Une méthode d`identification des risques Application à un projet
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Une méthode d`identification des risques Application à un projet
Une méthode d’identification des risques Application à un projet coopératif Frédérick Benaben, Didier Gourc, Carmen Villarreal, Benalisoa Ravalison, Hervé Pingaud Ecole des Mines d’Albi-Carmaux Campus Jarlard, Route de Teillet, 81013 Albi CT Cedex 09 Tel : 05 63 49 30 00 [email protected] Mots clés : projet, risque, classification générique des risques, coopération. RESUME La démarche RIR (Recensement et Identification des Risques) relève de l’intégration des domaines de la gestion des risques et du management de projet. Cette méthode est basée sur la confrontation des connaissances spécifiques de l’expert-métier à la vision générique de l’expert-risque. Cette confrontation est réalisée par le passage d’un modèle du projet (intégration des différents points de vue) au travers du prisme couvrant et structuré d’une classification des risques génériques. Cet article s’articule autour de deux parties décrivant la méthode RIR et sa mise en œuvre sur un projet coopératif. Une critique de ces résultats conclut le document. Congrès francophone du management de projet 2004 « Projets, Entreprise, Intégration » BenabenGourc page 1/18 1. INTRODUCTION Le concept de projet est fortement lié aux notions d’objectif, de temps et d’organisation. Ces trois composantes s’articulent autour de la définition suivante (inspirée de [AF00]) : le projet relève d’une démarche structurée permettant de réaliser un objectif [Go99]. La gestion de projet intervient alors pour contrôler la continuité des objectifs et, lorsqu'il y a dérive, développer les actions d'ajustement en réaction aux changements ou risques avérés. La notion de risque est donc naturellement présente dans tout projet et le risque projet est défini comme un événement dont l’apparition n’est pas certaine et dont la manifestation est susceptible d’affecter les objectifs du projet [AF03]. La problématique globale associée à cet article concerne l’intégration de la gestion des risques au sein de la gestion de projet [Bo02]. Le management des risques obéit à un processus (itératif) en quatre phases : identification, hiérarchisation, traitement et suivi ([Go01], [Ba03]), qui […] doit être appliqué à toutes les étapes du cycle de vie du projet par les parties prenantes (clients, contractants, utilisateurs, etc.) » [Ch97]. Ce document s’intéresse spécifiquement à la phase d’identification des risques qui constitue une tâche délicate du fait de son inaccessibilité : plus qu’une activité complexe ou exigeante, ce travail d’énumération des risques du projet constitue une tâche d’extrapolation (il faut anticiper et imaginer les risques que le projet peut être amené à traverser du fait de sa nature et de son environnement). Cette activité nécessite donc la présence d’experts-projet capables de disposer d’une vision globale quant aux données relatives aux sources de risques (les composantes du projet). Cependant, la manipulation de ces informations pour en faire émerger les éléments exploitables pour l’identification des risques nécessite la présence d’experts-risque. Cet article se propose d’aborder le sujet de l’intégration de ces deux domaines (gestion des risques et de projet) au travers de la description d’une démarche systématisée et formalisée. Outre ce traitement conceptuel de la notion d’intégration, ces travaux illustrent également une facette opérationnelle de ce concept : Les participants à la démarche RIR doivent être porteurs des informations nécessaires à l’identification des risques. Notre approche nécessite alors l »implication de l’ensemble des acteurs de références des différentes phases et activités du projet et donc l’intégration des connaissances. 2. PRESENTATION DE LA DEMARCHE RIR L’enjeu majeur concerne l’intégration de la gestion des risques et de la conduite de projet en une seule activité. L’identification des risques doit donc découler de l’intervention conjointe d’un expert-domaine et d’un expert-risque. La démarche RIR (Recensement et Identification des Risques) est exposée de manière complète dans [Be04]. De manière synthétique, on peut signifier qu’elle s’appuie sur une confrontation matricielle entre : • les éléments terminaux d’une classification des risques génériques : une découpe régulière et organisée de l’espace des risques potentiels dans lequel va évoluer le projet. Congrès francophone du management de projet 2004 « Projets, Entreprise, Intégration » BenabenGourc page 2/18 exemples : risque humains, risque technologique, risque politiques, etc. ; • les composants d’une description du projet : les éléments constituant le projet selon divers modes de description, c’est à dire selon divers axes de modélisation. exemples : tâche de fabrication du moteur, équipe Dev1 en charge du module logiciel A, etc. Le support de ces confrontations entre risques génériques et composants d’une description du projet est un tableau assurant l’exhaustivité de l’opération. Cette matrice permet de mettre en relation chaque risque générique avec chaque composant de description du projet. On remplit ainsi l'intersection ligne / colonne de cette matrice avec des marqueurs de pertinence pour indiquer la présence de risques potentiels pour le projet. Les couples distincts (risque générique / composant du projet) sélectionnés par interviews de l’expertprojet par l’expert-risque correspondent finalement à des risques réels du projet, identifiables et descriptibles. Description(s) du Projet Ensemble de repères correspondant à des couples (risque / composant) représentatifs de risques réels à décrire (fiches risques) Classification des risques génériques Confrontation : risques génériques / composants de description du projet Figure n°1 : Principe général d’identification des risques Différents axes de description du projet peuvent être envisagés. Citons pour exemple : Work Breakdown Structure : description structurelle en phases, tâches et activités, Product Breakdown Structure: modélisation du produit, Resource Breakdown Structure: description des ressources humaines et matérielles, Cost Breakdown Structure : affectation des coûts du projet, Organisational Breakdown Structure : modélisation des responsabilités engagées. La liste peut être étendue à tout autre type de modélisation susceptible d'appréhender le projet selon un angle favorisant la mise en évidence de risques (par ex. l'analyse fonctionnelle…). Congrès francophone du management de projet 2004 « Projets, Entreprise, Intégration » BenabenGourc page 3/18 2.1. La classification des risques génériques La classification des risques génériques, en tant que composant essentiel de la démarche d’identification des risques-projets RIR, doit remplir un certain nombre d’exigences : Cette classification hiérarchisée des risques génériques doit être couvrante et à maillage uniforme. La notion de couverture garantit la pertinence et l’efficacité de cette typologie (l’ensemble des risques potentiels étant contenu) alors que l’uniformité du maillage assure la généricité de la typologie (un maillage déséquilibré aurait prédisposé la classification à certains types de projets). On peut noter que la finesse du maillage n’est pas évoquée ; elle n’est pas déterminante vis à vis du principe d’identification des risques lui-même. En outre, cette typologie des risques génériques ne doit être qu’une proposition qui pourra être raffinée par les différentes communautés et les spécialistes d’un domaine technique donné. Dans ses travaux, Carmen Villarreal propose un référentiel-synthèse des domaines du risque. Cette typologie est axée sur la décomposition entre risques endogènes (liés aux processus internes au projet) et exogènes (liés aux processus externes). C’est sur ce principe de décomposition que la proposition de classification des risques pour la conduite de la démarche RIR a été basée. Celle-ci, issue principalement de [Vi04], et de [AF03], est désignée sous l’acronyme CLARIS (CLAssification des RISques) et se structure (au niveau supérieur) comme suit : • Risques Internes o Risques humains o Risques organisationnels o Ergonomie, sécurité, compétence, disponibilité, adéquation Risques contractuels • Planification, suivi, documentation, version, budget Risques technologiques o Organisation, animation, communication interne, décision… Exigences, cahier des charges Risques Externes o Risques techniques o Risques politiques o Evolution Entreprise, lobbying, social, contestation Risques liés au client, au marché Financement, évolution des besoins, concurrence, utilisation Congrès francophone du management de projet 2004 « Projets, Entreprise, Intégration » BenabenGourc page 4/18 o Risques juridiques Sécurité, environnement, fiscalité 2.2. La décomposition du projet 2.2.1. Considérations générales quant à la description du projet La décomposition du projet nécessaire à la confrontation avec CLARIS se concentre aujourd’hui en une description sur un seul et unique axe de modélisation. Une première raison à cette situation actuelle relève de l’aspect pratique et applicable de la confrontation matricielle en deux dimensions plutôt qu’en trois, quatre ou plus. Une seconde explication provient du fait qu’il semble que naturellement, un projet soit abordé selon un axe de représentation principal (de nature variable selon les projets, les gens ou les corps de métier) et que, dans le cas de cette vision traditionnelle unidirectionnelle, l’identification des risques selon un autre axe ne donnerait lieu qu’à une projection des concepts de l’axe « naturel » vers l’axe « cible ». La description du projet ne doit pas s’orienter en fonction de la nature des risques qu’on cherche à identifier, mais bien vers la modélisation la plus représentative du projet (i.e. la vision la plus légitime et la plus fidèle vis à vis du projet lui-même). En effet, l’objectif de cette description est l’obtention d’une représentation indépendante qui sera projetée sur le plan quadrillé du risque (qui apporte la composante « risques » à la démarche). Les composants de la description du projet peuvent présenter des connexions qu’il peut être nécessaire d’exploiter durant la phase d’identification des risques. Ces relations peuvent être classées en deux groupes : • Relations hiérarchiques : Ces relations traduisent les liens d’inclusion (ou de contenance) entre composants, ignorées dans la représentation développée. Exemple : « Interview du client » est incluse dans « Analyse des besoins ». • Relations structurelles : Ces relations relèvent par exemple de notions de dépendance, d’influence ou d’implication. Exemple : « le design de la carrosserie » influencera « le dessin de l’architecture du moteur ». Ces relations jouent un rôle essentiel dans le maillage de la démarche d’identification des risques : elles constituent les règles d’évolution du processus de recensement. C’est en effet sur le réseau tissé par ces liens entre composants du projet que l’on va cheminer dans la matrice d’identification. Congrès francophone du management de projet 2004 « Projets, Entreprise, Intégration » BenabenGourc page 5/18 2.2.2. Considérations pratiques quant à la description du projet Vis à vis du choix pratique de l’ADEL (acronyme pour Axe de DEcomposition Légitime) et sans parer cette recommandation d’un caractère catégorique, nous utilisons aujourd’hui l’axe WBS de description du projet (en activités, tâches, sous-tâches, etc.). En effet, cet angle de modélisation est à la fois extrêmement répandu et accessible (en termes de « popularité » ). En outre, les tâches d’un modèle WBS peuvent être « typées ». On peut, par exemple, s’appuyer sur la typologie suivante : • Tâche d’approvisionnement : achat de matière première ou d’équipement • Tâche de conception : définition d’une solution • Tâche d’étude : recherche d’informations, étude de marché, démarche de choix • Tâche de distribution : vente de produit ou de service • Tâche de maintenance : réparation, entretien, formation et remise à niveau • Tâche de management : pilotage, encadrement, coordination ou planification d’activités • Tâche de production : réalisation physique de délivrables (assemblage, rédaction) • Tâche de contrôle : audit, évaluation et autres contrôles L’intérêt de ce « typage » réside dans le fait qu’une tâche typée peut, par défaut, présenter des liens initiaux avec certains risques génériques. Cette particularité peut permettre d’initier la démarche d’identification des risques et d’en faciliter le déroulement. On peut ainsi disposer d’une matrice générique dans le cas d’un projet décrit selon l’ADEL WBS : Congrès francophone du management de projet 2004 « Projets, Entreprise, Intégration » BenabenGourc page 6/18 Risques tâche de type type type type tâche de type tâche de type type type approvisionnement conception étude distribution maintenance management production contrôle ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ Risque humains internes Risque organisationnels Risque ✓ technologique ✓ Risque contractuel Risques ✓ ✓ ✓ Risque technique ✓ Risque politique ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ externes Risque client/marché Risque juridique ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓Marqueur de pertinence générique Figure n°2 : Matrice générique d’identification des risques-projets. Cette pré-identification ne constitue bien sûr qu’un élément indicatif. Les marqueurs de pertinence ou les absences de marqueurs de pertinence ne représentent que des tendances décelées lors de la mise en œuvre de la méthode RIR. Cette base d’identification n’est destinée qu’à fournir une ossature d’identification des risques amorçant la démarche (en évitant de démarrer l’identification face à une matrice complètement vide). 2.3.Mise en œuvre du processus d’identification des risques Pour renseigner la matrice d’identification des risques, on peut choisir de travailler verticalement (i.e. recenser les risques pour une tâche donnée avant de passer aux tâches suivantes) ou horizontalement (i.e. passer chaque tâche au travers du filtre d’un risque donné avant de passer au risque suivant). L’approche verticale, si elle permet de traiter Congrès francophone du management de projet 2004 « Projets, Entreprise, Intégration » BenabenGourc ✓ page 7/18 entièrement chaque tâche du projet (et donc de conduire réellement une démarche projet en positionnant le projet au centre de la démarche) nécessite une bonne appréhension des différents risques de la CLARIS. L’approche horizontale est moins structurante et moins naturelle pour les experts-projets mais elle permet d’instaurer une vision claire d’un type de risque de la CLARIS et d’explorer ce risque sur l’ensemble du projet avant de passer à un autre. Une fois choisi le type d’approche d’identification, on dispose des risques génériques de CLARIS verticalement et des composants du modèle WBS du projet horizontalement (ainsi que leurs relations). Cette matrice comporte déjà des marqueurs de pertinence candidats du fait du typage des tâches (cf. figure n°3). Il s’ag it alors de prendre les intitulés de risques dans l’ordre et, pour chaque tâche de la décomposition de l’ADEL, de dialoguer avec les experts-projet sur l’existence d’un ou plusieurs risques en lien avec le type de risque considéré. Le mécanisme répondant à la question « ce risque est-il pertinent par rapport à cette tâche ? » est le suivant : • Définition et localisation : Lorsqu’on aborde un nouveau type de risque (une nouvelle ligne de la matrice) ou dès que la perception du risque par les experts-projet semblent dévier, l’expert-risque expose complètement le contenu générique du risque de la CLARIS dont il est question (sur quoi porte-t-il ? quels exemples s’y rapportent ? que signifie chaque terme ?). Il doit également insister sur le fait qu’on cherche à déterminer les risques et non les problèmes qui en découlent. C’est l’intitulé du risque, lors de sa description qui reprendra l’événement imprévu alors que son positionnement dans la matrice traduira ses origines. Exemple : le risque de détérioration d’une pièce durant la phase de montage (typée production) peut être un risque de type technique si la solidité de la pièce est en question ou si l’adéquation de l’outil utilisé pour cette action peut être remise en cause. Par contre, il peut s’agir d’un risque humain si l’habileté ou l’expertise de la personne en charge du montage peut être incriminée. Par contre, quel que soit son positionnement dans la grille, l’intitulé de ce risque lors de sa description restera identique. • Détection par analogie : Les experts-projet exposent dans quelle mesure ils identifient un risque lié au risque générique (même famille, même domaine, analogie…) pour la tâche traitée du projet considéré. L’expert-risque doit alors essentiellement contrôler qu’on ne s’éloigne pas de l’espace couvert par le risque générique considéré. • Désignation : Une fois le consensus établi autour du risque, il faut lui affecter un identifiant (généralement du type Ri) qui permettra de le caractériser et de le lier avec sa description. • Repositionnement : Une fois le risque identifié, il faut se poser la question de savoir si celui-ci n’a pas plutôt trait avec une sous-tâche de la tâche considérée ou s’il n’est pas également pertinent vis à vis d’une tâche de niveau supérieur (relation hiérarchique) ou d’une tâche liée à celle considérée par une autre relation (relation structurelle). Il faut alors, soit le déplacer de la case traitée vers la case mieux adaptée ou le rajouter dans les autres cases concernées. • Description : L’expert-risque et les experts-projet remplissent une fiche-risque descriptive du risque identifié. Cette fiche-risque contient les éléments indispensables à la caractérisation (dénomination, événements liés, conséquences, palliatifs…). Nous ne Congrès francophone du management de projet 2004 « Projets, Entreprise, Intégration » BenabenGourc page 8/18 nous intéressons pas ici à son étude car elle est indépendante du processus d’identification des risques. • Cheminement : Du fait des relations existantes entre les composants du projet une autre case peut alors se proposer comme candidate au marqueur de pertinence. Si ce n’est pas le cas, on passe à la tâche suivante (pour une approche horizontale). A l’issu de ce travail, on dispose d’une matrice « risques génériques / tâches du projet » remplie par les identifiants des risques recensés ainsi qu’un ensemble de fiche-risques. Ces risques obtenus offrent en outre un niveau d’exploitation supérieur à celui d’une simple liste du fait de leur classification. Congrès francophone du management de projet 2004 « Projets, Entreprise, Intégration » BenabenGourc page 9/18 3. MISE EN ŒUVRE DE LA DEMARCHE RIR Cette seconde partie s’appuie sur un exemple réel de projet coopératif de réalisation d’un outillage d’assemblage pour l’aéronautique au sein d’un réseau de partenaires industriels. 3.1. Présentation du projet 3.1.1. Le réseau coopératif Le projet BATI+ vise à fournir à une entreprise aéronautique un bâti métallique roulant permettant une hauteur d’intervention ajustable. Ce projet regroupe cinq PME dont les compétences globales sont les suivantes : • Entreprise A : bureau d’étude • Entreprise B : construction de structures métalliques • Entreprise C : construction de structures métalliques • Entreprise D : construction de systèmes de vérins pneumatiques sur mesure • Entreprise E : électricité Ces entreprises sont réunies au sein d’un réseau opportuniste constitué afin de répondre à l’appel d’offre du constructeur aéronautique. Le réseau est centré autour du bureau d’étude en charge, dans un premier temps de l’intégration des compétences des acteurs du réseau et des exigences du client et dans un second temps de la conception du produit répondant aux exigences (en cohérence avec les capacités des partenaires). 3.1.2. Description du produit Le bâti roulant se compose globalement de trois éléments : • Une structure métallique équipée de roulettes escamotables libres (roulement et direction), Congrès francophone du management de projet 2004 « Projets, Entreprise, Intégration » BenabenGourc page 10/18 • Une nacelle ajustable en hauteur (trois hauteurs possibles) comportant le poste de pilotage, • Un moteur électrique commandant la hauteur de la nacelle. On peut décrire plus précisément ce produit en utilisant le diagramme de classe issu du formalisme UML. Ce type de diagramme permet de décrire la structure logique du sujet modélisé : Figure n°3 : Diagramme de classes du produit (haut niveau). On retrouve la structuration du produit ainsi que les rôles des différents composants du bâti. La structure (d’une charge admissible limitée) peut être positionnée finement lorsqu’elle est mise sur roulette. La nacelle est fixée sur cette structure. L’opérateur, lorsqu’il utilise ce bâti, commande au moteur pour ajuster sa hauteur (grâce à la commande qui peut prendre trois valeurs : monter, descendre ou 0) parmi l’une des trois hauteurs références (représentées par les valeurs 0, 1 et 2). Afin de compléter la description de ce produit, nous allons également utiliser un diagramme d’états-transitions (également issu du formalisme UML) décrivant le comportement de la Nacelle (figures 4). Figure n°4 : Diagramme d’états-transitions de la Nacelle. Congrès francophone du management de projet 2004 « Projets, Entreprise, Intégration » BenabenGourc page 11/18 3.1.3. Déroulement du projet Concernant les responsabilités des différents acteurs du réseau coopératif, il a déjà été exposé que le bureau d’étude A était en charge de la conception du produit (en relation avec les compétences des membres du groupe et les besoins exprimés par le client). Les deux entreprises B et C (fabrication de structures métalliques) se répartissent la découpe et l’assemblage de la nacelle et de la structure support du bâti (B s’occupant du gros œuvre et C s’attachant aux finitions, à la peinture et au montage des roulettes escamotables). L’entreprise D est en charge du dimensionnement des vérins hydrauliques, de leur commande, et de l’assemblage sur la nacelle alors que l’entreprise E s’occupe des même tâches concernant le moteur électrique (dimensionnement, commande, raccordement, assemblage) ainsi que du circuit électrique sécurisé et de la commande et du montage d’un tableau de commande adapté. Il faut noter que chaque étape d’intégration est assurée dans les ateliers de B. Le projet BATI+ comprend la livraison de 10 bâtis. Le planning de ce projet propose la livraison en 3 lots (permettant d’étaler la trésorerie). Ce planning est représenté sur la figure n°8 : Figure n°8 : Planning du projet BATI+ (diagramme de GANTT). Congrès francophone du management de projet 2004 « Projets, Entreprise, Intégration » BenabenGourc page 12/18 Ce modèle du projet (présenté comme un découpage en activités et tâches) va servir d’élément de base à la mise en œuvre de la démarche RIR. Néanmoins, il est indispensable d’intégrer à cette représentation du projet l’ensemble des éléments évoqués précédemment (architecture du produit, ressources mise en œuvre, responsabilités des différents partenaires…) pour que la procédure d’identification des risques puisse être pertinente et exploitable. 3.2. Identification des risques associés au projet BATI+ Le travail d’identification des risques selon la démarche RIR repose sur la construction de la matrice des risques potentiels. Cette matrice peut être pré-remplie d’un ensemble de marqueurs candidats issus des considérations relatives au typage des tâches et aux liens implicites existant entre certaines familles de tâches et certaines catégories de risques génériques (cf. figure n°2). 3.2.1. Typage des tâches du projet Le typage des tâches que nous proposons pour le projet BATI+ est le suivant : • Conception globale : types conception / étude / management • Conception des sous-ensembles : types conception / management • Réalisation du prototype : type production • Validation du prototype : type contrôle • Approvisionnement : type approvisionnement • Découpe : type production • Assemblage : type production • Peinture : type production • Intégration hydraulique : type production • Equipement électrique : type production • Livraison : type distribution Ce typage permet d’exploiter la matrice de la figure n°2. Congrès francophone du management de projet 2004 « Projets, Entreprise, Intégration » BenabenGourc page 13/18 3.2.2. Matrice préliminaire du projet BATI+ En se basant sur le diagramme de GANTT précédent (cf. figure n°8), pris en compte uniquement sur le lot n°1 (essentiellement par souc is de lisibilité) et en se référant au tableau de la figure n°2 on obtient la matrice des risques potentiels suivante : Conception Globale Ss-ens Risques humains Risques organis. Risques techno. Risques contract. Risques Techniq. Risques Politiq. Risques client/M Risques Juridiq. X X X X X X X X X X X X X Prototypage Réal. Valid. X X X Appro X Découpe Assemblage Peinture X X X X X X X X X Lot Hydraulique Electrique X X X Livraison X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X Figure n°9 : Matrice préliminaire des risques potentiels du projet BATI+ (typage des tâches). Ce tableau constitue le tableau de niveau O. Il regroupe en effet les risques candidats issus du typage « instinctif » des tâches composant le modèle WBS (Work Breakdown Structure) du projet. De plus, il est possible que le niveau de décomposition adopté pour le projet (WBS) s’avère trop élevé pour être pertinent : les tâches devront alors être scindées pour être exploitées correctement en terme d’identification de risques. Les tâches composant la projection du projet sur l’axe WBS présentent des relations structurelles ou hiérarchiques (cf. § La décomposition du projet dans la partie Présentation de la démarche RIR). Les liens d’ordre hiérarchique sont représentés dans le tableau précédent par la disposition des tâches (Conception contient Conception des sousensemble). Les relations structurelles relèvent quant à elles de notions d’influence entre tâches : elles apparaissent sur la figure n°9 sous la forme de flèches reliant deux tâches. 3.2.3. Phase d’identification des risques A partir de la matrice de la figure n°9 (matrice de s risques potentiels), correspondant à la proposition initiale permettant de démarrer la démarche, l’expert projet et l’expert risque peuvent initier la progression vers l’identification des risques en s’appuyant sur l’enchaînement des étapes de la démarche (cf. § Règles et mise en œuvre du processus d’identification des risques de la partie Présentation de la démarche RIR). Congrès francophone du management de projet 2004 « Projets, Entreprise, Intégration » BenabenGourc page 14/18 X Cette démarche a été effectuée pour le projet BATI+. Les résultats de ces travaux permettent d’une part de présenter la matrice d’identification résultant de ces travaux et d’autre part de revenir plus spécifiquement sur 7 risques significatifs à la fois du projet luimême (et de sa caractéristique « coopératif ») et de la phase d’identification des risques : Conception Globale Ss-ens Risques humains Risques organis. Risques techno. Risques contract. Risques techniq. Risques politiq. Risques client/M Risques juridiq. r r r r r r r - r R7 R2 Prototypage Réal. Valid. r r r r Appro R1 Découpe Assemblage Peinture r r R3 r r r r r r r r r r r - R6 r r R6 r R4 r r r r r r r - Lot Hydraulique Electrique Livraison r r r r r R5 r r - r - r : risque identifié (non décrit ici) - : risque potentiel non confirmé par l’identification Ri : risque identifié et décrit Ri : risque identifié et décrit bien que non potentiel Figure n°10 : Matrice d’identification des risques du projet BATI+. R1 : Risque lié à la communication entre les acteurs. Ce risque correspond à l’éventualité que les services responsables des approvisionnements ne disposent pas des spécifications exactes des commandes qui doivent être passées. Si cet aléa semble peu crédible au sein d’une entreprise « standard » (il s’agirait alors d’un dysfonctionnement suffisamment grave pour n’être pas seulement un risque projet à identifier), il l’est beaucoup plus vis à vis d’un réseau coopératif au sein duquel les responsabilités peuvent être floues et la communication restreinte. R2 : Risque lié à une possible évolution des contraintes de sécurité concernant le système de fermeture de la nacelle. Ce risque résulte d’une tendance actuelle de durcissement des normes dans ce domaine technique. R3 : Risque inhérent à la vétusté du poste de découpe de l’entreprise B. Il est possible que ce dernier ne supporte pas la charge de travail qui est attendu de sa part et que les pannes et les interruptions de maintenance soient nombreuses et fréquentes. R4 et R5 : Risque de mouvements sociaux ou de contestations lors de la phase de mise en place de l’équipement hydraulique par l’entreprise D (R4) et lors de la phase d’équipement électrique du bâti par l’entreprise E (R5). Ces entreprises présentent en effet des profiles sociaux instables et une tendance significative aux conflits. Congrès francophone du management de projet 2004 « Projets, Entreprise, Intégration » BenabenGourc page 15/18 On constate que ce risque de mouvements sociaux (grève ou autres) se représente à l’aide de deux risques distincts car il s’agit de deux risques différents (et non pas de deux occurrences du même risque). R6 : Risque d’abandon du projet par le partenaire D. Cette situation pourrait être due au fait que ce partenaire semble relativement difficile à satisfaire quant à ses exigences en termes de contrat et de répartition des profits (la remise en cause du contrat passé entre D et le réseau doit être envisagée) mais également du fait de la personnalité atypique du dirigeant principal de cette entreprise (le conflit humain doit également être pris en compte). On constate que ce risque d’explosion du groupement se positionne dans deux cases différentes mais sous le même indicatif. En effet, que ce risque ne puisse se produire qu’une seule fois ou qu’il s’agisse d’un risque récurrent, il s’agit du même risque, seules les causes peuvent diverger selon les occurrences. R7 : Risque résultant de la situation de concurrence qui existe en temps normal entre les entreprises B et C sur le marché traditionnel. Cet état de fait risque d’amener ces deux entreprises à limiter leurs échanges (techniques, méthodologiques, etc.) au cours de la conception conjointe de la structure du bâti (et donc à mettre en péril la réussite de cette tâche). Ce risque peut également être ponctuellement classé dans les catégories « risques humains » ou « risques organisationnels », mais la cause principale demeurant la situation du marché, il est préférable de ne pas dupliquer R7 et de le positionner au niveau de son origine principale (même si la duplication apparaît comme une solution en cas d’origines multiples et équivalentes). Cet échantillon de risques identifiés en utilisant la démarche RIR constitue un panel représentatif des types de risques et de leur représentation au sein de la matrice d’identification. La phase suivante du travail de gestion des risques concerne alors la constitution des fiches risques descriptives de l’ensemble des risques recensés. 4. CONCLUSION Ces travaux présentent l’intérêt d’amorcer le lien entre la conduite de projet et la gestion des risques. La matrice d’identification, résultat de la démarche RIR, regroupe un ensemble de risques décrits (au travers de fiches risque), typés (selon la classification des risques génériques) et repérés (localisation dans l’organigramme des tâches du projet). Ces éléments permettent de conduire un premier diagnostic sur le projet : On peut identifier des secteurs critiques (lignes denses) ou des postes délicats (colonnes denses). L’aspect coopératif de l’exemple traité permet en outre de mettre en évidence l’adéquation de la démarche avec ce type de situation car c’est bien le projet résultant de l’union qui est considéré et non pas l’union des projets. La mise en œuvre de la démarche RIR sur l’exemple du projet BATI+ permet néanmoins de mettre en évidence plusieurs points faibles sur lesquels doivent porter les travaux actuels et futurs : Congrès francophone du management de projet 2004 « Projets, Entreprise, Intégration » BenabenGourc page 16/18 • Le premier constat concerne la relative lourdeur de mise en œuvre de cette démarche. En effet, même s’il s’agit par définition d’une tâche de parcours exhaustif de l’espace des risques-projets destinée à un recensement complet, on ne peut nier que le remplissage de la matrice d’identification, malgré les aides que constituent d’une part les risques préliminaires potentiels issus du typage des tâches et d’autre part le réseau de circulation proposant un cheminement sur les voies des relations entre tâches, constitue une activité minutieuse, répétitive et volumique. • Dans un second temps, la description du projet selon un seul point de vue, malgré la pertinence du choix de l’axe WBS constitue une limitation à l’appréhension de l’espace des risques liés au projet. La multiplication des points de vue constitue assurément une source de variété de considération et par conséquent une richesse dans cette perspective de couverture de l’intégralité du projet et de son environnement. Vis à vis de ces deux considérations, une première solution réside dans les perspectives d’outillage de la méthode RIR. En effet, tout comme l’implémentation de la matrice d’identification des propriétés de la méthode MoFoV (cf. [Be01]), dont s’inspire en partie ses travaux, fut facilitée par le caractère systématisé de la démarche, il est parfaitement envisageable d’implémenter une application supportant la démarche RIR. Cet outil permettra (dans une version initiale mais complète) d’utiliser CLARIS (et de la configurer), de décrire un projet (au moins selon l’axe WBS, en typant les tâches), de bénéficier de l’identification générique (grâce au typage des tâches) et d’accompagner de manière ergonomique et conviviale la démarche d’identification RIR en facilitant le cheminement de case en case (selon les relations entre tâches) et en illustrant le contenu des cases d’exemples parlant (en fonction de l’intersection risque générique / type de tâche). Il sera ensuite aisément possible d’offrir à l’expert risque et à l’expert projet des changements de point de vue permettant une navigation entre les différents plans de considération du projet et offrant, à terme, un second niveau d’analyse. Ce second niveau d’analyse relève des divers points de vue selon lesquels le projet peut être décrit (i.e. les différents axes de description candidats). Chacun de ces points de vue est en lien direct avec les autres (ne serait-ce que par sa projection sur l’axe des tâches). Le report de risques identifiés sur différents axes de description du projet (tâche systématique et peu passionnante dont peut très efficacement être chargé le logiciel) peut permettre d’identifier des points clefs du projet. Ces points clefs correspondent à des composants précis d’une dimension de représentation du projet sur lequel se projettent en masse (et parfois de manière inattendue) les risques identifiés sur diverses autres dimensions de représentation (on peut illustrer naïvement la notion de point clef en citant par exemple une ressource en lien avec de nombreux risques ou encore un bâtiment abritant de nombreuses actions à risques, etc.). Congrès francophone du management de projet 2004 « Projets, Entreprise, Intégration » BenabenGourc page 17/18 5. Bibliographie [AF00] AFITEP-AFNOR – Dictionnaire de management de projet, ouvrage collectif, 2000 [AF03] AFNOR – Gestion du risque – Fascicule de documentation FD X50-117, 2003 [Ba03] S. Bakir – Contribution à une démarche d’intégration des processus de gestion des risques et des projets: étude de la fonction planification – Thèse de l’INP Toulouse, 2003 [Be01] F. Benaben, C. Antoine, J.-P. Pignon, J. Magnier, M. 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