PHÉNOMÈNES DE CORROSION

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PHÉNOMÈNES DE CORROSION
PHÉNOMÈNES DE CORROSION
I-Phénomènes de corrosion
1) Importance du phénomène
Dans ce chapitre, on applique les résultats de la thermodynamique et de la cinétique à l’altération
des métaux au contact d’un milieu aqueux (ou d’air humide): ces phénomènes de corrosion
jouent un rôle essentiel dans notre vie quotidienne (boîtes métalliques pour la conservation
des aliments et des boissons, ouvrages d’art en fer, différentes prothèses,... ).
L’importance économique est énorme également: on considère que chaque année, la corrosion humide provoque la destruction de 150 millions de tonnes de fer ou d’acier, soit environ le cinquième de la production mondiale
Au remplacement des pièces corrodées s’ajoute celui des arrêts de fonctionnement nécessaires à leur
changement ou à leur réparation. La prévision des phénomènes de corrosion et la protection
des métaux corrodables est donc un objectif industriel prioritaire.
2) Définition
Déf: La corrosion désigne l’ensemble des phénomènes par lesquels un métal ou un alliage métallique tend à s’oxyder sous l’influence de réactifs gazeux ou en solution.
Elle est dite sèche lorsque les agents oxydants ne sont pas en solution.
Elle est dite humide dans le cas contraire.
On envisage plus particulièrement ici la corrosion humide :
Si le métal M est oxydé à l’état de cation Mn+, il se produit donc M(S) → Mn+ + ne–.
Cette réaction électrochimique exige la présence d’un oxydant Ox susceptible de capter les électrons, selon par exemple Ox + ne–→ Red (en supposant pour simplifier que le nombre n
d’électrons échangés par les deux couples Mn+ / M(S) et Ox / Red est le même).
Le bilan de corrosion d’un métal est donc
M(S) + Ox = Mn+ + Red
On peut remarquer que, après cette réaction de corrosion, le l’élément M se retrouve dans l’état
d’oxydation originel qu’il avait dans les minerais à partir desquels il a été élaboré.
Remarques: Ÿ L’oxydation d’un métal peut avoir lieu dans une atmosphère sèche, par exemple avec
O2(G), Cl2(G) ou tout autre milieu oxydant. Comme on l’a vu, cette étude peut être faite grâce
aux diagrammes d’Ellingham.
Ÿ Par contre la corrosion que nous allons étudier a essentiellement lieu à la température ambiante. Même en présence d’une atmosphère gazeuse, on ne peut exclure toute trace
d’humidité. L’atmosphère terrestre contient toujours un peu de vapeur d’eau: par condensation
sur les pièces métalliques, il se forme une mince pellicule d’eau qui contient divers substances
présentes dans l’atmosphèrer: O2, CO2, etc …. Cela ramène donc à l’étude de la corrosion
humide.
3) Piles de corrosion
Le métal dont on étudie la corrosion fait partie, en général, d’une pile électrochimique dans laquelle
les deux électrodes sont directement en contact, c’est-à-dire court-circuitées du point de vue
du passage des électrons: c’est ce que l’on appelle une pile de corrosion.
On trouve essentiellement deux types de piles de corrosion.
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a) piles avec électrodes différentes
Très souvent, dans l’industrie, des pièces métalliques sont constituées de métaux différents liés
entre eux: il suffit que ces métaux soient en contact avec de l’eau pour réaliser une pile (par
exemple, dans une installation de chauffage central, l’eau est amenée par une canalisation en
cuivre et le radiateur est en fer ou en fonte).
Réalisons les deux expériences suivantes
Cu(S)
Deux électrodes court-circuitées, l’une de fer et l’autre de cuivre, plongent Fe(S)
–1
dans une solution de NaCl à 1 mol.L environ (milieu simulant l’eau
de mer). Ajoutons dans cette solution un peu d’orthophénanthroline.
Après environ 1/2 h, on constate un rosissement de la solution traduisant la
présence d’ions Fe2+ qui donnent avec l’orthophénanthroline un
complexe rose.
Na+, Cl—
Il y a donc eu oxydation, c’est-à-dire corrosion du fer, selon:
E°
Fe(S) → Fe2+ + 2 e–
Cu2+
L’électrode de cuivre est donc le siège d’une réaction de réduction. Ce ne peut
0,34 V
Cu
(S)
être Cu(S) qui est à l’état d’oxydation le plus bas. Grâce à la phénolphtaléine,
Fe2+
—0,44
V
on peut montrer que la solution devient basique au voisinage du cuivre. On
Fe(S)
envisage donc:
H2O + e– → ½ H2(G) + OH–,
d’où le bilan
Fe(S) + 2 H2O → Fe2+ + H2(G) + 2 OH–.
Bien entendu, on peut remarquer que des deux métaux en contact, c’est le plus électropositif donc le
plus réducteur qui s’est oxydé.
Refaisons l’expérience en remplaçant le cuivre par du zinc. Cette fois l’ajout Fe
Zn(S)
(S)
d’orthophénanthroline ne permet pas de détecter la présence de Fe2+.
Par contre, on voit apparaître un trouble blanchâtre au voisinage de
l’électrode de zinc par suite de la formation de Zn(OH)2(S) : il y a eu
oxydation du zinc, la réduction de l’eau ayant lieu sur l’électrode de fer
qui se trouve donc protégée.
Na+, Cl
Les ions OH–, provenant de H2O + e– → H2(G) + OH–, donnent un
précipité avec Zn2+. On prévoit donc le bilan:
E°
Zn(S) + 2 H2O = Zn(OH)2(S) + H2(G)
Fe2+
On vérifie que les valeurs des potentiels standard permettent d’interpréter ces obser- —0,44 V
vations.
Fe(S)
Zn2+
Remarque: Dans les deux expériences, si on laisse le phénomène se dérouler, on
—0,76 V
Zn(S)
constate une consommation des électrodes qui se corrodent (fer pour 1 et zinc
pour 2).
Conclusion: Lorsque deux métaux constituent une pile de corrosion, c’est le plus électropositif
(celui qui a le plus petit E°) qui se corrode.
Du même coup, nous avons mis en évidence une méthode pour protéger un métal de la corrosion :
le relier à un autre métal plus électropositif que lui.
Dans la pratique, même si un métal est seul, il peut donner lieu à des piles de corrosion
Ÿ si c’est un alliage, ses différents constituants jouent le rôle d’électrodes ;
Ÿ si la structure microscopique présente des défauts,
Ÿ s’il est soumis à des contraintes mécaniques, thermiques, etc...
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b) piles de concentration
α) un exemple de pile de concentration
On réalise une pile dans laquelle deux électrodes identiques de fer plongent dans deux solutions
différentes de Fe2+, l’une concentrée à droite et l’autre diluée à gauche, le circuit électrique
étant fermé par un pont électrochimique (gel contenant un électrolyte, type NH4+, NO3–).
Fe(S)
Fe(S)
G
PONT
[Fe2+] = 0,01 mol.L —1
D
[Fe2+] = 0,1 mol.L—1
Ce système ne peut pas être en équilibre, car les concentrations de Fe2+ ne sont pas les mêmes dans
les deux compartiments :
E( G )
F
GH
I
JK
F
GH
[ Fe 2 + ]( G )
[ Fe 2 + ]( D )
0,059
0,059
= E °+
log
< E( D ) = E °+
log
2
c0
2
c0
I
JK
car [Fe2+](D) > [Fe2+](G).
Le retour à l’équilibre va entraîner l’égalité des potentiels donc des concentrations.
On va donc observer:
Ÿ dans le compartiment droit, une réduction selon
Fe2+ + 2e– → Fe(S)
Ÿ dans le compartiment gauche, une oxydation selon
Fe(S) → Fe2+ + 2e–
Il y a donc corrosion du fer dans la solution la plus diluée.
Par contre, on note un dépôt de fer sur l’électrode de droite.
On constate que le fonctionnement de cette pile de corrosion est lié aux concentrations différentes
de Fe2+, c’est-à-dire de l’oxydant dans les deux compartiments.
β) la pile d’Evans
Réalisons la pile suivante: deux électrodes identiques en fer plongent dans deux solutions identiques
de NaCl reliées par un pont électrochimique.
La solution du compartiment de gauche a été portée à ébullition pour en chasser l’air alors que l’on
fait barboter de l’air dans la solution du compartiment de droite. Grâce à
l’orthophénanthroline, on met en évidence la formation d’ions Fe2+ dans le compartiment de
gauche selon
Fe(S) → Fe2+ + 2 e–
il y a corrosion du fer dans ce compartiment.
Dans le compartiment de droite, on constate, grâce à la phénolphtaléine, que la solution devient basique. On envisage donc la réduction du dioxygène au contact du fer selon
½ O2 + H2O + 2e– → 2 OH–
(Cette réaction est prédominante sur la réduction de l’eau dès que la quantité d’oxygène est suffisante.)
L’équation bilan de la pile s’écrit: Fe(S) + ½ O2 + H2O = Fe2+ + 2 OH–
puis Fe2+ + 2 OH– = Fe(OH)(S).
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On constate que c’est dans la zone la moins oxygénée que le fer se corrode. Ce phénomène est très
général et se manifeste en présence d’une aération différentielle (la concentration en O2 est
alors différente d’une région à l’autre).
4) Micropiles
a) phénomène de micropile
En pratique, la corrosion à lieu sur une plaque métallique s’il y a contact avec un autre métal
moins réducteur ou avec des régions de la solution aqueuse présentant des concentrations
différentes.
Les expériences montrent que l’oxydation du métal (par exemple le fer) et la réduction de
l’oxydant (les cations ou le dioxygène) ont lieu simultanément, mais dans des zones différentes de la pièce métallique.
Les électrons mis en jeu passent de la zone d’oxydation du métal à la zone de réduction de
l’oxydant en se déplaçant à l’intérieur de la pièce métallique tandis qu’un déplacement
d’ions dans la solution vient fermer le circuit des charges électriques.
La présence d’ions (comme Na+ et Cl–) dans la solution en contact avec le métal rend cette solution plus conductrice, ce qui accélère la corrosion du métal.
Cette situation est semblable à celle qui caractérise les piles électrochimiques vues ci-dessus: les
réactions électrochimiques d’oxydation et de réduction s’y déroulent en des lieux différents,
les charges circulant sous la forme d’électrons dans les électrodes et les fils de jonction, et
sous la forme d’ions dans les solutions et le pont de jonction.
Par analogie, on appelle micropile, le dispositif responsable de la corrosion dans un cas semblable.
La corrosion qui fait intervenir des micropiles est dite électrochimique, car, contrairement à une
réaction chimique rédox, elle se produit sans échange direct des électrons du réducteur vers
l’oxydant. Le transfert se fait via le métal.
La région correspondant au pôle positif de la micropile, la cathode, est celle où se déroule la réduction.
La région correspondant au pôle négatif de la micropile, l’anode, est celle où se déroule l’oxydation.
b) facteurs favorisant la corrosion
Dans la corrosion par l’oxygène, c’est dans la partie la moins
eau + air
aérée que le métal va s’oxyder région anodique) alors que zone de corrosion
dans la partie la plus aérée on observera une réduction de
Fer
O2 (région cathodique).
Ainsi, si une pièce en fer présente une fissure, c’est dans la partie
la plus profonde de la fissure, donc la moins aérée, que se produit la corrosion : celle-ci se
produit en profondeur pouvant entraîner la perforation s’il s’agit d’une plaque.
Conclusion: Lorsqu’un métal plonge dans une solution présentant des hétérogénéités, il y a corrosion:
Ÿ dans la zone la plus diluée (s’il existe un gradient de cations dans la solution);
Ÿ dans la zone la moins aérée.(s’il existe un gradient en teneur de dioxygène);
D’autres causes d’hétérogénéité du système peuvent intervenir:
Ÿ contact entre deux métaux différents ou gradient de composition dans le cas d’un alliage;
Ÿ gradient de température;
Ÿ surface relative des anodes et des cathodes. Une grande cathode associée à une petite anode
conduit à une densité de courant anodique très élevée et donc à une corrosion localisée, par
piqûres par exemple.
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II-Prévision des phénomènes
1) Étude thermodynamique
a) conventions pour les tracés des diagrammes E - pH
La facilité thermodynamique de corrosion d’un métal donné en fonction du pH est bien visualisée
par le diagramme potentiel-pH; mais la corrosion étant un phénomène étalé dans le temps, les
concentrations des espèces métalliques produites sont généralement faibles: les diagrammes
sont donc tracés avec une concentration de travail égale à 1 µmol.L–1.
Par ailleurs, l’expérience montre que les solides qui se forment sont le plus souvent des oxydes et
non les hydroxydes car, si ceux-ci se forment plus rapidement, ils sont généralement moins
stables que les oxydes correspondants. Ainsi, dans le cas du fer, l’oxyde Fe2O3 apparaît à la
place de l’hydroxyde Fe(OH)3.
En revanche, l’oxyde de fer (II) FeO n’est pas stable à la température ordinaire (voir chapitre sur les
diagrammes d’Ellingham) et n’est donc pas pris en compte.
b) exemple du zinc
α) Données
On reprend l’étude faite dans le chapitre sur les diagrammes potentiel - pH, aussi celle-ci sera
conduite plus rapidement.
Espèces choisies: Zn(S), Zn2+, Zn(OH)2(S) et Zn(OH)42–. En fait, il existe plusieurs variétés cristallines de précipités d’hydroxyde de zinc et d’oxyde de zinc ZnO(S); leur produit de solubilité
étant du même ordre de grandeur, on n’en tiendra pas compte dans la suite.
Constantes thermodynamiques: E°= –0,76 V pour Zn2+/Zn(S); pKS = 16 pour Zn(OH)2(S) et
log β4 = 15,5 pour Zn(OH)42–
β) frontières non rédox
Les frontières sont tracées avec une concentration de 10–6 mol.L–1.
On calcule le pH de précipitation de Zn(OH)2(S). A l’équilibre de saturation [Zn2+][OH–]2 = KS d’où
[OH–]2 = 10–16.106 ce qui conduit à pH1 = 9.
On calcule également le pH de disparition du précipité par formation de Zn(OH)42– suivant le bilan:
Zn(OH)2(S) + 2 OH– = [Zn(OH)4]2–
dont la constante K° vaut β4KS soit K° = 10–0,5. A l’équilibre, on a la relation K ° =
[[ Zn(OH) 4 ]2 − ]. c0
[OH − ]2
avec [[Zn(OH)4]2–] = 10–6 mol.L–1 d’où pH2 = 11,25.
γ) frontières rédox
Un seul couple redox est à étudier, le système II/0. On a donc, dans les trois domaines de pH :
u pH ≤ pH1
La ½ équation s’écrit Zn2+ + 2e– → Zn(S), soit
E = E °+
FG
H
0,059
[ Zn 2+ ]
log
2
c0
IJ
K
[Zn2+] = 10-6 mol.L-1 d’où E = – 0,94 V.
u pH1 ≤ pH ≤ pH2
On a vu que, dans ce domaine, [Zn2+] =
KS [ H 3O + ]
d’où
KE2
E = –0,40 – 0,059 pH
u pH ≥ pH2
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avec
L’espèce prédodominante est l’ion zincate, [Zn(OH)4]2–. Comme la condition d’équilibre de formation s’écrit:
[[ Zn(OH) 4 ]2 − ]. c04 [[ Zn(OH) 4 ]2 − ][ H 3O + ]4
, on obtient
β4 =
=
[ Zn 2+ ][OH − ]4
[ Zn 2+ ]. c04 . KE4
E = −0,76 −
FG
H
0,059
0,059
[[ Zn(OH) 4 ]2 − ]
log β 4 KE4 − 2 × 0,059. pH +
log
2
2
c0
IJ
K
avec [[Zn(OH)4]2–] = 10–6 mol.L–1 d’où
E = 0,275 – 0,12 pH.
δ) tracé du diagramme
Avec les résultats précédents, on trace le diagramme E
9,0
11,25
sur lequel on a indiqué la droite de réduction de
l’eau:
pH
H2O
La position de la droite de l’eau montre que le Zn
métal ne peut pas coexister avec une phase
H2(G)
aqueuse sans être oxydé.
Cependant, l’expérience montre que dans la zone
Zn(OH)2(S)
Zn2+
d’existence de Zn(OH)2(S), le métal semble staPASSIVATION
ble: il a en fait subi une corrosion uniforme qui
CORROSION
[Zn(OH)4}2–
l’a recouvert d’une couche quasi invisible de
Zn(OH)2(S). Cette couche, adhérente et imperCORROSION
Zn(S)
méable, empêche tout contact ultérieur entre le
métal et la solution, ce qui interdit la poursuite
IMMUNITE
de l’attaque en profondeur: on dit que le zinc est
passivé par la couche d’hydroxyde.
Ce phénomène est assez général. On peut souvent définir, sur le diagramme E-pH d’un élément
métallique, trois domaines :
Ÿ le domaine d’immunité: toute attaque du métal est thermodynamiquement impossible car
le métal est l’espèce stable dans ce domaine;
Ÿ le domaine de corrosion: l’attaque du métal est thermodynamiquement possible et conduit
à des espèces solubles ou perméables, ce qui permet la poursuite de l’oxydation du métal;
Ÿ le domaine de passivité: une attaque du métal est thermodynamiquement possible, mais
l’oxyde formé constitue une couche imperméable qui rend une attaque ultérieure infiniment
lente.
Ces trois domaines sont représentés sur le diagramme ci-dessus.
c) exemple du fer
α) données
Espèces choisies: Fe(S), Fe2+, Fe3+, Fe(OH)2(S) sont des espèces déjà rencontrées dans le diagramme
potentiel-pH du fer étudié précédemment.
Par contre, l’hydroxyde ferrique Fe(OH)3(S), est remplacé par l’oxyde Fe2O3(S) beaucoup plus stable.
Pour le fer (II), il apparait une nouvelle espèce soluble en milieu basique, l’ion HFeO2–.
On constate que, contrairement au cas du zinc, les espèces envisagées sont différentes dans l’étude
de la corrosion.
Constantes thermodynamiques: on a toujours E°1 = 0,44 V pour Fe2+/Fe(S), et E°2 = 0,77 V pour
Fe3+/Fe2+.
Pour Fe(OH)2(S), le produit de solubilité vaut toujours 10-15 (pKs = 15). Par contre, on est obligé de
définir un deuxième produit de solubilité :pour le bilan:
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Fe(OH)2(S) = HFeO2– + H+ pKS’ = 18,3.
Enfin, pour l’oxyde ferrique, Fe2O3, on définit un produit de solubilité pour le bilan:
½ Fe2O3 + 3 H2O =Fe3+ + 3 OH–
pKS" = 43.
β) frontières non rédox
Il faut calculer le pH d’apparition de Fe2O3(S): la condition d’équilibre s’écrit numériquement
10–43 = 10–6.[OH–]3 d’où pH1 = 1,67.
Pour le système II/0, on a successivement:
Ÿ apparition de Fe(OH)2(S) si KS = 10–6.[OH–]2 d’où pH2 = 9,5.
Ÿ disparition de Fe(OH)2(S) selon Fe(OH)2(S) = HFeO2– + H+ pour KS’ = 10–6.[H3O+] d’où
pH3 = 12,3.
γ) frontières rédox
Cette fois-ci, on doit étudier successivement les deux couples rédox
u couple II/0
On a Fe2+ + 2 e– → Fe(S) et E = 0,44 + 0,03 log
FG [Fe ]IJ
H c K
2+
0
On calcule donc, suivant le domaine de pH:
Ÿ pH ≤ 9,5: alors [Fe2+] = 10–6 mol.L–1 , d’où E = – 0,62 V.
Ÿ 9,5 ≤ pH ≤ 12,3 : [ Fe 2+ ] =
KS . c0 3
K
= S2 [ H 3 O + ] et l’on calcule E = – 0,05 – 0,059 pH
- 2
[OH ]
KE
Ÿ pH ≥ 12,3: la droite passant par le point de coordonnées (pH = 12,3, E =– 0,79 V) (par
continuité de la frontière), on peut se contenter de calculer sa pente. La ½ équation rédox
s’écrit
HFeO2– + 3 H3O+ + 2 e–→ Fe(S) + 5 H2O
F [HFeO ][H O ] I puis E = A – 0,09 pH. En exploitant la continuité
GH c
JK
+ 3
donc on a E = E° + 0,03 log
2
3
4
0
de la frontière, on trouve E = 0,319 – 0,09 pH.
u couple III/II
On a Fe + e → Fe
3+
–
2+
F [Fe ]IJ
et E = 0,77 + 0,059 logG
H [Fe ]K
3+
2+
On calcule donc, selon le domaine de pH:
Ÿ pH ≤ 1,67: E = 0,77 V
Ÿ 1,67 ≤ pH ≤ 9,5: on a précipitation de Fe2O3(S) donc
KS ". c0 4 KS ".[ H 3O + ]3
[Fe ] =
et [Fe2+] = 10–6 mol.L–1 d’où E = 1,07 – 0,18 pH.
=
2
− 3
3
[OH ]
KE . c0
3+
Ÿ 9,5 ≤ pH ≤ 12,3: on a toujours [Fe3+] =
donc [ Fe 2 + ] =
KS ".[ H 3O + ]3
et aussi précipitation de Fe(OH)2(S)
KE3
KS . c0 3
KS .[ H 3O + ]2
d’où E = – 0,07 – 0,059 pH
=
[OH − ]2
KE2 . c0
Ÿ pH ≥ 12,3: on opère par continuité en cherchant seulement la pente de la droite. La ½ équation rédox s’écrit:
½ Fe2O3(S), + ½ H2O + e– → HFeO2–
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d’où E = E40 + 0,059 log
F c I.
GH [HFeO ]JK
0
−
C’est une droite de pente nulle dont l’ordonnée vaut
2
-0,07 - 0,059.12,3 soit E = – 0,80 V.
δ) tracé du diagramme
Avec les résultats précédents, on trace le diagramme potentiel-pH. La frontière III/II est en traits
pleins, la frontière II/O en pointillé.
E
On constate que la frontière III/II passe au dessous
Fe3+
Fe2O3(S)
de la frontière II/0 pour des pH compris entre
0,77
9,4 et 12,5. Dans ce domaine, l’état II du fer
(représenté par Fe(OH)2(S)) n’est pas stable. Il
faut étudier la frontière du couple III/0.
9,5
12,3
La ½ équation est
pH
1
9
2+
+
–
Fe
Fe2O3(S) + 3 H3O + 3 e → Fe(S) + H2O
2
2
Fe(OH)2(S)
–0,62
dont le potentiel est E = E°5 – 0,059 pH. La droite
représentative passe par les points (pH=9,4,
E=– 0,62 V) et (pH = 12,5, E = – 0,81 V). Le
HFeO2–
Fe(S)
diagramme devient le suivant (on a ajouté la
droite de réduction de l’eau):
La position de la droite de l’eau montre que le Fe
métal ne peut pas coexister avec une phase
aqueuse sans être oxydé.
Sur le diagramme apparaissent les différents
domaines:
Ÿ corrosion: en milieu acide, le fer est
oxydé en Fe2+ puis éventuellement en Fe3+.
(En milieu très basique, il se forme également l’ion ferrite HFeO2–).
Ÿ immunité: celle-ci s’étend dans tout le
domaine de stabilité du métal.
Ÿ passivation: celle-ci résulte de la formation d’une couche d’oxyde ferrique
protectrice, pour des pH intermédiaires.
E
Fe3+
Fe2O3(S)
0,77
Fe2+
CORROSION
H2O
9,4
12,5
pH
PASSIVATION
H2(G)
–0,62
Fe(S)
HFeO2–
IMMUNITE
CORROSION
2) Étude cinétique
On sait qu’une réaction thermodynamiquement possible peut ne pas se produire si sa vitesse est trop
faible, autrement dit la corrosion thermodynamiquement possible (domaine de corrosion du
diagramme précédent) est conditionnée par une cinétique favorable.
Or on a vu dans le précédent chapitre que la cinétique redox était étudiée grâce aux courbes intensité-potentiel I = f(V). On rappelle que ces courbes I = f(V) sont d’origine expérimentale.
a) potentiel mixte
On considère, par exemple, la réaction de corrosion du fer en présence de
cuivre vue au paragraphe I-3-a.
On trace les courbes I = f(V) mises en jeu:
Ÿ l’électrode de fer est oxydée et joue donc le rôle d’anode selon
Fe(S) → Fe2+ + 2 e–. C’est la courbe (1) du diagramme.
Ÿ sur la cathode en cuivre a lieu la réaction de réduction :
Chimie des matériaux
Phénomènes de corrosion
(1)
I
Fe(S)→ Fe2+
A
M
IA
C
IC = —IA
½ H2(G) ← H2O
(2)
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V
H2O + e–→ ½ H2(G) + OH– , c’est la courbe (2) du diagramme.
Les deux électrodes étant en contact ont le même potentiel . Par ailleurs, le courant d’oxydation (IA)
est égal au courant de réduction (IC), en valeur absolue (la quantité d’électricité cédée par la
réaction (1) est la même que la quantité d’électricité acceptée par (2) et ceci pour n’importe
quelle durée).
Il en résulte que le point de fonctionnement M est tel que MA = − MC .
Le potentiel du point M est appelé potentiel mixte, car c’est le potentiel commun des deux métaux
en contact. On l’appelle également potentiel de corrosion.
b) condition cinétique de la corrosion
On généralise l’étude précédente à un métal quelconque.
Un métal M est corrodé (selon M(S) → Mn+ + n e–) si sa courbe
d’oxydation anodique I = f(V) admet des valeurs de V communes
avec une courbe de réduction (de H2O) sur un autre métal (les
deux courbes ayant la disposition relative des courbes (1) et (2) de
la figure étudiée ci-dessus.
Dans le cas de la figure ci-contre, le métal M n’est pas corrodé par
l’oxydant Ox.
I
M(S)→ Mn+
V
Red ← Ox
c) vitesse de corrosion (complément)
L’étude théorique des courbes I = f(V) est complexe et sort du cadre du programme.
V
V0
On peut montrer que l’intensité I varie exponentiellement avec la tension V selon I = I 0e , I0 et V0
étant des constantes. On peut l’écrire également, en valeurs numériques:
V = a + b.log(|I|)
(loi de Tafel)
Ce choix de la valeur absolue de i permet d’étudier de même la réduction cathodique, i étant négatif
dans ce cas.
On peut reprendre la représentation des courbes I = f(V) en utilisant les coordonnées semilogarithmiques log |I| et V.
V
On obtient le diagramme de Tafel suivant:
(1)
M
La droite (1) correspondant à l’oxydation, V = a + b log(IA) a une pente posiVM
tive, par contre la droite (2) correspondant à la réduction,
(2)
V = a’ + b’ log(|IC|) a une pente négative.
log |I
Les deux droites de Tafel se coupent en un point M dont les coordonnées
sont:
log ICOR
Ÿ VM: potentiel mixte ou potentiel de corrosion
Ÿ log(ICOR) permettant de mesurer le courant de corrosion, donc la vitesse de corrosion.
d) phénomène de passivité
On a vu que certains métaux peuvent, en présence d’un oxydant, former à leur surface un film
d’oxyde fin, adhérent et continu. Ils sont pratiquement inertes même dans des milieux agressifs comme le milieu marin. C’est le cas du chrome, de l’aluminium, du titane, ...
I
On peut mettre en évidence ce phénomène par la courbe I = f(V). Le
pic de la courbe correspond à la formation du film d’oxyde, puis
H2O → O2(G)
I décroît brusquement pour devenir très faible quand le film est
formé. La vitesse de corrosion du métal est alors nulle
Fe(S) → Fe2+
Le métal est passivé si le potentiel est supérieur au potentiel V1.
V
V1
V2
A partir du potentiel V2, apparaît l’oxydation de l’eau.
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III-Méthodes de protection
Ce dernier paragraphe les différents moyens de protéger le fer, métal très utilisé dans la vie quotidienne, contre la corrosion.
1) Les différents types de protection
a) passivation
Dans le cas de l’aluminium, du zinc, du cuivre ou d’autres métaux, une couche superficielle et imperméable d’oxyde se forme spontanément et rapidement dans l’air, empêchant l’oxydation
de se poursuivre.
Dans le cas du fer, la couche d’oxyde qui se forme n’est pas assez imperméable et ne protège pas
efficacement le métal.
L’acier ordinaire est un alliage de fer et de carbone contenant de 0, 15 % à 0,85 % (en masse) de
carbone; la présence de carbone améliore beaucoup les propriétés mécaniques du fer sans pour
autant réduire sa vulnérabilité à la corrosion.
En revanche, si l’on ajoute du chrome au fer, l’alliage obtenu résiste beaucoup mieux à la corrosion.
Dès que le pourcentage massique en chrome dépasse 12 % environ, on obtient de l’acier
inoxydable.
En général, les aciers inoxydables contiennent, en plus du chrome, des métaux comme le nickel ou
le molybdène ; le chrome et le nickel coûtant cher, les aciers inoxydables sont réservés à des
usages particuliers. 85 % de l’acier utilisé est donc de l’acier ordinaire qu’il est nécessaire de
protéger contre la corrosion.
b) traitements de surface
La corrosion étant provoquée par le contact du métal avec l’air ou avec une solution, on évite ce
contact en revêtant la surface métallique d’une couche imperméable. Il existe plusieurs traitements protecteurs de ce type:
α) protection physique
On applique un revêtement non métallique: émail, peinture antirouille (à base de minium Pb3O4),
vernis, film de matière plastique, ...
Cette couche doit être très adhérente et recouvrir tout le métal : la protection dure aussi longtemps
que la couche de peinture perdure.
Cette technique simple permet de protéger les ouvrages métalliques (ponts, pylônes électriques,
ferronneries, ... ).
Actuellement, on dépose sur le fer un revêtement plastique permettant de réaliser des clôtures (grillage plastifié).
Il arrive que la couche protectrice présente quelques défauts ponctuels, soit que le revêtement n’ait
pu adhérer parfaitement au fer, soit qu’un choc ait provoqué une destruction locale de cette
couche. Le fer se trouve donc à nouveau au contact du milieu corrosif.
Lorsque le revêtement est non métallique, il ne peut participer à des réactions électrochimiques.
Aux endroits où celui-ci a disparu, le fer est donc attaqué, comme en l’absence de protection.
β) protection par une couche formée par réaction chimique
On peut généraliser le phénomène de passivation spontané en envisageant la formation d’une couche superficielle protectrice grâce à une réaction chimique: en plongeant une pièce d’acier
dans une solution chaude contenant des ions phosphate ou de l’acide phosphorique, H3PO4,
on provoque l’apparition d’une couche de phosphate de fer imperméable. Cette opération, la
parkérisation, est utilisée dans l’industrie automobile pour protéger les carrosseries.
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Remarque: Dans le cas de l’aluminium, on peut renforcer la protection de l’aluminium en provoquant la croissance de la couche d’oxyde par anodisation, c’est-à-dire, au cours d’une électrolyse où la pièce d’aluminium joue le rôle d’anode. L’aluminium anodisé est de plus en plus
utilisé dans la construction.
γ) protection par un métal
Le dépôt d’une couche d’un autre métal résiste mieux à la corrosion. Ce dépôt peut être réalisé,
soit par électrolyse (chromage, nickelage, argenture, zingage, ... ), soit par immersion dans
un bain de métal fondu (galvanisation).
Lorsqu’il se produit une rayure sur cette couche, une micropile se forme dans la zone où le fer a
été mis à nu.
Ÿ Si le métal de couverture est moins réducteur que le fer (c’est le cas du nickel, du
chrome, de l’étain, ... ), ce dernier joue le rôle d’anode et subit une corrosion accélérée .
Ÿ En revanche, si le métal de couverture est plus réducteur que le fer (c’est le cas du zinc),
le fer joue le rôle de cathode et reste non corrodé.
Conclusion: Si le revêtement protecteur est constitué d’un métal plus réducteur que le fer, celui-ci
est protégé, même si la couche n’est pas parfaitement imperméable. La protection est assurée
tant que la couche n’est pas totalement détruite. Dans tous les autres cas, les défauts du revêtement protecteur sont autant de centres de corrosion du fer.
c) protection par une anode artificielle
Dans une micropile, le fer est corrodé là où il joue le rôle d’une anode fournissant les électrons nécessaires à la réduction des agents de corrosion, tels que le dioxygène. Pour le protéger, on
constitue un circuit électrique dans lequel il joue désormais le rôle de cathode ; le fer reçoit
alors un courant d’électrons, de sorte que le dioxygène est réduit à son contact sans que luimême soit attaqué. Il suffit, pour cela, de le relier à un métal plus réducteur que lui qui subit
l’oxydation à sa place. On constate qu’il y a consommation du métal de l’anode, au cours de
la corrosion de celle-ci, aussi parle-t-on d’anode sacrificielle.
La vitesse de corrosion du métal peut se déterminer grâce au diagramme de Tafel lorsque les courbes I = f(V) sont connues.
Bien entendu, la protection du fer cessera lorsque l’anode aura été entièrement consommée.
Ce type de protection est très utilisé car il est plus facile à mettre en œuvre que la protection par une
couche qui demande un dépôt très adhérent, donc un traitement de surface approprié.
d) protection électrochimique
α) Protection cathodique
On relie le fer à protéger au pôle négatif d’un générateur électrique de telle sorte que le point de
fonctionnement soit dans le domaine d’immunité du fer, le pôle ⊕ étant relié à une anode
inerte.
β) Protection anodique
Cette fois-ci le fer est relié au pôle ⊕ d’un générateur de telle sorte que le point de fonctionnement
soit dans le domaine de passivation du fer, le pôle – étant relié à une cathode inerte.
Ces méthodes sont beaucoup moins souples que les précédentes.
e) conclusion
On a examiné les procédés usuels les plus courants de protection du fer contre la corrosion. Les causes de la corrosion ont été également étudiées, mais on a simplifié cette étude, en particulier le
métal était toujours supposé pur et homogène.
Or, dans la réalité, il n’en est pas ainsi : les métaux présentent des impuretés, des défauts, des tensions internes, ... et toutes ces inhomogénéités sont souvent des causes de corrosion.
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2) Mise en oeuvre du zinc pour la protection de l’acier
Près de 40 % de la production française de zinc est utilisée pour lutter contre la corrosion de
l’acier.
Bien que le zinc [E°(Zn2+/Zn(S)) = – 0,76 V] soit plus réducteur que le fer
[E°(Fe2+/Fe(S)) = -0,44 V], le zinc résiste mieux à la corrosion atmosphérique car il se recouvre d’une couche d’hydrocarbonate de zinc, adhérente et imperméable, qui protège le métal
d’une attaque approfondie. De plus, comme cela a été mentionné au paragraphe III-1-b-α., la
présence de fissures dans la couche de zinc ne fait pas disparaître la protection de l’acier,
d’autant plus que les produits d’oxydation du zinc provoquent souvent le colmatage des fissures.
Le dépôt d’une couche de zinc peut être effectué de plusieurs manières dont les deux principales
sont la galvanisation et l’électrozingage
a) galvanisation
La galvanisation consiste à recouvrir l’acier d’une couche de zinc en le plongeant dans un bain de
zinc fondu. Cette méthode, utilisée depuis le milieu du XIXe siècle, repose sur la différence
des températures de fusion du zinc (θFUS = 419°C) et du fer (θFUS = 1 535 °C). Avant
l’immersion, la pièce en acier a été dégraissée, décapée, préchauffée, ...
La température du bain de zinc, voisine de 450 °C, est suffisante pour que les deux métaux diffusent
l’un dans l’autre en formant plusieurs couches d’alliages.
b) électrozingage
Dans cette méthode, de plus en plus employée, le dépôt de zinc est électrolytique. La pièce à zinguer
joue le rôle de cathode. Le bain électrolytique est une solution concentrée de zinc (II), en général sous forme complexée, [ZnCI4]2– ou [Zn(OH)4]2– et l’anode est en zinc très pur. La teneur en zinc (II) du bain est maintenue constante par dissolution de l’anode. Afin d’obtenir un
dépôt adhérent et bien cristallisé, on opère avec des densités de courant de l’ordre de quelques
centaines d’ampères par m2. L’épaisseur du dépôt est en général comprise entre 5 et 10 µm.
c) anode sacrificielle
Le zinc est utilisé comme anode sacrificielle pour la protection de l’acier.
Ainsi, les coques en acier des navires ou les conduites enterrées sont protégées par des électrodes
de zinc convenablement disposées. L’anode se corrodant, il faut la remplacer périodiquement.
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