Hervé Novelli attaque sur tous les fronts

Transcription

Hervé Novelli attaque sur tous les fronts
stratégie
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G O U V E R N E M E N T A L E
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Hervé Novelli,
Hervé Novelli
attaque sur
tous les fronts !
Bien que responsable de cinq secteurs
économiques, Hervé Noveli est intarissable
quand il parle de Tourisme. Jugez-en avec
cette très longue et très complète interview.
Le ministre n’a éludé aucune question,
il traite de tous les métiers du tourisme.
Pourvu qu’on lui laisse le temps de mener
à bon terme tous ses chantiers !
Christine Lagarde a dit : « Il faut faire du
Tourisme une véritable priorité collective » ;
vous-même avez déclaré : « Il faut faire du
Tourisme une véritable cause nationale ».
La place qu’occupe le Tourisme dans le
gouvernement actuel, et son poids politique, sont-ils suffisants pour atteindre ces
objectifs très ambitieux ?
Le rattachement du secteur du tourisme au
ministère chargé de l’Économie marque l’im-
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Secrétaire d’État
auprès du ministre de l’Économie,
de l’Industrie et de l’Emploi,
chargé du Commerce,
de l’Artisanat,
des Petites et Moyennes Entreprises,
du Tourisme et des Services.
[ à retenir ]
• Un rattachement signicatif au ministère de l’Economie.
• Un engagement personnel de Nicolas
Sarkozy pour le Tourisme.
• Le ministère de l’Intérieur améliorera
l’accueil aux frontières.
• L’urgence de regagner des parts de marché… et les solutions pour y parvenir.
• Une offre plus lisible pour les produits
France.
• L’Etat garant du nouveau système de
classement hôtelier.
• Organiser des contrats de destination
transport/hébergement/activités.
• Bientôt, une version définitive du
logo de la marque France.
• 500 000 nouveaux bénéficiaires pour
les chèques vacances.
• Pour les DOM-TOM, un positionnement original, de qualité.
• Une nouvelle politique du tourisme
social.
• Nous devons être exemplaire en
matière de tourisme durable.
• Il faut repenser la loi pour l’adapter
aux pratiques et produits nouveaux.
portance que l’Etat reconnaît à ce secteur
d’activité dans notre économie nationale, et
ce à juste titre. Il contribue aujourd’hui à
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[Hervé Novelli]
stratégie
gouvernementale : Hervé Novelli, secrétaire d’État au Tourisme
plus de 6% du PIB, génère plus de 2 millions d’emplois
directs et indirects et implique près de 200 000 entreprises. Christine Lagarde est tout autant que moi
consciente des enjeux que représente le tourisme pour
notre croissance et notre compétitivité. C’est pour cela
que nous avons engagé ensemble une grande concertation avec les acteurs du secteur pour identifier les grands
enjeux de la profession. J’ai ensuite lancé, lors des Assises
Nationales du Tourisme, une nouvelle politique
« Destination France 2020 ». Dans un contexte de concurrence mondiale accrue, il est essentiel de donner à la France les moyens de tenir son rang de 1re destination mondiale en attirant de nouveaux touristes et en adaptant son
offre pour répondre à leurs nouvelles attentes.
pour l’économie française que pour le rayonnement de
la France à l’international. Je sais que Nicolas Sarkozy
regarde de très près les réformes envisagées car elles peuvent apporter à la France le point de croissance qui lui
manque. En ce qui concerne le travail interministériel,
il faut rappeler que le tourisme ne se résume pas à faire
travailler ensemble les ministères, c’est toute la chaîne,
tous les institutionnels et tous les partenaires privés qui
sont concernés. J’observe avec satisfaction qu’ils se sont
reconnus dans le diagnostic présenté lors des dernières
Assises et qu’ils accueillent avec intérêt les pistes que j’ai
tracées à cette occasion.
Seriez-vous opposé à la formule d’un « délégué interministériel dépendant d’un ministre délégué auprès du
Premier ministre », comme l’avait suggéré la commission Tourisme de l’UMP avant les dernières présidentielles, qui pourrait « tracer » toutes les sommes investies en faveur du Tourisme par tous les ministères et
veiller à leur orientation concertée dans le cadre d’une
politique globale ?
Cette formule serait possible également, rien ne doit être
a priori figé dans la réflexion sur l’organisation administrative et politique la plus efficace. Mais ce n’est pas le
choix qui a été fait par l’actuel gouvernement, et la future organisation administrative qui se met en place dans
le cadre de la Revue générale des politiques publiques,
tire les conséquences du rattachement légitime du tourisme au ministère chargé de l’Économie. Cela ne m’empêche pas d’avoir de nombreuses relations avec mes collègues ministres lorsque nous avons des sujets en
commun, la mise en place d’un label en matière d’oenotourisme avec mon collègue de l’agriculture, ou la préparation d’une nouvelle convention avec ma collègue de
la culture, pour parler des derniers exemples en date.
Vous avez parlé, dans votre discours aux Assises, du
« début d’une vaste opération de modernisation de
notre économie touristique ». Les Tunisiens, les Marocains et bien d’autres destinations touristiques ont
lancé de grandes campagnes d’information en direction
de leur population pour les convaincre de l’importance
du Tourisme pour leur économie. Qu’allez-vous faire
pour que nos compatriotes aiment les touristes ?
Beaucoup de pays émergents ont fait du tourisme un enjeu prioritaire de leur développement économique. Ils
ont donc lancé de grands projets touristiques et ont été
confronté à un fort besoin de main d’œuvre. Pour y répondre, de grandes campagnes de communication ont
été lancées pour faire connaitre ce secteur, souvent aux
prémisses de son développement, pour attirer les jeunes
talents vers cette industrie. En France, depuis longtemps
le secteur du tourisme représente un secteur majeur de
l’économie française mais nous ne sommes pourtant pas
épargnés par ces problématiques de recrutement. Ainsi,
nous avons lancé le 1er septembre dernier une grande
campagne de communication destinée aux jeunes de 15
à 25 ans pour répondre au besoin de recrutement dans
l’hôtellerie-restauration, qui recherche chaque année
près de 60 000 nouveaux collaborateurs.
Christine Lagarde a assuré d’un « engagement fort du
président de la République et de l’ensemble du gouvernement en faveur du Tourisme ». Comment va-t-il se
manifester ? Dans un passé récent, deux comités interministériels ont été réunis par le dernier Premier
ministre, y-en aura-t-il d’autres ? Aux USA, des Assises
fédérales du Tourisme, présidées par Bill Clinton luimême, avaient été préparées par des assises dans
chaque Etat pour faire remonter tous les besoins,
toutes les attentes. Peut-on espérer que Nicolas
Sarkozy présidera les prochaines Assises ?
Nous pouvons bien entendu l’espérer. Le Président de la
République a, à de nombreuses reprises, manifesté son
intérêt pour ce secteur et rappelé son importance tant
L’accueil réservé aux touristes dès leur arrivée et tout
au long de leur séjour est déterminant ; le point noir
est celui de la police aux frontières (nombre de guichets ouverts inadapté aux arrivées prévues, manque
d’amabilité, de sourire et de souhaits de bon séjour,
etc.) : que pouvez-vous obtenir du ministère de
l’Intérieur pour parvenir à une amélioration réellement sensible de ce point de passage obligé ? Qu’en
est-il de la charte-contrat Accueil signée avec divers
partenaires : ADP, RATP, SNCF ? Pensez-vous la généraliser et vers qui : le ministère de l’Intérieur, les syndicats de taxis, les syndicats hôteliers et de restauration, etc. ?
L’amélioration de la chaîne de l’accueil représente un
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enjeu majeur. C’est pour cela que j’ai mobilisé l’ensemble des partenaires, notamment publics, qui participent à la réception des touristes internationaux dans
notre pays. Nous travaillons par exemple avec le Ministère de l’Intérieur avec qui nous partageons l’ambition
d’améliorer durablement la qualité de l’accueil dans les
aéroports. C’est d’autant plus important que c’est la première rencontre entre le touriste étranger et la France.
L’accueil en France, comme le soulignait le rapport Plasait en 2006, n’est pas à la hauteur pour un pays qui est
la première destination mondiale. C’est pour cette raison que mes services travaillent activement avec les administrations concernées pour améliorer cette défaillance. Des conventions d’accueil ont été signées avec ADP,
SNCF et RATP. C’est un bon début mais il faut aller au
delà. Je ferai donc un premier bilan de ces conventions
et remobiliserai éventuellement ces partenaires, non pas
séparément, car ils ont chacun une politique de qualité
de l’accueil, mais collectivement, car il est important
que sur toute la chaîne de son accueil le touriste soit
aidé de façon cohérente (signalétique surtout aux points
de jonction des différents réseaux, etc.) et que les acteurs
partagent leurs bonnes idées.
Par ailleurs, j’ai reçu un bon accueil d’autres partenaires,
comme les sociétés d’autoroutes, pour développer un
partenariat similaire. Les taxis ont compris l’intérêt
d’avancer dans ce sens. Enfin, quant aux secteurs de l’hébergement touristique, de la restauration, des offices de
tourisme, demain des lieux de visite et des activités sportives et de loisirs, il existe le label Qualité TourismeTM
qui reconnaît officiellement les démarches qualité des
professionnels qui nous semblent adaptées aux attentes
de la clientèle touristique de ce début du XXIe siècle.
Vous avez souligné ce fait indéniable dans votre discours des Assises : les richesses touristiques de la
France ne sont pas délocalisables. En revanche, le touriste moderne est éminemment délocalisable.
Comment l’attirer, créer « l’urgence de la visite et de
la re-visite », quelles différences positives de notre pays
souhaitez-vous mettre en évidence avec force, au
moment où même notre gastronomie est remise en
cause par nos visiteurs ?
Les Assises de juin ont identifié les très nombreux facteurs qui nous permettront de regagner les parts de marché qui nous manquent aujourd’hui. L’urgence de la visite, c’est par exemple l’affaire de l’événementiel culturel
ou festif. L’urgence de la re-visite, c’est par exemple de
vouloir explorer l’ensemble de nos routes des vins. Mais
c’est évidemment structurellement et sur le moyen-long
terme qu’il nous faut travailler : amélioration de la qualité de nos hébergements, marketing plus adapté de
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Au Touquet, en compagnie de Daniel Fasquelle (maire).
Thème : « Le développement touristique de la ville »
notre offre, qualité de l’organisation de nos réceptifs,
amélioration de l’accueil des touristes, etc.
On entend peu parler du plan Qualité Tourisme. Son
développement est-il toujours d’actualité, vers quelles
populations ?
Ce plan est bien sûr toujours d’actualité et il tient ses
promesses. Plus de 4000 établissements bénéficient de
la marque Qualité Tourisme, ce qui représente 14 % du
parc hôtelier français. Le développement de la marque
a connu un taux de croissance de 143 % en deux ans qui
sera confirmé en 2008 avec la candidature de nouveaux
réseaux prestigieux et avec l’ouverture de la marque aux
lieux de visite et aux activités sportives et de loisirs, activités qui fondent l’attractivité des territoires. Depuis
l’origine, les établissements Qualité Tourisme ont un
taux d’occupation nettement plus élevé que les autres
établissements français : en 2007, les campings et les hôtels Qualité Tourisme ont obtenu respectivement un taux
d’occupation supérieur de 10 points et de 2 points aux
établissements non marqués. En 2008, 20 réseaux nationaux, dont des acteurs majeurs du tourisme français,
et 6 régions parmi les plus touristiques, ont fait reconnaître leurs démarches qualité.
La part du Tourisme dans le PIB national est en baisse continue, nos parts de marché régressent : il y a le
feu ! Vous avez souhaité mettre en place une nouvelle
politique du Tourisme sous le slogan « Destination
France 2020 ». Quelle étoile chiffrée et qualitative vous
êtes-vous fixé ?
L’objectif que nous nous sommes fixés est clair : gagner
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gouvernementale : Hervé Novelli, secrétaire d’État au Tourisme
grâce au tourisme le point de croissance qui nous
manque. Vous avez raison, ces dix dernières années, le
tourisme est passé de 7,3 % à 6,3 % du PIB. Sa croissance a donc été moins rapide que celle de notre PIB, alors
même que la dernière décennie a vu une forte progression du tourisme mondial qui doit se prolonger avec le
doublement des flux touristiques d’ici 2020. Et si nous
demeurons la première destination mondiale avec 82
millions de visiteurs internationaux, nous ne sommes
que troisième en termes de recettes. Faire du tourisme
un véritable moteur de la croissance, voilà mon ambition, et le plan « Destination France 2020 », qui combine des mesures aux effets immédiats et une véritable vision à long terme nous permettra d’y parvenir.
Lors des dernières Assises, vous avez également déclaré : « Il faut agir sans perdre de temps ». Vous avez
ensuite décliné une longue litanie de nécessités, de
souhaits, de volontés (Il faut…, Je souhaite…, Je
veux…), mais, semble-t-il, sans quasiment jamais
fixer de délais, ni dire de quels moyens vous disposerez
ou mettrez à disposition des acteurs concernés.
Comment et quand pensez-vous, pour citer quelques
exemples : améliorer l’obtention des visas, la desserte
de notre territoire, créer un « Eramus du Tourisme »,
adapter notre droit du travail pour les saisonniers,
monter des partenariats public-privé dans le domaine
du tourisme réceptif, encourager la structuration des
réceptifs, renforcer la compétitivité des agences, etc. ?
Au cours des Assises, j’ai défini les grandes orientations
de la nouvelle politique française du tourisme. Et c’était
bien la vocation de cet événement : mobiliser tous les
acteurs du tourisme et engager le mouvement. L’une des
traductions concrètes de ce travail, ce sera le dépôt, à la
fin de l’année, d’un projet de loi tourisme. Vous le voyez,
les choses avancent, et elles avancent même vite. La Direction du Tourisme, Maison de la France et Odit France ont déjà pris le relais et travaillent activement sur tous
les sujets. Les dossiers de la réforme du régime juridique
de la vente de voyages ou de la réforme du classement
des hébergements touristiques marchands ont bien avancé et le travail sur l’Erasmus du tourisme est déjà engagé. Je tiens tout de même à souligner que mon plan
s’inscrit dans une démarche à long terme, je l’ai
d’ailleurs intitulé « Destination France 2020 ». On ne
rénove pas 3/4 de l’hôtellerie en un jour… c’est un travail de longue haleine, qui nécessitera une mobilisation
maximale de tous les acteurs du tourisme.
Pour nous attarder sur le tourisme réceptif, ne pourriez-vous pas vous mobiliser personnellement pour
inciter quelques grands acteurs nationaux à s’allier
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pour créer un réceptif capable de parler d’égal à égal
avec les principaux tour-opérateurs internationaux ?
C’est l’un des sujets qu’a eu à traiter le groupe de travail
« Marketing et commercialisation de l’offre » que nous
avions mis en place dans le cadre de la préparation des
Assises et qui a insisté dans ses conclusions sur la nécessité de créer ou renforcer le maillage entre les différents acteurs du tourisme notamment sur les pôles d'attractivité de second niveau.
Je crois que nous avons moins besoin d’un réceptif d’envergure nationale, que d’un « système réceptif » d’envergure nationale. Il faut structurer l’accessibilité à
l’offre, et cela passe notamment par un travail de normalisation et d’agrégation des offres. Une offre plus lisible serait un avantage compétitif indéniable pour la
destination, par essence riche et diverse, qu’est la France.
Sur un point, vous avez été particulièrement précis :
l’indispensable réforme du classement hôtelier, dont la
création d’une cinquième étoile hautement souhaitable pour la clientèle étrangère. Mais les solutions
envisagées semblent marquer une claire volonté de
désengagement de l’Etat : classement volontaire, coûts
transférés aux professionnels, validation également
onéreuse… Ne craignez-vous pas que déléguer ainsi le
classement à des entreprises privées, c’est ouvrir la
porte à l’arbitraire, à l’injustice, au doute quant à sa
fiabilité ?
Je n’ai aucune crainte à ce sujet car l’Etat restera le garant du bon fonctionnement du système. Toutes les mesures que vous évoquez n’ont qu’un seul but : moderniser l’offre hôtelière française. Cette évolution était
indispensable car notre parc ne répond plus aux exigences de la clientèle, notamment étrangère. Et il était
absolument indispensable et urgent de changer le système actuel. Voyons la situation en face : la grille des critères date de 1986, elle est devenue totalement obsolète et son application n’est pas suffisamment contrôlée.
Pourquoi ? Parce que le parc hôtelier possède plus de
650 000 chambres et qu’il est matériellement impossible
d’en assurer un suivi efficace. Cela signifie qu’un hôtel
pouvait obtenir une étoile et vivre de cette rente pendant 20 ans sans évoluer, sans rénover, sans s’adapter
aux nouvelles demandes des touristes. L’accueil pouvait
être déplorable, cela n’avait aucune importance puisque
ce critère n’était pas pris en compte. En d’autres termes,
le classement actuel revenait à favoriser l’immobilisme
en n’incitant pas à investir pour moderniser l’offre. J’ai
donc décidé tout d’abord de moderniser la grille des critères de classement des hébergements touristiques, pour
mettre l’offre en adéquation avec une demande qui a
considérablement évolué. Nous y travaillons avec le secteur hôtelier… et j’insiste sur ce point. Les professionnels du tourisme, qui sont les mieux à même de définir
les attentes des touristes nous ont fait des propositions.
Nous les avons étudiées et amendées. J’ai également souhaité que le classement ne soit plus délivré une fois pour
toutes mais remis en cause tous les 3 à 5 ans sur la base
d’une visite. Tout simplement parce que sans cela, rien
n’incitera les hôteliers à se remettre en permanence à
niveau. L’objectif est clair : il faudra mériter son classement, pour que les étoiles redeviennent véritablement
un gage de qualité. Les visites seront effectuées par des
professionnels qui auront notamment pour mission de
mesurer des critères plus subjectifs, tels que l’accueil ou
la propreté. Et si les visites seront effectivement déléguées à des opérateurs, l’Etat conservera son rôle d’arbitre et garantira la qualité des prestations fournies. Grâce à toutes ces mesures, le parc hôtelier français va enfin
pouvoir se moderniser. L’Etat doit accompagner les professionnels dans cette démarche, c’est pourquoi j’ai demandé à la Caisse des Dépôts et à Oséo de concevoir des
outils qui aideront à rénover l’offre hôtelière pour les
PME.
J’aimerais enfin revenir sur une des innovations majeures
introduites par le nouveau référentiel. Comme vous l’avez
indiqué, la clientèle étrangère est particulièrement sensible à la catégorie « 5 étoiles » et son absence nous pénalisait en rendant notre offre peu lisible à l’international. Ces hôtels haut de gamme auront enfin un statut.
L’expérimentation des critères de classement hôtelier
doit être lancée, avez-vous promis, dans une dizaine de
départements dès cette rentrée. Quel est le calendrier
de la réforme ?
Le calendrier de la réforme passe par 3 étapes. Depuis le
printemps 2008, l’administration du Tourisme travaille
sur les critères proposés par les fédérations de l’hôtellerie. Et il y en a plus de 300. Ces critères de classement
devraient être finalisés à la fin de l’année, après avoir été
examinés avec les acteurs de la filière pour s’assurer
qu’ils sont adaptés à la situation des hôtels et qu’ils répondent bien à la demande des clients. Dès 2009 seront
mises en place des nouvelles structures de classement
(procédure, organe de pilotage, accréditation des consultants qui feront les visites dans les établissements), accompagnées par une communication forte sur le nouveau classement, et la mise en place des procédures de
financement des montées en gamme de l'hôtellerie. A
l’horizon 2010 – 2012, le classement de tous les hôtels
volontaires entrera en vigueur.
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A Nice, en compagnie de Christian Estrosi.
Thème : « Pistes d’évolution du décret plage de 2006 »
L’étude qui vous a été livrée récemment par ODIT
France relève très justement que de nouvelles dessertes aériennes en province ne se mettront en place
que si les territoires sont attractifs et leur offre diversifiée. Comment pensez-vous stimuler de nouvelles
offres, l’Etat doit-il s’engager – ou les Régions ? – ou
faut-il laisser l’initiative au seul secteur privé au
risque de n’être pas satisfaits ?
Vous me donnez l’occasion de rappeler les raisons qui
m’ont conduit à demander ce rapport. L’amélioration de
l’accessibilité des territoires, qui pourrait passer par le
transport aérien, est l’un des points majeurs du plan
« Destination France 2020 ». Ce rapport se veut un outil qui permettra à l’ensemble des acteurs concernés par
le tourisme, qu’ils soient publics ou privés, de saisir
toutes les opportunités induites par le développement
du transport aérien. Et c’est un enjeu véritablement central en raison de l’importance des dessertes aériennes
pour nos marchés prioritaires, marqués par une forte
croissance, et notamment aux touristes en provenance
des BRICM (Brésil, Russie, Inde, Chine et Mexique) et
aux seniors européens.
Vous avez souligné une conclusion essentielle de l’étude : c’est plutôt l’offre touristique et sa diversification
qui doivent faire l’objet d’un développement prioritaire
pour rendre les territoires attractifs à cette clientèle et
donc aux compagnies aériennes.
Je suis convaincu que c’est l’organisation de contrats de
destination mettant en cohérence le transport avec l’hébergement, les activités et l’attractivité naturelle du territoire qui permettra de développer les composantes de
l’offre touristique en évaluant le potentiel touristique
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gouvernementale : Hervé Novelli, secrétaire d’État au Tourisme
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Vous avez été, au cours des dernières semaines, destinataire de deux rapports importants rédigés par JeanJacques Descamps pour l’un, Jean-Michel Couve pour
l’autre. Quelle suite pouvez-vous donner à quelquesunes de leurs suggestions les plus marquantes : les
pôles d’excellence pour Descamps (formationrecherche-innovation tourisme) ; et, pour Couve, des
statistiques enfin conformes aux normes internationales des Comptes satellites du Tourisme, et des
Chèques-Vacances ouverts aux PME-PMI ?
Le rapport que m’a remis Jean-Jacques Descamps
contient de nombreuses suggestions très intéressantes
notamment pour améliorer le fonctionnement de la formation et du marché de l’emploi dans le tourisme. Je
fais mienne la plupart de ses analyses et propositions et
nous y travaillons.
A l’Armada de Rouen, en compagnie de Patrick Herr,
son président. Thème : « Le tourisme événementiel »
réel et en fédérant tous les acteurs, privés, publics et institutionnels autour d’un projet partagé. L’impulsion des
acteurs publics, à commencer par les élus territoriaux,
est un facteur clé. Souvent, c’est leur vision et leur ténacité qui sont à l’origine de grandes réussites. Toutefois, pour assurer la qualité des équipements dans le
temps, la pérennité des modèles économiques et la commercialisation, les acteurs privés ont un rôle indispensable, et il faut les intégrer le plus en amont possible.
Pour insérer un sourire dans cet entretien, permettezmoi de vous rapporter les observations faites par
quelques amis dirigeants touristiques dans des pays du
Sud de la Méditerranée : ils trouvent que le dessin de
notre Marianne accompagnant le slogan « RendezVous en France » l’a dotée d’attributs mammaires
assez provocants, dans leur nudité… pour des musulmans. Est-ce votre sentiment ?
Le logo de la marque France que nous vous avons présenté était une première esquisse. Nous travaillons actuellement sur sa version totalement définitive qui pourrait être adaptée aux sensibilités culturelles de chaque
pays. Puisque vous m’interrogez sur ce logo, j’aimerais
tout de même rappeler que cette initiative est une première. Avec la création de la marque France, notre pays
possède un formidable vecteur de communication, à
même d’incarner les valeurs d’accueil et d’élégance qui
font la force et l’attractivité de notre pays. Ce logo et sa
signature « Rendez-vous en France » permettront à
notre pays de développer une image forte, identifiable et
cohérente auprès des touristes étrangers.
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En ce qui concerne les statistiques, sujet technique mais
important, je tiens d’abord à rappeler que toutes les statistiques, publications et concepts utilisés en France sont
strictement conformes aux recommandations internationales de l'Organisation mondiale du tourisme, en
termes de définitions et de variables utilisées. S’agissant
des comptes satellites du tourisme, la France, comme
de nombreux pays d’ailleurs, est en train de refondre ses
comptes pour les faire correspondre aux nouvelles
normes internationales proposées au début des années
2000 sous l’égide de l’OMT, de l’OCDE et d’Eurostat. Mais
de toute manière, ce qui importe en matière de statistique, c’est l’usage qu’on en fait et le moment où les
chiffres sont disponibles. Car pour faire de l’intelligence économique efficace, pour pouvoir réagir aux évolutions de la conjoncture, il faut les outils de réaction aux
chiffres.
Pour parvenir à cet objectif, je souhaite par exemple développer un partenariat avec les régions qui ont mis en
place des outils efficaces et complémentaires d’observation.
Vous évoquiez enfin les chèques vacances, et ce sujet me
tient particulièrement à cœur. Je vais proposer très rapidement un dispositif qui permette une diffusion beaucoup plus importante du chèque vacances dans les entreprises de moins de 50 salariés. En effet, trois millions
de salariés bénéficient de chèques pour partir en vacances et parmi eux seul 1 % travaillent dans des entreprises de moins de 50 salariés. J’ai donc souhaité rétablir l’équilibre en fixant, en accord avec le Directeur
général de l’ANCV, Philippe Kaspi, un objectif ambitieux
de 500 000 bénéficiaires dans les entreprises de moins
de 50 salariés à horizon 2010.
Quelques questions rapides. D’abord, les DOM-TOM :
ces départements et territoires sont confrontés à la
concurrence de destinations voisines aux charges salariales si nettement moins élevées que les prix de vente
que cela leur autorise, très réduits par comparaison
avec les nôtres, portent un grave préjudice à la fréquentation touristique des DOM-TOM. Qu’est-il possible de faire ? Sur quels critères se battre pour ne pas
être éliminés du marché ?
Nous avons fait le point sur ces sujets lors des Assises du
tourisme à la Réunion le 12 septembre dernier avec tous
les acteurs du secteur. Vous soulignez le différentiel de
coût d’exploitation avec les destinations concurrentes,
mais il existe aussi un différentiel d’offre qui permettrait
une différenciation en misant notamment sur la qualité des sites, de l’hébergement, du respect de la nature
propices au développement d’un tourisme durable. Tous
les territoires touristiques du pays subissent la concurrence, et si les territoires outre-mer y sont particulièrement sensibles pour les raisons que vous évoquez,
d’autres raisons ont trait à la nature de leur offre. L’équation est simple : à défaut d’être le moins cher, il faut être
le meilleur. Le tourisme Long Courrier impose des coûts
de transport élevés en provenance des marchés européens. Le produit attendu par ces clientèles qui sont par
nature de plus en plus exigeantes doit correspondre au
millimètre à leurs attentes. Ce qu’il faut favoriser, c’est
la structuration d’une offre de qualité. Cela impose à nos
destinations d’avoir un positionnement fort et original
créant l’urgence de la visite.
Dans le domaine du tourisme social, quel avenir dessinez-vous pour la Bourse Solidarité Vacances ?
La Bourse Solidarité Vacances est un projet important
qui met en relation des offres de séjours et des associations de personnes en difficultés. Bourse Solidarité Vacances est une idée généreuse : inciter les professionnels du tourisme, du secteur marchand comme du
secteur associatif, à proposer des offres de séjours à des
prix « solidaires », assorties de tarifs de train très favorables proposés par la SNCF, pour les mettre à disposition d’associations caritatives et de collectivités locales
qui pourront ainsi faire partir à un prix modique des familles en grande difficulté sociale. Ainsi, chaque année,
plus de 8 000 personnes bénéficient de BSV, dont la moitié sont des familles monoparentales. En 2006, ce programme a été intégré à l’ANCV pour lui donner plus de
synergie avec les autres programmes d’action sociale de
l’Agence. Cela a déjà permis de recentrer son bénéfice
sur les familles qui en ont le plus besoin et d’accroître
l’offre. Comme vous pouvez le constater, c’est une action essentielle, qui change le quotidien de milliers de
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Sur le site de la Citadelle Vauban de Belle-Ile.
Thème : « Le patrimoine culturel »
familles, il mérite donc d’être soutenu.
J’ai décidé par ailleurs de lancer une nouvelle politique
du tourisme social, en concertation avec tous les acteurs
concernés. Je les réunirai prochainement pour leur proposer une méthode de travail et un calendrier : la définition de grandes orientations en mars 2009 puis une
valorisation détaillée lors des prochaines Assises nationales du tourisme.
On parle beaucoup de tourisme solidaire et durable. Ce
qui n’est actuellement qu’une belle idée deviendra certainement, dans un futur proche, un critère essentiel
de choix. Quelles dispositions prendre pour préparer le
tourisme français à cette nouvelle donne ?
Ce n’est pas qu’une belle idée, c’est un défi que nous ne
pouvons pas nous permettre de laisser passer. D’abord
en France : si je souhaite y développer encore le tourisme, ce ne peut être dans des conditions dégradant les
sites et les paysages. Ensuite à l’étranger : je suis aussi
le ministre de la profession des tour-opérateurs et, à ce
titre, j’ai une responsabilité pour organiser avec eux un
tourisme responsable, éthique. La France, première destination mondiale, se doit d’être un exemple et un diffuseur de technologies et de concepts adaptés à l’enjeu.
Au niveau des services de l’Etat, la réflexion sur le tourisme durable est notamment menée par le Comité français pour le développement durable du tourisme, dans
le cadre du mandat que lui a confié le président de la
« Task force » internationale de l’Organisation mondiale du tourisme. La Task force internationale sur le tourisme durable a tenu sa 4e réunion au Costa Rica au mois
de juin dernier. La délégation française y a présenté une
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importante contribution consacrée aux « Réalités de
l'impact des coûts du développement durable pour les
entreprises touristiques ».
L’administration du Tourisme est également présente
dans nombre d’initiatives et réflexions interministérielles, comme celle qui actuellement se penche sur l’impact du changement climatique. Mais elle est également
associée aux initiatives que lancent les partenaires privés ou institutionnels dans le domaine du tourisme solidaire et durable. Nous sommes ainsi partenaires des
démarches Opération Grands Sites pour la mise en valeur durable de grands sites touristiques équilibrant tourisme et protection, d’Ethic Etapes pour les centres d’accueil de jeunes ou encore de
Chouette Nature pour les villages
en images
de vacances associatifs et bien
d’autres initiatives encore.
Enfin, dans le cadre de la réforme
du classement des hébergements
touristiques marchands est prévue
l’introduction dans les critères
pour obtenir les étoiles des obligations relatives au développement
durable. Nous réfléchissons également à l’intégration de critères
plus exigeants encore dans le
cadre du Plan Qualité Tourisme.
losophie-même de la structuration de notre régime juridique de la vente de voyages et séjours.
Et ce pour plusieurs raisons. D’abord, parce que la directive Services, qui doit être transposée avant décembre
2009, imposera des modifications significatives du droit
de la vente de voyages en France, en particulier la suppression du principe d’exclusivité de l’activité d’agent de
voyages, qui était jusqu’à présent l’un des fondamentaux
de notre droit. Elle impose aussi la modification, au minimum, de la composition des Commissions départementales d'action touristique puisque la directive interdit qu’un « opérateur concurrent » (c’est à dire un
concurrent, un agent de voyages
siégeant dans le département) ait
son mot à dire dans la délivrance
d’une autorisation d’exercer pour
un nouvel entrant sur le marché.
La philosophie générale du texte
est à la réduction de toutes les
barrières (à l’entrée d’une profession) qui ne répondraient pas à
des objectifs d’intérêt général dûment identifiés et justifiés. C’est
une véritable opportunité d’évolution pour le secteur, et un défi à
relever. Il en va d’ailleurs de notre
compétitivité car si nous ne nous
Venons-en, pour terminer, aux
adaptons pas à temps, la concuragents de voyages et à leurs prinrence communautaire le fera pour
cipales préoccupations, que je
nous, par le biais de la libre presrappelle sans avoir la prétention
tation de services qu’organise la
d’être exhaustif : concurrence démême directive.
loyale d’organismes publics et
Ensuite, parce que la commission
d’officines qui n’ont pas les
européenne a lancé un processus
mêmes obligations, responsabilide réforme de la directive de 1990
té exorbitante des agences,
« vente de voyages à forfait » qui
Présentation de la marque France
concurrence déséquilibrée par
est l’une des composantes de
aux Assises du Tourisme
rapport aux agences étrangères,
notre droit du voyage. Il semble noventes de produits accessoires du
tamment que la notion de « forfait
voyage en agence…
dynamique » doive y être intégrée, et rien n’interdit bien
J’ai lancé, le 23 juillet dernier, une vaste réflexion sur sûr qu’on la devance dans ses travaux, sur ce thème coml’évolution du régime juridique de la vente de voyages me sur d’autres.
en France. Ainsi, toutes les questions que vous posez Force est de constater que notre droit actuel n’est pas
quant au droit communautaire du voyage, au régime de adapté à des produits et pratiques nouveaux : coffrets
responsabilité des agences de voyages, à la lutte contre voyages, construction directe de son voyage sur internet
le paracommercialisme, etc. seront mises sur la table et par le client, affrètement de vols charters par des agences
étudiées. Ces travaux de réforme sont nécessités par un de voyages qui parfois ne tiennent pas le choc éconocontexte nouveau. Il ne s’agit plus aujourd’hui de rédi- mique, vente de prestations touristiques par des opérager le décret d’application de l’ordonnance de 2005 sur teurs publics interdépartementaux ou interrégionaux, etc.
la vente de voyages, ou un autre. Il s’agit de repenser la
loi. Et pour y parvenir, il convient de réinterroger la phi- Si le droit n’est pas adapté, il faut le faire évoluer ! ■
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STRATÉGOS 37
I
AUTOMNE 2008
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