PEINE PERDUE, ARTHUR HARARI LA TERRE PENCHE

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PEINE PERDUE, ARTHUR HARARI LA TERRE PENCHE
PEINE PERDUE, ARTHUR HARARI LA TERRE PENCHE, CHRISTELLE LHEUREUX Peine Perdue La Terre penche L'errance nous ramène toujours à retrouver nos origines. Le temps s'effrite, il joue à cache-­‐
cache avec les fantômes d'hier et ceux à venir. Double quête de ce qui n'est plus et de ce qui pourrait peser dans la balance des sentiments, les deux courts posent l'art de la séduction parmi un contexte différent mais avec le même enjeu, la même douleur : celle de faire face, d'agir ou non. Entre ce que l'on perd, ce que l'on cherche, ce qu'il reste, les personnages sont ballotés par le poids du passé et la difficulté de faire prise avec le présent. Du coup, ils s’abandonnent. Point commun des deux films : l'eau, marée basse en fin de saison ou bord de fleuve sur été flamboyant, chaque réalisateur met en avant cette matière. Les femmes sont aussi centrales dans leur difficulté à se laisser apprivoiser face à des hommes conquérants. En amour, mener un stratagème ou juste se laisser porter : il n'y a finalement pas de recette miracle. Être soeurs, est-­‐ce être complices ? Ces films plongent au coeur de la vie d'adolescentes face à l'adversité des leurs, face aux premiers ébats, la recherche du bel amour ou de l'acte charnel. Ce but, soit fugace, soit brut, oscille entre une vision timide de celui qui fait chavirer les coeurs et l'actuelle folie de la rencontre made in internet. L'un des films joue sur les contrastes, l'autre est plus narratif mais tous deux racontent cette recherche ultime de l'aventure amoureuse menée dans la solitude de filles face aux filles ou avec leçons particulières avec une ado qui a des notions sur le sujet. Violence des mots, du monde des réseaux sociaux pour trouver l'amour ou se sentir exclu de son monde, la recherche sentimentale bourgeonne chez ses jeunes filles et fait tantôt rire, tantôt pleurer. Baptiste Les deux films s’ouvrent sur l’eau : salée pour La Terre Penche, douce pour Peine Perdue. Le premier raconte la rencontre fortuite entre Thomas, dans la station balnéaire où il a passé de nombreux étés avec son père, et Adèle, qui a grandi ici. Le charme de ces deux personnages opère immédiatement par leur jeu très juste et la vivacité de leurs regards, qui deviendra complicité. Thomas et Adèle se sont posés la même question : partir ou rester, sur ces terres qui les ont vu grandir. « Moi aussi, je suis partie, finalement je suis revenue » dira Adèle. Si les deux personnages sont en proie à la mélancolie, leur rencontre même et les heures passées ensemble y sont un remède. L’anecdote sur la reproduction étonnante des méduses après leur mort et les collages de dessins de l’animal sur certains plans fixes, bien qu’un peu superficiels, apportent un degré supplémentaire de poésie au film. Cette poésie réside avant tout dans le personnage d’Adèle qui s’endort partout, comme pour s’échapper de la réalité, s’évader pour mieux rêver. Là où La Terre Penche traite du retour à la terre natale avec une infinie poésie, Peine perdue, comme le laisse présager son titre, est beaucoup plus sombre. Dès la scène initiale où il observe les promeneurs avec des jumelles, Rodolphe apparaît comme un personnage cynique et arrogant. C’est le jeune Alex qui sera cette fois sa proie dans une longue scène de soirée au bord de l’eau. La musique suave de Bertrand Belin et les nuages noirs se rapprochant rendent l’atmosphère d’autant plus pesante. Cette tension atteint son paroxysme dans une scène de barque entre les deux hommes, probablement la plus réussie du film en ce qu’elle parvient à dépasser les clichés auxquels le film se limitait jusqu’ici. « Petit à petit, les gens, tu les perds de vue. On s’est tous un peu dispersés. » Partant de ce même postulat, les deux films prennent des voies très différentes : celle de la lumière que peut provoquer la joie de retrouvailles pour l’un, celle de l’infinie solitude de celui qui reste pour l’autre. Camille DEVY On pense d’abord à un plan drague. Dans la première scène du film, Rodolphe, grand barbu maigre d’une trentaine d’années, regarde à la jumelle un chemin le long de la Loire, son regard s’attarde, il sourit, mais on ne sait pas vraiment qui l’intéresse, les deux jeunes parisiennes en vacances qui approchent, ou le jeune homme en débardeur qui fait demi-­‐tour pour les suivre… Cette ambiguïté demeure une bonne partie du film, cependant elle perd de son importance au fur et à mesure que le spectateur devine que n’est pas là le vrai ressort de cette histoire. Le cadre ? Les bords de Loire en été, la forêt, la nature sauvage qui a envahi les îles sablonneuses sur le fleuve, une base de loisirs avec des bateaux, un bar, et des soirées organisées pour les vacanciers. Ce soir c’est un groupe pop rock qui s’installe sur la scène mais la véritable scène se joue devant, entre Rodolphe et Alex, le jeune homme taiseux qui a suivi les jeunes filles jusqu’ici. Rodolphe engage la conversation, lui offre un verre de bière, et finit par lui confier qu’il a un « truc imparable » avec les filles, dont il fait aussitôt une démonstration auprès de Julia, la brune. Opération réussie qui permet à Alex de l’aborder lui aussi, de danser un slow avec elle sur une chanson, « Julia », demandée par Rodolphe au chanteur du groupe sur scène. Et c’est bien Alex qui décroche un rencard avec elle le lendemain matin pour une romantique ballade en barque. L’histoire entre tous ces personnages se poursuivra avec les plans d’Alex contrariés, jusqu’à un dénouement inhabituel que l’on sent venir, le coté sombre du manipulateur Rodolphe apparaissant peu à peu. On se laisse porter par cette histoire, banale au début et qui se transforme en drame sous nos yeux, drame dans lequel Alex sera impuissant à changer la fin. Le temps de l’amour est déjà passé pour Rodolphe, malgré l’attirance, il est trop tard, « peine perdue ». Restera seulement à Alex à jouer jusqu’au bout le rôle qu’il lui a été attribué, respectueux d’un choix extrême. Hélène CABEKE Avec « La terre penche » de Christelle Lheureux & « Peine perdue » d’Arthur Harare, ces deux jeunes réalisateurs nous content deux récits d’amour moderne tes intimes et un brin nostalgique. On se reconnaît dans ces quatre personnages que forment ces deux couples ; l’étourdie Adèle avec le naïf Thomas, l’opportuniste Rodolphe et le timide Alex. Du premier regard au jeu de séduction tantôt hésitant tantôt manipulateur jusqu’à la déclaration on se laisse tour à tour porter par ces deux histoires d’amour, simples et réalistes nourries de mélancolies, de sincérité et d’une douce naïveté. Nancy KIRUGAMA L'eau source de vie, source d'amour, toutes les histoire d'amour commencent au bord de l'eau sur le sable blanc au bord de la mer sous le bruit des vagues dans la terre penche, et au bord du lac dans un parc grandeur nature aux allures paradisiaques dans peine perdue. Une combinaison de beaux paysages et de musique qui réveille les sens et les sentiments, pour nous raconter des histoires d'amour réussies, la rencontre de Thomas et Adèle lors de son retour à la terre natale après un long moment d'absence et ratées celle de Alex et Julia qui préfère un musicien à ce dernier, qui se voit attiré dans un jeu de séduction par Rodolphe qui a un penchant pour les hommes. Sadio COULIBALY La vie sexuelle des méduses est bien particulière autant que la rencontre entre Adèle et Thomas qui a la particularité de dérouler, en prenant son temps, celui de la langueur de la basse saison, l'histoire d'un rapprochement. Une rencontre particulière car sondée en profondeur par le biais de leurs rêves, leur imaginaire et leur inconscient peut-­‐être. Thomas revient d'un long voyage après le décès de son père dans sa région natale en Normandie. Il doit prendre une décision pour la vente de la maison familiale. Adèle apparaît, elle est douce, énigmatique et rêveuse. Elle donne la dimension romanesque au film, elle apporte de la profondeur et de la sensibilité au personnage de Thomas. Comme pour Adèle et Thomas, la rencontre entre Alex et Rodolphe se déroule sur le territoire de l'enfance, des origines, là se décide les choix fondamentaux de l'existence : fuir le passé ou s'enraciner au risque de ne jamais éprouver sa destinée ? Se perdre, revenir aux origines, aller vers l'autre avec ce que cela comporte de peurs à dompter et de déceptions à affrontrer ; « La terre penche » et « Peine perdue » dépeignent avec justesse et élégance le trouble amoureux, la peur de l'autre, les questionnements existentiels de jeunes trentenaires, le lien avec le territoire de l'enfance et la difficulté à renoncer à ses rêves passés en faisant évoluer des personnages mi-­‐réels, mi-­‐fantômatiques dont on imagine avoir visité le fantasme ainsi matérialisé. Samia DJEDAI