progrès technique et révolution industrielle en Angleterre au 19 ème

Transcription

progrès technique et révolution industrielle en Angleterre au 19 ème
Progrès technique et révolution industrielle, l’exemple de l’Angleterre au
XIX ème siècle.
En économie de marché, l’activité ne croît pas régulièrement. Il y a tantôt des phases
d’expansion (forte croissance de l’activité), tantôt des phases de récession ou de crise (chute
de l’activité). Ces fluctuations récurrentes de l’activité s’appellent des cycles économiques.
Les économistes en distinguent plusieurs, selon leur durée. Certains sont courts (cycles
mineurs ou courts d’environ 4 ans de l’anglais Kitchin, cycles majeurs de 8 ans du français
Clément Juglar), d’autres sont longs, environ 50 ans (cycles du russe Kondratieff, cycles de
Schumpeter, qui nous intéressent ici). Joseph Alois Schumpeter est un économiste autrichien
(1883-1950) qui mit le progrès technique au centre du cycle long. Son ouvrage le plus célèbre
est « Capitalisme, socialisme et démocratie » (1942). Il y définit notamment la révolution
industrielle comme une « grappe d’innovations », et explique le processus fondamental de la
« destruction créatrice ». Nous présenterons les principaux éléments de l’analyse de
Schumpeter puis nous prendrons l’exemple de la révolution industrielle en Angleterre à la fin
du XVIIIème siècle que nous illustrerons ensuite avec un exemple concret, celui de la ville de
Hayle en Cornouailles. Cet article replace donc dans une perspective de long terme l’article
précédent sur ce blog (28 avril 2015), qui décrivait le modèle de développement SauvyFourastié basé sur les gains de productivité obtenus grâce au progrès technique.
I) Progrès technique et révolutions industrielles :
A) qu’est-ce qu’une révolution industrielle pour Schumpeter ?
Pour Schumpeter, la « machine » capitaliste n’est pas « stationnaire ». L’activité suit sur le
très long terme, une succession de fluctuations, de cycles, au cœur desquels il place l’intensité
plus ou moins forte du progrès technique. Un cycle comprend une longue phase de
croissance économique rythmée par une révolution industrielle, puis une longue phase de
déclin (les effets des innovations, donc des gains de productivité, finissent par s’essouffler). Il
faut attendre une nouvelle révolution industrielle majeure, avec des effets d’entraînement sur
toute l’économie, pour relancer l’activité.
Une révolution industrielle se caractérise par une « grappe d’innovations ». Les
innovations arrivent par « vague ». Les innovations sont l’application des inventions à
l’économie. L’innovation est donc la mise sur le marché des nouveaux produits ou
procédés découverts dans les laboratoires (où s’effectuent la recherche-développement, les
inventions). Elles sont mises en œuvre par l’entrepreneur. Celui-ci ose prendre des risques,
contrairement au « gestionnaire routinier » de son affaire. Le profit est perçu alors comme
étant la récompense de la prise de risque et non un simple résultat comptable positif (recettesdépenses). En effet, l’entrepreneur qui innove le premier va disposer d’une position de
monopole temporaire sur le marché et va pouvoir imposer un prix élevé, source de profit,
profit qui pourra être réinvesti dans de nouvelles recherches).
« En fait, l’impulsion fondamentale qui met et maintient en mouvement la machine capitaliste
est imprimée par les nouveaux objets de consommation, les nouvelles méthodes de production
et de transport, les nouveaux marchés, les nouveaux types d’organisation industrielle, tous
éléments créés par l’initiative capitaliste » (J.A.Schumpeter, Capitalisme, socialisme et
démocratie, Payot, édition 1972 p 116). Schumpeter distingue ainsi 5 types d’innovations :
nouveaux produits, nouveaux procédés de production, nouveaux marchés, nouvelles matières
premières, nouvelles formes d’organisation (source idem, p 97).
B) Le processus de destruction créatrice
Pour Schumpeter, « le processus de mutation industrielle qui révolutionne continuellement
de l’intérieur la structure économique détruit continuellement ses éléments vieillis et crée
continuellement des éléments neufs. C’est un processus de destruction créatrice. C’est la
donnée fondamentale du capitalisme et toute entreprise doit s’y adapter (source idem p 116).
Ainsi les éléments nouveaux rendent obsolètes les éléments anciens. C’est vrai des nouveaux
produits (les smartphones et tablettes d’aujourd’hui démodent le téléphone fixe voire les
ordinateurs), des nouveaux modes de production (ainsi le flux tendu du toyotisme a remplacé
l’organisation scientifique du travail et le fordisme), des nouveaux marchés (la Chine et les
pays émergents remplacent la vieille Europe), des nouvelles matières premières (la matière
plastique, la fibre de carbone, le titane). Des entreprises disparaissent faute de s’adapter,
d’autres apparaissent et se développent (aujourd’hui, les start-up).
« Ce processus de mutation industrielle imprime l’élan fondamental qui donne leur ton aux
affaires. Pendant que ces nouveautés sont mises en train, la dépense est facile et la
prospérité est prédominante, mais en même temps que ces réalisations s’achèvent et que leurs
fruits se mettent à affluer, l’on assiste à l’élimination des éléments périmés…Ainsi se
succèdent des périodes prolongées de gonflement des prix, des taux d’intérêt, de l’emploi et
ainsi de suite, ces phénomènes constituant autant de pièces du mécanisme de rajeunissement
récurrent de l’appareil de production » (idem, p 97). Le progrès technique est donc le moteur
de l’expansion, notamment par les effets des gains de productivité qu’il engendre sur les prix
réels et les salaires réels, mais son essoufflement crée la récession (voir article d’avril 2015
sur ce blog).
C) La « respiration de l’histoire » : les enchaînements des Révolutions Industrielles.
On peut voir sur le graphique ci-joint l’apparition des grappes d’innovations à certaines
périodes de l’histoire, puis leur essoufflement et leur remplacement par de nouvelles
innovations. On peut distinguer 5 grandes révolutions industrielles depuis le XVIII ème siècle
autour de la machine à vapeur, du chemin de fer, de l’électricité, du pétrole, de l’informatique
aujourd’hui.
(Source du schéma : revue Sciences Humaines, n° 25, février 1993 ; source des données : Maurice Niveau,
Histoire des faits économiques contemporains, collection Thémis, édition PUF 1979 p 158)
Plus concrètement, durant la deuxième moitié du XXème siècle, et en ce début du XXI ème
siècle, on pourrait multiplier les exemples. Ainsi dans le secteur agricole, les petites
exploitations ont progressivement disparu au profit de grandes exploitations développant des
cultures intensives et l’élevage hors-sol. Puis, aujourd’hui, devant les dérives
environnementales de cette agriculture productiviste, l’agro-écologie (le bio) commence à
prendre le relais. Dans le secteur du commerce, la grande distribution avait progressivement
supplanté le petit commerce mais aujourd’hui le commerce en ligne met à mal le modèle des
hypermarchés, obligés à leur tour de réagir en développant les « drive ». Dans l’industrie, les
ordinateurs (avec des microprocesseurs de plus en plus puissants) et les objets connectés
détrônent à leur tour les produits manufacturés vedettes des Trente Glorieuses. Les téléphones
mobiles et les box remplacent les téléphones analogiques fixes. La télévision accessible par
Internet ou par satellite ou par le câble remplace la télévision traditionnelle et rend obsolète
les antennes sur les toits. Les appareils photos numériques ont remplacé la pellicule, la
technique du replay démode les magnétoscopes et même les DVD. Les envois de mails et
SMS réduisent l’envoi de lettres et mettent en péril les emplois de facteurs (même si l’ecommerce développe la distribution de colis, mais La Poste n’en a pas l’exclusivité). Nous ne
serions qu’au début de l’avènement d’une économie portée par le numérique. Les géants de
l’informatique et de l’Internet d’aujourd’hui (souvent cotés au Nasdaq à New-York)
n’existaient pas il y a 10 ans. Ainsi, sous l’effet du progrès technique, les activités changent
continuellement et les emplois en même temps, ce qui suppose un effort d’adaptation et de
formation permanent pour éviter les déclassements.
II) Un exemple de vague d’innovations : la révolution industrielle en Angleterre
Le mot révolution industrielle doit en fait être pris ici au sens plus large de processus global,
tant il intègre révolution agricole, révolution démographique, révolution des matières
premières et des techniques de production, révolution des modes de transport, révolution des
idées. Et toutes ces révolutions sont liées.
A) Révolution agricole et les enclosures
Le mouvement débute avec la loi sur les enclosures ou clôture des terres au milieu du
XVIIIème siècle (vers 1760). Il s’agit de promouvoir un individualisme agraire (libérer
l’initiative individuelle) dans la mesure où ce mouvement met fin aux « open fields » et aux
« common fields ». La pratique des champs ouverts (open fields) gênait les propriétaires
terriens pour cultiver leurs terres en les obligeant à passer sur les parcelles des voisins pour
accéder à leurs propres champs ce qui obligeait à harmoniser les méthodes de culture. La
pratique des terres communales (common fields) donnait le droit de « vaine pâture » aux
ouvriers agricoles (cottagers). La construction de ces clôtures, coûteuse, contraint de petits
paysans (yeomen) à vendre leurs terres ce qui pousse à accroître la surface des exploitations.
Yeomen et cottagers sont les premières victimes de ce processus qui envoie une partie de la
main d’œuvre vers les villes, c’est le début de l’exode rural. Parallèlement, de nouvelles
méthodes de production agricole apparaissent (dans le Norfolk) et se développent :
assolement quadriennal avec alternance de cultures fourragères (trèfle, navet, betteraves) et de
céréales (blé, orge), suppression de la jachère, irrigation, drainage, fumure des sols (plus de
bétail), amendement des terres puis développement des engrais, et mécanisation progressive.
Les rendements agricoles s’élèvent ce qui permet d’accroître la productivité agricole. Les
surplus sont acheminés dans les villes (nouveaux débouchés) où ils vont permettre de nourrir
la population croissante (exode rural et croissance démographique). De l’exemple du modèle
anglais, il faut retenir que le développement d’un pays commence toujours par la
révolution agricole qui permet de libérer de la main d’œuvre pour les autres secteurs
d’activité et de la nourrir.
B) Révolution démographique
Puisque la production agricole s’élève, la population se nourrit mieux, surtout dans les villes.
Le taux de mortalité qui était élevé (environ 30 °/°°) jusqu’au milieu du XVIIIème siècle
commence à baisser (en rouge sur le graphique). Le taux de natalité reste par contre élevé
(environ 35°/°° en bleu sur le graphique) jusqu’au début du XXème siècle. Ainsi l’écart entre
le taux de natalité et le taux de mortalité (accroissement naturel, en beige sur le graphique),
qui était très faible jusque là, environ 3 °/°° à 5 °/°° par an, se met à croître pour atteindre 15
°/°°, voire plus (graphique). La population s’élève enfin durablement, c’est la révolution
démographique, permise par la baisse de la mortalité, elle-même permise par la
révolution agricole (et des progrès dans l’hygiène, comme le pavage des rues, l’utilisation de
sous-vêtements de coton). La chute du taux de natalité au XXème siècle viendra arrêter cette
révolution démographique et mettre fin au « cycle démographique ».
Graphique : données démographiques en G-B de 1701 à 1900 ;
taux en « pour mille » (°/°°)
(6 Périodes : 1701-1750 ; 1751-1780 ; 1781-1800 ; 1801-1830 ; 1840-1850 ; 1890-1900)
40
35
30
25
20
tx natalité
tx mortalité
accr naturel
15
10
5
0
17011750
17811800
18401850
La population de la Grande–Bretagne (Angleterre, Pays de Galles, Ecosse ici) passe de 7.4
millions d’habitants en 1751 à 14 millions en 1821 et 30 millions en 1881.
(source des données : Maurice Niveau, Histoire des faits économiques contemporains, Thémis PUF, 1979 p 23 et
39)
C) Révolution dans les matières premières
Le coton importé remplace la laine dans le textile. Dans le travail du fer, le charbon remplace
le bois jusque là utilisé comme combustible, le minerai de fer va donc être davantage exploité.
L’utilisation du charbon (Darby, 1710) va permettre l’essor de la production de fonte et plus
tard de la sidérurgie par la filière fonte. Le fer puis l’acier pourront ensuite être produits en
grande quantité. Ceci ouvre la voie à la révolution industrielle et plus tard la révolution dans
les transports.
D) Révolution industrielle
La révolution industrielle en Angleterre a commencé dans le secteur du textile. Le
système traditionnel de la production artisanale à domicile (tisserands à domicile ou domestic
system) est progressivement remplacé par le système des manufactures (manufactory system).
Il s’agit de concentrer en un même lieu le capital technique (machines) et le travail (main
d’œuvre). L’invention de la machine à vapeur par James Watt en 1782 donne lieu à des
applications dans le domaine du textile : les machines à filer le coton telles que la SpinningJenny de Hargreaves, la Water- Frame d’Arkwright, le mule de Crompton pour la production
en quantité de fil résistant ; les métiers mécaniques (Cartwright) pour le tissage. Désormais,
les « filles tissent à la vapeur », elles ne travaillent plus à la ferme, à domicile sur des métiers
à tisser manuels. C’est le début de la division du travail, décrite par Adam Smith en 1790
(Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, GF- Flammarion 1991,
tome 1 p 72), de la mécanisation, de la production de masse en usine, pour le marché (article
du 28 janvier 2014 sur ce blog).
Parallèlement, la machine à vapeur inventée par James Watt (1782), perfectionnée par
Mathew Boulton puis par Richard Trevitick de Camborne (Cornwall) trouve de multiples
applications dans l’extraction des métaux (pompes pour l’assèchement des mines, fabriquées
à Hayle, Cornwall, voir III), la transformation des métaux (fer, cuivre) et la métallurgie, les
transports (chemin de fer). Des ponts en fer sont construits pour franchir les vallées. Ainsi le
fameux « Iron Bridge » sur la rivière Severn, près de Bristol, premier pont en fer fabriqué au
monde.
Ce modèle anglais de développement à partir de l’industrie textile se retrouve encore au
XXème siècle, notamment depuis 1970, avec les NPIA ou nouveaux pays industrialisés
d’Asie, en particulier le modèle de « remontée de filière » de la Corée du sud (passage de la
production de produits textiles « bas de gamme » à des produits textiles « haut de gamme »).
E) Révolution dans les transports
Grâce au chemin de fer, il est désormais possible de transporter les marchandises et les
personnes. Ainsi, le surplus de production agricole, les minerais mais aussi les produits
manufacturés sont acheminés vers les villes et les ports. De nouveaux débouchés apparaissent
et de nouveaux marchés.
F) Révolution dans les idées : le triomphe du libéralisme
Les idées libérales (Adam Smith, David Ricardo) émergent et se propagent avec l’école
classique anglaise (article du 27 avril 2013 sur ce blog). Adam Smith se penche sur la source
de la richesse des nations dès 1790 : les gains de productivité obtenus grâce à la division du
travail et dans une moindre mesure, les échanges internationaux (théorie des avantages
absolus). David Ricardo (1802) pousse encore plus loin les avantages retirés de l’échange
international (théorie des avantages comparatifs). Adam Smith fait l’éloge du libéralisme avec
la métaphore de la « main invisible » qui conduit à l’intérêt général sans même s’en
apercevoir. La recherche de la réussite individuelle est donc un aiguillon essentiel (cf. le
mouvement des enclosures, décrit plus haut, et le développement des entreprises privées, la
« libre entreprise »). Cette recherche est censée conduire au meilleur état social possible selon
Adam Smith : «l’individu ne pense qu’à son propre gain…et en cela il est conduit par une
main invisible à remplir une fin qui n’entre nullement dans ses intentions ; tout en ne
cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d’une manière bien plus efficace
pour l’intérêt de la société, que s’il avait réellement pour but d’y travailler » (Adam Smith,
« Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, édition GFFlammarion, octobre 1991, tome 2 p 43). On dit que la somme des intérêts individuels conduit
à l’intérêt général, sans que les individus ne s’en préoccupent eux-mêmes.
Synthèse : tout est lié
Révolution
agricole
Révolution
dans les
idées
(libérales)
Nouvelles
matières
premières
(charbon)
Innovations
technologiques
Révolution
démographique
Révolution
industrielle
Urbanisation
Révolution
dans les
modes de
transport
(chemin de
fer)
Nouveaux
marchés
(internes et
externes)
Croissance
économique
(schéma jseco22)
Les enchaînements sont nets. Ainsi, l’agriculture fournit à l’industrie des bras, de la nourriture
pour la main d’œuvre des villes et des commandes. De même l’industrie fournira à
l’agriculture des machines agricoles, de l’outillage, des engrais. Le chemin de fer de son côté
fournit à l’industrie des commandes et des moyens pour écouler la production.
Cependant, si l’économie se développe, il ne faut pas oublier non plus que ces formidables
changements ont créé aussi d’autres bouleversements, sociaux ceux-là : exode rural, essor
du salariat, difficile condition ouvrière (y compris travail des enfants), d’où en réaction
apparition du syndicalisme, des conflits sociaux (antagonisme des classes sociales, classe
ouvrière et bourgeoisie), et début du droit du travail. Mais dans le même temps, le progrès
technique a aussi permis de baisser la durée du travail, de créer les congés payés, d’accroître
les salaires réels donc le pouvoir d’achat, de baisser les prix réels des biens et d’améliorer le
niveau de vie de la population et les conditions du travail (articles du 28 avril 2015 et du 24
septembre 2013 sur ce blog).
III) Un exemple concret: la ville de Hayle en Cornouailles anglaise, au cœur des 2
premières Révolutions Industrielles.
Hayle : La ville qui « changea le monde » ? (The town that changed the world)
(photo jseco22)
La ville de Hayle (10 000 habitants, baie de Saint-Ives, Cornwall, extrémité sud-ouest de
l’Angleterre, jumelée avec Pordic, 22) a beaucoup contribué aux 2 premières révolutions
industrielles que le monde a connues et qui ont eu lieu en Angleterre. Elles ont été considérées
comme un modèle de développement (agricole, démographique, industriel).
Le sous-sol de la Cornouailles était riche de petites mines de cuivre, étain, zinc, plomb, argent
tout autour de Hayle (Saint-Just, Zennor, Camborne, Redruth, Saint-Agnès...)
(ancienne mine d’étain, près de Saint-Agnès)
Les atouts de Hayle
• Proximité des mines
• Et du charbon du sud du Pays de Galles
• Estuaire et port
• Sans oublier, des inventeurs et des entrepreneurs innovateurs (ci-dessous)
• Et plus tard, le chemin de fer après 1840
Il y avait 2 quartiers industriels « rivaux » dans la ville, fin 18ème autour des 2 grandes
entreprises : Harvey Foundry à l’Ouest, et Cornish Copper Co à l’Est de la ville.
A) HARVEY FOUNDRY (1779-1916)
Entreprise fondée par John Harvey en 1779, corderie puis fonderie (photo ci-dessous) et
construction navale.
Fabrique d’engins à vapeur (pompes à vapeur) pour équiper les mines (exemple : mines de
Levant en 1835, ci-dessous)
(photo jseco22)
En 1840 : 1000 salariés, renommée internationale, machines vendues en Europe, en Amérique
du sud…bureaux à Londres, catalogues.
Construction navale : 79 navires construits à Hayle par Harvey de 1795 à 1893.
Sur le logo de la ville de Hayle (ci-dessous), on peut voir le bateau à vapeur « SS Cornubia »
construit à Hayle en 1858 par Harvey & Co (ligne Hayle-Bristol), ce qui témoigne de ce riche
passé industriel.
B) Richard TREVITHICK (1771-1833)
né à Camborne près de Hayle est un ingénieur et inventeur foisonnant du début du
XIXe siècle (mais qui eu peu de réussite comme innovateur, au sens de Schumpeter).
Marié en 1797 avec Jane HARVEY, fille de John Harvey (fonderie Harvey à Hayle)
En 1800, il construit une machine à vapeur à haute pression, plus puissante et économique que
celle de James Watt (1782).
Très tôt, il avait compris que la machine à vapeur aurait de multiples applications
• Transport (automobile, chemin de fer, navires)
• Industrie (mines, sidérurgie, métallurgie, textile : métiers à tisser mécaniques…)
• => Elle a révolutionné les méthodes de production en permettant la création de
grandes usines.
Avec le charbon, elle est à l’origine de la 1ère révolution industrielle
(1789- 1848)
Richard Trevithick invente successivement :
1801 : la Puffing Devil (le démon pouffant) à Camborne (la 1ère automobile à vapeur)
3 exemplaires circuleront sur une route en 1801
• À Camborne
• À Londres
• À Coalbrookdale, sur la rivière Severn (berceau de la 1ère Révolution Industrielle, où
se trouve Iron Bridge)
(photo jseco22)
1803 : il construit une locomotive à vapeur
21 février 1804 : la Pen y Darren, 1ère locomotive à vapeur (ci-dessous), transporte 10
tonnes de minerai de fer (à Merthyr Tydfil, au sud du Pays de Galles)
1806 : il construit un dragueur à vapeur sur la Tamise,
1808 : il construit la 1ère locomotive transportant des voyageurs, la locomotive « M'attrape
qui peut ! » à Londres (ticket vendu 5 shillings pour un tour de circuit à 20 km/h, voir cidessous) ;
1809-15 : il dépose plusieurs brevets
• Pour la propulsion des navires
• Pour le machinisme agricole…
• Pour des moteurs
• Pour une foreuse
• etc… (chaudières, condenseurs en 1831)
Il eut en revanche peu de succès pour faire émerger de ses prototypes des solutions
opérationnelles viables (innovations) et mourut dans la pauvreté (en 1833 à Dartford, Kent)
après son retour d’Amérique du Sud où il avait travaillé (mines du Pérou).
Son fils Francis a mis au point en 1847 une locomotive puissante avec des roues de grande
taille la « Cornwall ».
Le chemin de fer fut le moteur de la 2ème Révolution Industrielle (1848-1896)
• 1830 : 1ère ligne de chemin de fer Manchester-Liverpool
• 1843 : 3 120 Kms de voies ferrées construites
• 1850 : 10 590
• 1870 : 24 500
• 1890 : 33 000
• 1910 : 38 000
Mais phénomène cyclique avec
• Des périodes d’expansion (prospérité, spéculation boursière sur le cours des actions
des sociétés de chemin de fer ; ex : la « Railway mania » (maximum des cours en
1846)
•
Des périodes de récession (effondrement des investissements, de la production, crise
boursière) ex : 1845-48
C) La Cornish Copper Co.
Entreprise installée à Hayle en 1757
Elle produit des équipements pour les mines ex : Robinson’s engine à la mine de South Crofty
(près de Camborne)
Elle se développe dans le nouveau quartier « Copperhouse » à Hayle
C’est cette compagnie qui a coulé les chaînes pour fabriquer les ponts de I.K.Brunel (voir cidessous).
Plus tard, suite à des difficultés financières, elle décline et sera rachetée en 1875 par Harvey
and Co.
D) Isambard Kingdom BRUNEL
(Né en 1806 à Portsmouth, décédé en 1859 à Torkay)
Ingénieur (père d’origine normande)
• Nombreux et célèbres ponts suspendus à chaînes de fer forgé dont ceux d’ Hungerford
à Londres, de Clifton à Bristol et surtout le Royal Albert bridge à Plymouth.
• Les grosses chaînes de fer forgé étaient coulées à Hayle à la Cornish Copper Company
(ci-dessous photo de JK Brunel devant les chaînes)
• Nombreux viaducs
Construction du Royal Albert bridge sur la Tamar près de Plymouth en 1859, pont métallique
qui relie la Cornouailles au sud de l’Angleterre (photo ci-dessous, le nom de l’ingénieur
Brunel est gravé sur le pont),
Clifton bridge à Bristol (1864) (chaînes coulées à Hayle)
Le viaduc de St Austell (pour la Cornwall Railway)
Le viaduc de Hayle (1852) construit par I.K. Brunel pour la West Cornwall railway
Autres réalisations de IK Brunel
• Tunnel sous la Tamise en 1830 avec son père, ingénieur français (il invente le
tunnelier)
• Lignes de chemin de fer (Great Western Railway, Cornwall Railway…)
• 3 navires transatlantiques (dont le Great Britain, 1er navire en fer en 1843)
• 1 hôpital préfabriqué à Istanbul (guerre de Crimée)
Il y eu bien d’autres entreprises industrielles à Hayle au 19 ème siècle et première moitié du
20 ème siècle.
Ces exemples permettent à la ville d’afficher fièrement sur un grand panneau le long du
bassin du port :
« Hayle, la ville qui a changé le monde » (Hayle, the town that changed the world).
Source : Churks, Clidgy & Doodle-Dashers Hayle Tales and Trails
compiled and edited by Lucy FREARS, édition 2011.
Jseco22, le 30 mai 2015
Ancien professeur de sciences économiques et sociales