telecharger le fichier - SIS

Transcription

telecharger le fichier - SIS
Prévention sur les Lieux de Rencontre Extérieurs
Synthèse des actions menées en 2013 sur Nantes
Note de lecture : les lieux de rencontre extérieurs (LRE) étant destinés aux hommes ayant des rapports sexuels
avec des hommes (HSH), et par souci de simplification, tout homme rencontré sur un LRE et mentionné dans ce
document est désigné par le terme « HSH », indépendamment de son orientation et de ses pratiques sexuelles
évoquées en entretien. Les extraits des fiches d’entretien avec les HSH remplies par les intervenants sont
signalés en bleu et mis entre guillemets.
État des lieux des actions : 255 contacts établis et 176 entretiens menés
En 2013 à Nantes, 77 sorties de prévention sur LRE à
destination des HSH ont pu être réalisées par l’équipe
locale de SIS Association, soit 22 de plus que sur
l’année 2012. Les interventions se sont réparties sur
toute l’année, avec une concentration plus importante
sur les mois d’avril-mai (n=20/77) et de septembreoctobre (23/77), l’été et l’hiver étant des périodes plus
creuses dues à une moindre fréquentation des LRE par
le public ciblé.
Les sorties de prévention ont ciblé les mêmes trois
Répartition par site des sorties sur les LRE
principaux sites qu’en 2012 mais la fréquence des
délégation de Nantes SIS Association 2013
interventions s’est répartie différemment: Bouaye, la
2013
2012
Bouaye
50
10
Roseraie et la Gournerie (voir le tableau ci-dessous). En
La Roseraie
16
1
effet, l’action a suivi la fréquentation des HSH, elle-même
La Gournerie
10
38
ayant pu être conditionnée par un sentiment d’insécurité ou
Ville au Denis
1
5
une baisse de l’ « entre-soi ». Le site de Bouaye, qui a
Aéroport
0
1
Total
77
54
concerné trois interventions sur cinq (contre une sur cinq
en 2012), a fait l’objet d’une concentration des sorties de prévention en 2013 (n=50/77). Le site de la Roseraie,
peu concerné en 2012, a fait l’objet de seize sorties. Enfin, dix interventions ont eu lieu sur le site de la
Gournerie, identifiée depuis plusieurs années comme un LRE par la délégation de Nantes. La ville aux Denis
(n=1/77) apparaît comme un site annexe complétant l’ensemble des actions de prévention menées sur les LRE
de Nantes.
Les actions de prévention mises en place sur les LRE ont eu lieu l’après-midi entre 12h et 19h et se sont
déroulées en binôme, composé généralement de deux salariés de la délégation de Nantes SIS Association
(n=41/77). Cependant, dans le cadre d’une amélioration et d’un partage des pratiques, l’intervenant a été
accompagné par le coordinateur thématique LGBT de SIS Association et par le chargé de prévention LRE de la
ville de Lille lors de deux sorties différentes. Une autre partie des interventions a été réalisée par un binôme
salarié/stagiaire (n=20/77). Il a pu aussi arriver que des bénévoles/volontaires participent à la sortie de
prévention (8/77). Enfin, SIS Nantes a collaboré avec d’autres structures locales comme Avenir Santé (n=7/77)
ou encore le Centre lesbien gay bisexuel transexuel de Nantes (CLGBT, n=5/77). L’association Aides étant aussi
présente sur les LRE dans le cadre d’une action TROD, une coordination entre les équipes des deux structures
s’est faite en 2013 pour une meilleure prise en charge du public visé.
SIS Association – Observatoire – LRE Nantes 2013
1
Les principaux chiffres des sorties réalisées sur les LRE par la
délégation de Nantes SIS Association en 2013
Temps nécessaire à la sortie
Temps d’action sur le LRE
Public présent
3h40 [min 1h10 ; max 9h]
1h20 [min 15 min. ; max 5h30]
10 [min 0 ; max 40]
Nombre de contacts par sortie
3 [min 0 ; max 15]
Nombre d’entretiens par sortie
2 [min 0 ; max 15]
Dans la majorité des sorties, au moins dix
personnes ont été identifiées sur les LRE
(n=41/77). Le nombre de personnes présentes
sur le lieu de rencontre a pu varier de deux
jusqu’à quarante au cours d’une même sortie,
certains allant et venant au cours de la présence
des intervenants.
Bien que quelques personnes étaient présentes sur le LRE, douze sorties n’ont fait l’objet d’aucune prise de
contact. En effet, l’équipe a favorisé une plus grande souplesse dans ses interventions, préférant reporter ses
actions lors d’une trop faible fréquentation du LRE ou de difficultés d’accès aux LRE et aux HSH (conditions
climatiques, vacances scolaires, personnes restant dans les voitures), mais n’hésitant pas à rallonger son temps
de présence lors de plus fortes fréquentations.
Lors de chaque sortie, l’équipe a établi trois contacts en moyenne et réalisé deux entretiens. Sur l’ensemble
de l’année, ce sont donc 255 HSH qui ont ainsi bénéficié de ces actions. L’équipe de SIS Nantes a été amenée à
croiser de manière régulière des HSH déjà rencontrés lors d’actions antérieures et ce de manière plus
importante qu’en 2012 : ainsi, une a deux personnes ont déjà été vues par les intervenants dans plus de la
moitié des sorties. Cela peut s’expliquer par la durée du projet dans le temps, les intervenants étant désormais
identifiés, notamment grâce à leur voiture logotée.
Comme l’an dernier, l’équipe a fait face à peu de refus d’entretien, un seul en moyenne par sortie réalisée et
aucun refus d’entretien n’a été comptabilisé lors de deux tiers des sorties de 2013 (66,2 %). Sept prises de
contacts sur dix mènent à un entretien avec un HSH sur le thème général de la prévention (69 %). Six
interventions sur dix débouchent sur la réalisation d’un à trois entretiens (60 %) et deux sur dix aboutissent à
plus de trois entretiens avec le public des LRE (20,5 %).
Ainsi, et ce malgré des conditions climatiques parfois
Activité sur les LRE
difficiles (pluie= 8/77, froid=4/77, chaleur etc.) ou des
délégation de Nantes SIS Association 2013
conditions d’accès du public délicates, 176 entretiens ont
2013
2012
Évolution
77
55
22
été menés avec un HSH sur les 77 sorties annuelles, dont Nbre de sorties
255
220
35
141 ont fait l’objet d’une fiche. Cette différence s’explique Nbre de contacts
Nbre
d'entretiens
176
151
25
par deux éléments : d’une part, certains entretiens sont
Fiches d'entretien
141
139
2
collectifs et dans ce cas une seule fiche est renseignée par
l’équipe ; d’autre part, certains échanges ne font pas l’objet d’une fiche d’entretien remplie car ils entrent dans
le « hors-cadre » de l’action de prévention : ils correspondent à des discussions informelles avec des habitués
identifiés comme « personne ressource » ou « personne relai » du LRE , qui permettent une meilleure
identification et acceptation de l’équipe sur place et dans la durée.
Analyse des échanges entre le public et les intervenants1
Des profils hétérogènes des HSH des LRE
Comme en 2012, il apparaît compliqué de dresser un profil unique des personnes fréquentant les LRE du fait de
la diversité de leur situation et de leurs motivations.
Les HSH rencontrés cette année semblent plus âgés qu’en 2012 : 71, 9 % ont plus de 40 ans contre 67,6 % l’an
dernier. La moitié des hommes ont entre 40 et 60 ans (n=62/126) et près d’un quart a plus de 60 ans
(n=30/126). Ainsi, un HSH interrogé sur dix a entre 60 et 70 ans (n=13/126) et un sur dix est âgé de plus de 70
1
Les outils d’intervention ayant été modifié en cours d’année, l’analyse des entretiens porte sur la période de mars à décembre et sur un
échantillon de 128 personnes.
SIS Association – Observatoire – LRE Nantes 2013
2
ans (n=17/126). Les situations professionnelles des HSH rencontrés apparaissent hétérogènes. Si la majorité se
déclare salariée (n=46/79 soit 58,2 %), une grande proportion de retraités est présente sur les LRE (n=23/79
soit 29,1 %), en cohérence avec la surreprésentation des plus de 60 ans. Une dizaine de HSH se déclare sans
emploi ou dans une autre situation professionnelle.
Un quart des HSH fréquentant les LRE se
Orientation sexuelle déclarée par les HSH
définit comme hétérosexuel, ce qui, même si
délégation de Nantes SIS Association 2013
cette proportion est plus faible qu’en 2012
2013 (n=95)
2012 (n=103)
(26,3 % contre 35,9 %). Par ailleurs, trois HSH
%
eff.
%
eff.
sur cinq se définissent homosexuels ou
Homosexuel
43,2
41
38,8
40
bisexuels au cours des échanges avec
Bisexuel
16,8
16
17,5
18
l’équipe (n=57/95).
Hétérosexuel
26,3
25
35,9
37
Ne se définit pas
9,5
9
6,8
7
4
4
2,2
1
Si un quart se disent célibataires, la grande
majorité des HSH des LRE se déclare en
2
3
couple (n=72/97 soit 73,2 %), dont plus de la moitié avec une femme (n=41/72 ). Les hommes en couple avec
une femme présentent des définitions variées de leur orientation sexuelle, faisant écho dans les
problématiques évoquées en entretien : si trois sur dix se définissent homo ou bisexuels, ils sont tout de même
deux sur dix a ne pas se définir selon une orientation précise et quatre sur dix à s’identifier comme
hétérosexuel. Cette apparente inadéquation entre les pratiques sexuelles des HSH et leur orientation sexuelle
déclarée peut interroger sur le vécu individuel de ces pratiques et leurs répercussions en matière de santé
sexuelle.
Autres
Parmi ceux qui évoquent leur situation face au
VIH, près de sept personnes sur dix déclarent
connaître leur statut sérologique (+3,6 points
par rapport à 2012, n=56/81): 32 précisent un
statut sérologique négatif, 19 ne précisent pas
la nature de leur statut et ils sont 5 à déclarer
leur séropositivité. Cependant, ils restent trois
sur dix à ne pas connaître leur statut
sérologique (n=24/81) ; ce qui vient confirmer
l’importance des actions de SIS sur ces LRE,
notamment l’intérêt de proposer des tests
rapides à orientation diagnostic (TROD) en
partenariat avec Aides, et d’une façon plus
globale de promouvoir le dépistage auprès de
ce public dans toutes structures.
Statut sérologique des HSH évoqué en entretien sur les
LRE (n=81), délégation de Nantes SIS Association 2013
Ne souhaite
pas savoir
1,2%
Non connu
29,6%
Connu positif
6,2%
2
97 fiches pour lesquelles le statut marital a été renseigné par l’intervenant
3
72 fiches pour lesquelles les HSH sont identifiés comme en couple
SIS Association – Observatoire – LRE Nantes 2013
Connu sans
précision
23,5%
Connu négatif
39,5%
3
Les entretiens sur les LRE: prévention, écoute et orientation des personnes rencontrées
Thèmes évoqués en entretien avec les HSH sur les LRE
en 2012 et 2013 , délégation de Nantes SIS Association 2013
Sociabilité *
79,8%
Orientation sexuelle
77,3%
Dépistage VIH
70,6%
Moyens de protection IST
58,0%
Dépistage IST
57,1%
Vie affective**
50,4%
Hépatites*
50,4%
Modes de transmission
33,6%
Agressions
32,8%
Traitements
27,7%
Législation
Consommation de psychoactifs
TPE
19,3%
7,6%
6,7%
* Ces deux thèmes n'existaient pas dans la fiche d'entretien 2012
Sociabilité : vie familiale, vie sociale et vie professionnelle, exploration qui vise à identifier les cas
de ruptures, d’isolement et/ou de fragilité.
** Ce thème existait dans la fiche d'entretien 2012 sous la forme de deux autres thèmes
(relations amis/famille et relations affectives/amoureuses avec les partenaires) et dont
la moyenne a été réalisée permettre cette comparaison
2012 (n=133)
2013 (n=119)
► Des questions de prévention : protection, transmission et dépistage des IST
En cohérence avec l’objectif de l’action et la proportion importante de personnes ne connaissant pas leur
sérologie, le dépistage du VIH est un des thèmes principalement abordé en entretien : il concerne sept
entretiens sur dix (70,6 %). Par ailleurs, le dépistage des IST est présent dans près de six échanges sur dix (57,1
%) et de manière plus importante qu’en 2012 (+ 7,5 points). De plus, les hépatites sont abordées dans un
entretien sur deux (50,4 %). La réalisation d’un check-up est précisée par 22 HSH des LRE.
Les lieux de dépistage cités par les HSH sont principalement les laboratoires (avec ou sans ordonnance)
(n=19/40), les CDAG/CIDDIST (n=9/40) mais les TROD proposés par Aides sur les LRE sont aussi cités de manière
conséquente (n=10/40). Parmi les HSH évoquant la date de leur dernier test de dépistage du VIH, si plus de
deux sur cinq déclarent avoir fait un test il y a moins de six mois (n=29/65 ; dont 11/65 depuis moins de trois
mois), un sur cinq explique n’avoir jamais fait de tests de dépistage (n=13/65) et plus d’un sur quatre énonce
un test très ancien (entre 2 et 10 ans, n=18/65) : ils sont plus nombreux qu’en 2012 à déclarer des analyses
récentes (44,6 % contre 27,1 % en 2012) mais aussi plus nombreux à n’avoir jamais vérifié leur sérologie au VIH
(20 % contre 13,5 % en 2012). De plus, certains discours sont à relativiser : parmi ceux affirmant connaître leur
4
statut sérologique, un sur cinq déclare très ancienne la date de son dernier test de dépistage du VIH (n=8/41 ).
4
Il y a 41 fiches d’entretien dans lesquelles sont renseignés à la fois le statut sérologique de la personne et la date de son dernier test de
dépistage.
SIS Association – Observatoire – LRE Nantes 2013
4
La fréquence du dépistage apparaît très peu
régulière, lorsque cette information est
obtenue par l’intervenant : 56 % des HSH n’ont
jamais fait de test de dépistage des IST (n=28)
et 41 % des hépatites (n=23). Le sentiment de
VIH (n=51)
19
19
13
ne pas avoir pris de risques reste le frein au
dépistage du VIH le plus fréquemment repéré
Hépatites (n=43)
11
9
23
par l’intervenant (n=21/57), tout comme pour
le dépistage des IST ou des hépatites
IST (n=50)
11
11
28
(respectivement n=20/43 et n=14/34) mais
Régulière Ponctuelle Aucun
d’autres raisons sont identifiées comme la
méconnaissance des structures ressources ou leurs difficultés d’accès - horaires, anonymat etc. - (n=11/57), la
peur des résultats (n=4/57), la confusion faite entre le bilan sanguin et le dépistage, ou encore le fait de « ne
pas y penser ». L’absence de symptômes des IST apparaît aussi comme explication du fait de ne jamais avoir
fait de test.
«Homme qui dit ne pas se sentir potentiellement concerné par la maladie (VIH). Il ne connaît pas les TROD et
ne situe pas très bien le CDAG. »
« Homme qui fait des bilans sanguins réguliers pour le diabète. Il pensait que le VIH pouvait se détecter
automatiquement dans les prises de sang et ajoute que la thématique de la sexualité lui parait difficile à
aborder avec des professionnels. L’orientation vers un CDAG ne lui convient pas pour des questions de manque
d’anonymat.»
« Homme qui évoque sa crainte du manque d'anonymat dans les CDAG ou avec le médecin traitant. Il est très
intéressé pour effectuer un TROD sur le LRE».
Fréquences des dépistages VIH, Hépatites
et IST chez les HSH des LRE,
délégation SIS Association Nantes 2013
L’entretien permet donc de faire un point sur les pratiques sexuelles des HSH et d’apporter des précisions en
terme d’évaluation des risques envers ces pathologies : six entretiens sur dix informent des moyens de
protection de l’ensemble des IST (n=69/119), en lien avec les modes de transmission abordés dans trois
entretiens sur dix (n=40/119). Même si quelques uns expliquent l’utiliser systématiquement, certains HSH
rapportent que l’utilisation du préservatif n’est pas toujours évidente (problèmes d’érection, difficulté d’en
avoir toujours sur soi, mauvaise utilisation ou mauvaise conservation, perte de sensations etc.) et qu’il est
difficile de protéger toutes les pratiques. La fellation fait d’ailleurs l’objet de nombreux échanges : si des
techniques de réduction des risques sont évoquées chez certains HSH, d’autres n’ont pas conscience des
risques potentiels de contamination et déclarent ne pas protéger cette pratique. Enfin, si certains hommes
semblent avoir conscience de leurs prises de risque, d’autres paraissent attachés à un système de croyances
qui peut interroger: « Je pense que certaines personnes sont plus ou moins aptes à attraper le virus, et je pense
que je fais partie de ces personnes car j’ai déjà eu des relations avec des personnes séropositives sans rien
attraper. »
Malgré un nombre de prises de risque avérés, le Traitement Post-Exposition est peu évoqué par les HSH
(n=8/119). Enfin, alors que seulement cinq des HSH rencontrés se déclarent séropositifs, la question de la prise
en charge des pathologies par les traitements est présente dans un tiers des échanges (n=33/119) et semble
consécutive aux thèmes abordés précédemment. Il s’agit la plupart du temps pour les intervenants de
déconstruire les représentations plus ou moins erronées que les personnes ont de la maladie et des
traitements, et qui peuvent constituer des obstacles à une démarche de dépistage. La question des évolutions
qu’ont connues les traitements antirétroviraux dans l’histoire de la prise en charge du VIH revient
régulièrement au sein de ces échanges.
Cependant, le dépistage du VIH est évoqué de manière bien moins systématique qu’en 2012 (- 21,1 points), de
la même manière que les modes de transmission. D’autres sujets semblent prendre plus d’importance dans le
SIS Association – Observatoire – LRE Nantes 2013
5
déroulement des échanges, orientés vers des aspects plus relationnels et psychologiques du vécu des HSH
rencontrés.
Par ailleurs, les entretiens menés sur les LRE avec les HSH ont nécessité 26 minutes en moyenne, soit près de
10 minutes de plus qu’en 2012. Si quelques échanges durent moins de cinq minutes, ils sont beaucoup moins
importants qu’en 2012 (-10,4 points par rapport à 2012). Six entretiens sur dix prennent entre 10 et 30 minutes
et un entretien sur dix connaît une durée de plus d’une heure (+7,4 points par rapport à 2012).
Plusieurs explications semblent envisageables.
D’une part, les intervenants évoquent une plus grande méfiance de la part des HSH en 2013, conséquence du
débat autour du « Mariage pour Tous » et d’un plus grand nombre d’agressions rapportées sur les LRE. Dans ce
contexte, il s’agit pour les intervenants d’adapter leur approche, ce qui se traduit notamment par le choix de
thématiques privilégiées lors de la prise de contact, et donc par une réévaluation de la priorité du sujet du
dépistage au sein de l’entretien.
D’autre part, le nombre important d’entretiens avec des personnes vues antérieurement peut expliquer une
évolution dans les thèmes et la durée des échanges.
► D’une pluralité des rapports aux LRE à l’expérimentation autour de l’orientation sexuelle : les aspects
psycho-sociaux des entretiens
Domaines liés à la sociabilité des HSH, abordés en
entretien sur les LRE (n=119),
délégation de Nantes SIS Association 2013
Vie professionnelle
32,8 %
Aspects
médicaux
27%
Vie affective
50,4%
Vie sociale
66,4%
Vie familiale
56,3%
Huit entretiens sur dix abordent la
sociabilité
des
HSH
rencontrés
(n=95/119), ce qui en fait la thématique
principale des échanges: la vie sociale
(61,7 %), la vie familiale (52,3 %), la vie
professionnelle (30,5 %) et les aspects
5
médicaux (25 %) sont les différents
domaines qu’elle regroupe. Des éléments
de la vie affective des HSH des LRE
surviennent dans un entretien sur deux
(50,4 %). Les discours portent sur les
parcours de vie de chacun.
Lorsque des aspects de la vie sociale des HSH sont abordés avec l’intervenant (n=79/119), les échanges mettent
surtout en évidence une pluralité des rapports aux lieux de rencontre extérieurs et une diversité dans la
fréquentation des lieux dits identitaires, en cohérence avec l’hétérogénéité des profils des hommes rencontrés.
Si un grand nombre des HSH rencontrés affirment fréquenter les lieux de drague, les bars, les saunas couramment nommé « milieu homo » - ou encore les clubs libertins, d’autres se déclarent plutôt « horsmilieu », parfois après en avoir fait parti. Le « milieu homo » peut être décrit comme « fermé ou jugeant » ou
encore « extravagant et superficiel » dans les échanges.
La discrétion et l’anonymat amènent certains hommes à privilégier les LRE plutôt que d’autres lieux de
rencontre. Certains évoquent leur préférence pour les LRE en en soulignant la gratuité, le fait que ce soit
« moins sale », la possibilité de « discuter », ou encore de « rencontrer du monde » après un changement de
vie ou « quand ça ne va pas ».
Cependant, les LRE ne représentent pas un lieu de sociabilité satisfaisant pour tous, un HSH avouant par
exemple fréquenter le LRE « par dépit parce qu’il ne rencontre personne », ou un autre expliquant y trouver
5
% calculé sur les entretiens dont au moins un thème a été abordé.
SIS Association – Observatoire – LRE Nantes 2013
6
« la sexualité trop directe ». Plusieurs personnes précisent aussi n’avoir aucune pratique sexuelle sur le LRE, et
venir uniquement pour du voyeurisme.
Si certains HSH affichent ouvertement leur fréquentation régulière du LRE pour des pratiques sexuelles,
d’autres déclarent être sur le lieu « pour se promener », « pour la pause déjeuner » ou encore « pour attendre
un ami ». Les intervenants soulignent un mécanisme de négation des pratiques, voire de l’attirance chez
certains HSH rencontrés. Ainsi, les échanges montrent que les HSH des LRE se trouvent chacun à des étapes
différentes dans la définition et dans l’acceptation de leurs attirances et/ou pratiques et/ou orientation
sexuelle.
L’orientation sexuelle prend donc une place essentielle dans les échanges : elle apparaît au cœur des trois
quart des entretiens (n=92/119). Les intervenants de SIS identifient dans le discours de certains HSH des
6
propos relevant d’un processus d’« homophobie intériorisée » , qui apparaît notamment engendré par la
« peur du rejet familial » ou se traduit souvent par « un rejet des stéréotypes gays ». C’est pourquoi si certains
formulent directement leur questionnement autour de leur orientation sexuelle lors des échanges
intervenants, un nombre conséquent d’HSH rencontrés sur les LRE apparaissent dans le déni (n=18/92, 20%).
Ils sont cependant un nombre important à avoir conscience de leurs pratiques homosexuelles, sans pour
autant définir leur orientation sexuelle par rapport à ces dernières (n=26/92, 30%).
Cette thématique de l’orientation sexuelle se retrouve très fréquemment liée avec les discours des HSH sur la
vie familiale ou la vie affective. Les témoignages mettent souvent en avant la difficulté du « coming-out » et de
la dicibilité de l’homosexualité et ce de manière plus importante qu’en 2012 (n=40/92 ; + 5 points). Les
personnes rencontrées témoignent souvent de difficultés à s’accepter mais aussi de rejet et d’incompréhension
der la famille et du partenaire.
Pour les HSH, l’entretien est donc aussi l’occasion d’aborder leurs difficultés affectives (n=60/119), renvoyant
aux thèmes du célibat, de la solitude ou des règles mises en place au sein du couple notamment au sujet de la
sexualité ou de la fidélité par exemple. De manière logique, l’orientation sexuelle se pose de façon plus
problématique chez les HSH se déclarant en couple avec une femme. Les échanges témoignent de leurs
difficultés liées à l’inadéquation entre d’un côté leur vie conjugale hétérosexuelle et de l’autre leur présence
sur le LRE. D’autres témoignages montrent cependant des logiques diverses et expérimentations face à cette
orientation sexuelle questionnée, comme le montre l’expression de cet HSH qui revendique l’« invention de sa
sexualité ». Ainsi, un des HSH fréquentant les LRE déclare qu’il « ne se verrait pas vivre au quotidien avec un
homme », et enfin un dernier explique que sa bisexualité est « acceptée par son entourage et par sa femme
dans la mesure où celui-ci ne développe pas de sentiments pour un homme ».
Renvoyant à d’autres difficultés affectives, certains HSH en couple avec un homme abordent leur désir d’enfant
et la question du mariage. En effet, plusieurs d’entre eux se déclarent affectés par le débat ayant eu lieu autour
de la loi sur le « Mariage pour Tous ». Certains rapportent aussi des expériences de discrimination, dans la vie
sociale ou dans la vie professionnelle (licenciement à cause de la séropositivité, collègues homophobes…).
Par ailleurs, un tiers des échanges met en évidence des agressions physiques et verbales sur les LRE de
Nantes (n= 39/119), proportion identique à celle de 2012. Certains HSH rencontrés ont subi des violences
directes, ont assisté à des agressions sur d’autres HSH ou encore connaissent des personnes qui ont été dans
cette situation. Plusieurs HSH rapportent des expériences personnelles : « Témoin d'une agression avec
menace arme blanche sur LRE il y a 6 mois. Trois personnes en agressent une autre qui est arrêtée dans sa
voiture. Lui-même a été agressé verbalement, par des propos homophobes et par la menace d’être dénoncé à
sa société. En effet, la présence du numéro de l’entreprise figure sur la voiture. ». D’autres témoignent
d’expériences vécues par des proches : un des HSH explique avoir des amis qui se sont fait agresser
6
Le concept d’ « homophobie intériorisée » se définit en plusieurs étapes allant de la négation des pratiques homosexuelles, passant par une
intériorisation de l’homophobie, pour tendre vers une conscience des pratiques homosexuelles menant enfin à l’acceptation de l’orientation
sexuelle.
SIS Association – Observatoire – LRE Nantes 2013
7
physiquement et casser leur voiture sur le site de la Gournerie, mais qui n’ont pas porté plainte. « Il n'est pas
bon d'être PD aujourd'hui » ajoute-t-il. Si tous ne se sentent pas inquiets, la plupart des témoignages démontre
une position de vigilance de la part des HSH qui fréquentent les LRE. D’autres personnes évoquent des
agressions homophobes qui dépassent le cadre des LRE, par exemple des moqueries subies sur le lieu de travail
ou par le voisinage du lieu de vie. Un autre, dont un ami s’est fait agresser lors d’un rendez-vous, raconte se
méfier des sites internet de rencontre à travers lesquels certains homophobes tendent des «pièges ».
Par conséquent, des difficultés psycho-sociales sont vécues par plus d’un quart des personnes rencontrées
sur les LRE (n=32/119) et sont soulignées par un mal-être exprimé dans les échanges (n=24/32) et/ou observé
(n=26) par les intervenants, pouvant aller jusqu’à l’expression d’idées suicidaires de la part des HSH (n=7). Ce
mal-être renvoie à des degrés de vulnérabilité différents et peut avoir plusieurs des origines évoquées cidessus, auxquelles peuvent venir s’ajouter le vécu d’une maladie, ou encore des difficultés relationnelles. Ces
différents facteurs sont susceptibles d’engendrer un sentiment de discrimination à différents niveaux chez les
HSH et/ou de venir fragiliser l’équilibre au sein de la santé sexuelle.
Par exemple, la dichotomie entre une vie de couple hétérosexuelle et des envies et pratiques homosexuelles de
l’autre peut expliquer une certaine fragilité psychologique : un des hommes des LRE déclare ainsi « se
contenter de sa vie actuelle » et ne pas envisager de changement pour éviter de faire souffrir sa famille. Il
qualifie d’ailleurs les LRE de « lieux glauques », ce qui interroge sur la possibilité d’un bien-être affectif et
sexuel dans ces lieux. Une autre personne fait allusion aux difficultés à vivre sa bisexualité évoquant un double
rejet, à la fois du monde hétérosexuel et du monde homosexuel.
Certains HSH rencontrés sur les LRE expriment aussi un mal-être dû à leur séropositivité, notamment lié au fait
de ne pas pouvoir parler librement de leur maladie par crainte des discriminations ou lié au vécu du traitement
et à ses effets indésirables. Enfin, d’autres semblent dans une situation d’isolement social et affectif important,
comme cet HSH qui « parle d'un mal-être ancien augmenté récemment par le décès de son père, d’un suivi
psychiatrique avec consommation de médicaments depuis environ 10 ans. Toute suggestion ou orientation
proposée parait non satisfaisante. Il déclare une perte de plaisir générale et des problèmes d’alimentation et
de sommeil. ». Allant dans le sens de ces différents malaises, plusieurs HSH déclarent être suivis sur le plan
psychologique.
Par ailleurs, les rencontres entre les intervenants et les HSH des LRE sont l’occasion de rappeler les risques
encourus par la loi en cas d’exhibition (n= 23/119) même si, de rares cas d’exhibitionnisme sont rapportés
dans les fiches d’entretien.
Par ailleurs, quelques HSH évoquent la tendance au déboisement des LRE et l’impression d’une augmentation
des contrôles de police, ce qui peut accentuer le sentiment de dénigrement à leur égard voire d’insécurité
Orientation et fin d’entretien
Les échanges entre les intervenants de SIS Association et les HSH des LRE mènent à des orientations concrètes
en matière d’aide à la personne. Ainsi, à l’issue des entretiens réalisés en 2013, du matériel de prévention a
été distribué lors de près d’une sortie sur deux sur les LRE de Nantes (n=30). Il s’agit quasi-exclusivement de
préservatifs masculins (n=63), l’intervention s’accompagnant parfois d’une démonstration de la pose lorsque
les pratiques évoquées dans les échanges présentent une mauvaise utilisation du préservatif.
Des orientations vers des structures (n=243) ont été également proposées lors de plus de 80 entretiens. Des
éléments pour une prise en charge autour de la santé sexuelle ont été transmis par les intervenants (n=164)
comme les contacts des dispositifs nationaux de SIS Association tels que les numéros verts Sida Info Service,
Hépatites Info Service, Ligne Azur ou SIS + (n=53). En cohérence avec la présence importante du thème du
dépistage dans les entretiens, des informations concernant les TROD ont été fréquemment données (n=37),
ainsi que des orientations vers le médecin traitant (n=23), les CDAG-CIDDIST (n=29) ou encore les laboratoires
SIS Association – Observatoire – LRE Nantes 2013
8
(n=17), et, de manière plus rare, vers le Centre de santé sexuelle, le 190, à Paris. Des cas plus particuliers ont
nécessité une orientation vers un dermatologue et une autre vers une hospitalisation. Des éléments pour une
prise en charge plus psychosociale des HSH ont aussi été transmis par la délégation SIS Nantes à l’issue des
entretiens sur les LRE (n=79), concernant majoritairement des lieux de sociabilité comme des groupes
d’entraides destinés aux hommes mariés et gérés par le CLGBT (n=23), les conviviales du Centre LGBT de
Nantes (n=17), l’association de lutte contre l’isolement et le suicide Recherche et Rencontre (n=9), AIDES (n=4),
SOS Homophobie (n=6), SOS Amitié (n=1), la Conviviale Trans (n=1) ou encore l’association des policiers et
gendarmes gays et lesbiens de France, FLAG (n=2). Certaines personnes ont aussi été orientées vers des
psychologues (n=10).
Par ailleurs, les réactions des HSH des LRE lors des prises de contacts par les intervenants semblent variées. Si
certains peuvent se sentir agressés, restent distants, adoptent un discours correspondant à celui attendu ou
précisent la difficulté de parler de leur sexualité avec des professionnels, voire d’exprimer des doutes sur
l’utilité de l’intervention, un grand nombre d’entre eux sont demandeurs d’informations et/ou d’orientation et
explicitent leur besoin d’échanges.
Enfin, une confiance se crée au cours des échanges : si les HSH rencontrés ne sont que 46,1 % à être confiant
ou plutôt confiant envers l’intervenant en début d’entretien, ils sont 74,2 % à l’être en fin d’entretien. Ainsi, six
entretiens sur dix sont clôturés par l’intervenant, et démontrent certaines attentes chez ce public qui se
distingue de celui fréquentant les lieux de sociabilité identitaires plus classiques.
SIS Association – Observatoire – LRE Nantes 2013
9