Cinéma latino-américain – analyse du film La Nina

Transcription

Cinéma latino-américain – analyse du film La Nina
UNIVERSITÉ MICHEL DE MONTAIGNE
BORDEAUX 3
FONDÉE EN 1441
ARTS
Cinéma et Audiovisuel
MASTER RECHERCHE M1
Approches Interculturelles du Cinéma
DOSSIER
CINÉMA LATINOAMÉRICAIN
« Memoire et Identité »
SOUS LA DIRECTION DE
Laurence Mullaly
L’analyse de
La Niña Santa
Un film de Lucrecia Martel
PAR
Sahira Schisell Joaquín Mena
Colin Baguet
À PESSAC, FRANCE
Le 17 mars 2014
1
SOMMAIRE
INTRODUCTION
Le renouveau du cinéma latino-américain.........................................
Lucrecia Martel : une enfant de Salta................................................
La Niña Santa : fiche technique et artistique.....................................
L’histoire.............................................................................................
Corps et sexualité...............................................................................
ANALYSES
Le contexte du film.............................................................................
Le titre................................................................................................
Les génériques de début....................................................................
Les poèmes de Sainte Thérèse de Jésus.............................................
Séquence 1 :.................................................................................
1) La vocation (0:06:00-0:07:00)....................................................
2) L'appel de Dieu (0:09:34-0:11:12).............................................
Séquence 2 :.................................................................................
1)Regards dans la piscine (1:23:12-1:24-08) .................................
2)Josefina et son cousin (1:24:09-1:25:25)....................................
3)Amalia pardonne au Dr Jano (1:25:26-1:28:38).........................
Personnages.......................................................................................
L’esthétique du film ...........................................................................
La photographie et l’idée du mouvement..........................................
Le son.................................................................................................
Récompenses pour La Niña Santa......................................................
CONCLUSION
ANNEXE
REFERENCES BIBLIGRAPHIQUES.........................................................
NUMÉRIQUE.......................................................................................
FILMOGRAPHIE...................................................................................
2
« El pensamiento es una cosa corrosiva. Es algo en si
destructivo. Construye y destruye, construye y
destruye. Pero en ese proceso corrosivo no es una
cosa que pueda evaluarse en poco tiempo. Mi cine
es así, un fragmento de un proceso de pensamiento.
Ni siquiera es un pensamiento, sólo un proceso. Es el
proceso de pensar sobre alguna cosa. Y eso es una
cosa que esta suelta, y esta viva, porque no es un
pensamiento terminado. »
Lucrecia Martel, en Argentine, 2006
Traduction
« La pensée est une chose corrosive. C'est quelque chose de si
destructeur. Construire et détruire, construire et détruire. Mais
ce processus de corrosion n'est pas quelque chose qui peut être
évalué rapidement. Mon film est donc un fragment d'un
processus de pensée. Ce n'est même pas une pensée, seul un
processus. C'est le processus de penser à quelque chose. Et c'est
quelque chose qui est lâche, et qui est en vie, ce n'est pas une
pensée complète. »
Lucrecia Martel, en Argentine, 2006
3
INTRODUCTION
LE RENOUVEAU DU CINÉMA LATINO-AMÉRICAIN
Le cinéma, comme moyen d’expression, a servi aux pays d’’Amérique Latine
à exprimer leurs points de vue sur la réalité sociale et culturelle. Si on parle d’un
cinéma du continent latino-américain, on doit parler de l’influence du mélodrame, de
la réactualisation des relations de genres (sociaux et sexuels) qui se font sous une
domination masculine et une soumission féminine et, bien sûr, sous l’influence
religieuse primordialement catholique. Chaque pays a pris des éléments pour trouver
une forme particulière d’exprimer son identité ou d’aller à la rencontre de sa
mémoire. Par exemple, le surréalisme au Mexique ou le cinéma d’essai au Brésil.
En Argentine, une nouvelle frange de jeunes réalisateurs argentins émerge et
constitue le NCA (nouveau cinéma argentin) à partir de la fin des années 1990 . Leurs
films vont évoquer l'histoire douloureuse du pays et à l'identité argentine pendant la
dictature, mais aussi après (et les nombreuses séquelles, sur l'économie du pays
notamment). Avec des budgets dérisoires, ils vont ad la lutte des classes (bourgeoisie
et classes moyennes. Ils vont rompre avec les codes du cinéma national d'alors, avec
un retour au réalisme et à la (d'ailleurs ces films s'éloignent pour la plupart de la
capitale Buenos Aires. Parmi ces chefs de file on peut citer Adrian Caetano (Pizza,
Birra, Faso, Un oso rojo, Lisandro Alonso (La Libertad, Los Muertos),Carlos Sorin
(Bombon el perro) et bien sûr Lucrecia Martel.
LUCRECIA MARTEL : UNE ENFANT DE SALTA
La réalisatrice argentine est née en 1966 à Salta,
dans la province du même nom située au nord de
l'Argentine. Dans son adolescence, elle va connaître les
affres de la dictature militaire de 1976 à 1983. Dernier
pays du Cône Sud (après le Paraguay, le Chili et l'Uruguay)
à basculer sous la dictature, l'Argentine va baigner dans
une politique de ségrégation et d'une division des classes
et des communautés.
Soutenu par l'église catholique, le putsch du 24
mars 1976 par le général Videla a rapidement eu comme
conséquences de rétablir un ordre moral chrétien strict
dans tout le pays. Martel a étudié à l'école catholique de l'ordre du Carmel. Cette
enfance sous le joug religieux a fortement influencé sa manière de réaliser ses films,
gorgés de mysticisme et de métaphores religieuses. Ces films ont une valeur quasi-
4
autobiographique pour Martel : elle met en scène ses propres expériences,
notamment au niveau de l'éducation religieuse
Elle a gardé une relation toute particulière avec sa province natale puisque
ses 3 films y ont été tournés. D’ailleurs l'hôtel thermal où se déroule La Niña Santa
est d'ailleurs le même où la jeune Lucrecia Martel séjournait quelquefois dans sa
jeunesse. C'est à l'âge de 20 ans que Martel part pour Buenos Aires, la capitale
argentine, étudier à l'Avex (Avellaneda Experimental) et à l'Enerc (Centre
Expérimental de l'Institut National de Cinéma). Elle fait ses preuves en réalisant des
courts métrages de 1988 à 1994. Elle passe ensuite au documentaire et collabore
pour la télévision argentine en y réalisant des programmes de 1996 à 1999.
Principale figure féminine de cette nouvelle génération de réalisateurs
argentins, Lucrecia Martel a ensuite réalisé ce qu'on peut appeler sa trilogie de Salta
(La Ciénaga en 2001, La Niña Santa en 2004, La Mujer sin Cabeza en 2008). Ces 3
films ont pour but de développer une critique acerbe une classe moyenne inefficace
et une bourgeoisie pathétique. A travers une structure narrative complexe et mêlées,
Martel. La patte de la réalisatrice se traduit à l'écran par tout un panel symbolique,
de métaphores religieuses, avec une bande-son travaillée . La chaleur, l'eau, les sons,
les miroirs (du corps et de l'âme) sont autant de thèmes communs à tous ses films.
Elle filme ses acteurs au plus près d'eux, à fleur de peau, pour capter leurs
sentiments troubles et ambigus. Sa caméra s'immisce à un moment charnière de
l'existence de ses personnages : Martel élabore son récit sans introduction ni
conclusion et ses personnages continueront à vivre après cette sorte de parenthèse
filmique.
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LA NINA SANTA: FICHE TECHNIQUE ET ARTISTIQUE
FICHE TECHNIQUE
Réalisateur
Scénariste
Domenech
Producteurs
Urtizberea
Pays
PB
Version originale
Format
Format son
Catégorie
Genre
Durée
Année de production
Année de sortie
Photographie
Costumes
Producteur exécutif
Sociétés de production
Lucrecia Martel
Lucrecia Martel, JP
Lita Stantic, Alvaro
Argentine, Espagne, Italie,
Budget
Lieu de tournage
Espagnol
35 mm, Couleur (kodak)
Dolby Digital DTS
Fiction
Drame
106 minutes
2003
15 septembre 2004 (France)
Félix Monti
Julio Suárez
Pedro Almodóvar, Agustín Almodóvar, Esther García
Lita Stantic Producciones SA, El Deseo DA.SLU, La
Pasionaria SRL, S&C Produzioni SRL et Hubert Bals Fund.
1,400,000 $ (estimation)
La Ciénaga, Salta - Argentine
FICHE ARTISTIQUE
Mercedes Morán
Carlos Belloso
María Alche
Julieta Zylberberg
Alejandro Urdapilleta
Mía Maestro
Marta Lubos
Arturo Goetz
Alejo Mango
Mónica Villa
Leandro Stivelman
Manuel Schaller
Helena
Dr. Jano
Amalia
Josefina
Freddy
Inés
Mirta
Dr. Vesalio
Dr. Cuesta
Mère de Josefina
Julián
Joueur de thérémine
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L’HISTOIRE
Lucrecia Martel, dans son second film, approfondit son univers d’une manière
bien particulière. Tourné dans l’hiver à la Ciénaga, province de Salta en Argentine,
elle met en scène deux adolescentes qui interrogent leur rapport à la religion et au
désir sexuel.
La Nina santa s'ouvre sur une prière chantée à ses élèves par une professeur
de catéchisme émue jusqu'aux larmes. La beauté de sa voix parvient sans difficulté
jusqu'à nous et cela suffit pour comprendre le peu de polémique que Martel engage
avec la foi qu’inscrit l'érotisme sur le visage d'Amalia. Depuis ce moment, Amalia et
Josefina, filles pieuses, découvrent leurs désirs. Elles évoquent leurs premières
attirances pour les garçons, aussi les premiers baisers échangés.
Amalia vit dans un vieil hôtel avec sa mère divorcée et sont oncle . La
rencontre fortuite d'Amalia et du docteur Jano, venu à l'hôtel assister à un congrès
médical, permet à la jeune fille de mettre à l'épreuve sa vocation: sauver un homme
du péché. Amalia va mettre sa foi à l'épreuve en essayant de sauver un homme du
pêché : un respectable médecin de province qui va perdre ses illusions.
CORPS ET SEXUALITE
Le film va faire s'entremêler les différentes attirances sexuelles des
personnages. Un sentiment d'érotisme traverse tout le film, sans pour autant
montrer frontalement les choses. Il est bien évidemment question de l'identité
sexuelle au sein d'un environnement feutré et strict.
Martel nous fait suivre les désirs d'Amalia, une jeune religieuse croyant que
Dieu l'a appelé pour sauver l'âme tourmentée et pervertie du docteur Jano, en
apparence un respectable père de famille. Cependant si la vocation d'Amalia est
avant tout religieuse au premier abord, cette mission va se transformer en quête son
identité sexuelle (au cours du film elle va donc être attirée par ce fameux Jano, se
masturber dans son lit, ou encore embrasser son amie Josefina).
Le film laisse le spectateur s'interroger si la jeune fille est guidée par son plan
divin ou bien au contraire par ses propres désirs. L'appel de Dieu ou la tentation
diabolique le questionnement autour de la limite entre le bien et le mal est
perpétuel, sans toutefois trancher et laisser une nouvelle fois le spectateur dans
l'expectative afin qu'il puise se forger sa propre opinion.
Le corps et la sexualité sont représentés ici comme des lieux de conflit. Dans
le film on voit diverses formes de représentation du corps et de la sexualité des
femmes. Dans le film, ces corps deviennent souffrants, remplis des symptômes
d'intentionnalités inconscientes, où les personnages souffrent en permanence de
réminiscences et où les femmes, plus particulièrement, donnent le change en
modelant leur désir sur celui du sujet qui va les élire de manière imprudente.
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ANALYSES
CONTEXTUALISATION
Le film se déroule donc à la Ciènaga. Dans les années 80, l’Argentine connut de
graves difficultés économiques et financières, conséquences de la dictature. Comme
expliqué précédemment, la religion catholique jouait un rôle très important dans la
politique et le droit, avec une politique d’endoctrinement à l’échelle nationale. Ainsi
avant que la Constitution ne soit modifiée en 1994, les deux plus hauts dirigeants du
pays devaient absolument être catholiques. Conséquences de cette éducation
religieuse de masse : aujourd’hui 90 % des Argentins sont catholiques. Lucrecia
Martel elle-même a étudié dans une école catholique de l’ordre des Carmélites et
c’est d’ailleurs pour cela qu’on voit des références de Sainte Thérèse d’Avila dans le
film.
LE TITRE
La Niña Santa (qui au final ne se révèle pas si sainte) est une réflexion sur les
interdits et l’hypocrisie religieuse. Intituler ce film de cette manière est ironique et
combine ce mélange interdit détonnant de sexe et religion, entre grandir avec la
culpabilité d’une action négative et prier pour se purifier de tout péché éventuel.
LES GÉNÉRIQUES DE DÉBUT
On note dans le générique une proéminence des des couleurs bleues et
jaunes. Comme le ciel bleu ou la mer qui ouvre les horizons, le bleu et ses nuances
sont une couleur étroitement liée au rêve, à la sagesse, à la sérénité et à la foi. Le
bleu est l'écho de la vie, du voyage et des découvertes au sens propre et figuré
(introspection personnelle). Le bleu est symbole de vérité, comme l'eau limpide qui
ne peut rien cacher.
De son côté, le jaune peut parfois se révéler négatif donc il est associé aux
traîtres, à l'adultère et au mensonge, le jaune est une couleur qui mêle les
contrastes.
Dans les génériques
de début, on voit que les
lettres trouvent des autres
lettres. Cela pour dire que on
doit trouver les autres pour
les sauver des péchés. Dans
l’école
catholique
est
obligatoire le cours de
religion et là se parle de la
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vocation pour se sanctifier: on doit sauver l’âme pour sauver le corps. Selon la
promise de jésus, si nous sauvons notre âme, on va ressusciter comme Jésus, le fils
de Dieu.
Les paroles La Niña
Santa qui se tombe du ciel.
Notons que seul les saints se
tombent du ciel car il sont dans
la “ grâce de Dieu ”. Mais au
même temps cela eut dire que
se tomber est être dans le
pêché.
En général, le plan dit à
l’avance ce qui va se passer,
mais de manière métaphorique.
La Chanson qu’on écoute, avec le piano, est une poème de Santa Teresa de
Jesús ou D’Avila qui s’appel : Vuestra soy, para Vos nací (Je suis votre, pour vos je
suis née). C’est un poème sur la vocation dans la vie.
LES POÈMES DE SAINTE THÉRÈSE DE JÉSUS
Thérèse d'Ávila, est une sainte catholique et une
réformatrice monastique du XVIe siècle. Elle est connue
pour ses réformes des couvents carmélites et est
considérée comme une figure majeure de la spiritualité
chrétienne, en plus d'avoir été la première femme
reconnue comme docteur de l'Église catholique. Elle a
écrit des poèmes sur la vocation, la prière et la sainteté.
Dans le générique du début et la scène du catéchisme, il
y a des extraits de la poésie de Sainte Thérèse de Jésus.
(Extrait premier paragraphe)
Vuestra soy, para Vos nací
¿Qué mandáis hacer de mí? Soberana Majestad,
eterna Sabiduría
Vuestra soy, para Vos nací:
¿Qué mandáis hacer de mí?
Soberana Majestad, eterna Sabiduría,
Bondad buena al alma mía;
Dios, Alteza, un Ser, Bondad:
La gran vileza mirad,
que hoy os canta amor así.
Traduction
Je suis votre, pour vous je suis née
Je suis votre, pour vous je suis née:
Qu’ordonnez-vous qu’il soit fait de moi,
Seigneur?
Souveraine Majesté, eternelle sagesse,
Bonté douce à mon âme,
O Dieu, être unique, bonté et grandeur.
Voyez l’extrême bassesse,
qui en ce jour vous chante ainsi.
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(Extrait quatrième paragraphe)
Oremos Himno (Láudes)
Dadme riqueza o pobreza,
dad consuelo o desconsuelo,
dadme la alegría o tristeza,
dadme infierno o dadme cielo,
vida dulce, sol sin velo,
pues del todo me rendí.
¿Qué mandais hacer de mí?
Traduction
Nous Prions Hymne (Laudes)
Donnez-moi richesse ou pauvreté.
tion confort ou confort ou de douleur,
donnez-moi la joie ou de tristesse,
Donnez-moi l’enfer ou donnez-moi le ciel,
vie doux,m soleil sans voile,
puisque je me suis rendue à merci,
Qu’ordonnez-vous qu’il soit fait de moi?
SÉQUENCE 1 :
Il s’agit des premières
minutes du film. Elles sont
essentiellement consacrées à
trois scènes : Inés donne le
cours de catéchisme où
Amalia connais le signifie de
la vocation, Helena dans le
restaurant du Hôtel et la
decouvert du thérémine
quand le Dr Jano se pose
derrière d’Amalia de façon
explicite sexuellement, en se
collant à elle.
1) LA VOCATION (0:06:00-0:07:00)
La séquence s’ouvre sur un gros plan qui montre eux élèves du cours de catéchisme,
Amalia (María Alche) et Jose (Julieta Zylberberg), en regardant attentivement
l’enseignant qui les parle de la vocation et l'appel de Dieu. À ce moment Amelia
apprend que grâce à la vocation elle pourra sauver une personne et, par conséquent,
se sauver elle même.
Lucrecia Martel déconstruit
et reconstruit l'espace en
permanence. Habituellement,
les emplacements au sein de
cette forme et exploiter les
personnages sont très imprécis
et
complexe.
Cela
est
essentiellement dû à la façon
de
filmer du cinéaste opte pour les gros
plans,
elle
n’insiste jamais sur la définition des espaces pour
identifier
et introduire le spectateur dans l'histoire.
Rapidement au contraire,
elle désoriente le spectateur, qui va tarder à rentrer dans l'histoire. Par exemple on
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ne saura jamias pas où le cours de
catéchisme se déroule.
Au moment où Inés
parle de l’appel de Dieu, on
entend le son du thérémine venant de l'extérieur.
Dans ce séquence se montre le système de
croyance à laquelle les élèves sont
soumis
pour garder les valeurs religieuses
comme
paramètres du comportement, sans choix ou la
reconnaissance d'autres valeurs en dehors de chrétiens. La confusion sur l’appel
de Dieu est la même désorientation du spectateur avec le gros plan et la
fragmentation des corps dans le cadre.
Le visage d’Amalia nous montre l’ambivalence vécue par cette adolescente,
lorsque ses convictions religieuses et l'éveil de sa sexualité sont dans le conflit et la
justification mutuel. Le mysticisme et le sensuel. Amalia prie avec sa amie Josefina.
Elle fait des efforts pour effacer les têtes de leurs fantasmes adolescents de l'éveil
sexuel.
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2) L'APPEL DE DIEU (0:09:34-0:11:12)
Un homme joue le thérémine1. On trouve un plan
crée une certaine intimité avec le personnage, celui-ci
cadre montre la main droite de homme de la même
main de Jésus: c”est la Divine Miséricorde.
Voici une métaphore de l’appel
l'appel (des enfants, les anciens et les
sans écouter. Dans la foule, Amalia
instrument magnétique. Son visage
Le Dr Jano se pose derrière
sexuellement, en se collant à elle.
quelques secondes de confusion,
elle a repéré le visage du
personnage
et
interprète
l'épisode de violence comme une
chose mystique, un signal
divine. À ce moment elle
découvre sa vocation : sauver
le Dr. Jano.
rapproché qui
parait accessible. Le
façon qu’on trouve la
de Dieu : certains
entendent
jeunes), d'autres suivront longtemps
s’approche pour voir l’étrange
montre une dualité
elle
de
Amelia se
façon
tourne
explicite
et après
Ce mélange unique de
séduction et de mise à
distance, de tentation et de
dépit, contribue ainsi à
conférer à ce très beau film sa
forme singulière.
C’est intéressant de
regarder que l'extérieur, dans
les films de Martel, est
synonyme de danger. Et ce
harcèlement
sexuel
dans
lequel Amalia est victime se
déroule dans un espace qu’on
ne reconnaît pas mais on sais
qui se trouve à l'extérieur peutêtre d'hôtel ou du Catéchisme.
SEQUENCE 2 :
1 Un des plus anciens instruments de musique électronique inventé par Lev Sergeivitch en 1919, l'instrument a la particularité
de produire de la musique sans être touché par l’instrumentiste. Se compose d’un boîtier électronique équipé de deux
antennes, Dans sa version la plus répandue, la main droite commande la hauteur de la note, en faisant varier sa distance par
rapport à l’antenne verticale. L’antenne horizontale, en forme de boucle, est utilisée pour faire varier le volume selon sa
distance par rapport à la main gauche.
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Cette séquence se situe peu avant la fin du film. On peut la découper en 3
scènes distinctes, avec notamment 3 unités de lieu différentes (piscine thermale →
chambre de la grand-mère de Josefina → chambre du docteur Jano), la dernière de
ces scènes étant la plus éloquente.
1) REGARDS DANS LA PISCINE (1:23:12-1:24:08)
A la piscine de
l’hôtel thermal, le docteur
Jano est entouré par sa
famille (sa femme et ses
deux enfants sont autour de
lui) mais Amalia vient
troubler cet instant paisible.
Sa proximité physique avec
ses enfants le trouble au
plus haut point, d'autant
plus que sa fille a peu ou
prou le même âge qu’Amalia. La culpabilité le ronge et cette gêne, ce trouble se
traduit bien à l'écran.
Telle une sainte, elle émerge de l'eau et le regarde avec un sourire évocateur.
On note la récurrence de l'eau dans le cinéma de Martel, et particulièrement l'attrait
des piscines. Déjà dans la scène d'ouverture de La Ciénaga, le bassin est sale et
stagne, comme la vie insignifiante de ces bourgeois abrutis par l'alcool et la chaleur
(d'ailleurs le titre signifie le marécage, endroit poisseux par excellence) Dans La Niña
Santa, la piscine est toujours propre, pure et l'immersion peut être vue comme un
baptême. Paradoxalement, là aussi où les corps presque nus s'observent et se jugent,
encourageant un ballet sensuel entre les différents protagonistes.
2) JOSEFINA ET SON COUSIN (1:24:09-1:25:25)
Josefina a des rapports sexuels avec son cousin et confesse à sa mère qu'un
médecin a touché Amalia. Les mots “Ne me parle pas” qu’elle répète à son cousin
pendant l’acte montre à
la fois sa curiosité à
l'égard du sexe et sa
reconnaissance du péché
qu'elle est en train de
réaliser eu égard à ses
croyances religieuses.
Bien qu'au second
plan dans le film, il
émane
d'elle
une
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complexité et une ambivalence étrange. Josefina ne s'est pas lancée dans une quête
comme son amie (elle paraît d'ailleurs agitée pendant les cours de catéchisme) au
contraire elle a totalement succombé à ses désirs sexuels puisque ce n'est pas la
première fois du film qu'elle a des relations sexuelles avec son cousin. Cependant elle
ne veut surtout pas perdre cette fameuse virginité et la sodomie est donc utilisée
pour respecter ce voeu de simili-chasteté.
Le sexe entre membres de la même famille est une récurrence dans les films
de Martel. Ces relations incestueuses entre les personnages démontrent l’idée de
cette classe sociale supérieure qui préfère rester entre eux, de ne pas se mélanger à
d'autres classes sociales inférieures à la leur. La mère de Josefina a surement repéré
la relation de sa fille avec son neveu, mais par un souci de réputation familiale, le
silence sera d’or.
3) AMALIA PARDONNE AU DR JANO (1:25:26-1:28:38)
Le docteur Jano et sa famille se préparent pour la représentation prévue pour le
congrès. Au départ de sa femme
et de ses
enfants arrive Amalia, arrivant
par surprise
(on la voit arriver à l'écran par le
prisme
du
miroir). La caméra est placée de manière à ce que
Jano dirige son regard vers
Amalia tandis que son reflet fait lui face à la jeune
fille. Sur ce
plan, on peut voir le docteur
coupé
en
deux. Cet effet reflète la
dualité de ce personnage, ange
ou
démon.
Le personnage du docteur Jano,
interprété par Carlos Belloso est
particulièrement intéressant. On ne
connaitra jamais son prénom, il est toujours nommé par son métier, son statut social,
le fameux "doctor". D'ailleurs ce nom n'a pas été choisi au hasard Jano (Janus en
latin) est un dieu romain dieu des commencements et des fins, des choix, des clés et
des portes. Il est représenté avec un double visage, censé symboliser la dualité du
personnage entre son passé et son futur.
Côté pile le docteur est ainsi un professeur émérite et respecté de la
communauté scientifique, marié , bon père de famille. Côté face, on a un homme
rongé par ses pulsions sexuelles, attiré par les jeunes filles (Amalia n'est sans doute
pas la première). Jano a beau sauver ses patients physiquement, soigner leurs
maladies et panser leurs plaies, il a lui-même besoin qu'on le sauve
psychologiquement.
Martel applique les images appropriées pour représenter l'évolution
spirituelle de ce personnage, quand il dit "Je dirai tout à ta mère" il cherche à
racheter sa conduite et entamer une rédemption.
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Décontenancé par la suite, il ne sait comment réagir et culpabilise
énormément. “Vous êtes bon” lui dit-elle : en quelque sorte elle va l'absoudre de ses
péchés. Rattrapée par ses pulsions elle tente de l'embrasser puis se met les mains
devant les yeux. Quand on elle a un petit sourire malicieux qui maintient l'ambiguité
quant à ses réelles motivations.
On sent le docteur abattu, plein de remors mais néanmoins résolu à
réellement devenir un homme bon. La réalisatrice insinue donc que même un
homme tourmenté tel que lui est capable de rédemption et peut être pardonné. En
ce sens, le titre du film prend tout son sens car des individus comme le docteur Jano
ont besoin de gens comme Amalia. Martel valide ainsi l'idée que chacun d'entre nous
est investi d'une mission
On retrouve la notion de circularité dans les films de Martel, et d’ailleurs la fin
ouverte nous laisse, comme Amalia et Josefina, envisager tous les possibles vers un
futur meilleur (ou non).
Métaphoriquement Martel nous explique que ces filles peuvent répéter les
erreurs des adultes. Du point de vue de la réalisatrice et par rapport à sa propre
expérience, elle fait de cet endroit clos (on peut malgré tout élargir à toute la
province de Salta) un endroit de traditions familialies conventionnelles : les fils des
médecins sont médecins, les agricultureurs gardent leurs terres sur des générations
et , si le grand-père est avocat, il ya de fortes chances qu’il en aille de même pour le
père et le fils.
PERSONNAGES
Les
personnages
semblent toujours hésiter
entre la croix et la chair
et suscitent chez le
spectateur une envie d'en
savoir (ou d'en voir) plus.
Jano :
1)
Chanson
infantile
d’Amerique Latine qui s’appel Doctor Jano, cirujano (Docteur Jano, chirurgien)
Canción de jugar a las palmas (Chanson pour frapper dans les mains)
Doctor Jano, cirujano.
Hoy tenemos que operar.
En la sala 104
a una niña de su edad,
No la toque ni la mire, no se vaya a
enamorar
Yo no me enamoro, tengo una mujer y
un hijo medio loco como usted
15
Traduction
Docteur Jano, chirurgien,
Aujourd'hui nous devons opérer.
Dans la salle 104, une fille de votre âge.
Vous ne touchiez pas ou regardiez, ne
tombiez pas amoureux
Je ne tombe pas amoureux, j'ai une
femme et un fils milieu fou comme vous
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2) Janus est une divinité romaine, dieu des
commencements et des fins, des choix, des
clés et des portes. Deux tetes en voiyent au
deux cotés. Les deux épithètes cultuelles du
dieu *Patuleius (celui qui ouvre) et *Clusius
(celui qui ferme) font de lui la « porte
ouvrante » et la « porte fermante » de la
religion romaine. Le mois de janvier
(januarius), auquel le roi Numa donna son
nom, lui était consacré.
L’ESTHETIQUE DU FILM
Martel développe une esthétique de l'opacité, en mesure de garder le
spectateur dans un état de doute permanent. La Niña Santa est une invitation au
spectateur à s’impliquer et à se perdre dans ce monde troublant, malgré son manque
de références et de réel fil conducteur de la part de la réalisatrice.
Le film correspond bien à ce renouveau esthétique et thématique du
Nouveau Cinéma Argentine, nous permettant d'examiner le conflit entre le désir et la
croyance, le mysticisme et la sexualité. Les fonctions déclaratives et esthétiques
complexes annulent la possibilité de moralisation ou de lectures allégoriques. Au
contraire, l'ensemble des interprétations sur la sexualité de la protagoniste multiplie
les tabous sociaux et culturels.
La composition des espaces du film interroge sur le sens réel de ce scénario
bien articulier dans cet hôtel thermal tout aussi particulier. Loin de présenter une
société utopique traditionnelle avec "l'intérieur" comme “arcadia” idyllique.
L'atmosphère étouffante, représentée par l'étroitesse des gros plans, suit cette
volonté de rendre ce film difficilement respirable, presque claustrophobique.
Avec ses effets de flou et gros plans, Martel crée une explosion de fragments
sensuels empaquetés par le récit. Le style visuel est parfaitement adapté à cette
convention de caractères ambigus et torturés. A ce propos, la jeune actrice, Maria
Alché, avec son sourire en coin et son regard ébahi constant de perplexité, est une
merveille d’ambivalence, on ne sait jamais ses réelles intentions.
Martel utilise, dans ses films, des lacunes et des suppressions permanentes
lesquels font saillie le nombre d'ellipses perçus dans ces films. Les flues et des plans
gros aident que le public n'a pas donné de première main tout ce qui se passe, mais
que se cachent certaines situations pour créer une atmosphère de mystère.
Bien qu'il existe de nombreuses ellipses qui fragmentent l'histoire du récit,
nous pouvons dire que l'organisation temporelle est linéaire et séquentielle (et non
représentée via des flashbacks et flashforwards).
LA PHOTOGRAPHIE ET L’IDÉE DU MOUVEMENT
On remarque dans ce film que les mouvements de caméra sont très rapides.
Le cadre semble en perpétuel mouvement. La cinéaste suit de près ses personnages
caméra à la main, en scrutant tous les faits et gestes de ses personnages.
Le spectateur a à peine le temps de mémoriser et de visualiser un endroit,
une pièce qu’il est déjà embarqué dans un nouvel espace. Ce choix embrassant tout
l'espace diégétique empêche le spectateur de classer et hiérarchiser précisément les
données fournies par l'image dans le cadre. En général, l'impression qui se dégage
chez le spectateur est une grande confusion, un espace labyrinthique et surpeuplé
où les personnages et objets prolifèrent (qui est cet homme? est-ce son cousin ou
son frère?), et dont la structure générale est difficile à assimiler au premier abord.
Au sein de l’hôtel thermal, la caméra se déplace de chambre en chambre, via
les couloirs et les salles sans sortir à l'extérieur (ou très rarement). Les gros plans
permettent une fragmentation des pièces et un isolement du décor qui semble se
répéter et se multiplier sous l'effet du montage. Martel construit un labyrinthe de
lieux imbriqués les uns dans les autres, que les personnages semblent traverser telles
des âmes sombres et mitigées.
Ce sentiment de désorientation et de fermeture au monde extérieur est
renforcé par la présence de miroirs qui non seulement reconstruisent l'image en
multipliant les effets mais servent également à souligner l'impression de
confinement, de communauté en vase-clos. De tels motifs récurrents mettent ainsi
l'accent sur l'idée de la répétition et de la stagnation dans la vie quotidienne, sans
effet spectaculaire. La répétition des scènes, des dialogues, des situations et des
plans suggère que les personnages seront condamnés après cette agitation à tourner
en rond dans leur existence.
Amalia et Josefina nous montrent une série de petits rituels et d’habitudes
qui les condamnent à une certaine immobilité en dépit du changement régulier de
pièces. Ils donnent l'impression que leurs chemins ne sont pas linéaires, puisque les
personnages se tiennent dans les mêmes lieux comme s'ils marchaient dans un
labyrinthe dont ils ne trouve pas la sortie.
Dans La Niña Santa, la caméra semble construire un espace complexe sur la
structure familiale. Il y a une relation ambiguë entre Helena et son frère, les deux
dorment dans le même lit et se comportent entre eux d’une manière un peu
enfantine. Un plan notamment montre Helena allongée sur le lit à côté de Freddy, lui
examinant les cheveux. On peut penser que Freddy et Helena essaient de montrer à
Amalia un modèle maternel-paternel, qui leur permet de compenser par la même
occasion le naufrage de leurs mariages respectifs. Quand Freddy rentre à l’hôtel et se
rend compte qu’il a oublié la clé de sa chambre, il se rend sans hésiter dans la
chambre d'Hélène et s'allonge naturellement sur le lit à côté de sa sœur et sa nièce.
De cette manière, cet homme d'une cinquantaine d’âge trouve une sorte de cocon,
de structure familiale solide qui lui remémore son enfance
Tout au long du film, les mouvements de caméra sont impliqués dans la
création d'un espace dense et saturé, comme expliqué plus haut. Martel suit les
personnages avec caméra à la main, ce qui déstabilise le cadre et provoque la
fragmentation des sujets ou des membres dont les têtes sont coupées et jetées en
dehors du champ. D'autre partie, quand la cinéaste utilise des plans fixes, c’est
souvent pour un gros plan une jambe ou partie d'un visage (l’oreille est notamment
extrêmement présente) et donne cette impression qu'il n'y a pas de place pour ces
personnages dans le cadre. Mais ce qui caractérise surtout les films de Lucrecia
Martel, c’est la prolifération des objets et des personnages dans le plan qui résulte de
cet écrasement de la perspective visuelle, ce qui crée souvent une atmosphère
suffocante, reflétant le malaise et l'isolement physique et psychologique des
personnages.
LE SON
Dans La Niña Santa, le son est prépondérant. On identifie plusieurs sons
isolés qui embellissent le récit : le son guide les images et remplace bien souvent les
mots. Les chuchotements, les prières, les dialogues et autres bourdonnements
créent une dimension sonore qui est indépendante du sens de mots et n'est pas
qu’en parallèle des images, avec une tonalité ou un bruit passant uniquement par les
histoires.
Pour Lucrecia Martel le son a un rôle fondamental et évolue au premier plan
dans ses films. Créer des climats particuliers, avec l'aide du son, contribue en à
l'épuisement des situations narratives. Dans La Niña Santa, le son de l'instrument
presque magique qu'un homme joue dans une rue centrale (ce fameux thérémine)
nous sort du réel et du récit un instant et semble nous donner l’illusion d’un rêve.
Dans d'autres cas, Martel désoriente le spectateur par la distension entre le
son et l'image. Un des meilleurs exemples est le deuxième scène dans la maison de
Josefina, où il est impossible de savoir quel protagoniste parle. En effet, le plan est
rempli de personnages et la cinéaste l'enregistre avec la caméra esquivant les
visages, les physiques pour privilégier le son et les paroles . Le mouvement est
continu et rapide, et ce cadre fluctuant réussit à déstabiliser le spectateur qui tente
en vain de s'accrocher à un point fixe. Mais le plus déconcertant pour lui vient du
décalage entre ce qu’il voit et ce qu’il entend. La bande son est perçue comme un
échange constant de répliques qui ne correspondent presque jamais au personnage
qui apparaît à l’écran.
Comme le son reste toujours en dehors du champ, le spectateur ne peut pas
visualiser la source sonore et doit faire un effort constant pour savoir qui parle afin
de trouver une certaine cohérence dans une séquence.
RECOMPENSES POUR LA NINA SANTA :
NOMINATIONS
L’Association des critiques argentins 2005
● Meilleure actrice dans un rôle secondaire
● Révélation féminine
● Meilleure photographie
● Meilleure costume
Julieta Zylberberg
María Alche
Félix Monti
Julio Suárez
Festival de Cannes 2004
● Palme d'Or
● Grand Prix
● Prix du Jury
● Prix de la mise en scène
● Prix de l'Education nationale
Lucrecia Martel
Lucrecia Martel
Lucrecia Martel
Lucrecia Martel
Lucrecia Martel
Clarin Entertainment Awards 2004
● Révélation féminine
María Alche
PRIX
Clarin Entertainment Awards 2004
● Prix Meilleur Révélation féminine
● Prix du meilleur réalisateur – Film
Julieta Zylberberg
Lucrecia Martel
São Paulo International Film Festival 2004
● Prix Critique - Mention spéciale
Lucrecia Martel
CONCLUSION
En guise de conclusion, on peut dire que le cinéma d’Amérique Latine n’est
pas un phénomène uniforme et homogène et le thème d’identité cinématographique
est lié à l’histoire commune entre les pays latinos. Le cinéma d’argentine, même que
ses voisins continentaux, se base sur la quête de l’identité.
Lucrecia Martel, avec La Niña Santa, nous donne un cinéma sensoriel avec
beaucoup de non-dits, de désirs et d’envies de débauches non réalisés, de pudeur,
de retenue mais parfois aussi d'audaces qui révèlent un érotisme latent propre au
cinéma sud-américain ou espagnol. Tout le film repose sur cette tension paroxystique
dont la réalisatrice use à merveille. On pense aux films de Buñuel qui poussait
cependant ce trait bien plus loin que Martel. Avec parfois le risque de frôler un
certain voyeurisme que l'on pourrait lui reprocher. Les personnages semblent
toujours hésiter entre la croix et la chair et suscitent chez le spectateur une envie
d'en savoir (ou d'en voir) plus. L’autre mérite de ce type de cinéma est peut-être à
chercher ailleurs ; dans cette capacité de montrer les choses de façon distanciée, de
sorte que l'intrigue paraît avancer selon une logique qui lui est propre. Le sentiment
de liberté qui en découle procure une certaine jubilation et facilite notre
identification aux personnages. Dans ces moments, la magie opère malgré le fait que
que nous soyons constamment balancés entre des sentiments contradictoires. La fin
ouverte nous laisse également, comme ces adolescentes : envisager tous les
possibles, ou au contraire nous nous laisse sur notre faim, nous spectateurs.
La Niña Santa n'a pas de séquence introductive et les personnages sont
capturés sur le vif, sans ménagement pour le spectateur extérieur à ces tractations
au sein de cette petite communauté. Cette économie narrative associée à l'utilisation
fréquente de l'ellipse et aux jeux de miroirs et d'échos donne au récit une opacité qui
soulève un certain nombre de questions posées par un spectateur désorienté.
Les films de Martel sont de véritables œuvres ouvertes et fragmentaires. Ce
sont aussi des œuvres destinées à un spectateur patient et sensible, capable de
s'engager un univers déconcertant et de participer activement à la compréhension
de l’histoire afin déchiffrer son ressenti.
ANNEXE
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
AGUILAR, Gonzalo: Otros mundos: Un ensayo sobre el nuevo cine argentino, Buenos Aires,
Santiago Arcos Editor, 2006.
JOURNOT Marie-Thérèse, Le Vocabulaire du cinéma, Paris, Armand Colin, coll. 128,
2008.
JULLIER Laurent et MARIE Michel, Lire les images de cinéma, Paris, Larousse, 2007.
JULLIER Laurent, Analyser un film. De l’émotion à l’interprétation, paris, Flammarion,
coll. Champs arts, 2012.
NUMÉRIQUE
www.laninasanta.com
www.allocine.fr
www.imdb.com
FILMOGRAPHIE
La Ciénaga, Lucrecia Martel, 2001, Argentine, France et Espagne.
La Niña Santa, Lucrecia Martel, 2004, Argentine, Espagne et Italie.
La Mujer sin Cabeza, Lucrecia Martel, 2008, Argentine, France, Espagne et Italie.