le cinéma : un acte de résistance

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le cinéma : un acte de résistance
LE CINÉMA :
UN ACTE DE RÉSISTANCE
L’invention de politiques autres dans le cinéma : lectures cinématographiques,
politiques et philosophiques
Atelier Amicale Europhilosophie/ Erraphis.
Organisation : Blerina Hankollari, Charlotte Loris-Rodionoff
Si la question de la politique est considérée comme un sujet philosophique classique, le
rapport entre le cinéma et la philosophie est récent. Il a gagné cette place, notamment,
grâce aux analyses de Gilles Deleuze, dans lesquelles le cinéma est politique et résistance
– dans sa définition d’un cinéma mineur ou ses analyses sur les films de Rocha, par
exemple. Ce lien entre politique et cinéma est très présent et évident dans beaucoup
d’œuvres cinématographiques récentes, dans lesquelles le cinéma tend à se définir
comme un des lieux de production d’une des réflexions sur la (et le) politique les plus
intenses. Si le cinéma ne crée pas, au sens stricte, de nouveaux concepts, il s’avère être un
puissant instrument philosophique, capable d’élargir les horizons de la philosophie et du
(de la) politique. On pense, par exemple, aux productions directement contemporaines
des révolutions arabes, montrées dans la section « Beyrouth Calling » de la Berlinale
2012, des documentaires largement diffusés sur ce sujet, notamment au « Cinéma du
Réel » à Paris, mais aussi à des problématiques moins médiatiques, comme l’avenir du
cinéma et ses rapports avec le pouvoir en Albanie, dans un documentaire comme « Not a
carwash », visionné au festival de Toronto (2012).
Faire un atelier ayant pour thème le cinéma, la politique et la philosophie est donc
une initiative qui vise fondamentalement à mettre en place et à rapprocher des pistes de
recherche et des réflexions dont la potentialité de faire réseau est grande. Il s’agit non pas
de sonder le terrain cinématographique pour pouvoir en extraire toutes bribes de réflexion
politique, mais de penser le rapport entre cinéma et politique comme un désert dont la
configuration est imprévisible et la topographie se fait uniquement par des affects – faire
l’expérience du cinéma politique comme le nomade fait l’expérience du désert.
La question au cœur de cet atelier est donc celle d’une politique autre telle qu’elle
apparaît explicitement et/ou implicitement dans les œuvres cinématographiques, de
fiction comme de non-fiction. Il s’agit ainsi de réfléchir, à la fois, sur l’invention d’une
politique autre et de s’interroger sur les gestes politiques du cinéma: la façon dont le
cinéma pense, invente et produit, du fait de son langage non conceptuel et non
propositionnel, une politique qui est nécessairement autre. Par exemple, la façon dont
l’artiste belge Francis Alÿs critique et propose un nouveau concept de frontière dans ses
performances filmées à Jérusalem ou au Mexique. En effet, dans ces films, l’artiste
propose autant une nouvelle organisation géopolitique qu’une redéfinition du concept de
frontière en jouant à la fois sur des éléments scéniques et visuels.
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Une politique autre, d’une part, parce qu’elle s’oppose à la sémantique du terme
« politique » à laquelle le cinéaste comme le spectateur sont confrontés quotidiennement,
et d’autre part, parce qu’est à l’œuvre, dans le cinéma, l’invention d’une nouvelle
politique et d’une nouvelle économie de concepts, la mise en place d’un langage autre,
non pas un discours sur le politique mais un langage qui se limite à des actes de voix, des
images sonores et des cris. Quel type de langage propose l’idiot, le fou, l’Indien, l’animal
au cinéma ? A travers quel langage le cinéma décrit-il les gestes politiques et résistants
du fou, de l’idiot, de l’Indien et de l’animal ? Il s’agit alors de rechercher les variantes de
la politique faisant place au regard du non-Occidental, du « non-moderne ». « Cinq
caméras cassées », documentaire israélo-palestinien, présenté au Cinéma du Réel (Paris,
2012), repense la politique (sa place, sa forme et son contenu), entre les deux pays, mais
réfléchit également à la manière et aux moyens de la représenter et de la critiquer.
Cet atelier vise ainsi à mettre en dialogue de façon dynamique différentes
disciplines (leurs méthodes, langages, concepts et modes de représentation) et à faire
place à une forme spécifique de transversalité – celle qui trace un plan orthogonal au
cinéma, à la politique et à la philosophie.
Cette perspective nous permet d’élaborer un faisceau de problématiques
proposant plusieurs lignes de recherche : les œuvres cinématographiques, sont-elles
toujours des actes de résistance (et comment définir une œuvre cinématographique
comme acte de résistance) ? Comment le philosophe lit-il une œuvre cinématographique
lorsqu’il s’intéresse à ses aspects politiques ? Et comment peut-il traduire un langage
non-conceptuel et non-propositionnel dans le langage nécessairement conceptuel et
propositionnel qui est le sien ? Comment le cinéma réfléchit-il sur la philosophie et la
politique ? Et en quoi le cinéma sert de réservoir critique et conceptuel pour la (le)
politique et sa critique ?
Il est donc fondamental que cet atelier soit conçu comme un atelier expérimental,
dans sa forme et son contenu. Les étudiants et chercheurs y participant peuvent
expérimenter dans la même mesure la pertinence de la performance des présentations et
l'originalité des sujets visés. Les participants sont ainsi invités, d’une part, à présenter un
exposé et, d’autre part, à mettre en place des performances originales (petites installations
lorsque c'est réalisable, inviter des artistes, faire des mini-expositions avec le matériel
qu'ils auront choisi (photos, vidéos d’art), faire des analyses d'extraits
cinématographiques, projeter des documentaires, etc).
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