des lieux, des progrès ou des reculs de la liberté d’écrire dans le monde. Le bilan qui a été dressé cette année montre hélas une situation dont on ne peut se réjouir : entre novembre 2006 et novembre 2007, PEN International a relevé des centaines d’écrivains et de journalistes détenus, et 42 assassinés. Cette année, le PEN a voulu mettre l’accent sur cinq cas : - le poète et comédien birman Maung Thura (‘Zargana’), arrêté lors de la répression qui a suivi les manifestations de cet automne (il avait déjà passé plusieurs années en prison) - le journaliste cubain Normando Hernández González, 38 ans, emprisonné depuis 2003, et condamné à 25 ans de prison pour “mise en danger de l’indépendance de l’État et de l’intégrité territoriale”. En mauvaise santé, il a été transféré en septembre dans un hôpital militaire. - la journaliste gambienne Fatou Jaw Manneh, menacée de prison pour des articles critiquant le Président gambien - le romancier iranien Yaghoub Yadali, poursuivi à diverses reprises, et condamné à de la prison - encore en septembre dernier - pour le contenu de ses romans. - le journaliste ouzbek Jamshid Karimov, condamné pour avoir dénoncé des atteintes aux droits de l’homme qui l’ont conduit à être détenu dans un hôpital psychiatrique. Pour ces auteurs persécutés, le PEN International et les PEN nationaux interviennent en protestant auprès des pays et de leurs ambassades. Les interventions ne sont pas des coups d’épée dans l’eau, et le fait de porter un cas sur le devant de la scène internationale continue de produire des effets positifs pour certains de nos amis. Mais le monde d’aujourd’hui et ses entraves à la liberté d’expression ne se réduisent pas à l’arithmétique des écrivains emprisonnés. La machine liberticide, alors que les démocraties font figure d’ilôt fragile, a pour se nourrir des aliments nombreux et variés : dans le plus doux des cas, intimidations et menaces qui conduisent à l’autocensure dans un climat de peur permanente, et dans les plus durs, l’assassinat pur et simple, dont la figure emblématique reste celle d’Anna Politovskaïa. La mission de veille des PEN Clubs doit donc s’élargir à une sensibilisation à la situation générale de certains pays et des difficultés qu’y vivent les écrivains. C’est dans ce sens que nous devrons aller de plus en plus. PATRICK MORELLI Patrick Morelli est mort en septembre. Acteur, auteur, metteur en scène, il avait été parmi les premiers à se saisir du multimedia comme vecteur de création. Les huit dernières années de sa vie, il avait conçu et animé un site internet de création poétique, La lune et les étoiles (lunetoil.net) qu’il alimentait quotidiennement avec des amis photographes (ci-contre, Patrick Morelli par l’un des photographes associés, Pascal Dolémieux) et écrivains. Patrick Morelli était un membre fidèle du PEN Club. Il apportait aussi sa compétence et son sens prospectif à la commission audiovisuel et multimedia de la SGDL. Il était un ami sachant transmettre ses visions de l’avenir et les transformer en désirs d’action. Naturellement, il était encore plein d’idées qui avaient quelques longueurs d’avance. Ces idées vont nous manquer, comme man- queront sa chaleur, son rire et son enthousiasme.