Les contes de fées dans l`Art Contemporain

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Les contes de fées dans l`Art Contemporain
Le 24 novembre 2011
Les contes de fées dans l’Art Contemporain
Olivier DUQUENNE, Historien de l’art et critique d’art indépendant,
Maitre de conférences à l’Université de Liège, Professeur d’histoire de l’art à l’Académie de
Namur, aux Facultés de Gembloux et à l’Ecole Supérieure des Arts de l’image « Le 75 »
L’exposition Pinocchio qui se tient actuellement à la Maison de la Culture de Namur a deux
objectifs :
• Montrer combien les contes de fées et les personnages qui y sont décrits sont
toujours d’actualité ;
• Briser les fausses idées reçues telles que « les contes de fées sont à l’origine
destinés aux enfants ».
Les premiers contes de fées étaient des contes oraux avant de devenir des contes littéraires.
Il s’agissait d’histoires angoissantes (ex. belles-mères cannibales).
Actuellement, de nombreux contes de fées sont connus principalement au travers de Walt
Disney.
Olivier Duquenne dresse un historique des contes de fées à travers les âges :
• Les personnages de contes de fées remontent très loin.
o La fée est née de la mythologie grecque et même avant : Vénus et Diane. Ces
fées étaient belles mais redoutables étant donné leur pouvoir. Les fées ont
toujours vécu près de l’eau et des arbres.
o A côté des fées, il y a des monstres, tels que les ogres (Cronos).
• Les contes de fées se constituent surtout au 11e et au 12e siècle : Marie de France
écrit des histoires de dragons, de princesses. Le côté fantastique des contes de fées
apparait. Les fées Morgane et Mélusine sont des personnages du cycle arthurien. Le
pommier a toujours été assimilé à la femme ; la pomme est le signe de la sensualité.
• Au 13e siècle, avec Perceforest, apparait pour la première fois le personnage de la
belle au bois dormant.
• Au 16e et 17e siècle, les italiens Straparola et Basile introduisent des personnages
comiques dans les contes de fées
• Fin du 17e siècle, Charles Perrault et Madame Le Jumel de Berneville habillent les
histoires populaires de caractéristiques aristocratiques.
• Au 19e siècle, les frères Grimm veulent retourner aux contes oraux et supprimer
certains personnages trop sexuels. L’écriture devient plus basique, plus violente ; les
fins sont tragiques. Andersen aimait moins les contes de fées que ses pièces. Ici, le
merveilleux nait de l’écriture pas de l’ambiance moyenâgeuse.
Les contes de fées ont été analysés par certains auteurs :
1. Bruno Bettelheim « Psychanalyse des contes de fées ». Il considère que les contes
de fées permettent de structurer l’inconscient et de résoudre les problèmes de
l’enfant. Il distingue le moi (partie centrale de la psychologie humaine), le surmoi (les
commandements extérieurs) et le ça (envies, désirs profonds). Il faut équilibrer les
pulsions du ça et du surmoi.
Quelques œuvres commentées par Bruno Bettelheim :
• « Les cellules » ou les araignées gigantesques de Louise Bourgeois (1991) =
souvenirs douloureux, revanche sur le père.
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•
Blanche Neige ou les périls des miroirs narcissiques. Les sept nains sont des
adultes enfants qui refusent la sexualité. Trois objets sexuels sont présentés à
Blanche Neige : un lacet de corset, un peigne et une pomme.
2. Marie Louise von Franz (héritière des découvertes de Jung) « Interprétation des
contes de fées ». Le soi, individuel et collectif, constitue notre totalité psychique. Il
faut combattre et avaliser sa part d’ombre pour arriver à sa propre réalité psychique.
Les contes de fées nous appellent à trouver cet équilibre.
3. Jack Zipes « Les contes de fées et l’art de la subversion » : contrairement à
Bettelheim, il considère que les contes de fées ne sont pas thérapeutiques, et qu’ils
peuvent traumatiser. Les personnages sont stéréotypés : princes charmants, femmes
soumises et travailleuses (ménage).
4. Vladimir Propp « Morphologie du conte de fées » : il analyse la structure du conte, la
structure du texte et les structures narratives. Les contes de fées sont stéréotypés ;
les personnages sont conçus en fonction de l’intrigue.
Quelques exemples d’œuvres commentées par Olivier Duquenne :
• Jim Dine - Two thives, One Liar : Le Pinocchio de Carlo Collodi : le long parcours
pour devenir adulte; grandir, c’est également recevoir des coups.
• Paul McCarthy – Pipenose household dilemna (1994): body art. Et si on était tous
des marionnettes qui regardent des marionnettes qui font comme nous?
• Kiki Smith – Born : auteur fasciné par les corps. La petite fille vit une filiation avec le
loup. La femme descend du loup physiquement et spirituellement.
• Anna Gaskell – Photographies – surtout des représentations d’Alice, souvent peu
rassurantes. Il y a toujours une ambiguïté dans ses photos.
• Alice Anderson – Doll’s Day : des films qui racontent des univers proches des contes
de fées. L’auteur a fait réaliser son double en forme de marionnette et la représente
dans un cercueil (perte de soi ?).
• Anthony Giocolea - Class Picture: Représentation multiple de l’auteur. L’innocence
des enfants s’effrite au profit de la barbarie.
• Catherine Bay – Blanche Neige avec une kalachnikov, jurant ou très cool …
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