6. Du scandale à l`Affaire Dreyfus

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6. Du scandale à l`Affaire Dreyfus
SOCIETE
Du scandale à l'Affaire Dreyfus
Par Elia Chedraoui, Jean-Philippe Pellat et Olivier Villareal.
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Les faits majeurs de l'Affaire Dreyfus
Alfred Dreyfus est un capitaine de
l’armée française. Il est accusé de
trahison en 1894 pour avoir livré des
documents
secrets
aux
Allemands,
notamment le document que l'on appelle
« le bordereau ».
Son
accusation
s'est
faite
sans
recherches ni preuves. Dreyfus est juif,
et il est devenu un coupable évident
pour la France antisémite de l'époque.
Le tribunal militaire le condamne à la
prison et lui retire son grade.
La France est devenue anti-allemande
depuis sa défaite dans la guerre de
1870, et l'Etat-major de l'armée est
quant à lui un groupe faisant preuve
d'antisémitisme.
Emile
Zola
s'insurge
contre
les
accusateurs de Dreyfus et fait publier
son article
« J'accuse ! » dans
le
journal L'aurore en 1898. En s'adressant
directement
au
président
de
la
République, il milite pour la libération
de Dreyfus au nom de la justice et de la
liberté.
Dreyfus
est
finalement
libéré
et
réhabilité dans son statut en 1904, près
de dix ans plus tard. Cette affaire a
divisé la France en deux groupes : les
dreyfusards et les antidreyfusards.
Cette affaire a mise en valeur le rôle
de l'intellectuel engagé.
L’affaire Dreyfus est un conflit social et
politique majeur de la troisième République, qui
a lieu à la fin du 19ème siècle. C’est
l’accusation erronée du capitaine Alfred
Dreyfus pour avoir vendu des informations aux
allemands ; ce scandale a divisé la France en
deux groupes : dreyfusards et antidreyfusards.
Bordereau : lettre adressée à un militaire
allemand de l'Ambassade d'Allemagne,
Max von Schwartzkoppen, et qui disait
que
des
documents
militaires
confidentiels étaient sur le point d'être
transmis à une puissance étrangère.
Antisémitisme :
doctrine ou attitude
systématique de
ceux qui sont hostiles
aux juifs et proposent
contre eux des
mesures
discriminatoires.
Alfred Dreyfus est né le 9 octobre 1859 à Mulhouse
D'ascendance alsacienne et juive, il décide, après l'annexion
de l'Alsace et de la Lorraine par l'Allemagne en 1871, de
prendre la nationalité française. Il s'engage dans l'armée
française en 1878. Victime de l'injustice qui l'a rendu célèbre,
il est réhabilité puis participe à la Première Guerre Mondiale.
Il meurt le 12 juillet 1935 à Paris.
Dreyfusard : partisan de l'innocence de Dreyfus.
Antidreyfusard : partisan de la culpabilité de Dreyfus.
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CHRONOLOGIE
CHRONOLOGIE DE
DE L'AFFAIRE
L'AFFAIRE
Septembre
Septembre 1894
1894 : : Découverte
Découverte du
du bordereau.
bordereau.
19
19 décembre
décembre 1894
1894 : : Dégradation
Dégradation et
et déportation
déportation
au
au bagne,
bagne, en
en Guyane,
Guyane, du
du capitaine
capitaine Dreyfus.
Dreyfus.
11
11 janvier
janvier 1897
1897 : : Jugement,
Jugement, puis
puis acquittement
acquittement
du
du commandant
commandant Esterhazy.
Esterhazy.
13
13 janvier
janvier 1898
1898 : : Article
Article d’Émile
d’Émile Zola
Zola intitulé
intitulé
“J’accuse”
“J’accuse” ..
Il
Il apporte
apporte pour
pour la
la première
première fois
fois toutes
toutes les
les
données
données existantes
existantes sur
sur l'Affaire,
l'Affaire, et
et est
est accusé
accusé de
de
diffamation
diffamation pour
pour cet
cet article.
article. Il
Il est
est contraint
contraint de
de
s'exiler
à
Londres.
s'exiler à Londres.
Août
Août 1899
1899 : : Révision
Révision du
du procès,
procès, et
et nouvelle
nouvelle
condamnation
d’Alfred
Dreyfus.
condamnation d’Alfred Dreyfus.
Emile Zola est né le 2 avril 1840 à Paris et
meurt le 29 septembre 1902. Journaliste
engagé dans la vie politique de l’époque, il
prend la défense d’Alfred Dreyfus en
écrivant son célèbre article « J'accuse! »
adressé au président de la République Felix
Faure en 1898.
1906
1906 : : Réhabilitation
Réhabilitation de
de Dreyfus.
Dreyfus.
Voici un extrait du célèbre article
« J'accuse ! » d'Emile Zola, publié dans le
journal L'Aurore du 13 janvier 1898.
« (...) Ah ! cette première affaire, elle est un cauchemar, pour qui
la connaît dans ses détails vrais ! Le commandant du Paty de
Clam arrête Dreyfus, le met au secret. Il court chez madame
Dreyfus, la terrorise, lui dit que, si elle parle, son mari est perdu.
Pendant ce temps, le malheureux s'arrachait la chair, hurlait son
innocence. Et l'instruction a été faite ainsi, comme dans une
chronique du XVe siècle, au milieu du mystère, avec une
complication d'expédients farouches, tout cela basé sur une seule
charge enfantine, ce bordereau imbécile, qui n'était pas
seulement une trahison vulgaire, qui était aussi la plus
impudente des escroqueries, car les fameux secrets livrés se
trouvaient presque tous sans valeur. (...)
Voilà donc, monsieur le Président, les faits qui expliquent
comment une erreur judiciaire a pu être commise ; et les preuves
morales, la situation de fortune de Dreyfus, l'absence de motifs,
son continuel cri d'innocence, achèvent de le montrer comme
une victime des extraordinaires imaginations du commandant du
Paty de Clam, du milieu clérical où il se trouvait, de la chasse
aux " sales juifs ", qui déshonore notre époque. (...)»
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DECRYPTER LA PRESSE DU XIXe
AU CŒUR DE LA POLEMIQUE
« Amnistie populaire ».
Dessin de V. Lenepveu.
Le Musée des Horreurs, n°35, 20 juin 1900
Zola caricaturé par Forain
dans le journal anti-dreyfusard "Pstt".
Analyse de l'image :
Dreyfus est pendu, avec une langue qui ressemble à celle
d'un serpent, et affublé d'une pancarte qui dit « traître ».
Le message : Cette caricature utilise l'ironie pour montrer
que Dreyfus est non seulement considéré comme traître,
mais aussi comparé à un serpent pour avoir dévoilé des
secrets militaires à « l'ennemi », et qu'il mérite d'être
pendu. Ce message peut être compris, à l'inverse, comme
une preuve d'ironie à l'égard des antidreyfusards dont est
montrée ici l'exagération, confirmée par l'expression
« amnistie populaire », c'est-à-dire le pardon du peuple.
Le Musée des horreurs est un journal satirique, qui se
moque et critique tous les faits de l'époque.
Analyse de l'image :
Emile Zola est en train de se noyer en essayant de sauver des
eaux son article « J'accuse ! » ; il s'adresse à un homme en noir.
L’homme en noir est un militaire, représentant de l'Etat-major
allemand, portant un couvre-chef pointu caractéristique de
l’uniforme militaire prussien.
Le message :
Cette caricature montre bien comment Zola a été attaqué par la
presse nationaliste, patriotique. C’est un résumé de "J’accuse".
Zola est l’homme qui trahit, qui va vers l’Allemagne, vers ce
soldat prussien dont l’ombre va accueillir l’auteur de "J’accuse".
Zola est l’homme qui met en cause l’unité de la France.
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Jean Ajalbert. « Ca commence ! »,
Les droits de l’Homme, 28 février 1898
« Zola n’est pas seul. Qu’on raille les intellectuels,
il les a avec lui. Il a avec lui les hommes de
pensée contre les hommes de pouvoir. Tous les
regards qui ne sont pas déviés par les bas
intérêts de la politique et du fanatisme politique et
religieux sont tournés vers l’Ile du Diable, vers un
rocher où agonise un homme, jeté là, au mépris
des lois et du droit le plus élémentaire. »
Analyse du document
Vocabulaire péjoratif : « les bas intérêts de la
politique », le « fanatisme politique et religieux »
→ se rapportent aux antidreyfusards
Vocabulaire péjoratif utilisé à des fins contraires :
« agonise un homme, jeté là », « mépris des lois et du
droit le plus élémentaire »
→ défense de Dreyfus et de la justice
Prise de position de l’auteur dans le débat
Il déplore le manque d'esprit critique de la part des
gens qui sont devenus antidreyfusards pour en tirer
profit, il critique aussi la classe politique corrompue
qui ne pense qu'à gagner du pouvoir avec cette
affaire.
Arguments pour défendre sa position :
● Il prend la défense de Zola et de Dreyfus en disant
que Zola est accompagné par les « hommes de
pensée », c'est-à-dire ceux qui font preuve
d'intelligence.
● Il victimise Dreyfus en parlant de sa situation afin
de convaincre ses lecteurs de le défendre.
Maurice Barrès, Scènes et doctrines du nationalisme,
1925
«Les
amis de Dreyfus […] injurient tout ce qui nous
est cher, notamment la patrie et l’armée […] Leur
complot divise et désarme la France et ils s’en
réjouissent. Quand même leur client serait innocent,
ils demeureraient des criminels. »
Maurice Barrés, nationaliste français, était
un essayiste, romancier, et politique français
né en 1862 et mort en 1923. Il fait partie du
groupe
des
grands
antidreyfusards,
principalement parce qu’il était très
antisémite : "Que Dreyfus est capable de
trahir, je le conclus de sa race".
Analyse du document
Vocabulaire mélioratif : « tout ce qui nous est cher »
→ se rapporte aux valeurs de la droite française, ici « la
patrie et l'armée », les valeurs des antidreyfusards
Vocabulaire péjoratif : « injurient », « complot »
« criminels »
→ se rapportent aux dreyfusards
Prise de position de l’auteur dans le débat :
Maurice Barrès, représentant du groupe antidreyfusard,
est aussi un homme appartenant à l'extrême droite
française. Il est antisémite et défend ici l'armée et le
nationalisme français, contre Dreyfus parce qu'il est
juif, contre Zola parce qu'il le défend, et contre
l'Allemagne parce qu'il est nationaliste.
Arguments pour défendre sa position :
● Les critiques faites par Maurice Barrès sont
représentatives du discours antisémite et nationaliste de
l'époque : la gauche française est synonyme de complot,
Dreyfus est un ennemi de la patrie.
● Il utilise un argument clé, celui de la division de la
société française, pour en rendre coupable le groupe des
dreyfusards : il veut émouvoir les lecteurs en disant que
le problème de cette affaire est surtout la division de la
société française.